Hozier, Pierre d' [1652], REMARQVES SOMMAIRES SVR LA MAISON DE GONDI : PAR LE SIEVR D’HOZIER GENTILHOMME ordinaire de la Maison du Roy, Genealogiste de sa Majesté, & Iuge general des Armes & Blasons de France. , françaisRéférence RIM : M0_3268. Cote locale : B_10_3.
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REMARQVES SOMMAIRES
sur la maison de Gondi.

PAR LE SIEVR D’HOZIER GENTIL-HOMME
ORDINAIRE DE LA MAISON DV ROY.

IE ne suis point homme d’Estat, ie n’entre
point dans la politique ; mais ie suis fidelle
Historien, & ie hay l’imposture. Quand il
m’est arriué de jetter les yeux sur les libelles
qui courent presentement dans Paris,
ie n’ay consideré tout ce qui y est compris du secret des
affaires, que comme vn objet trop esleué pour estre penetré
par des personnes qui ne sont pas dans les mysteres
ou de la faction ou du cabinet. Ie ne me suis attaché qu’à
ce qui a esté purement de ma profession. I’ay crû que i’estois
obligé de rendre à la verité les connoissances qu’elle
m’a inspirées en ce qui touche l’origine des grandes familles.
Ie n’ay pû souffrir la calomnie, & ie me suis senty
dautant plus porté à détruire celle que l’on a publiée contre
la Maison de Gondi, que i’ay remarqué que la pluspart
de ceux qui ont escrit iusques icy en faueur de Monsieur
le Cardinal de Rais, ont mesprisé ce me semble auec trop
d’excez l’iniustice de ces inuectiues.

Ie ne suis point surpris que ceux qui n’ont point leu
les libelles qui se sont faits dans tous les temps, contre
toutes les personnes esleuées en dignité, se soient estonnez
des calomnies que l’on a publiées contre la Maison
de Monsieur le Cardinal de Rais ; Et il est vray qu’il est assez

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bizarre que l’on ait eu seulemẽt la pensée de trouuer à
redire à la naissance d’vn hõme qui de notorieté incontestable
compte dans sa famille depuis qu’elle est en France
trois Ducs & Pairs, quatre Generaux des Galeres, vn Mareschal
de France, quatre Archeuesques de Paris, trois
Cardinaux, neuf Cheualiers de l’Ordre, & qui sent couler
dans les veines de ceux qui portent son nom dans ce
Royaume le sang de Bourbon, d’Orleãs, de Luxembourg,
de Montmorency, de Laual, de Silly, d’Amboise, de Viuonne,
de Rieux, de Lannoy, de Clermont, de Rohan, de
S. Seuerin d’Hangest & de Sarrebruche. I’aduouë, dis-ie,
que ie ne comprendrois pas moy-mesme que l’on eust pû
voir assez de fureur, pour ne pas hõnorer la naissance d’vn
Cardinal nay sous le dais & dãs le balustre, si la lecture de
tous les libelles qui se sont composez dans les derniers siecles
ne m’auoit appris que la médisance n’a point de bornes,
& que les grandes familles ressemble aux grands fleuues
dont les eaux toutes pures & toutes claires en elles-mesmes
ne laissent pas d’estre quelquesfois troublées par
la cheute des torrents.

 

Ainsi l’on entreprit sous Charles VII. de faire passer le
sieur de la Tremoille pour vn homme de neant, & pour
fils d’vn Capitaine de voleurs appellé Trimoüillet, parce
qu’il estoit fauory ; quoy que sa Maison fust si illustre deuant
mesme qu’elle eust aucune ombre de faueur, que
son grand pere estoit premier Chambelan du Duc de
Bourgogne ; que son Pere eust espousé Marie de Sully, la
plus riche heritiere de son temps, qui se remaria à Charles
Sire d’Albret Comte de Dreux, Connestable de France ;
& que luy mesme eust espousé en premieres nopces Ieanne

