Rozard, N. [signé] [1649], LE TRIOMPHE ROYAL, Et la réjoüissance des bons François, sur le retour du Roy, de la Reine & des princes. AVEC LA HARANGVE QVI LEVR a esté faite à leur entrée à Paris le 18. de ce mois: Ensemble l’explication du Feu artificiel de la Greue. , français, latinRéférence RIM : M0_3884. Cote locale : A_7_60.
Section précédent(e)

LE
TRIOMPHE
ROYAL,
Et la réjoüissance des bons François,
sur le retour du Roy, de la Reine
& des princes.

AVEC LA HARANGVE QVI LEVR
a esté faite à leur entrée à Paris le 18. de ce mois :
Ensemble l’explication du Feu artificiel de la Greue.

A PARIS,
Chez la Veuue IEAN REMY, ruë Saint Iacques,
à l’Image Saint Remy, prés le College du Plessis.

M. DC. XLIX.

-- 2 --

-- 3 --

LE TRIOMPHE ROYAL,
Et la rejoüissance des bons François,
sur le retour du Roy, de la Reine
& des Princes.

AVEC LA HARANGVE QVI LEVR
a esté faite à leur entrée.

MADAMOISELLE,

Vos Vertus & vos merites sont
trop connus, pour en publier l’excellence,
ioint que tenans de l’infiny,
ma plume qui est bornée dãs ses traits,
ne peut attaindre à vos perfections
suren[3 lettre ill.]antes, qui iettent plustost dans l’admiration &
dans le silence que non pas d’en ternir le lustre par vn
discours qui demande l’eloquence d’vn Ange, & n’on
celuy d’vn homme. Il suffit de dire à vostre Altesse
Royalle qu’elle est issuë de ce grand Gaston, geniture
du plus grand Roy de l’Vniuers, d’heureuse memoire, de
Henry le Grand. Les plus discrets Orateurs leurs plumes
sont muettes, n’ayans aucune figure qui puisse exprimer
les belles qualitez que Dieu a versé dans vostre ame, &
de quelque costé que ie iette les yeux, ie ne vois rien en
vos actions qui ne soit admirable.

Vous estes, Madamoiselle, celle qui auez contribué
par vos soins dirigez par vne charité digne de vostre
naissance à ce bien commun & general de cette sainte
vnion & paix qui a banny tous les soins des ames Françoises,
& dissipé tous les troubles de la conscience, &

-- 4 --

inquietudes de l’esprit, & qui a apporté vne ioye vniuerselle :
mais elle n’auroit esté excessiue si vostre bon geny
& bonté naturelle par vne conduite digne des respects
& venerations de tous les peuples, n’auoient secondé
les glorieux desseins de cette grande Reine & aimable
Princesse à ramener cét Astre brillant, ce Soleil radieux,
ce iour sans nuict, ce centre où toutes les lignes de la
circonference visent : en vn mot ce premier mobile
François donne le mouuement à tous les autres. Ie le
vois donc ce grand Roy de DIEV-DONNÉ, & le plus
innocent de tous les Princes ; ie le considere comme vn
grand Medecin, duquel la seule presence redonne la
santé à ses malades : Ie le vois arriuer dans sa noble
Ville de Paris tout triomphant, accompagné de la Reine
& de vostre Altesse Royale, suiuis des Princes & Princesses
de toute la Cour, enuironné, & circonuenu d’vn
nombre indicible de la plus florissante Noblesse de
France, marchant auec vn pas respectueux & digne de
la Maiesté qu’elle accompagne, escorté par vn si grand
nombre de soldats bourgeois, qu’il excedoit celuy qu’il
conuiendroit pour faire quatre armées des plus nombreuses.

 

Tout le monde affluë de toutes parts pour voir ce
glorieux spectacle, qui n’a pas moins donné d’admiration,
qu’vn excés de ioye qu’il a produit dans les cœurs,
si autrefois l’air a retenty de sons lugubres, à cette occurrence
il n’a esté imbu que d’acclamations d’allegresses,
& tous les cœurs luy ont enuoyé ces paroles amoureuses,
animées de toutes facultez & puissance de
l’ame Viue le Roy, Viue Louys.

