Questier, Mathurin, dit Fort-Lys [1649 [?]], SVITTE DV IOVRNAL POETIQVE DE LA GVERRE PARISIENNE. Dedié aux Conseruateurs du Roy, des Loix, & de la Patrie. Par M. Q. dit FORT LYS. DOVZIESME SEPMAINE. , françaisRéférence RIM : M0_1763. Cote locale : C_4_38_12.
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DOVZIESME SEPMAINE.

 


SI nous voulons bannir le cliquetis des armes,
Pour embrasser la Paix ne soyons plus Gensd’armes.
Si pour gouster vn fruict, qui seul nous peut nourrir ;
Ne parlons que de viure & non pas de mourir.
Si nous auons souffert au sujet de la guerre,
Taschons de conseruer les douceurs de la terre.
Terre, Grand Dieu, sans vous, qui ne peut rien porter,
Si vostre Majesté ne la vient supporter.

 

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On parle de la Paix, & on ne voit personne,
Qui pour vn tel sujet modestement raisonne.
L’vn dit, nous l’aurons pas ; l’autre soustient que cy,
Et vn plus elegant ; dit tout haut ; Là voicy.
Lettres de Sainct Germain m’ont esté enuoyées,
Portant ; Que nos enseignes seront bien tost ployées :
Braues Parisiens ; Vous ne deuez trembler ;
On ne vous fera plus desormais assembler
Au milieu de la nuict. La Reine vous accorde
Vn pardon General ; & sa misericorde
Veut que d’oresnauant vous viuiez plus joyeux ;
Et qu’auec plaisir vous habitiez ces lieux ;
Quoy qu’on ne sçache icy le cours de cette affaire,
Si est-ce que l’on dit ; La Paix se va parfaire ?
Vn chacun est d’accord ; & remis dans son bien,
Les Chefs & Generaux ne souhaittent plus rien.
Ils sont tous tres-contens ; mesmes leurs Majestez,
Ont aboly les maux, qui se sont projettez ;
Ils ont tout pardonné sans excepter personne,
Cher amy, priez Dieu, pour eux & leur Couronne.

 

 


Tout le monde escoutoit cette homme ; Mais voicy
Vn ignorant mutin, qui luy respond ainsi ;
Pense tu nous charmer par tes belles paroles ?
Ce que tu dis n’est pas, ce n’est rien que friuolles ;
Tu crois trop de leger ; Dis moy donc, par ta foy ;
Pense-tu dans Paris ; bien-tost reuoir le Roy ?
Ouy, luy repartit l’autre ; & c’est mon esperance,
De voir dans peu de jours la Paix dedans la France :
L’on trauaille à cela, & ie suis bien certain
Que bien-tost nous aurons tres-grand marché de pain ;

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Que nous viurons contens sans plus garder les portes,
Et sans craindre du Roy, les superbes Cohortes.
Nous yrons pourmener à ce Prin-temps nouueau ;
On ne verra plus rien, qui ne soit doux & beau,
Les bleds de toutes parts viennent en cette Ville.

 

 


Ce mutin luy respond, tu es vn mal habile ;
Et s’escriant, il dit, Voicy vn Mazarin,
Il le faut épouffer ; Sus, ayde moy Marin ?

 

 


Marin oyant cecy, quitte la compagnie,
Et laisse ce fantasque auec sa manie ;
Qui lors se voyant seul commença de songer
S’il frapperoit celuy qu’il disoit mensonger.
Voicy ce qui fut fait ; La colere l’emporte,
Il se jette sur luy d’vne assez belle sorte.
L’autre ne manque point ; d’entrer dans le combat ;
Et d’vn tour fort subtil deschire le rabat
De son fier ennemy. Ils auoient des espées,
Qui furent pour ce fait aussi-tost occupées,
Ils se pointent tous deux, & d’eux on voit le sang
Empourprer leurs habits. Tu ne tiens pas ton rang,
Dit alors l’Aggresseur. Pare ce coup de grace ;
Et toy prend cestuy-cy, pour seul de ta disgrace ?
Ils se blessent tous deux encore par deux fois ;
Et puis des regardans on entendit les voix,
Qui crioient, c’est assez, tout beau, tout beau, tout beau,
Il ne faut pas chercher pour si peu le tombeau.
Puis on les separa, finissant leur querelle,
Et chacun s’en alla reposer sa ceruelle,
Faisant penser les trous qu’ils s’estoient faits expres,
Sans remporter chez eux qu’vn remords puis apres.