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de Boulogne veufue de Iean Duc de Berry fils de France.
Ainsi les partialitez des maisons de Guyse & de Montmorency
produisirent dans les derniers siecles vn libelle
imprimé en l’an 1565. adressé à l’Hostel de ville de Paris,
appellé Le grand & loyal deuoir, qui pretend de prouuer,
non seulement contre toute sorte de raison ; mais encore
toute sorte d’apparence, que Ferry de Lorraine, Comte
de Vaudemont, duquel sont descendus Messieurs de Guise,
& qui estoit cadet de la maison de Lorraine, que toute
la terre reconnoist auec respect comme vne des plus augustes
du monde, estoit fils d’vn simple cadet de Graville
en Normandie. Que les Princes de Mantoüe, autant illustres
psr la grandeur de leur naissance que par leur souueraineté,
sont bastards d’vn Prestre, & descendus de Passarin,
que sans contestation aucune de tous les Historiens,
fut tué par Guy de Gonzague vn de leurs predecesseurs :
& que les Princes de Ferrare de la Maison d’Est, estoient
des gens de rien annoblis depuis cent cinquante ans.

 

Ainsi le ressentiment de Messieurs de Guise fit imprimer
à leurs seruiteurs cette fable si ridicule, de la descente
des Seigneurs de Montmorency, sans contredit les premiers
Gentilshommes du Royaume, & à mon sens de la
Chrestienté, d’vn Bouchard Bourgeois de Paris. Ainsi
Messieurs de la Rochefoucaud, sortis d’vne des meilleures
maisons du Royaume, ont esté traitez de petits fils de
Gorgeuert, dont le nom seulement n’est qu’vn phantosme,
& qui n’a iamais eu de fondement.

Ainsi le Mareschal de Tavannes, issu de la maison de
Saux, a passé dans les libelles de son temps pour fils de
Tavan, simple Capitaine Suisse. Ainsi pendant la faueur

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de Mõsieur le Duc de Sully, la sale & basse medisance a fait
tous ses efforts, quoy qu’en vain, pour ternir vne fausse allusion
au nom de Beton garde Escossois, le beau lustre de
la maison de Bethune, dont les Ancestres, par des preuues
plus claires que le iour, n’ont pas esté fort esloignez de la
grandeur des Souuerains.

 

Ainsi dans vne Satyre faite par quelques partisans de la
maison de Guise appellée La lettre d’vn Gentilhomme de Hainault,
& imprimée à Anuers par Guillaume Richman, l’on
traitte l’Amiral de Coligny d’homme sorty de lieu bas &
abjet, & l’on remarque en termes exprés, qu’il n’estoit pas
possible, qu’vne homme de si basse naissance n’eust les inclinations
tyranniques : l’Amiral de Coligny, dis ie, dont
on peut dire auec raison que la famille est aussi ancienne
qu’elle est illustre, & dont les predecesseurs, qui iouyssoient
du droict de Souueraineté dans toutes leurs terres,
se sont alliez auec des filles des Comtes de Sauoye, de Geneve
& de Forcalquier il y a plus de quatre cens ans.

Le sieur du
Rouchet Cõs[2 lettres ills.]ller
&
Maistre
d’Hostel du
Roy, qui s’est
rendu recommandable
par la parfaite
connoissance
qu’il a
de l’Histoire
ancienne &
moderne, &
des grandes
familles de
l’Europe fait
emprimer
celle de la
Maison de
Coligny, qu’il
a fort exatement
& fort
curieusement
recherchée, &
qui est sans
contredit vne
des plus illustres
de France.

Ainsi de nos iours la lettre déchiffrée, composée contre
le Cardinal de Richelieu, l’a voulu faire passer pour vn
hõme de rien & petit sils de Moine ; quoy qu’il n’y ait personne
qui ne sçache qu’il estoit sorty par des alliances immediates
des Maisons de Laual, le Roy-Chavigny & de
Rochechoüart. Ainsi d’Aubigné traitte dans son Histoire
le Mareschal d’Ornano comme vn vsurpateur de ce nom,
quoy qu’il n’y ait pas la moindre difficulté dans la preuue
de sa genealogie.