Ce beau Soleil n’a pas plustost paru aux portes auec
les rayons de sa Majesté (qui excedent ceux de ce grand
Flambeau de la Nature) qu’il a attiré tous les Peuples,
plus prodigieusement ; que l’autre ne fait les vapeurs
de la terre, aussi cette iournée tant desirée est la fin de
toutes les miseres, & l’exorde de toute felicité. Que ce

-- 5 --

iour heureux soit marqué d’vne pierre blanche sur du
marbre, sur du cuiure, & sur du bronze pour estre consacré
à la posterité. Beau iour qui nous produit vn
agreable Prin-temps, qui dechasse cette rude saison hicmale,
qui nous a comblé de tant de maux par la priuation
fatale de ce Prince tant aymable, agreable iour, qui
donné la liberté à Ceres de trauailler aussi bien qu’à
Baccus ; Heureux iour qui dissipe tous les orages, & qui
dissout la neige qui couuroit la beauté des prairies, &
qui a rauit à nos yeux vne agreable verdure. Ne faut
donc pas s’estonner si les Peuples sont en extases & rauissement
à l’aspect de ce glorieux iour, qui fait voir le
visage maiestueux de ce grand Monarque, sur lequel
Dieu a graué les traits de sa Diuinité, & imprimé dans
son ame le caractere ineffaçable de ces grandeurs.

 

Que maintenant toutes les Muses, preparent leur Lyre
pour chanter les loüanges de ce tres-illustre Prince
& Seigneur, & que les forests aussi bien que les ruës en
forment vn glorieux Echo. Que les Instrumens musicaux,
comme celuy d’Orphée doit attirent insensiblement
les oreilles pour écouter. Que diray-je autre chose
que les loüanges de ce grand Roy qui gouuerne les
hommes, qui par sa grandeur sur passe toutes les choses
les plus diuines de la Nature, aussi il est l’image viuante
de la Diuinité.

Entreprendray-je de décrite les effets admirables du
genereux Alcide, y adjoustans Castor & Pollux enfans
de Lede, Astres brillans & fauorables aux Nautonniers,
qui par leurs influences dissipent les orages & les tempestes
de la Mer, & appaisent la furie des Aquilons,
faisans fuyr les nuages, & cesser la rage des Ondes mutinées.
Apres quoy feray le voir le Regne tranquille de
Pompille ; Parleray ie de Romule, des superbes & magnifiques
Haches d’armes enuironnées de trousseaux
de Verges, dont Tarquin se faisoit honorer pour marque
de son Consulat ? Representeray-ie la glorieuse mort

-- 6 --

de Caton & de Regule, la constance Scaure, & la cruelle
& sanglante bataille des Cannes, où la valeur du Peuple
Romain fut surmontée par le glorieux Annibal, &
tuée miserablement à la conduite de Paule, qui combattant
pour la Republique, sacrifia sa vie, assisté de la
Noblesse Romaine, & y trouua sa fin ? Rapporteray-ie
en ce lieu la debonnaireté de Fabrice, qui sçachant que
pour luy complaire ; vn sien Medecin auoit dessein d’empoisonner
le braue Pyrrhus Roy des Epirotes, ennemy
des Romains, contre qui il exerçoit son courage, il l’en
aduertit, & ne voulut brauer la valeur de ce grand Capitaine
par ce lasche moyen ? Passeray-ie sous silence le
mépris que faisoit Curie des richesses & des tresors ?
Ces glorieux exploicts de guerre de Camille ne sont-ils
pas à reciter qui exilé de la Ville de Rome, & dans son
absence estant crée Consul, chassa genereusement les
François, qui triomphans il y auoit six mois de la premiere
Ville du monde, pensoient estre inuincibles, &
furent contraints d’abandonner l’Italie par son adresse ?
La renommée de Marcelle, honoré cinq fois du Consulat
ne mourra iamais, l’Astre de Iulle paroist entre
tous, comme la Lune parmy les Estoilles. Ne m’est-il
pas permis d’adjouster ce Grand Alexandre, qui ayant
conquis toute la terre & fait trembler les voûtes azurées
par ses foudres, & épouuanté toutes les puissances de
la terre par ces Armes ? Mettray ie sous silence cét auguste
Cesar ; qui rauit aux Parthes la gloire, dont ils se
preualoient d’auoir dans la bataille r’emporté les enseignes
de Craslus & Marc-Anthoine, sa valeur les a subjuguez,
dissipez, mis en fuitte, & ont seruy d’ornement
à son Triomphe. C’est luy, dis-je, qui a assuietty les
Orientaux & les Indiens sous son obeyssance.

