Anonyme [1652 [?]], LA CONFIRMATION DE L’ENTIERE DEFAITTE DES TROVPPES DV CARDINAL MAZARIN, Apportée par le dernier Courrier de Monsieur le Prince, à son A. R. le 10. Avril. Auec la Liste des prisonniers, morts & blessez. , françaisRéférence RIM : M2_43. Cote locale : B_13_3.
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LA
CONFIRMATION
DE L’ENTIERE
DEFAITTE
DES TROVPPES DV
CARDINAL MAZARIN,
Apportée par le dernier Courrier de
Monsieur le Prince, à son A. R.
le 10. Avril.

Auec la Liste des prisonniers, morts & blessez.

A PARIS.
Chez IEAN BRVNET, ruë Neufue Saincte Anne.

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LA CONFIRMATION
de l’entiere defaite des troupes
du Cardinal Mazarin, apportée
par le Courier de Monsieur le
Prince à Son Altesse Royalle
le 10. Auril.

POVR ne vous point ennuyer de redites
& de propos superflus, ie suiuray
seulement le fil de mes Relations precedentes,
selon les premier, deuxiéme
& troisiéme Courriers, qui sont
arriuez à son Altesse Royalle, Vous
auez appris par le second, qui est venu le neufiéme,
comme Monsieur le Duc de Nemours auoit forcé
quatre quartiers du Mareschal d’Hoquincourt, &
comme il fut blessé au quatriéme, &c. C’est donc icy
la suite de la Victoire qui fut heureusement commencée
par ce Genereux Prince. Voicy dont icy les particularirez
de ce qui se passa depuis.

Apres que Monsieur le Duc de Nemours qui commandoit

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l’auant-garde, eust forcé les ennemis dans
leur quartier, & faisant ferme au quatriéme, Monsieur
le Prince suruint, qui commandoit le corps d’armée
composée de ces Regimens de Lorrains & Allemands,
que Monsieur le Duc de Nemours auoient amenez,
qui chargea si rudement les trouppes du Mareschal
d’Hoquincourt, composées de la pluspart de ces Regimens
d’Estrangers, de toutes sortes de Nations qui
auoient escortez le Cardinal Mazarin qu’ils prirent
l’espouuante & la fuitte.

 

Monsieur le Duc de Beaufort qui commandoit l’arriere-garde,
& qui estoient à la teste des gens d’armes,
se vint aussi ioindre de l’autre costé, ayans emmené
les Regimens de languedoc de son Altesse Royalle
de Valois, & toutes les trouppes ordinaires de son
Altesse Royalle qui les chargea aussi de son costé si
vertement qu’ils furent obligez de ceder : Si bien
que ledit Courrier qui vit la fin de cette Tragedie,
rapporte qu’il y a d’asseurance trois mille cinq cens
hommes de tuez, dont ces Tartares de Verdets font
vne bonne partie, entre lesquels il y a quatre Majors,
deux Colonels, plusieurs Capitaines, & Lieutenans
& Enseignes, & tout le Regiment de Navaille
défaict sur la place : huict cens prisonniers, &
bien autant de blessez, tout leur bagage pris, quatre
pieces de canon, le carrosse du Mareschal d’Hoquincourt,
ses charrettes, chariots, fourgons, & mesme vne
cassette, qu’il n’eust pas le temps de sauuer, où il y auoit
deux mil Louys d’or, & quatorze mil francs en autre
especes, tous ces coffres en vn mot, on luy a plié

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entierement sa toillette ; car iusques à sa robbe de
chambre luy fut prise par quelques Caualliers qui s’en
quarroient par derision, & les autres bagages, comme
ce luy de Broglio & autres Officiers, qui se montent
bien à la valeur de quatre cens mil liures. Il
n’y a pas plus de trois cens des nostres tant morts que
blessez : Encore ce fut le canon qui en offença le plus,
entre lesquels on regrette fort Monsieur le Comte
de Maré, comme vn tres-vaillant & tres-experimenté
Capitaine, Monsieur de la Morandiere, vn Capitaine
de Languedoc, & quelques autres Officiers qui
se sont signalez en cette occasion : Monsieur le Duc
de Beaufort y a eu vn cheual de tué souz luy.

 

Monsieur le Mareschal de Thurennes fit faire alte
à ses gens, estant entre vn marets & vne petite riuiére,
pour attirer Monsieur le Prince par defilez ; mais
ce Prince plus aduisé que luy, ayant reconnu son
dessein, fit faire alte aussi pareillement, & ayant trouué
vn passage plus fauorable & plus large, le fit bien-tost
déloger.

Les ennemis ont eu de plus remarquable six Regimens
défaits : Sçauoir, d’Oquincourt, Broglio,
Quincé, Navaille, Palluau & Lesplice, dont tous
les Officiers & commandans se sont sauuez au plus
viste sans bagage : Duquel bagage & cheuaux pris
Monsieur le Prince s’est reserué le Courtaut de Monsieur
de Broglio, Cheual inestimable, qu’il appelloit
son Bu[1 lettre ill.]ephale, c’est le plus heureux animal de la déroute,
puis qu’il a retrouué son maistre Alexandre.

Monsieur le Mareschal d’Oquincourt s’estant sauué

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auec fort peu de gens, enuoya vn Trompette à
Monsieur le Prince, pour sçauoir s’il seroit le bien
venu à luy aller faire la reuerence sur sa parolle, ce
que mondit Sieur le Prince luy ayant accordé fort
cuillement, ledit Mareschal l’alla saluër, & reclama
fort son bagage, entre autre chose sa cassette, mais
Monsieur le Prince luy respondit, qu’il ne pouuoit
empescher les Soldats de iouyr du prix de la Victoire,
qui est d’ordinaire le pillage apres la Bataille, &
que s’il le pouuoit seruir en quelque autre occasion,
il le feroit tres-volontrers : Cependant qu’il auoit
vn bon maistre qui le pourroit recompenser de cette
perte.

 

Ce fut vne merueille que nos Soldats parurent si
retenus durant le Combat, Que pas vn ne sortit de
ses rangs pour piller, Quoy qu’ils vissent les bagages
abandonnez deuant eux : Aussi Monsieur le Prince
leur distribua apres la Victoire, les quartiers du pillage
par Regiments à peu pres selon le merite de ceux
qu’il auoit reconnus s’estre mieux comportez. Il
n’appartient qu’à Monsieur le Prince à faire obseruer
vne telle discipline parmy les Soldats, sur lesquels
sa valeur, sa prudence & ses Victoires passées luy ont
acquis vn grand credit.

Nous auons vne particuliere obligation de cette
Victoire à la presence, vigilence & valeur de Monsieur
le Prince, qui fut trente six heures à cheual
sans descendre, que pour en charger d’autre, comme
à Monsieur le Duc de Nemours qui fut le premice
de cette Victoire, & a Monsieur le Duc de

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Beaufort, qui confirma l’estime que l’on a tousiours
eu de sa personne.

 

Le Cardinal Mazarin à la nouuelle d’vn tel échet,
se para d’vne coustume à l’Italienne, & dit ces paroles,
en sousriant, ô bien, Voyla l’armée Mazarine
défaite, Elle ne fera plus tant de mal qu’elle a
fait : mais aussi-tost selon sa fourberie ordinaire, il fit
signer à sa Maiesté en blanc, pour seruir de Lettre à
Monsieur le Mareschal de l’Hospital, pour abuser
les peuples de Paris : en déguisa la matiere des choses
comme elles se sont passées, sachant bien le coup que
cela doit porter dans les esprits des François.

FIN.

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