Cette mesme enuie & cette mesme haine qui ont formé
ces mensonges, & qui ont donné corps à ces ridicules
chimeres dans les esprits des ignorans, sont celles là mesmes

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qui ont animé l’imposture contre la Maison de Gondi,
& qui dans ces troubles funestes dans lesquels la France
a esté enueloppée par les factions des Huguenots, ont
porté ces mesmes esprits qui attaquoiẽt l’authorité Royale,
à attaquer aussi tous ceux qui demeuroient fermement
attachez au seruice du Roy. Le ressentiment des creatures
de l’Amiral de Chastillon outragé, & outragé à la verité
auec beaucoup d’iniustice sur le point de la naissance, suscita
toutes les calomnies qui parurent en ce temps là contre
les plus releuées du party qui luy estoit contraire, &
c’est de cette source que sont coulées toutes celles que
l’on a publiées contre le Mareschal de Rais fauory du Roy
Charles IX. Ayeul du Cardinal de mesme nom, & c’est
aussi de ce principe que la fureur a animé le mensonge
iusques au point de faire publier & de faire escrire que le
Mareschal de Rais estoit, pour ainsi parler, le fondateur
de sa Maison, & que ceux du nom de Gondi, qui estoient
venus en France, estoient des gens de rien, & dont le nom
n’estoit pas seulement connu en Italie.

 

La fausseté de cette calomnie est plus que suffisamment
conuaincuë par ceux mesmes qui la produisent, qui
ne sçauroient disconuenir que Hierosme de Gondi, qui
estoit au troisiesme degré d’Antoine de Gondi Seigneur
du Perron, n’ait esté Cheualier d’honneur de la Reyne
Catherine de Medicis, & que Iean Baptiste, oncle de Hierosme,
qui estoit venu en France deuant l’vn & l’autre,
n’ait esté maistre d’Hostel du Roy, comme on le peut voir
à son Epitaphe daus l’Eglise des Augustins, qui auoüent
qu’Antoine de Gondi Seigneur du Perron, pere du Mareschal,
estoit maistre d’Hostel premierement de Monsieur

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le Dauphin & du Roy Henry II. charge en ce temps-là
tres considerable, & possedée, comme vous l’allez voir,
par toutes personnes de haute qualité, & qui ne peuuent
nier que cét Antoine de Gondi n’ait espousé Marie de
Pierreviue gouuernante des enfans de France, fille de
Nicolas de Pierreviue & de Ieanne de Turin, & petite
fille d’Amedée de Pierreviue & de Françoise de Birague,
dont Ie nom est tres-illustre en France & en Italie. Nous
auons en main l’original du contract de mariage de Marie
de Gondi fille d’Antoine sieur du Perron & de Marie de
Pierreviue auec Nicolas de Grillet Seigneur de Bessay &
de Pommiers Comte de Saint Trizier, celebré au chasteau
de Blois le 19. Iuillet 1551. entre les mains de Iacques de
Beton Archeuesque de Glasco, en presence de Monsieur
le Dauphin & de la Reyne d’Escosse Dauphine. Ce contract
de mariage donne à Antoine de Gondi sieur du Perron
pere de la mariée, la qualité de maistre d’Hostel de
Monsieur le Dauphin, & à Marie de Pierreviue sa femme
la qualité de gouuernante des enfans de France. Et ce qui
est à remarquer, c’est que Marie de Gondi, quoy que fille,
estoit desia auant son mariage Dame d’honneur de Mesdames
Isabeau & Claude filles de France. Vous notterez
que ce mariage au temps duquel toutes ces qualitez
estoient desia dans la Maison de Gondi, fut contracté
douze ans deuant l’aduenement à la Couronne de Charles
IX. de qui le Mareschal de Rais estoit fauory. Cette
Marie de Gondi espousa en secondes nopces Claude de
Sauoye Comte de Pancallier. Vous pouuez lire tout le
particulier de ces mariages & de ces qualitez dans l’Histoire
de Bresse & de Bugey en la page 207. composée par