 

Toutes ces belles representations ne sont rien en
comparaison des Eloges deuës à ce grand Monarque,
qui ne réjoüit pas moins la veuë de ces Sujets, qu’vn
Espoux fait ceux de son Espouse bien-aimée apres vne

-- 7 --

longue & ennuyeuse absence. Ne m’est il pas permis
de me seruir de ce terme commun, que ce grand Roy
fauory du Ciel, bien aimé de la terre, est la bonté mesme,
quoy que cette illustre qualité ne conuienne essenciellement
qu’à Dieu seul, priuatiuement à toutes creatures ;
mais ie puis dire hardiment sans crainte de censure,
que les prodiges les plus menaçans ne peuuent
empescher l’execution & effect de ces desseins ; & ces
vertus quoy que dans vn aage iuuenal sont si connus,
font vn preiugé, & donnent vn presage tres-asseure des
sur-eminentes qualitpz qu’vn iour il doit posseder.

 

Ce diuin rejetton de S. Louys sera son imitateur, qui
dechassera tous les monstres Siluains, qui apres auoir
fait reuiure le Regne de Paix de cét auguste & S. Roy.
Il prendra sa visée sur les terres du grand Sultan, fera
consterner (comme vn second Charlemagne, & ce debonnaire
Roy preallegue) non seulement les Constantinopolitains ;
mais encore tous Scithes. Arabes & Barbares
qui seront par luy terrassez, & bataillant pour la
propagation de la Foy, & pour la querelle de Dieu, il
sera son aidée & dirigera ses armées, les garantira des
attaintes de cette inhumaine & infidelle nation, & en
ce rencontre se verifira le dire du Psalmiste, Deus vltiouum
Dominus. Il est iuste que Dieu se vange des sacrileges
& impietez commis & inueterez par cette race &
engeances de viperes.

Vostre Altesse Royalle sçait qu’il n’y a aucune puissance,
qui ne soit emanée & ordonnée immediatement
de Dieu, & n’y a point de puissance moyenne entre luy
& les Roys, qui seul les fait & rend digne de cét honneur
& qualité, comme dit le Catechisme du grand
Concile de Trente ; Et pourtant ceux qui leur resistent,
s’opposent à la volonté de Dieu, & ceux là qui s’esleuent
contre eux doiuent estre punis pour leur desobeyssance
& rebellion. Si on veut n’apprehender la puissance
& chastiment que Dieu a mis en leur main, faut se sousmettre

-- 8 --

à leurs Loix estans iustes : car ils sont enfans du
Ciel & ses Vice-Roys ; Ce n’est sans suiet qu’ils portent
vne espée pour le bien public, mais les mauuais doiuent
craindre que ce ne soit pour punir leur mal, il faut donc
par necessité leur obeyr, non seulement de peur d’estre
par eux punis ; mais aussi parce que leurs Sujets y sont
obligez en conscience. Ce commandement d’obeyr est
rapporté par S. Paul qui s’adresse à tous generalement,
disant que toute ame soit suiette au Roy, comme estant
de Dieu preordonné, toute puissance est de Dieu. Le
mesme Apostre recommande sur toutes choses à Tite
son Disciple de prescher & exhorter souuent son Peuple
à l’obeyssance qui est deuë aux Roys & Superieurs,
encore qu’ils fussent alors Iuifs & Payens. Et S. Pierre
en son Epistre Catholique, le premier Chapitre de
l’honneur que deuons à Dieu, il commande d’vne suitte
d’obeyr & honorer les Roys, ses Lieutenans, comme les
plus prestans & eminens de tous les Peuples, ne faut
donc s’estonner si auiourd’huy ce petit monde, ce iardin
de delice, ce lieu voluptueux qui est Paris fait paroistre
tant de sousmissions & obeyssance, laquelle il a tousiours
conseruée dans sa splendeur sans aucune alteration,
quoy qu’il semble que les armes ayent voulu seruir d’obstacle,
au contraire ç’a esté vn effet de fidelité, qui n’a
eu d’autre terme que de se conseruer entierement à son
Roy & vnique Seigneur qui luy a tousiours esté vne idée
tres-specieuse, quoy que les factieux ayent tasché à en
ternir le lustre. Faut il s’estonner si les Peuples s’empressent
pour voir à qui mieux mieux l’Autheur de leur felicité
& repos, qui est ce grand Roy & maiestueux Monarque,
orné & circonuenu de ces trois Lys, lesquelles
S. Iean compare par cette éclatante blancheur, à la beatitude
des Bien heureux. Le Lys auec ses six fleurons
trois de chacun costé, en tous sens font vne forme triangulaire,
& encore la maistresse fleur qui sort de son sein
plus esleué que toutes les autres, se couronne en triangle,