 

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Lors ie dis, Si la Paix icy nous fait la guerre,
Qui pourra demeurer paisible en cette terre ?
Si pour vn mot ou deux, il faut s’entretuer,
Qui sera si osé de s’y habituer ?

 

 


Ainsi ie repassois dedans ma fantaisie,
Ce combat, qui n’estoit que de pure frenesie ;
Quand i’entendis soudain de semblables discours ;
La Reine a octroyé la Trefue pour trois iours ;
Tandis que l’on fera vn accord desirable,
Qui rendra bien-heureux le pauure miserable.

 

 


Les vns estoient contens de ces bonnes nouuelles,
Les autres ne pouuoient les bien estimer telles,
Si bien qu’on entendoit vn murmure secret,
Qui troubloit le repos du corps le plus discret.
Parmy ces altercas dans la Cour du Palais,
Ie vis beaucoup de gens, qui demandoient la Paix,
Et prioient nos Messieurs de procurer ce bien ;
De leur dire le temps, quand, comment, & combien,
Il failloit supporter vne telle misere,
Qui tuoit l’orphelin aussi bien que la mere.
Courage mes enfans, disoit-il hautement ;
Nous nous verrons bien-tost exempts de ce tourment,
Il ne faut plus qu’vn peu prendre de patience,
Et quitter desormais toute l’impatience,
Que nous pourrions auoir ; car desia nos amis,
Ont abbaissé les cœurs de nos fiers ennemis ;
Dedans peu vous verrez vne tranquilité,
Qui chassera bien loing la rude hostilité ;
Chacun retournera, auec l’ayde de Dieu
Chez soy, pour habiter son delectable lieu ;

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Nous gouterons le fruict d’vne Paix adorable.
C’est ainsi que parloit cette ame Venerable.

 

 


Cependant à Paris, on se tient sur ses gardes,
Sans point abandonner de nuict les Corps-de-Gardes ;
Car le Roy commanda, que pour la seureté
Des Habitans du lieu, en toute pureté ;
On eust à obseruer & sans empeschement,
Son Ordonnance ainsi, que son commandement,
Iusqu’alors qu’on auroit accordé les affaires,
Et qu’on les leueroit n’estant plus necessaires,
De peur qu’il n’arriuast quelque inconuenient,
Qui en traittant de Paix arriue bien souuent.

 

 


En ce temps l’on conçeut vne bonne esperance,
Et chacun meditoit l’aymable temperance,
De leurs trauaux passez ; On se resioüissoit,
Et desia du trafic, le monde deuisoit,
Tandis qu’au Parlement Messieurs font assemblée,
L’on ne voit plus le peuple auoir l’ame troublée,
Sçachant bien que ce n’est que pour les secourir,
Et pour les empescher seulement de mourir.

 

 


Ils ayment la Iustice, & cherissent les Loix,
Ils adorent vn Dieu, qui gouuerne les Rois :
Et ainsi façonnant vne douce priere,
Ils appellent la Paix, chassant la loy guerriere.

 

 


Le Prince de Conty, qui a tousiours bien fait,
Et le grand Duc d’Elbeuf, que l’on tient si parfait,
Furent à l’assemblée, & y eurent audiance ;
Et mesme y receurent beaucoup de defferance.

 

 


Les Ducs de Beaufort, de Boüillon, de Luynes
Auecque de Brissaç, tous gens de bonnes mines,

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Et ce grand Mareschal de la Mothe Houdancour,
Furent tous assemblez ce jour en cette Cour.

 

 


Le Duc de Boüillon remonstra sagement,
Qu’eux tous n’auoient aymé que le soulagement
Du peuple languissant ; & bref que leurs armes
N’aspiroient qu’à la Paix & non point aux allarmes.
Que s’il plaisoit au Roy leur accorder ce point,
Ils seroient tres heureux de n’y estriuer point.

 

 


Aussi tost Nosseigneurs lecture firent faire,
Des Responces du Roy, qui touchoit cét affaire,
Ainsi ils se trouuerent satisfaits & contens,
Quoy que l’on fit courrir qu’ils estoient mal-contens.

 

 


Messieurs les Gens du Roy representerent en suitte,
Sa Declaration, & ce qu’elle medite,
Qui est que les Arrests donnez au Parlement,
Et les Commissions aussi pareillement,
Du Preuost des Marchands, Escheuins de Paris,
Soient d’oresnauant detenus à mespris.
Traittez, lettres, escrits, & encore ce qui semble
Empescher le repos, soit annullé ensemble.
Que personne, pour ce, puisse estre recherché,
Ny vn temps aduenir luy estre reproché.

