Anonyme [1649], LA FRANCE PAISIBLE, OV LA PAIX MIRACVLEVSE. ODE. , françaisRéférence RIM : M0_1434. Cote locale : C_4_19.
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LA
FRANCE
PAISIBLE,
OV LA
PAIX MIRACVLEVSE.
ODE.

A PARIS,

M. DC. XLIX.

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LA
FRANCE
PAISIBLE,
OV LA
PAIX MIRACVLEVSE.
ODE.

 


Nymphes aussi chastes que belles,
Qui chaque iour nous faites voir
Vostre inépuisable sçauoir,
Par des inuentions nouuelles,
Vous sçauez bien que le respect
Qui ne peut vous rendre suspect,
Combien i’ay pour vous de tendresse
M’a tousiours deffendu de vous importuner,
Quand chacun à vos eaux alloit faire la presse,
Pour obtenir le don de bien imaginer.

 

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Quand parmy les maux que sur terre
Vaumissoit la rage d’Enfer,
Les plumes enuioient au fer,
Le mestier de faire la guerre,
Loin de parler mal à propos
De qui troubloit nostre repos,
Auec assez de violence,
Il suiuy le conseil dont ie fus aduerty
Qu’il estoit bien plus seur de garder le silence,
Que de vous engager en vn mauuais party.

 

 


Ie fis de vous trop grande estime,
Pour me seruir de vos couleurs
A peindre les tristes mal-heurs,
D’vne guerre peu legitime,
Et puis ie iugeay bien deslors
Que chacun cachoit ses thresors
Pour les garantir du pillage,
Que comme vous auriez caché vostre plus beau
Quiconque dans ce temps produiroit quelque ouurage,
Sembleroit croasser en sinistre corbeau.

 

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D’ailleurs le froid & long & rude,
Plus que dans l’an du grand hyuer
Ne permettoit pas de resuer,
Loin du feu dans la solitude,
I’estois estourdy des tambours,
Et comme le commun discours
Nous ostoit le pain de la bouche
Au besoin que i’auois d’en estre consolé
Moy qui suis du Marais, où l’on sçait que ie couche,
Il n’en faut point mentir i’auois le bec gelé.

 

 


Mais à present que la Nature
Sur vos deux sommets glorieux
Richement au gré de mes yeux,
Estale sa verte peinture,
Que tout rit aux chãps dans la païx,
Que de leurs fueïllages espais,
Les arbres en fin se r’habillent
Que les fleurs & les fruicts se monstrent aux vergers
Que le iour & la nuict, les échos qui babillent,
Respondent aux Chansons des amoureux Bergers.

 

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A present dis-ie qu’alterée
De ses poulmons l’air de chanter
Philomele ne peut dompter
Le despit conceu de Terée,
Ie me coule au fond de son bois
Où faisant esclater ma voix,
Ie veux donner tréve à la sienne ;
Mais en telle façon qu’en imitant ses chants
De quoy que mon esprit auiourd’huy s’entretienne,
Ie ne tesmoigne point me plaindre des meschans.

 

 


Non sous quelque dure souffrance,
Que l’on ait veu gemir l’Estat
Par l’aueugle & noir attentat,
De la France contre la France,
Ie n’en suis plus scandalisé
Tout va bien, tout est appaisé,
Puisque Dieu le veut pour sa gloire
La paix que nous auons ne part que de sa main,
Et ce qui s’est passé sert à me faire croire
Que s’il aymoit Paris, il aymoit Sainct Germain.

 

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Il n’a point declaré sa haine
A l’vn plus qu’à l’autre party
Tous deux ont eu le dementy,
Par vne victoire incertaine,
Tous deux se sont incommodez
Tous deux se sont depossedez,
De l’authorité qu’ils pretendent,
Tous deux se sont donnez & la vie, & la mort,
Et supportez tous deux de Princes qui s’entendent,
Tous deux auoient raison, & tous deux auoient tort.

 

 


Dieu seul triomphe en cette lice,
Et vient à bout de ses desseins
Les autres ny iustes ny saincts
Sont confondus par sa Iustice,
Les trompeurs se trouuent trompez,
Par luy les fins sont atrapez,
Aux embusches qu’ils ont dressées,
Et par les doux ressorts où l’on ne connoist rien
Tout est calme aurebours des humaines pensées,
Qui presagent du mal, où l’on n’a que du bien.

 

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Qui ne croyoit que la famine,
Nonobstant que l’on eut dequoy
Deust faire pis que de l’effroy,
Auec sa pasle & seche mine,
Tout le soin d’vn esprit troublé
Estoit de se garnir de bled,
Pour pouuoir à la maison cuire ;
On en alloit chercher dans les pays voisins,
Et tous industrieux eux-mesmes à se vire ;
Y faisoient la cherté dedans les Magazins.

 

 


Et cependant folle prudence,
Qu’auiez-vous tant à redouter,
Estoit il permis de douter
De la diuine prouidence ;
Allez Messieurs les empeschez
Visiter vn peu les Marchez,
Pour voir ce que le pain coûte,
Quand vous scaurez son prix, & verrez sa façon
Ne m’auoüerez-vous pas que vous n’auez vû goute,
Dans vos prouisions n’y dans vostre cuisson.

