Morgues, Mathieu de [1643], LES DEVX FACES DE LA VIE ET DE LA MORT DE MARIE DE MEDICIS ROYNE DE FRANCE VEFVE DE HENRY IV. MERE DE LOVYS XIII. ROYS TRES-CHRESTIENS. DISCOVRS FVNEBRE. Par Messire MATTHIEV DE MOVRGVES Sr. de Sainct Germain, Docteur en Theologie, premier Aumosnier & Predicateur de ladite DAME ROYNE; Predicateur du ROY CATHOLIQVE, & Preuost de Harlebeke en Flandres. DEDIÉ A LA ROYNE CATHOLIQVE. , français, latinRéférence RIM : Mx. Cote locale : D_1_3.
SubSect précédent(e)

SubSect suivant(e)

A
LA ROYNE

MADAME,

Lors qu’on a fait en France les Honneurs
Funebres de la Royne Mere de
VOSTRE MAIESTÉ, tous les Orateurs ont eu la
bouche fermée ; parce que les loüanges de cette vertueuse Princesse
eussent esté des blasmes pour ceux qui l’auoient persecutée.
Ayant remarqué ce silence, i’ay rompu le mien ; pour asseurer,
que la qualité, la vie & la mort de la Royne Mere de V. M.
luy ont acquis le droit d’Oraison Funebre. I’ay creu aussi, que
le soin de la dresser m’apartenoit, & que ie la deuois presenter
à V. M. Vne Royne, qui a esté long temps dans le combat ; qui
a vaincu auec vn admirable courage ; & qui a triomphé par vne
sainte mort, merite des acclamations d’honneur en terre, lors
qu’elle reçoit des Couronnes de gloire dans le Ciel. Ie crois auec

-- 4 --

beaucoup de raison, que la Royne Mere de V. M y est entree par
la porte de IESVS-CHRIST ; qui est celle des afflictions,
qui nous ont fait cognoistre ses autres vertus : estant vray, que
les Chrestiennes & les Moralles paroissent toutes dans la patiẽce.
I’en faits vn abregé, qui est comme vne carte, laquelle represente
sur vn peu de papier vn mõde plus estendu, que n’est celuy
que nous habitons, lors que ie descris vne ame plus grande
que la terre, qu’elle a sceu mespriser en sa prosperité, & abandonner
auec ioye dans son aduersité. Ces benedictions du Ciel
ne doiuent pas estre cachees. Ces rares exemples meritent qu’on
les face voir à nostre siecle, & qu’on les laisse à tous les Princes
& Princesses de la Chrestienté, qui sont sortis ou sortiront de
son sang. I’ay desia monstré, dans mes Escrits la pureté de cette
source, qui n’a iamais esté sallie par aucun vice, ny troublée
par les ordures des calomnies que les insolens y ont voulu ietter,
I’espere que Dieu me fera la grace de confirmer ces veritez dans
l’Histoire du temps ; l’ayant dressée en partie sur les memoires
& instructions de la Royne Mere de V. M. que i’ay seruy
vingt & deux ans dans les charges de son Predicateur ordinaire,
de son premier Aumosnier & du seul Aduocat de son innocence.
Cette tres-bonne Maistresse m’ayant honnoré de cet employ,
m’a voulu combler de gloire, lorsque peu d’heures deuant sa
sainte mort, par la seule inspiration de sa bon é apres mon absence
de quatre années, elle m’a laissé dans son Testament vne souuenance
singuliere de l’agreation de mes seruices, encore que ie
m’en voye priué par les conseils de celuy, qui iusques à sa mort
a persecuté les os & les derniere volontez de celle, qui n’auoit
iamais peché que pour l’auoir trop aduancé. Mais ie ne pense

-- 5 --

ny à mes pertes, ny à mes trauaux : ie ne m’estudie qu’à tesmoigner
ma recognoissance, & à esleuer dans ce Discours Funebre
vne representation vuide, en attendant que dans vn plus grand
Ouurage ie puisse dresser vn Tombeau solide & enrichy. Tout
ce qui regardera la glorieuse memoire de cette vertueuse Princesse,
doit estre dedié à V. M. comme à sa Fille Aynée, a l’heritiere
de ses vertus, & à l’obiet de ses plus tendres affections.
Elles ont paru, lors que la Royne sa Mere a laissé par son Testamẽt
à V. M. ce qu’elle auoit de plus cher & qui est infiniment
plus precieux, que tous les thresors & Empires du monde. V. M.
auoit merité cette souuenance publique par les assistances
& consolations qu’elle auoit donné à sa Mere affligee. V. M,
en aura vne recompense infinie en l’autre vie, & en cette-cy
ressentira bientost les secours, que les ames bien heureuses des
Meres enuoyent du Ciel aux Enfans qui les ont respectees en
terre. V. M. recognoistra par des signalees prosperitez que
bien souuent elles sont acquises aux viuants par les aduersitez
que leurs amis morts ont souffert auec merite. Celuy que la
Royne Mere de V. M. a acquis durant douze annees de tribulation
sera presenté à Dieu pour le Roy, qui l’a gardee d’oppression,
& garantie de la necessité ; pour V. M. qui l’a aymee,
& honnoree ; pour le Serenissime Prince, qui est le
plus beau fruit de cet heureux Mariage, que la Royne Mere
de V. M. entreprit auec tant de raison, & acheua auec
tant de generosité ; pour la Serenissime Infante, qui sera l’image
de ses vertus, sans resentir les desplaisirs de sa vie. Et
celle, qui a tant desiré la Paix parmy ses Enfans (apres auoir
desia obtenu, que l’obstacle principal fut osté) nous l’enuoyera

-- 6 --

du Ciel, où elle regne, & où apres plusieurs annees tres-heureuses
V. M. regnera auec elle eternelement. Ainsi le souhaite
celuy, qui est en verité.

 

C’est du
precieux
sang de Nostre
Seigneur
Iesus
Christ, dans
vne bouette
de diamans.

MADAME,

DE VOSTRE MAIESTÉ.

Tres-humble, tres-obeyssant &
tres-fidele seruiteur & subiet.

M. de St. Germain.

-- 7 --

SubSect précédent(e)

SubSect suivant(e)


Morgues, Mathieu de [1643], LES DEVX FACES DE LA VIE ET DE LA MORT DE MARIE DE MEDICIS ROYNE DE FRANCE VEFVE DE HENRY IV. MERE DE LOVYS XIII. ROYS TRES-CHRESTIENS. DISCOVRS FVNEBRE. Par Messire MATTHIEV DE MOVRGVES Sr. de Sainct Germain, Docteur en Theologie, premier Aumosnier & Predicateur de ladite DAME ROYNE; Predicateur du ROY CATHOLIQVE, & Preuost de Harlebeke en Flandres. DEDIÉ A LA ROYNE CATHOLIQVE. , français, latinRéférence RIM : Mx. Cote locale : D_1_3.