 

 


Et puis sa Majesté secondement ordonne
A tous Officiers, qui sont de la Couronne,
De casser les Arrests, prononcez contre nous,
Et lettres de cachet : & qu’on en soit absous.

 

 


Dauantage, il entend que chacun dans son bien,
Rentre licitement, sans qu’il luy soit dit rien ;
Qu’on viue desormais auecque asseurance,
Ioüissant de la Paix, qui est nostre esperance.

 

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Que tous les gens de guerre que l’on auoit leuez
Pour les Princes & Seigneurs seront licentiez :
Excepté seulement ceux que sa Majesté,
Pour se seruir aura prés de luy arresté.

 

 


Que tous les prisonniers pris pendant cette guerre
Auront la liberté, tant sur eau que sur terre.
Et plusieurs autres articles, qui seroient ennuyeuses
De rapporter icy n’estant pas curieuses.

 

 


Ie reprendray mon fil qu’il m’a fallu laisser,
Et en continüant, pour ne te point lasser,
I’entendis murmurer le commun populaire :
Qui se resioüissoit pour vne bonne affaire,
Ie m’enquis que c’estoit à vn de mes voisins,
Qui venoit du Palais ; Nous voylà tous cousins,
Me dit-il, en riant, Certes la Paix est faite,
Bien bonne, bien concluë & sans estre imparfaite ;
Toutes ses qualitez y sont tres-largement,
On donne aux Soldats vn prompt deslogement
Des enuirons d’icy ; comme des autres lieux ;
Par ma foy, mon voisin, cela me rend joyeux.
On dresse du Canon en la place de Greve,
Allons voir, s’il vous plaist, si cela ne vous greve ;
Nous beurons choppinette à la santé du Roy ;
Ie sçay où est le bon, c’est chez Monsieur Darroy.

 

 


Ie fus lors si rauy d’entendre ce discours,
Que ie creus que ma vie alloit laisser son cours :
Car ie n’esperois pas vne telle nouuelle.
Pour reuenir à moy, mon ame ie r’appelle,
Et luy dis, mon voisin, allons donc vistement,
Voir ce bel appareil, c’est mon contentement :

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Nous y acheminasmes plus viste que la foudre,
Neantmoins nos soüillers ne firent voler la poudre ;
Car il faisoit fort laid, au moins sur les pauez,
Et la pluye en ce jour ne les auoit lauez,
Mais bien auparauant. Voicy vne fortune,
Qui n’est pas trop heureuse, mais plustost importune.
Ce fut vn Sauetier comme i’ay entendu,
Qui frappa vn Laquais, qui faisoit l’entendu ;
Ce Laquais se sentant attaquer de la sorte,
Met l’espée a la main, vne botte luy porte,
Chatoüille mon galland au moule du pourpoint ;
Il ne fut pas blessé de sang on n’en vid point.
Mon rusé Sauetier qui entend la manique,
Galoppe tant qu’il peut pour trouuer sa boutique :
Là il trouue vn voisin, à voir bon compagnon,
Qui ne sçauoit que c’est de faire le mignon.
On prenoit grand plaisir contemplant leur posture ;
Car ils estoient tous deux contrefaits de nature,
Si l’vn estoit bossu, l’autre sembloit boitteux ;
Mais ma foy, ie vous jure, ils n’estoient point goutteux,
Leur mine monstroit bien qu’ils n’auoient pas enuie
De long-temps conseruer à ce Laquais la vie.
Le Sauetier auoit vne forme en son poing,
L’autre quatre plombeaux, afin d’atteindre loing.
Ainsi ces deux Voisins se monstrant valeureux,
Sont beaucoup, plus hardis que timides & peureux,
Qui voyant ce Laquais hors du Pont-Nostre-Dame,
Leur courage soudain dautant plus se r’emflâme,
Ils attaquent vaillans leur ennemy de front.
Le Sauetier luy jette son arme sur le front,

