Questier, Mathurin, dit Fort-Lys [1649 [?]], SVITTE DV IOVRNAL POETIQVE DE LA GVERRE PARISIENNE. Dedié aux Conseruateurs du Roy, des Loix, & de la Patrie. Par M. Q. dit FORT LYS. DOVZIESME SEPMAINE. , françaisRéférence RIM : M0_1763. Cote locale : C_4_38_12.
SVITTE DV IOVRNAL POETIQVE DE LA GVERRE PARISIENNE. Dedié aux Conseruateurs du Roy, des Loix, & de la Patrie. Par M. Q. dit FORT LYS. DOVZIESME SEPMAINE.
SI nous voulons bannir le cliquetis des armes, Pour embrasser la Paix ne soyons plus Gensd’armes. Si pour gouster vn fruict, qui seul nous peut nourrir ; Ne parlons que de viure & non pas de mourir. Si nous auons souffert au sujet de la guerre, Taschons de conseruer les douceurs de la terre. Terre, Grand Dieu, sans vous, qui ne peut rien porter, Si vostre Majesté ne la vient supporter.
On parle de la Paix, & on ne voit personne, Qui pour vn tel sujet modestement raisonne. L’vn dit, nous l’aurons pas ; l’autre soustient que cy, Et vn plus elegant ; dit tout haut ; Là voicy. Lettres de Sainct Germain m’ont esté enuoyées, Portant ; Que nos enseignes seront bien tost ployées : Braues Parisiens ; Vous ne deuez trembler ; On ne vous fera plus desormais assembler Au milieu de la nuict. La Reine vous accorde Vn pardon General ; & sa misericorde Veut que d’oresnauant vous viuiez plus joyeux ; Et qu’auec plaisir vous habitiez ces lieux ; Quoy qu’on ne sçache icy le cours de cette affaire, Si est-ce que l’on dit ; La Paix se va parfaire ? Vn chacun est d’accord ; & remis dans son bien, Les Chefs & Generaux ne souhaittent plus rien. Ils sont tous tres-contens ; mesmes leurs Majestez, Ont aboly les maux, qui se sont projettez ; Ils ont tout pardonné sans excepter personne, Cher amy, priez Dieu, pour eux & leur Couronne.
Tout le monde escoutoit cette homme ; Mais voicy Vn ignorant mutin, qui luy respond ainsi ; Pense tu nous charmer par tes belles paroles ? Ce que tu dis n’est pas, ce n’est rien que friuolles ; Tu crois trop de leger ; Dis moy donc, par ta foy ; Pense-tu dans Paris ; bien-tost reuoir le Roy ? Ouy, luy repartit l’autre ; & c’est mon esperance, De voir dans peu de jours la Paix dedans la France : L’on trauaille à cela, & ie suis bien certain Que bien-tost nous aurons tres-grand marché de pain ;
Ce mutin luy respond, tu es vn mal habile ; Et s’escriant, il dit, Voicy vn Mazarin, Il le faut épouffer ; Sus, ayde moy Marin ?
Marin oyant cecy, quitte la compagnie, Et laisse ce fantasque auec sa manie ; Qui lors se voyant seul commença de songer S’il frapperoit celuy qu’il disoit mensonger. Voicy ce qui fut fait ; La colere l’emporte, Il se jette sur luy d’vne assez belle sorte. L’autre ne manque point ; d’entrer dans le combat ; Et d’vn tour fort subtil deschire le rabat De son fier ennemy. Ils auoient des espées, Qui furent pour ce fait aussi-tost occupées, Ils se pointent tous deux, & d’eux on voit le sang Empourprer leurs habits. Tu ne tiens pas ton rang, Dit alors l’Aggresseur. Pare ce coup de grace ; Et toy prend cestuy-cy, pour seul de ta disgrace ? Ils se blessent tous deux encore par deux fois ; Et puis des regardans on entendit les voix, Qui crioient, c’est assez, tout beau, tout beau, tout beau, Il ne faut pas chercher pour si peu le tombeau. Puis on les separa, finissant leur querelle, Et chacun s’en alla reposer sa ceruelle, Faisant penser les trous qu’ils s’estoient faits expres, Sans remporter chez eux qu’vn remords puis apres.
Lors ie dis, Si la Paix icy nous fait la guerre, Qui pourra demeurer paisible en cette terre ? Si pour vn mot ou deux, il faut s’entretuer, Qui sera si osé de s’y habituer ?