 

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Qui n’eust dit que dans nos familles,
Les garçons presque tous aux champs
Moissonnez des glaiues tranchans,
Alloient laisser veufues les filles,
On faisoit banqueroute aux Arts
Pour courir à celuy de Mars,
Dont s’enfle tant la renommée ;
Allons (ce disoit-on) auec affection
Demander à la ville employ dedans l’armée,
Ie parois assez fort, i’ay bonne caution.

 

 


Et toutesfois rare prodige
Mais ô coup de cette bonté,
Qui dans la grande extremité
Sçait caresser quand elle afflige,
Si dans Charenton assiegé
Où plusieurs se sont abbregez,
Mille iours dans vne iournée,
CHASTILLON & CLANSLEV n’eussent tenu leur rang,
Nous aurions presque vû la guerre terminée,
Pour estre si cruelle auecque point de sang.

 

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Ce n’est pas que par la campagne,
Sur le matin ou sur le tard,
On ne fist tomber à l’escart
Des hardis coureurs d’Allemagne,
Mais ie prend si peu de soucy
De gens qui ne sont pas d’icy,
Qui viennent y faire leur orge
Que ie n’ay pas loisir de coucher en ce lieu
Le peril où BEAVFORT enfonça dans la gorge,
Sa dague valeureuse au braue de Nerlieu.

 

 


Il suffit que ie me reserue
A parler de ce grand appuy,
Que Paris adore auiourd’huy,
Dans vne plus feconde verue,
Nous verrons si tous les Cesars
Ont autant franchy de hazars,
Durant tout le cours de leur vie,
Que ce genereux Duc que l’on verra tousiours
Caressé glorieux triomphant de l’enuie,
Nous en a sçeu franchir en moins de quinze iours.

 

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Ie me tais icy que la ioye
Se rend maistresse de mes sens,
Et par des simptosmes puissans,
Le cœur me faut tant il s’y noye,
Sçauez vous d’où vient ma langueur
Ie craignois que ce grand vainqueur
N’eust vne longue maladie ;
Mais poursuiuez ma ioye à m’estouffer le sein,
Apres ce que ie scais, il faut que ie vous die
Que ie veux en mourir puisque BEAVFORT est sain.

 

 


Desia tout le bruit populaire,
Bruit tousiours faux dont ie me ris,
Ne disoit-il pas que Paris
Perdoit son Ange tutelaire,
Des feux ont mesme soupçonné
Que l’on ne l’eust empoisonné,
Par vne noire perfidie ;
Mais poursuiuez ma ioye à m’estouffer le sain.
Apres ce que ie sçais, il faut que ie vous die
Que ie veux en mourir puisque BEAVFORT est sain.

 

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Courage France rachetée ;
Lors que l’or & l’argent te faut
Il faut se releuer plus haut,
De sa cheute comme vn anthée,
N’escoute point ces vains soucis
Que tes maux ne sont qu’adoucis,
Non pas tranchez par la racine,
Croy-moy tout ira bien, & tu dois presumer,
Parfaite guerison par vne medecine
Qui conserue à ton goust quelque chose d’amer.

 

 


Et toy la premiere des villes,
Pour r’enfermer dans ton pourpris
De grands cœurs, & de beaux esprits,
Des ames franches, & ciuiles
O Paris pour le faire court,
Theatre où tout le monde accourt,
Pour en contempler les merueilles
S’il est vray que ton Roy te puisse réioüir,
Estouffe les faux bruits qui frappent mes oreilles,
Ie vay te l’amener si l’on me veut oüyr.

 

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O belle ANNE, ô chaste Princesse,
Par qui vit cét objet d’amour,
Quand voulez par son retour
Que nostre deffiance cesse,
Quand voulez-vous que ce Soleil
Vienne en son Midy nompareil,
Dissiper nos moindres ombrages,
Quoy donc sera-il dit que de vostre costé
Lors que nous oublions toute sorte d’outrages
On gardera tousiours quelque animosité.

 

 


Pardon ma Reyne ie vous blesse,
Et ie me monstre desloyal,
De croire vn cœur vrayment Royal,
Capable de telle foiblesse
C’est pour cause, & par vn besoin
Que vous nous retenez au loin,
Ce Prince pour qui l’on souspire
Oüy, nous aurons l’honneur de voir vos Maiestez,
Dés que le permettra le bien de cét Empire,
Par vn clin de vos yeux vous me le permettez.

 

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Sus donc, ô France fidelle,
France amoureuse de ton Roy,
Et qui veux faire de sa Loy
De tes actïons le modelle,
N’escoute point ces vains soucis,
Que tes maux ne sont qu’adoucis
Non pas tranchez par la racine,
Croy-moy tout ira bien, & tu dois presumer
Parfaite guerison par vne medecine,
Qui conserue à ton goust quelque chose d’amer.

 

FIN.

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