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Cette arme que ie dis, ce n’estoit qu’vne forme,
Qui rendit ce Laquais entierement difforme.
Ils croyoient bien alors de remporter le prix :
Mais les pauures voisins penserent estre surpris.
C’estoit quatre Laquais, qui pour leur camarade,
Mirent l’espée en main pour faire vne algarade
A ces deux difformez ; qui ne branslerent pas,
Aymant mieux endurer sur le champ le trespas,
Que de fuïr en quittant & l’honneur & la place :
Ils se campent tous deux d’vne fort bonne grace.
Le Sauetier premier se rempare d’vn coing,
Et l’autre le seconde vn plombeau en son poing,
Voicy nos fanfarons auecque leurs espées,
Qui pointe nos Soldats ; Aussi-tost les plombées
Marche sur l’estomach du plus rude & vaillant,
Et qui auoit esté le premier assaillant.
De ce seul coup son corps tombe à la renuerse,
Le Sauetier soudain sur sa partie aduerse,
Se jette adroictement, & luy prend son cousteau,
Les autres sont sur luy ; Son second d’vn plombeau.
Ne manque point son coup faisant baiser la terre,
A ce rude vilain piller de cette guerre ;
Ce coup fit prendre cœur à nos vaillants Soldats,
Qui sçauoient prudemment soustenir tels combats.
Courage, Compagnon, ce dit le Sauetier,
Monstre à ces deux-cy vn tour de ton mestier.
Comme il disoit ces mots, vn des Laquais s’auance,
Qui de sa claire espée luy donne dans la pance,
Aussi-tost il s’escrie, Ha ! voisin ie suis mort,
Quitte prise, aussi bien eu n’est pas le plus fort.

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Prend, prend, cher voisin, prend seulement courage,
Ie vay bien tost cesser l’ardeur de cét orage.
Il n’eust pas acheué la fin de ces discours,
Que voicy les Bourgeois qui leurs donnent secours,
Et firent destaler ces gallands promptement,
Qui ces voisins vouloient traitter si rudement.
Ce pauure Sauetier n’est pas mort de sa playe,
On l’a veu du depuis à Sainct Germain en Laye,
Où il fut rencontré par l’vn de ces Laquais,
Qui ne fit point pourtant contre luy le mauuais.

 

 


Voilà ce que nous vismes en allant à la Greve,
De conter ce voyage, il faut donc que i’acheue.
Nous croyons y trouuer quantité de Canon,
Il n’y en auoit point, ie le dis tout de bon,
I’y vis bien vne place pour y tirer des boëtes,
Qui a donné sujet à beaucoup de Poëtes,
De chanter les loüanges de nostre puissant Roy,
A cause qu’il nous a tous osté hors d’esmoy.
Le soir estant venu, on fit des feux de joye,
De boire à qui mieux mieux tout le monde s’employe.
Allons donc mon voisin, vous estes soucieux,
Ie vous porte ce coup de vin delicieux,
A la santé du Roy : Ie vous feray raison,
Ne deusse-je porter vn double à la maison.

 

 


Compere mon amy, te souuient il du jour,
Que ce fin Cardinal nous joüa ce bon tour ?
Ne parlons de cela, amy ie te supplie,
Mais beuuons de ce vin ; ie croy qu’il multiplie ;
Car vous ne beuuez point ; Ce nectar vient des Cieux,
C’a, ça, goustons-en donc nous deux à qui mieux mieux.

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C’est ce que l’on faisoit pleins de resioüyssance,
De voir auant la mort le repos dans la France.

 

 


Aussi-tost que le jour commença de paroistre,
Ie vis sur l’Horison, vn blesme Soleil naistre,
Qui ne nous menaçoit que d’abondance d’eaux,
Capables de grossir les plus profonds ruisseaux ;
Neantmoins contemplant l’estoille matinale,
Qui chaste ne peut-estre à vne autre esgale ;
D’autant qu’elle à pouuoir de donner le serain,
Et de rendre le soit semblable au matin.
Ie fus lors estonné d’entendre des merueilles,
Qui flattoient mes esprits, & charmoient mes oreilles ;
I’entendis le doux son d’vn viollon plaisant,
Lequel seul se rendoit capable & suffisant,
De donner vn bon jour, à vne aymée Maistresse
Toute pleine d’amour, de beauté, & d’adresse.

 

 


Ie conçeus dés l’abord que ie sentois le temps,
Qui nous faisoit jadis sçauourer le Prin-temps :
Et si ce n’eusse esté en la Sepmaine-Sainte,
I’eusse creu cette joye comme friuolle ou feinte :
Mais il est tres certain que c’estoit vn bon jour
De Paix, qui venoit faire en ce lieu son sejour.