-- 9 --

qui est honorée de petits fleurons qui luy donnent toute
la grace. Quelques vns ont donné ce triangle pour le
symbole de la tres-sainte & ineffable Trinité, il se delecté
en ce nombre parfait, comme les trois facultez de
l’ame en sont le symbole.

 

Ioseph. l. II.
Ant. c. 8.

Non enim est
potestas nisi à
Deo.
Ad Tit. 8.

O deux fois, trois fois heureux Prince qui estes comparé
au Lys, qui vous a fait naistre des Lys, & qui en
quelque, façon estes le Lys, marque de vostre innocence
iuuenal ! Il y a grande apparence que ces diuins Lys
ont esté donnez de Dieu pour armes, & mis és mains
de nos Roys Fils aisnez de son Eglise, pour combattre
& vaincre ses ennemis mécreans & heretiques, desquels
ils ont tant de fois triomphé. Ne lit on pas que Dieu
mit en champ d’Azur entre les mains de Clouis premier
Roy Chrestien, aussi sont elles portées comme celestes
par deux Anges, comme il se voit és antiques maisons
Royalles. Monumens & sepultures de nos Roys, Dieu
qui aime sur tout ces trois Fleurs, & à parsemé & haut
licé son premier & second Temple, auec les vstancilles
de ces Fleurs sacrées. Ce sont nos Roys seuls entre tous
les Princes du monde au dire du grand Charles Martel
en sa Harangue contre les Sarrasins qui n’ont iamais
persecuté les Chrestiens. Il est bien vray semblable que
nos Rois armez des Lys, estoient preueuës & figurez
par ce Chandelier d’or, que Dieu commanda & monstra
à Moyse de faire selon le modele qu’il luy monstra
en la Montagne pour seruir en son tabernacle. Tu me
mouleras & feras vn Chandelier rout de finor, composé
de sept branches, duit au marteau, son pied détail
auec ses branches, ses platelets, ses panonceaux, & ses
Fleurs de Lys, & sur le bout de chacune aplacerats vne
lampe le tout de fin or, pour éclairer perpetuellement
mon Tabernacle, & par le long de la colomne & hampe
& maistresse branche du Chandeliër d’où sortent les
autres ; Sçauoir trois de chasque costé, tu y graueras en
bosse trois autres plus belles & excellentes Fleurs de

-- 10 --

Lys, la premiere sur le pied détail : la seconde comme au
milieu : & la troisiesme, sur la cime du Chandelier. Voila
les Armes de France toutes d’or, qu’il faut honorer &
blasonner en cette façon. Ces sept Lys qui tousiours
fleuronnent, peuuent signifier les sept dons du S. Esprit,
qui les timbrent d’vne Couronne Souueraine & Imperialle
auiourd’huy. Ce nombre parfait & sacré peut aussi
monstrer que les trois Vertus Theologales, & les quatre
Cardinales, doiuent accompagner, & comme timbrer
les sainctes Armes azurées & celestes de nos Rois.
Ces sept lampes d’or tousiours ardentes deuant le Tabernacle
du Roy des Roys, posées sur ces sept Fleurs de
Lys d’or, comme la Fleur Souueraine des Roys Souuerains,
sont nos Roys, qui ont par tout & en toute saisons,
éclairé, deffendu, seruy, aggrandy, estably & maintenu
en paix le Tabernacle de l’Eglise Catholique Apostolique
& Romaine, comme entre les autres ont fait Clouis,
Pepin, Charle Magne, Charles Martel, Philippe Auguste,
Louys VIIIr. S. Louys l’honneut de la Vertu des
Roys, & nostre ieune Monarque leur petit Fils, qui ont
planté ces saintes armes & arboré la Croix de Iesus-Christ
sur les murailles de son Eglise, & qui ont sagement
basty leur Estat sur ce fondement. Et c’est pourquoy
ils ont esté honorez par l’Eglise de ces belles qualitez
de Tres-Chrestiens, de Catholiques, & Fils aisnez
de l’Eglise. Le premier Concile d’Orleans les qualifie
Catholicus, Ecclesie Filius, Louys Debonnaire fut
nommé au Concile d’Aix Christianissimus, le mesme tiltre
fut aussi donné à Charles le Chauue au Concile de
Soissons.