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le sieur Guichenon Conseiller & Historiographe du Roy,
homme tres-rare, tres-docte, & tres celebre. Si Antoine
de Gondisieur du Perron n’eust esté qu’vn gentil-homme
du commun, eust-il pris alliance auec vne personne aussi
releuée que l’estoit Marie de Pierreviue, & par sa naissance
& par la qualité qu’elle auoit de gouuernante des enfans
de France, dans vn temps où chacun sçait que la condition
estoit aussi necessaire pour les emplois. Marie de
Gondi sa fille eust elle esté Dame d’honneur des filles de
France deuant que d’estre mariée ; & Antoine de Gondi
sieur du perron luy mesme eust-il possedé la charge de
maistre d’Hostel de Monsieur le Dauphin & du Roy, dans
vn temps où toutes les choses s’estoient conseruées dans
la regle, où les charges n’estoient point encore auilies, où
Anne de Montmorency premier Baron de France, & depuis
Connestable, ne dédaigna pas d’estre premier Valet
de Chambre du Roy, par Lettres données à Blois le 8.
Avril en l’an 1520. où le Seigneur d’Assevilliers de l’ancienne
Maison d’Amerval en Picardie estoit Commissaire
des guerres, où les Seigneurs d’Essé Lieutenent general
du Roy en Escosse ; de la Hargerie de la Maison d’Ognies,
de Chasteauvieux, de Iars-Rochechoüart, de la Rochepozay,
de Noailles, de Liancourt, de Boisdauphin-Laual,
de Lezigny Pierreviue, du Puy Vatan, d’Estourmel & de
Lamet estoient maistres d’Hostel du Roy, aussi bien
qu’Antoine de Gondi Seigneur du Perron.

 

Les sieurs, de
Saincte-Marthe
freres
Conseillers
Historiographes
du
Roy, en la
seconde Edition
de leur
Histoire genealogique
de la Maison
de France
imprimée
l’an 1628. en
la seconde
Partie pag.
973. donnent
la mesme
qualité de
maistre
d’Hostel du
Roy à Antoine
de
Gondy Seigneur
du
Perron pere
du Mareschal
de [1 mot ill.]

Les sieurs
d’Estourmel
& de Lamet
estoient aussi
en ce temps-là
Generaux
Finances.

Vous voyez par les circonstances des temps qu’il est
assez ridicule de se vouloir estonner que le Mareschal de
Rais, ayant desia ces auantages de naissance du costé de
son pere & de sa mere, ait esté ensuite esleué à de plus

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grandes dignitez. Toutes les alliances que Messieurs de
Rais ont auec les Maisons de Cremeaux ; de Baronnat-Polimieu,
des Comtes de Bereins de la Maison de Corsant,
des Seigneurs du Brueil de la Maison de Damats, cadets
de celle de Thianges, des Vicomtes de Saint Mauris, des
Seigneurs de Maroles en Touraine, & des Seigneurs d’Espesses
du surnom de Faye leur viennent du costé de Pierreviue,
& la faueur du Mareschal de Rai n’a rien contribué
à toutes ces alliances, puis qu’elles luy sont prealables.

 

Quoy que ces veritez soient si claires qu’elles n’ayent
point besoin de preuues, & que celles que vous voyez icy
soient plus que suffisantes, j’en rapporteray pourtant, pour
ne pas manquer à la moindre circonstance, les originaux
entiers dans l’Histoire de la Maison de Gondi que je
donneray bien tost au public, auec toutes les pieces justificatiues
d’vne descente de plus de cinq cens ans, & en
attendant qu’elles voyent le jour, je me contenteray de remarquer
dans cét ouurage quatre ou cinq poincts, qui
font voir si clairement la grandeur & l’antiquité de cette
famille, que l’on auoüera que i’ay raison de les soûmettre
sans crainte, & auec la hardiesse que l’on doit auoir pour
vne verité certaine, au jugement & à la censure de tous les
Sçauants.