 

 


Ie me leue aussi-tost, & tout remply de joye,
Ie m’en vay en l’Eglise où mes genoüils ie ploye,
Remerciant ce Dieu, qui finit les combats,
Et qui sçait mettre en Paix les plus fascheux debats
Au sortir de ce lieu construit pour l’oraison,
I’eus desir de venir habiter ma maison ;
Mais ie fus diuerty par vn homme sçauant,
Qui m’auoit rencontré deux iours auparauant,

-- 12 --


Il estoit desireux de sçauoir quelque chose
De ce qui ce passoit. I’auois la bouche close ;
Il me dit, mon amy, ne m’apprendrez-vous rien
Qui soit pour nostre mal, comme pour nostre bien.
Lors ie luy respondis : Monsieur, toute ma vie
De sçauoir le secret de l’Estat n’eus enuie,
Ie ne veux penetrer dedans le Cabinet,
Qui est, ou qui doit estre en ce lieu pur & net,
Il nous est pas permis de iuger en nous mesmes,
Des affaires d’autruy ; Ce seroient des blasphemes,
Que de penser former vn si fol iugement,
N’ayant rien que ce lieu pour nostre logement.
Il suffit de vous dire que nostre Paix est faite,
Et que son ennemy aduance sa retraitte.
Qu’il ne doit point venir de long temps à Paris,
Et qu’au lieu de nos pleurs nous placerons les ris.

 

 


Nouuelles sont venuës de la Ville de Laon,
Portant que Leopold marche comme vn Paon
Vers icelle, à dessein d’y faire quelque prise,
Et que Plessis Praslin corrompt cette entreprise,
Puis que s’estant campé vis à vis l’ennemy,
Il le veut repousser ; & non pas à demy,
Car, pour ce, il attend quelques forces nouuelles
Qu’on luy doit enuoyer, qui sont lestes & belles.
Et que cét Archiduc est allé visiter
Le camp du Duc Charles, afin de l’insiter
Contre nos gens choisis & contre nostre armée,
Qui est, à ce qu’on dit, presque toute formée,
Et que Messieurs de Laon en estat se sont mis,
Pour repousser tous ceux qui leur sont ennemis ;

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Comme pareillement ceux de Rheims en Champagné,
Ont braqué leurs Canons pour battre la campagne.
Et appresté leurs armes, afin de resister
A l’Archiduc, & Duc, s’ils s’y veulent poster.

 

 


Voicy d’autres nouuelles, qui vienne de Calais,
Que i’appris en sortant de la Salle du Palais
Destrades, à present, Gouuerneur de Dunquerque
(Au lieu du Grand Rantzau, qui est homme de merque)
A enuoyé ; prudent, Madame de Rantzau,
Pour attendre vn serain & vn calme nouueau.
Elle à pris logement chez les Religieuses,
Dittes de l’Hospital, qui en sont tres joyeuses,
Esperant que ses maux finiront quelque jour,
Et qu’elle reuiendra contempler ce sejour.

 

 


Matignon est venu à Roüen noble Ville,
Trouuer & saluër le Duc de Longueville,
Luy disant ; Que l’armée estoit en garnison,
Dans toute la Prouince ; ainsi que de raison.

 

 


Mais ce qui nous resioüyt, fut l’action gentille,
D’auoir les prisonniers mis hors de la Bastille
En pleine liberté ; Ce fut vn coup de Dieu,
Qui ne sera iamais oublié en ce lieu.

 

 


Le lendemain de Pasques, l’armée qui fut leuée,
Pour deffendre Paris fit à la releuée,
Monstre generale, qu’il faisoit beau de voir,
Comme vn chacun Soldat estoit à son deuoir,
Là tous les gens de guerre enfin furent payez,
Et plusieurs sur le champ furent licentiez ;
Sauf quelques Regimens de la Caualerie
Qu’on mena à Praslin, & de l’Infanterie ;

-- 14 --


Afin, comme i’ay dit, de chasser l’ennemy
Hors de France, y ayant plus d’vn pied & demy.

 

 


Le mesme jour Monsieur le Prince de Condé
Fut de son cher frere à Challiot secondé,
Mesme on y vid aussi Madame de Longueville,
Qui tousiours a esté aymee en cette Ville ;
Le Duc de Boüillon s’y rencontra aussi,
Là, salüerent le Prince, puis ils reuinrent icy.