 

Caut. 2.
[illisible]

[illisible.]
le Roy d’Angleterre
[illisible]
les hommes, &
en sont tant ennemis,
qu’ils déchirent
leurs figures & portraicts.
3 Reg. 7.

Et le sage Roy ayant acheué le Temple, il le meubla
bien plus richement que Moyse n’auoit fait son Tabernacle :
car au lieu d’vn chandelier d’or, il en donne dix
du mesme allois, & semblables tous à celuy de Moyses,
qu’il placa au Temple pour le decorer, éclaircir & seruir.
Il y donna encore vne mere d’vne admirable grandeur

-- 11 --

& artifice, qui auoit l’emboucheure en façon d’vn
Calice en fleurs de Lys épany, & comme ont dit les autres,
toutes sur semée par dedans de fleurs de Lys : pour
monstrer que par ceste longue suite de figures nostre
Eglise Catholique est mise au iour & reconneûe en sa
Saincteté cõme dit Sedubus. Il posa à l’entrée du Temple
de Dieu, deux colomnes d’airain, qui auoient leurs
chapiteaux & couronnemens de fleurs de Lys façonnez,
comme l’on-dit, à la Mosaïque, pource que le Lys
est le plus droit des autres fleurs, & le plus permanent.
Sont nos Roys tous couronnez de Lys, inuincibles &
les plus droicturiers du monde, qui sont les colonnes
de l’Eglise comme là definy faint Paul. C’est donc vne
colonne d’or qui ne gauchira n’y ternira iamais. Ce qui
a esté publiée par des Princes Estranger, comme recognoist
l’Ambassadeur des Roys de Hongrie & de Boëme,
estant deuant le Roy Charles VII. disant vous estes,
SIRE, la colomne de la Chrestienté, & Monseigneur
en est la muraille.

 

S. Ber. quod autem
[illisible].

Tom. 4.
Ecclesia Deiviuit
la [1 mot ill.] &
si mamentum
veritatis.

Ce sont les Roys de France qui ont cela de propre que
d’alier la Iustice auec la clemence à l’imitation du Roy
des Roys, Iesus Christ les a tousiours mariées ensembles,
Dauid ne la il pas appellé gracieux & droit ? que
sa Iustice est épanduë sur les cœurs, & qu’il est puissant,
& qu’il teient le coutelas sur sa cuisse ? qu’il est de Dieu
pour sauuer : mais qu’il est terrible aux meschants rebels.
Et Salomon son fils conclu, que la misericorde &
iustice sont ses assesseurs ordinaires qui ce tiennent deuant
son trosne aupres de luy, apres de si beaux tiltres,
il est à conclure que le Roy de France est le premier &
le plus grand de tous les Princes & Roys Chrestiens &
par dessus eux tous. donc il est le plur aimable.

Psal. 24.

Psal. 44.

Psal. 6. 7.

C’est ce qui est reconneu par Balde Iurisconsulte Italien
& suiet de l’Empereur, disant que le Roy de France
entre tous est comme vne Estoile du matin au milieu
d’vne nuë Meridionale, & qu’il emporte la couronne
franche de liberté sur tous les autres Roys du monde,