Ainsi ie repassois dedans ma fantaisie, Ce combat, qui n’estoit que de pure frenesie ; Quand i’entendis soudain de semblables discours ; La Reine a octroyé la Trefue pour trois iours ; Tandis que l’on fera vn accord desirable, Qui rendra bien-heureux le pauure miserable.
Les vns estoient contens de ces bonnes nouuelles, Les autres ne pouuoient les bien estimer telles, Si bien qu’on entendoit vn murmure secret, Qui troubloit le repos du corps le plus discret. Parmy ces altercas dans la Cour du Palais, Ie vis beaucoup de gens, qui demandoient la Paix, Et prioient nos Messieurs de procurer ce bien ; De leur dire le temps, quand, comment, & combien, Il failloit supporter vne telle misere, Qui tuoit l’orphelin aussi bien que la mere. Courage mes enfans, disoit-il hautement ; Nous nous verrons bien-tost exempts de ce tourment, Il ne faut plus qu’vn peu prendre de patience, Et quitter desormais toute l’impatience, Que nous pourrions auoir ; car desia nos amis, Ont abbaissé les cœurs de nos fiers ennemis ; Dedans peu vous verrez vne tranquilité, Qui chassera bien loing la rude hostilité ; Chacun retournera, auec l’ayde de Dieu Chez soy, pour habiter son delectable lieu ;
Cependant à Paris, on se tient sur ses gardes, Sans point abandonner de nuict les Corps-de-Gardes ; Car le Roy commanda, que pour la seureté Des Habitans du lieu, en toute pureté ; On eust à obseruer & sans empeschement, Son Ordonnance ainsi, que son commandement, Iusqu’alors qu’on auroit accordé les affaires, Et qu’on les leueroit n’estant plus necessaires, De peur qu’il n’arriuast quelque inconuenient, Qui en traittant de Paix arriue bien souuent.
En ce temps l’on conçeut vne bonne esperance, Et chacun meditoit l’aymable temperance, De leurs trauaux passez ; On se resioüissoit, Et desia du trafic, le monde deuisoit, Tandis qu’au Parlement Messieurs font assemblée, L’on ne voit plus le peuple auoir l’ame troublée, Sçachant bien que ce n’est que pour les secourir, Et pour les empescher seulement de mourir.
Ils ayment la Iustice, & cherissent les Loix, Ils adorent vn Dieu, qui gouuerne les Rois : Et ainsi façonnant vne douce priere, Ils appellent la Paix, chassant la loy guerriere.
Le Prince de Conty, qui a tousiours bien fait, Et le grand Duc d’Elbeuf, que l’on tient si parfait, Furent à l’assemblée, & y eurent audiance ; Et mesme y receurent beaucoup de defferance.
Les Ducs de Beaufort, de Boüillon, de Luynes Auecque de Brissaç, tous gens de bonnes mines,
Le Duc de Boüillon remonstra sagement, Qu’eux tous n’auoient aymé que le soulagement Du peuple languissant ; & bref que leurs armes N’aspiroient qu’à la Paix & non point aux allarmes. Que s’il plaisoit au Roy leur accorder ce point, Ils seroient tres heureux de n’y estriuer point.
Aussi tost Nosseigneurs lecture firent faire, Des Responces du Roy, qui touchoit cét affaire, Ainsi ils se trouuerent satisfaits & contens, Quoy que l’on fit courrir qu’ils estoient mal-contens.
Messieurs les Gens du Roy representerent en suitte, Sa Declaration, & ce qu’elle medite, Qui est que les Arrests donnez au Parlement, Et les Commissions aussi pareillement, Du Preuost des Marchands, Escheuins de Paris, Soient d’oresnauant detenus à mespris. Traittez, lettres, escrits, & encore ce qui semble Empescher le repos, soit annullé ensemble. Que personne, pour ce, puisse estre recherché, Ny vn temps aduenir luy estre reproché.
Et puis sa Majesté secondement ordonne A tous Officiers, qui sont de la Couronne, De casser les Arrests, prononcez contre nous, Et lettres de cachet : & qu’on en soit absous.
Dauantage, il entend que chacun dans son bien, Rentre licitement, sans qu’il luy soit dit rien ; Qu’on viue desormais auecque asseurance, Ioüissant de la Paix, qui est nostre esperance.
