Anonyme [1649], LA GAZETTE BVRLESQVE, ENVOYÉE AV GAZETIER DE PARIS. , françaisRéférence RIM : M0_1468. Cote locale : C_5_25.
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LA GAZETTE
BVRLESQVE,
Enuoyée au Gazettier de Paris.

Sum quatuor quæ numquam dicunt satis mare, vulua mulieris
Infernus & Bursa Gazetarij.

C’EST A DIRE

Il y à quatre choses qui ne disent jamais c’est assez :
la Mer, la Matrice de la femme, l’Enfer, & la Bourse
du Gazettier.

De Naples le 4. du mois que l’on mange les Maquereaux frais.

LA Mer ayant esté extraordinairement orageuse a
vomy sur nostre riuage vne telle quantité de Poissons
& de Maquereaux, qu’apres les abondantes prouisions
du public, l’on en a peu encore saler dans des
Bariques pour en fournir à l’Vniuers,

De Milan le quatorziesme du mois que l’on tuë les Pourceaux
pour auoir du boudin.

Il y a eu icy vn si grand meurtre de ces pauures bestes,

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que leurs pleurs & leurs cris du tort que l’on faisoit
à leur innocence alla iusques aux oreilles du Grand Turc
dont il eut grande pitié ; car il les aime fort.

 

De Paris le [1 mot ill.] des Calendes de Iuin.

Il pleût tellement deux iours durant, que les femmes
qui estoient par les ruës descouuroient leur cul pour
couurir leur teste : les Vieillards de nonante ans ne peurent
manger sans ouurir la bouche : les Aueugles ne se
voyoient pas l’vn l’autre : & l’eau ne cessa de couler par
dessous le Pont-Neuf.

De Rome le quatriesme des Nones de May.

Sa Saincteté qui par son soin paternel & pastoral veille
sur son troupeau, voyant approcher l’année du S. Iubilé,
ordonna en son Consistoire tenu ledit iour, que tous les
Princes & peuples Chrestiens & Catholiques en soient
aduertis, & conuiez de se tenir prests pour acquerir les
fruicts de ce celeste tresor : & pour cet effet enuoya par
toute la Chrestienté sa Patente Latine : qui attrapée par
le tout atrapant Gazetier de Paris, qu’il dit luy auoir esté
enuoyée d’icy, par luy traduite en François, imprimée
& venduë auec effronterie parmy les fragmens & haillons
de sa profane boutique pour en faire bourse, ainsi
qu’il fait de tous les autres fatras : ayant rempli cette traduction
de mots nouueaux & vestibules, qui monstrent
qu’il est mal versé au stile Romain. Cependant s’il eust
eu quelque pudeur Chrestienne, il n’eust pas logé cette

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auguste, tres-Chrestienne & diuine piece, dedans sondit
[1 lettre ill.]oureau de l’Adresse, cloaque, sentine, registre & memorial
funeste de tous les meurtres, massacres, incendies,
famines, saccagemens, vols violemens & pilleries
d’Eglises, sacrileges & desolations de toute la Chrestienté :
donc il est le trompette solennel, employant en ces
funestes Relations toute la vigueur de sa rethorique, par
le moyen de quoy il estime s’immortaliser : imitant ce
scelerat qui pour faire parler de luy brusla le Temple de
Diane en Ephese. Il deuoit au moins faire cette traduction
Incognitò, mot qu’il a pris aux Italiens & duquel il
se sert si souuent, & de cette façon il se seroit mis à couuert
du reproche qu’il en reçoit. Mais quoy pour faire
pis que les heretiques, il a voulu incorporer cette precieuse
matiere parmy ses escrits profanes pleins de cadaures,
d’horreurs, de sang & de feu : & sans prendre
garde que son mestier ne se doit point mesler de ce qui
appartient à l’Eglise ; il s’est porté à cette criminelle entre
prise, non pour la decorer, mais pour indignement
autant qu’auarement chercher du lucre, semblable aux
Chauues souris qui n’entrent dans les Temples que pour
boire & succer l’huile des lampes, & ronger les napes
des sacrez Autels.

 

N’auez vous point aussi pris garde qu’au lieu de laisser
à cette sainte piece le titre qu’elle auoit, d’Innocent Euesque,
seruiteur des seruiteurs de Dieu, Il l’a coëffée d’vn preambule
Payen, & Coq à l’Asne, sur la fin duquel en goguenardant
impieusement, il dit qu’il luy prend enuie de
donner au Peuple des Iubilez Vniuersels : Mais les Chevreaux
d’Esope connoissant bien à sa pate de Loup qu’il

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n’est pas leur mere ; & ce langage ne sçauroit estre que
scandaleux aux oreilles des bons Chrestiens ; lesquels
aussi pour estre plus facilement desabusez, sçauront que
toute Traduction, & Impression des Escritures concernant
le S. Iubilé, & autres œuures du Domaine de nostre
Sainte Mere l’Eglise, qui doiuent estre publiées dans
la ville & Diocese de Paris, sont d’ordinaire veuës & approuuées
par Monseigneur l’Illustrissime & Reuerendissime
Archeuesque de Paris, ou par Messieurs ses
Grands Vicaires ; toute autre Version & Impression
estant tenuë fausse & reprouuée.

 

Discours que le Gazetier a mis au commencement de
la Bulle du Iubilé.

Pour le faire sçauoir à toute la Chrestienté.

Bien que ce soit à present vne des plus infaillibles
marques d’honneur que d’estre iniurié dans les
libelles qui courent : ce qui faisoit aussi douter à Themistocles
qu’il eust rien fait de bon, auant qu’on eust mal
parlé de lui, voire attribuer par le feu Duc d’Espernon
son en-bon point aux calomnies de ses medisans, qu’il a
estimé lui auoir fait atteindre son grand âge : comme
Pline conte que pour bien faire prendre racine au persil
& le faire croistre, il le faut fouler aux pieds & le maudire :
Si est-ce qu’il me prend aujour-d’hui enuie, pour espargner
à nos chetifs Escriuains la perte de temps & de
papier qu’ils broüillent invtilement à debaucher les

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esprits des peuples, de leur donner des Iubilez vniuersels
où ils ne trouueront rien à contredire. En attendant
donc que chaque Diocese se prepare à receuoir humblement
de ses Pasteurs, & auec la reuerence deuë, leur
ordre particulier, le public ne pouuant estre trop tost
auerti d’vne si bonne nouuelle, & qui lui vient si à propos,
ie la lui presente ainsi qu’elle m’est n’agueres arriuée
de Rome : m’asseurant qu’elle ne luisera pas moins agreable,
que toutes les autres qui en viennent.

 

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