-- 12 --

qui luy ont tousiours differé cet honneur, appellé le
tres Chrestien fils aisné de l’Eglise, qui sont les qualitez
propres à luy seul, que les Papes donnerent ce nom de
tres Chrestien à Charlemagne, qui la laisse hereditaire
à sa posterité, les autres l’ont appellé le Roy des Roys,
Secundum Tempus, autres le second Soleil sur la terre,
autres Empereur absolu, il à de tout temps tenu le premier
rang, c’est donc a iuste raison que ce deuot & affectionné
peuple affluë de toutes parts, pour voir ce debonaire
& aimable Prince, & pour voir les trais gracieux,
que Dieu à imprimé en sa face Sacrée, mais
quand tous les yeux de la nature seroiẽt fixes à la splendeur
d’vn si precieux obiet ils seroient offusqué par ce
Diuin éclat, comme Iadis ce temeraire Philosophe, regardant
cét autre Soleil trop fixement au milieu de son
actiuité & de sa course, du moins les peuples pour charmer
agreablement leur veuë sur ce bel astre Royal, il
faudroit des Siecles entiers pour en contempler la beauté
& excellence, que Compiegne a rauy la gloire à la
Metropolitaine du monde, & à la plus noble pour la
Maiesté qu’elle enferme dans son sein, qui a esté la plus
desolée & digne de compassion, pendant vn si long espace,
qui a comme plus de huict mois, pendant lequel
temps, cette Royalle ville à esté épleurée & comme enseuelie
dans vn triste neant par la priuation d’vn si grand
Monarque, c’est donc à ce coup que sa ioye est reuenue
par l’aspect de cette Maiesté, il faut maintenant mettre
en campagne les neuf sœurs pour publier la ioye &
absorber son contraire, qui a esté extremo, sus donc
mes Muses, éueillez vous, pour parler de cet Auguste
Roy.

 

Qualitez qui [1 lettre ill.]e
conuiennent
qu’à [1 mot ill.] Roys

 


Prince que la faueur des Cieux
Fait reluire en tous lieux,
Comme vn Astre plein de lumiere
Flambant d’vn éclat tout pareil,
A celuy du mesme Soleil

-- 13 --


Quand il entre dans sa carriere.

 

 


Sans vous nostre vnique support
L’honneur de Paris estoit mort,
Il estoit en ces iours extresmes
Sans vous la France étoit sans nous,
Nous estions sans France sans vous
Sans vous nous estions sans nous mesmes.

 

 


SIRE, parmy les beaux esprits
Qui portent dessus leurs écrits,
L’Eternité de vostre gloire,
Ie veux que la posterité
Me donne autant d’authorité ;
Qu’ils peuuent laisser de memoire.

 

 


Vous venez redonner au tour sa belle flame,
Et par vostre retour vous venez r’amener
L’esprit à nostre corps & le corps à nostre ame
Qui pour vous tout deuoir ne vous peut rien donner.

 

 


Venez donc peuples, vous verrez en sa face
L’Auguste Maiesté des Sceptres de sa race :
Dont l’attrait venerable abregé dans ses yeux
plus grand en l’abrege, qu’en sa propre étendue,
A par tout l’Vniuers sa gloire rependuë,
Et surmonté l’honneur de ses propres ayeux,

 

 


Dieu ! quel plaisir de voir en cette turbe émeuë
Tant de gens ce mouuoir ce fouler pour sa veuë,
Et puis en la voyant, demeurer tous perclus ;
Les yeux & les esprits attachez dessus elle,
Mourir de trop grand aise en la voyant si belle
& puis de deplaisir en ne la voyant plus.

 

 


Peuples bien importuns, mais non pas sans suiet
Les grands ont comme vous vne pareille enuie
Chacum veut voir son Roy au peril de sa vie
Car le Souuerain bien loge dans cet obiet
O grand Roy ! que le Ciel benit heureusement,
O grand Roy ! qui estes des Roys tout l’ornement

-- 14 --


De tout ce que la Mer en ferme de son onde,
Cherissez vos Peuples vous rendans leur deuoir,
Et comme vous passes tout le monde en pouuoir
Pensez que leur zele sur passe tout le monde.

 

Vostre Altesse Royalle ne peut denier son approbation
à ces Rithmes, non grande Princesse vous auez esté
spectatrice, & auez veu a decouuert & sans nuage ce
glorieux spectacle, & auez entendu les chants d’allegresse,
qui ont retentit par tout, ce qui ne peut estre
trop admiré des Estrangers, qui ayans desillez leurs
yeux, ont veu auec plaisir, la singuliere affection des
bons François à l’endroit de leur vnique Seigneur, qui
voudroient expier leur vie auec la derniere goutte de
leur sang, pour plus grande marque de leur amour &
sincere bien veillance.