Que tous les gens de guerre que l’on auoit leuez Pour les Princes & Seigneurs seront licentiez : Excepté seulement ceux que sa Majesté, Pour se seruir aura prés de luy arresté.
Que tous les prisonniers pris pendant cette guerre Auront la liberté, tant sur eau que sur terre. Et plusieurs autres articles, qui seroient ennuyeuses De rapporter icy n’estant pas curieuses.
Ie reprendray mon fil qu’il m’a fallu laisser, Et en continüant, pour ne te point lasser, I’entendis murmurer le commun populaire : Qui se resioüissoit pour vne bonne affaire, Ie m’enquis que c’estoit à vn de mes voisins, Qui venoit du Palais ; Nous voylà tous cousins, Me dit-il, en riant, Certes la Paix est faite, Bien bonne, bien concluë & sans estre imparfaite ; Toutes ses qualitez y sont tres-largement, On donne aux Soldats vn prompt deslogement Des enuirons d’icy ; comme des autres lieux ; Par ma foy, mon voisin, cela me rend joyeux. On dresse du Canon en la place de Greve, Allons voir, s’il vous plaist, si cela ne vous greve ; Nous beurons choppinette à la santé du Roy ; Ie sçay où est le bon, c’est chez Monsieur Darroy.
Ie fus lors si rauy d’entendre ce discours, Que ie creus que ma vie alloit laisser son cours : Car ie n’esperois pas vne telle nouuelle. Pour reuenir à moy, mon ame ie r’appelle, Et luy dis, mon voisin, allons donc vistement, Voir ce bel appareil, c’est mon contentement :
Voilà ce que nous vismes en allant à la Greve, De conter ce voyage, il faut donc que i’acheue. Nous croyons y trouuer quantité de Canon, Il n’y en auoit point, ie le dis tout de bon, I’y vis bien vne place pour y tirer des boëtes, Qui a donné sujet à beaucoup de Poëtes, De chanter les loüanges de nostre puissant Roy, A cause qu’il nous a tous osté hors d’esmoy. Le soir estant venu, on fit des feux de joye, De boire à qui mieux mieux tout le monde s’employe. Allons donc mon voisin, vous estes soucieux, Ie vous porte ce coup de vin delicieux, A la santé du Roy : Ie vous feray raison, Ne deusse-je porter vn double à la maison.
Compere mon amy, te souuient il du jour, Que ce fin Cardinal nous joüa ce bon tour ? Ne parlons de cela, amy ie te supplie, Mais beuuons de ce vin ; ie croy qu’il multiplie ; Car vous ne beuuez point ; Ce nectar vient des Cieux, C’a, ça, goustons-en donc nous deux à qui mieux mieux.
Aussi-tost que le jour commença de paroistre, Ie vis sur l’Horison, vn blesme Soleil naistre, Qui ne nous menaçoit que d’abondance d’eaux, Capables de grossir les plus profonds ruisseaux ; Neantmoins contemplant l’estoille matinale, Qui chaste ne peut-estre à vne autre esgale ; D’autant qu’elle à pouuoir de donner le serain, Et de rendre le soit semblable au matin. Ie fus lors estonné d’entendre des merueilles, Qui flattoient mes esprits, & charmoient mes oreilles ; I’entendis le doux son d’vn viollon plaisant, Lequel seul se rendoit capable & suffisant, De donner vn bon jour, à vne aymée Maistresse Toute pleine d’amour, de beauté, & d’adresse.
Ie conçeus dés l’abord que ie sentois le temps, Qui nous faisoit jadis sçauourer le Prin-temps : Et si ce n’eusse esté en la Sepmaine-Sainte, I’eusse creu cette joye comme friuolle ou feinte : Mais il est tres certain que c’estoit vn bon jour De Paix, qui venoit faire en ce lieu son sejour.
