Saint-Amant / Girard, Marc-Antoine (sieur de) [?] [1649], CAPRICE BACCHIQVE ET BVRLESQVE SVR LA PAIX. , françaisRéférence RIM : M0_624. Cote locale : C_2_24.
CAPRICE BACHIQVE ET BVRLESQVE sur la Paix.
AMY (puis qu’il faut l’auoüer A ton Ame préoccupée) Damon, que tu viens de loüer, Est vaillant comme son espée, Bien plus, je veus que la valeur De ce Capitan de mal heur, Ne trouue rien qui luy resiste, Croit il ce que ie ne croy point, En quoy qu’en fin elle conseille, Me vaincre en tout comme en ce point.
II.
Quoy le drole oyant publier, Mes exploits qu’il a veus à boire A si bien pû les publier, Que de m’en contester la gloire, Sçait-il que le verre où je boy Long d’vn bon demy-pied de Roy, Tient chopine bien mesurée, Et que le celeste flambeau Iamais souz la voute azurée, N’en a, dit-on, veu de plus beau ?
III.
Garçon, mon Verre : n’est-ce pas, T’en rendre tesmoin oculaire ? Combien de fois en vn repas Vuideroit-il mon ordinaire ? O le grand abateur de bois ! Ie veus le mettre à ses trois fois, Contre le galand vne seule, Et luy feray sans efforts,
IV.
Demain sans perdre plus de temps, Dy luy fidelle & cher Alpheme, Que s’il en veut le passé-temps Ie l’en feray Iuge luy-mesme, Dy-luy (deut-il s’en irriter) Que si ie luy fay bien quitter Vne vanité qui m’offence, C’est le fruit du soin qu’on a pris De m’enseigner dés mon enfance Vn art qu’il a trop appris.
V.
A peine voit-on seulement, Conté quatre mois de mon âge, Que mon nourrissier Allemand, Dit, il sera grand personnage : En effet, sa femme vn matin, Ayant de trois gouttes de vin Moüillé le bout de sa mammelle, Ie m’en vis si bien appaisé, Que depuis ie brusse comm’elle Pour ce jus dont i’auois tasté.
VI.
Ainsi dit-on quelque liqueur Que d’vn pot neuf l’argile est beuë Elle garde long-temps l’odeur Dont vne fois elle est imbuë, Ainsi nos parens quelque fois, Mais innocemment toutefois, A ce mestier nous acheminent, Lors qu’il nous donnent à teter : Des Nourrices qui nous en yurent Plutost que de nous allaitter.
VII.
Pour te nonstrer si i’ay raison Sans en chercher vn autre exemple,
VIII.
Quelque doux qui fut l’aliment Que ie tirois d’vn sein d’albâstre, Dont son vieux cocu d’Allemànd N’estoit pas beaucoup Idolatre, Soudain qu’elle prenoit ce ton ; Laissant là le jus du teton, Dont ie me soulois sans obstacle D’aise leuant mon petit nez, I’attachois à ce doux spectacle, Mes yeux à le voir obstinez.
IX.
Le matou qui d’vn iour entier, Et quelquefois bien d’auantage, M’a joüé tour de son mestier Sur la chair ou sur le potage, Ou le chien qu’vn bon appetit, Comme à ses Roys assuiettit, A tous ceux que la table assemble, Tenté dés le commencement De faire ce qu’ils font ensemble, Les regarde moins fixement.
X.
Mais i’auois beau considerer La liqueur, au Diable la goutte Que ie pouuois en esperer De celle qui l’aualoit toute, I’auois beau luy monstrer le bec, Mettre vn petit flacon à sec, N’estant pas vne grande affaire,
XI.
Combien me coûtoit en Hebrieu, (Car des enfans c’est le langage) Combien me coûtoit, iuste Dieu, De plaintes ce cruel outrage ! Frustré de ma part du butin, Il faisoit le petit lutin Sur le giron de la carongne, Qui quelque fois pour m’appaiser Donnoit à son petit yvrongne. Sa bouteille vuide à baiser.
XII.
Bacchus propice à l’oraison, Que ie luy fis mon cher Alpheme, La punit, & me fit raison De ce trait de rigueur extréme Pour vanger son petit valet, Ce Dieu changea ce vin en lait Vn certain iour de la semaine, Et par vn prodige diuin Des deux tetons de l’inhumaine Fit pour moy deux sources de vin.
XIII.
Tu ris, cher Alpheme, & doutant Des auantures d’vn yvrongne, Tu crois n’oüyr en m’écoutant, Que des contes de la Cigongne ; Mais i’atteste de ce deuin, Qui dit que i’aymerois le vin, Le mysterieux Astrolabe Que ie ne veus, ainsi qu’vn veau, Si ie te mens d’vne syllabe, Boire desormais que de l’eau.
XIV.
Voy donc Damon s’il t’est prescrit,
XV.
La treve ? ah ! c’est mal appliquer, Vn terme dont ie sçay l’vsage, S’il ne donne pour m’expliquer Aux affaires qu’vn faux visage, C’est imprudemment que ie fais D’vn doux auant propos de Paix Vne Parenthese de guerre, De nostre innocence charmé, Lovis a posé le tonnerre, Dont son courroux l’auoit armé.
XVI.
Tous nos maux sont éuanouïs, Et r’animant nostre courage. Nos astres les yeux de LOVIS Percent & dissipent l’orage, Preste desormais à punir, Quiconque osera desunir Nos cœurs les vns d’auec les autres : ANNE qui nous doit redonner Ses delices qui sont les nôtres, Va bien tost nous les ramener.
XVII.
Que de feux en cent lieux diuers D’vne iuste reconnoissance Vont faire aux yeux de l’Vniuers Briller nostre réjouïssance ! Que nous vuiderons en repos, De verres, de flâcons, de pots,
XVIII.
Puis qu’à nos troubles intestins Le Ciel appaisé remedie ; Les jeux, la danse, les festins, Les balets & la comedie Dans vn siecle d’or nous sont Hoc, Aussi bien qu’à Brelic-breloc, Ce fameus thresor de Venise, Qu’au Badaut pour vn pauure fou, Si ce plaisir il ne méprise, Il fait voir par vn petit trou.
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