 

 


Voyla ce qui fut fait ce iour la matinée.
Mais voyons ce qu’on fit durant l’apresdinée,
On chanta, Te Deum laudamus, hautement,
Auquel assisterent Messieurs du Parlement,
Les Cours Souueraines, & Officiers de Ville ;
On tira les Canons restez dans la Bastille.
L’Arsenal ne manqua de faire assez de bruict,
Durant le Te Deum, & dés lors qu’il fut nuict,
On fit par tout Paris des feux ardens de joye,
Et mesme aux Fauxbourgs. Tout beau ie me fouruoyé,
I’oubliois à vous dire vn sinistre accident,
Qui arriua en Greve ; Qui fut, que cependant
Que l’on rendoit à Dieu les actions de graces,
Pour la Paix tant de fois desirée à nos races ;
Il y eut vn coquin qui s’en vint queresler
Le Boute feu des boëtes, & ainsi l’appeller,
Tu es vn beau Iean f.... au respect de ta femme,
Si ie prends vn baston, ie jure sur mon ame,
Que ie te frotreray en diable & demy :
Lors le Boute feu voyant cét ennemy
Le morguer tout de bon, frappe de sa fourchette
Sur la teste du drosle, & a ses pieds le iette.

-- 15 --


Ce frippon releué luy porte vn coup de poing
Dessus son estomach : L’autre ne manque point
De s approcher de luy, & dessus sa moustache,
Vn soufflet desplaisant de sa main il luy lasche.
Ils se prennent au collet presque en mesme-temps,
Et chacun desiroit de voir ce passe-temps ;
Ils se battent tous deux d’vne assez bonne sorte,
Chacun son ennemy ne frappant de main morte,
On les vient separer ; mais ie ne sçay comment
Le feu prit à la poudre en vn petit moment :
Car les boëtes estoient pour tirer arrangées
Comme il faut, & tres bien amorcée, chargées,
Et tamponées aussi, afin de mieux joüer.
Mais voicy le mal-heur il le faut aduoüer.
Ce fut le Boute-feu, qui auec sa mesche,
Se battant vid sortir d’icelle vne flamesche,
Qui mit le feu par tout aux poudres d’allentour,
Qui à cét Aggresseur ioüerent vn mauuais tour,
Il sembloit qu’ils vouloient deffendre leur bon Maistre,
De ce que luy faisoit ce detestable traistre.
Qui pour troubler la Feste auoit tant entrepris
De rendre le loüable sous les pieds du mespris.
Le feu donc despité, saisit cette personne
Qui l’auoit prouoqué ; Puis l’air aussi resonne,
Des cris des assistans, qui estoient venus voir,
Trop curieux d’apprendre, & trop prompts de sçauoir
Tout ce qui ce passoit en la place de Greve,
Quand ie pense à cecy, mon ame se sousleue :
Car si cét Aggresseur eut seulement souffert
Ce qu’il meritoit bien, ie me fusse offert

-- 16 --


De rendre mille vœux à la bonté diuine ;
Mais dix furent compris dedans cette ruïne.
Iuuisy ne receut vn desastre pareil,
Bien qu’il vid deuant luy vn nombre nompareil
De Soldats animez, quoy qu’ils ne fussent forts,
Pour soustenir de Mars les penibles efforts.
L’Aggresseur fut bruslé, en danger de sa vie,
Et dix auecque luy, qui n’eurent autre enuie,
Que d’y laisser brusler seulement le manteau,
Et les autres estoufferent ce feu de leur chappeau.

 

 


Or voylà l’accident que ie vous voulois dire,
Permets moy, cher Lecteur, vn peu que ie respire,
Ie vous ferray bien-tost voir la Conclusion,
Puisque c’est ton attente & mon intention :
Nous traitterons de Paix & de ces nobles fruicts,
Nous banirons la guerre auec les faux bruicts ;
De grace excuse moy ; puisqu’vne maladie
M’a depuis quelque temps la main toute engourdie,
Ie me porte vn peu mieux, puis qu’il plaist à mon Dieu.
Pour vn petit moment, mon cher amy, adieu.

 

A PARIS.
De l’Imprimerie de la Veufue d’ANTHOINE COVLON, ruë d’Escosse
aux trois Cramailleres.

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Questier, Mathurin, dit Fort-Lys [1649 [?]], SVITTE DV IOVRNAL POETIQVE DE LA GVERRE PARISIENNE. Dedié aux Conseruateurs du Roy, des Loix, & de la Patrie. Par M. Q. dit FORT LYS. DOVZIESME SEPMAINE. , françaisRéférence RIM : M0_1763. Cote locale : C_4_38_12.