Loret, Jean [?] [1652], QVATRIESME GAZETTE DV TEMPS. EN VERS BVRLESQVES. , françaisRéférence RIM : M0_1471. Cote locale : B_18_26.
QVATRIESME GAZETTE DV TEMPS, A SON ALTESSE
Princesse de qui l’on peut dire Que vous aymez tres-fort à rire Ce discours aura des endroits Qui seront sans doute vn peu froids, Mais la Musette babillarde Essayant d’estre goguenarde S’il luy vient quelque bon moment Escrira plus gaillardement, Et i’ose quasi vous promettre Si vous regardez cette lettre Que vous verrez en la lisant Du serieux & du plaisant.
Mourond le Fort inexpugnable A ses voisins si redoutable Apres s’estre bien deffendu A Palluau s’est enfin rendu, Qui Dimanche y fist son entrée Dont certainement la contrée Tant les nobles que les paysans N’en sont nullement desplaisans, Si l’on doit raser ses murailles, Bastions, Parapels, Tenailles, Et les démolir de tout point On n’en parle ny peu, ny point Chez le gros bourgeois ny le mince, Car on craint trop monsieur le Prince.
Ieudy cinquiéme iour du mois Quantité d’honnestes bourgeois
Il faut dire icy quelque mot De Theophraste Renaudot Homme d’esprit & d’importance, Et le grand Gazetier de France, Qui voulant au Dieu des Amours Sacrifier ses derniers iours, Ayant des ans soixante & douze Auoit pris vne ieune espouse Qui n’auoit pas vallant cent francs, Mais vn beau corps & des plus blãcs Contenant en plusieurs especes Quantité d’aymables richesses, Ses cheueux bruns cendrez ou blonds Valoient six vingts douze doublons, Ses yeux vifs, clairs & nõ pas troubles Valoient trente sacs pleins de doubles, Et leurs regards bien appliquez Chacun plus de dix sols marquez, Son front septante & six pistolles Ses sourcils quatre mil obolles, Son teint sans fraude & sans abus Quatre vingts-seize lacobus, Sa bonche & ses dents fort egalles Vingt douzaines de riche-dalles, Son sein, sa gorge & ses tetons Valoient du moins mil testons, Sa belle taille & son corsage Neuf cens Ducats & dauantage, Et sur le tout son embonpoint A n’en mentir ny peu ny point, Sa bonne grace, son addresse, Sa douceur & sa gentillesse Se pouuoient bien monter encor A cinq ou six cens Escus d’or. Les premiers iours du mariage Sans, noise, sans bruit, sans orage Coulerent sinon plaisamment, Du moins assez paisiblement. Au mari froid comme vne souche La femme n’estoit point farouche, Renaudot sans estre ialoux Luy manioit souuent le poulx, (Et c’estoit là tout son possible N’estant pas d’ailleurs insensible) Il l’appelloit cent fois le iour Ma Nymphe, mon Ange, mamour, Mon cœur, ma moitié, ma fidelle, Ma Mignonne, ma Tourterelle. Ces pauures petits passetemps Durerent tant soit peu de temps : Mais enfin cette Deesse Orde Que l’on nomme Dame Discorde, Parmy leur Hymen se fourra De leurs deux esprits s’empara,
L’Altesse du Duc de Lorraine S’auançant à perte d’haleine Et tous ses escadrons aussi Vint en propre personne icy Vendredy si ie ne me trompe, Non pas auec autant de Pompe Que l’autre fois quand il y vint, Mais suiuy seulement de vingt, Ou pour le plus que ie ne mente Sa suite ne passant pas trente, Mais Comme ce Prince a laurrier Est autant Galland que guerrier, Il voulut que Madamoiselle De la main yvoirine & belle Luy fist vn petit mandement De venir icy promptement, Et que cette Dame Iolie Dont l’ame est dit-on si polie Frontenas escriuit aussi Monseigneur rendez vous icy, Ce que toutes deux elles firent La Princesse & l’autre escriuirent Chacun vn mot petit ou grand Et ce grand Duc leur deferant Plus prompt qu’vn esclair de tonnere Les vint voir en habit de guerre. Dedans saint Germain Lauxerrois Iadis Parroisse de nos Roys, Suruint vne estrange auanture Car en mettant en sepulture
Puis que ces articles diuers Vont au delà des deux cens vers, Princesse de rare importance A qui rendre humble obeissance Est presque mon plus grand soucy, Permettez que ie birse icy.
Fait l’huitiesme du present mois Dans le logis d’vn gros Bourgeois.
APOSTILLE.
Des debiteurs de faux papiers Pires cent fois que de ; fripiers, Et qui n’ont iamais les mains nettes Ont imprimé de mes Gazettes Sans craindre ny loix ny Scindicq Pour en faire vn lasche traffic, Qu’ils finissent ie leur en prie Cette franche friponnerie, Ou ie declare à ces meschants Qu’ils en seront mauuais Marchands.
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Loret, Jean [?] [1652], QVATRIESME GAZETTE DV TEMPS. EN VERS BVRLESQVES. , françaisRéférence RIM : M0_1471. Cote locale : B_18_26.