Ie me leue aussi-tost, & tout remply de joye, Ie m’en vay en l’Eglise où mes genoüils ie ploye, Remerciant ce Dieu, qui finit les combats, Et qui sçait mettre en Paix les plus fascheux debats Au sortir de ce lieu construit pour l’oraison, I’eus desir de venir habiter ma maison ; Mais ie fus diuerty par vn homme sçauant, Qui m’auoit rencontré deux iours auparauant,
Nouuelles sont venuës de la Ville de Laon, Portant que Leopold marche comme vn Paon Vers icelle, à dessein d’y faire quelque prise, Et que Plessis Praslin corrompt cette entreprise, Puis que s’estant campé vis à vis l’ennemy, Il le veut repousser ; & non pas à demy, Car, pour ce, il attend quelques forces nouuelles Qu’on luy doit enuoyer, qui sont lestes & belles. Et que cét Archiduc est allé visiter Le camp du Duc Charles, afin de l’insiter Contre nos gens choisis & contre nostre armée, Qui est, à ce qu’on dit, presque toute formée, Et que Messieurs de Laon en estat se sont mis, Pour repousser tous ceux qui leur sont ennemis ;
Voicy d’autres nouuelles, qui vienne de Calais, Que i’appris en sortant de la Salle du Palais Destrades, à present, Gouuerneur de Dunquerque (Au lieu du Grand Rantzau, qui est homme de merque) A enuoyé ; prudent, Madame de Rantzau, Pour attendre vn serain & vn calme nouueau. Elle à pris logement chez les Religieuses, Dittes de l’Hospital, qui en sont tres joyeuses, Esperant que ses maux finiront quelque jour, Et qu’elle reuiendra contempler ce sejour.
Matignon est venu à Roüen noble Ville, Trouuer & saluër le Duc de Longueville, Luy disant ; Que l’armée estoit en garnison, Dans toute la Prouince ; ainsi que de raison.
Mais ce qui nous resioüyt, fut l’action gentille, D’auoir les prisonniers mis hors de la Bastille En pleine liberté ; Ce fut vn coup de Dieu, Qui ne sera iamais oublié en ce lieu.
Le lendemain de Pasques, l’armée qui fut leuée, Pour deffendre Paris fit à la releuée, Monstre generale, qu’il faisoit beau de voir, Comme vn chacun Soldat estoit à son deuoir, Là tous les gens de guerre enfin furent payez, Et plusieurs sur le champ furent licentiez ; Sauf quelques Regimens de la Caualerie Qu’on mena à Praslin, & de l’Infanterie ;
Le mesme jour Monsieur le Prince de Condé Fut de son cher frere à Challiot secondé, Mesme on y vid aussi Madame de Longueville, Qui tousiours a esté aymee en cette Ville ; Le Duc de Boüillon s’y rencontra aussi, Là, salüerent le Prince, puis ils reuinrent icy.
Voyla ce qui fut fait ce iour la matinée. Mais voyons ce qu’on fit durant l’apresdinée, On chanta, Te Deum laudamus, hautement, Auquel assisterent Messieurs du Parlement, Les Cours Souueraines, & Officiers de Ville ; On tira les Canons restez dans la Bastille. L’Arsenal ne manqua de faire assez de bruict, Durant le Te Deum, & dés lors qu’il fut nuict, On fit par tout Paris des feux ardens de joye, Et mesme aux Fauxbourgs. Tout beau ie me fouruoyé, I’oubliois à vous dire vn sinistre accident, Qui arriua en Greve ; Qui fut, que cependant Que l’on rendoit à Dieu les actions de graces, Pour la Paix tant de fois desirée à nos races ; Il y eut vn coquin qui s’en vint queresler Le Boute feu des boëtes, & ainsi l’appeller, Tu es vn beau Iean f.... au respect de ta femme, Si ie prends vn baston, ie jure sur mon ame, Que ie te frotreray en diable & demy : Lors le Boute feu voyant cét ennemy Le morguer tout de bon, frappe de sa fourchette Sur la teste du drosle, & a ses pieds le iette.
Or voylà l’accident que ie vous voulois dire, Permets moy, cher Lecteur, vn peu que ie respire, Ie vous ferray bien-tost voir la Conclusion, Puisque c’est ton attente & mon intention : Nous traitterons de Paix & de ces nobles fruicts, Nous banirons la guerre auec les faux bruicts ; De grace excuse moy ; puisqu’vne maladie M’a depuis quelque temps la main toute engourdie, Ie me porte vn peu mieux, puis qu’il plaist à mon Dieu. Pour vn petit moment, mon cher amy, adieu.
A PARIS. |
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Questier, Mathurin, dit Fort-Lys [1649 [?]], SVITTE DV IOVRNAL POETIQVE DE LA GVERRE PARISIENNE. Dedié aux Conseruateurs du Roy, des Loix, & de la Patrie. Par M. Q. dit FORT LYS. DOVZIESME SEPMAINE. , françaisRéférence RIM : M0_1763. Cote locale : C_4_38_12.