Les Roys de France ont tousiours esté cheris de leurs
suiets & aimez de leurs peuples pour leur debonnaireté
& clemence, ils ont pris la qualitaté d’Augustes, par cette
fin qu’ils ont conquis partie de leur Royaume sur les Anglois
& autres, qui le detenoient iniustement. Et cette
qualité d’Auguste n’est donnée qu’aux plus grands,
vertueux & iustes, comme à nos Roys. Et sur ces excellent
patrons leurs maiestez successiuement ont appris
à bien regner, parce qu’elles ont heureusement manieé
leur Sceptres, pour auoir seruy Dieu en Roys, &
commandé en Roy. O nombre sacré de trois, digne des
vertus & des armes de nos Roys, pour ce que ces qualitez
sunt propres à la Diuinez ! Otrip vnion, à laquelle
comme tres Christiens & fils aisnez de l’Eglise Espouse
de Dieu, ils ce doiuent conformer.

Tous les suiets de ce grand Monarques reconnoissent
& publient par tout ces titres & qualitez d’honneur,
grandeur, puissances, victoires, triomphes reluyres en
leurs maiestez que Dieu a donné par dessus & par preciput

-- 15 --

sur tous les Roys de la terre, ce qui leur sert de
glorieux rampart qui les maintiens dans vne perpetuelle
obeissance, & dans des respects tres Religieux &
condignes de la Maiesté d’vn grand Roy, c’est ce que
cognoist vostre Altesse Royalle, à laquelle les peuples
ont detres insignes obligations, d’auoir par ses charitables
soins, obligé la bonté de la Royne Regente à abteger
ce seiour (fatal pour les Parisiens) de Compiegne,
pour venir auec l’eclat de leurs Maiestez dans
Paris, pour y faire leur demeure ; pour restaurer le peuple
& luy donner comme vne nouuelle vie, qu’il semble
auoir perduë par vne si longue & si enuieuse absence,
ie ne puis à present m’empescher de reprendre ma Lyre
chanteresse & de r’appeller le trouppeau des neuf
Sœurs, & de leur dire auec vn t’on d’allegresse.

 

 


Sy quelque fois le trouppeau des neuf Sœurs,
M’a fait gouster ses diuines douceurs ?
Hatans le train de ma tardiue course
Pour aborder de la Seine la sourse,
Et si les vers que i’ay desia trassez
Sont d’vn bon œil receus & caressez
Mesme de ceux de qui la gloire arriue
Bruïans leurs noms de l’vne à l’autre riue !
C’est à ce coup qu’autrement agité
Faut gallopper à l’immortalité ;
Puisqu’à ce coup l’Euthusiasme renflame
Plus viuement le plus chaut de mon ame,
Et qu’à ce coup la grandeur de mon Roy,
Doit receuoir connoissance de moy.
Sonner ie veux d’une nouuelle trompe
L’honneur le bien, l’allegresse, & la pompe,
Que largement la France a respandu,
En ce beau iour, ce beau iour attendu
Ie dy ce iour, auquel le Ciel non chiche,

-- 16 --


De ces thresors nous donne le plus riche,
Iour qui nous ostes les peines & les fais.
Iour trois fois heureux qui nous donne la paix
Ie dy ce iour auquel les plus grands Dieux
Nous ont uersé le parfait de leur mieux
Enrichissant d’une main tres feconde
L’espace entiere de cette masse ronde.

 

Ie m’emporte insensiblement à cette enarration Royale
qui doit passer à la posterité, pouuans dire que les Siecles
passez n’ont veu, n’y le Soleil éclairé vne Pompe si
magnifique & triomphante, & qui ait plus ietté d’admiration,
n’y rauit les esprits, ou les plus iudicieux ont
esté comme extasié à l’aspect de plus de deux millions
de personnes, qui ont parus à ce glorieux spectacle digne
d’estonnement, ceux qui estoient sur les Theatres,
aux fenestres, mesme sur les toicts, estoient comme
pepinieres, cette grande foule n’a pas moins donné de
rauissement auy estrangers, que les affections & tendresses
qu’ils ont veu paroistre aux bons François
à l’endroit de leur Prince & Monarque ont esté
grands ; Les chants publics, & les exclamations d’allegresses
ont parus, & fait vn rauissant echo auec celuy des
Trompettes, qui s’est fait entendre iusqu’au plus haut
des nuës, & ces paroles populaires, Viue le Roy,ont esté
si iterées qu’elles ont esté aussi communes que les chauues-sourits
dans la ville d’Athene ; Mais ce narré seroit
priué de ses plus precieux ornemens, si ie ne l’accompagnois
de toutes ces circonstances, pour en faire à iamais
admirer l’éclat.

Ce triomphe aussi maiestueux que venerable, a pris
sa naissance dés Chantilly, où les Academies de Paris
& toute la Noblesse de France ont esté au deuant de
cette Majesté, pour luy rendre les sousmissions, deuoirs
& actes de bien-ueillance deuës à vn si grand Monarque

-- 17 --

les Bourgeois Marchands, iusques aux artisans, les
plus mécaniques ont sorty à foule & paru au milieu
de la campagne, pour voir cette Majesté passionnément
desirée, laquelle a fait son entrée ce iourd’huy Mercredy
dix-huictiesme Aoust, passé par la porte S. Denys,
receuë & escortée par les Preuost, Maires & Escheuins
de Paris ; Il y auoit vingt pieces de canon, tout ioignant
ladite porte sur le rempart de la ville, mené auec
plusieurs boëtes, que l’on a tiré, qui ont par leurs bruits
& fumée purifié l’air, afin de se rendre serain à la veuë
de ce grand Prince, qui n’a rien de commun auec les autres ;
Ladite porte estoit richement tapissée en tapisseries
figurées, & en païsages.

 

Cette tres-celebre Ville a harangué sa Majesté, &
fait ses protestations de fidelité & de submission, tant
de fois iterées par Monsieur de Montbazon, cette Majesté
luy a donné vne grande attention, & tesmoigné
vne affection Royalle à l’endroit d’vn Peuple si deuot,
& zele pour l’on seruice.

Ie serois prolix si ie cotois toutes les beautez qui se
sont veuës en ce celebre lieu, il vaut mieux dire pour
conclusion, & lors que l’on croioit estre plus agité, c’est
alors qu’on a trouué le repos. Mais ie ne peux finir sans
encourir censure, si ie ne dis que cette action plus diuine
qu’humaine n’auroit pas esté accomplie, si on n’auoit
adiousté à ce glorieux triomphe les feux de ioyes
qui ont esté vniuersels : outre le particulier qui a esté
fait en Greve, y ayant quatre Dragons aux quatre angles,
& au milieu vn Roy couuert de Lauriers symbole
de la Victoire, & vn homme à ses pieds luy presentant
vne espée nuë, qui signifie submission & obeissance, le
reste est aisé à expliquer, & pour reprendre le fil de
mon discours ce glorieux Prince a esté escorté iusqu’au
Palais Cardinal auec les mesme acclamations, & suiui
de tous les Princes & Princesses, & de Monsieur de
Montbazon Gouuerneur de Paris.

Apres ce mysterieux & artificiel feu de la Gréve éleué

-- 18 --

sur vn Theatre vaste & spacieux, on a tiré plus de
cent pieces de canon, tant en Gréve, Arsenac, qu’à la
Bastille, & pour accomplir & consommer cette auguste
action, ç’a esté par les feux publics, & par les lanternes
allumées par toutes les fenestres, qui ont par leur brillant
& lueur augmenté le lustre de cette action majestueuse.

 

Vostre Altesse Royalle Madamoiselle, a esté spectatrice,
& témoins occulaire de cette merueilleuse entrée
vous y auez contribué, c’est pour cela qu’à iuste raison
tout ce grand peuple prie pour vostre santé &
moy encherissant, ie n’ay que des souhaits pour la prosperité
de vostre Royalle Maison, comme étans de vostre
Altesse Royalle.

MADAMOISELLE,

Le tres-humble, tres-obeissant &
tres-affectionne seruiteur.

N. ROZARD CHAMPINOIS,

Section précédent(e)


Rozard, N. [signé] [1649], LE TRIOMPHE ROYAL, Et la réjoüissance des bons François, sur le retour du Roy, de la Reine & des princes. AVEC LA HARANGVE QVI LEVR a esté faite à leur entrée à Paris le 18. de ce mois: Ensemble l’explication du Feu artificiel de la Greue. , français, latinRéférence RIM : M0_3884. Cote locale : A_7_60.