Et ce n’est
pas non plus
la puissance
du Mareschal
de Rais
qui a mis
dans sa
Maison les
dignitez dont
nous venons
de parler,
puis qu’elles
y ont esté
plus de
quinze ans
deuant qu’il
y eut aucune
ombre de
faueur dans
sa famille.

IE dis donc que ie feray voir les six-vingts-huit quartiers
de cette Maison, ce qui est assez rare & presque
impossible dans toutes les familles : & que, sans repeter les
noms de celles ausquelles elle est alliée dans la France, ie
ne trouue dans les alliances qu’elle a dans l’Italie que des

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noms si illustres & si marquez dans l’Histoire du Pays &
dans celle de Saint Iean de Hierusalem, que i’ose dire que
l’on ne trouue pas communément vn sang si pur. Ceux
qui ont quelque connoissance des Maisons estrangeres,
n ignorent pas les noms des Corbinelli, Billotti, Belfradelli,
Lippi, Lofredi, Bonacursi, Donati, Pitti, Buendelmonti,
Saluiati, Gualterotti, Ridolfi, Altouiti, Alamani,
Medicis, Antinori, Caponi, Tornaboni, Machiauelli,
Scali, Rucelai, Da Ricassoli, Veluti, Iaconini, Strozzi, Soderini,
luigni, Thebalduci, Martelli, Lenzi, Porchinati,
Ardinghuelli ; Richi, Scholari, Corsi, Rossi, Caualcanti.
Valori, Thadei, Pandolfini, del Nero, & Caneggiani,
Ceux qui sont versez dans les Genealogies sçauent que la
Maison de Gondi a toutes ces alliances immediates en
Italie, sans compter les autres que nous marquerons dans
nostre Histoire, qui luy en donnent de mediattes auec
tout ce qu’il y a de Princes en Italie, & mesmes dans
l’Europe. Et ceux qui ne sont pas entendus en ces matieres
peuuent sçauoir des Doctes, si i’auance vne proposition
qui ne soit pas certaine, en attendant le particulier
de l’Arbre Genealogique, & de toutes les pieces que ie
promets qui sont si claires que les ignorans & les Sçauans
en seront également instruits.

 

Ie dis en second lieu que le Prioriste de Florence commencé
l’an 1281. que tous les Historiens auoüent estre le
depositaire le plus fidelle des Geneologies, & qui est vn
abregé des Archiues publiques de la ville, en ce qui touche
les dignitez, nous marque qu’en l’an 1176. Fort de
Gondi fils de Belliqueux estoit vn des Senateurs. Qu’en
l’an 1256. René de Gondi signa la Paix auec les Pisans.

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Qu’en l’an 1290. Balde de Gondi eut de grands emplois
dans la Republique. Qu’en 1438. Simon de Gondi fut
souuerain Prieur & Seigneur. Que Charles en l’an 1451.
Mariotto en l’an 1461. Bernard en 1500. Laurens en suitte
eurent la mesme dignité : & que Bernard fut en 1525.
Gonfalonier, charge respondante dans la Repulique de
Florence à la dignité de Doge dans la Seigneurie de Venise.
Les curieux peuuent voir dans le Prioriste, que
tout le monde sçait estre vn ouurage plus ancien de prés
de trois cens ans que la faueur du Mareschal de Rais, si
ce que ie dis n’est pas veritable. Il y a plusieurs copies de
ce Liure en France.

 

Ie dis en troisiesme lieu, que dans vn Acte public qui
se trouue dans les Archiues de la Republique de Florence
en l’an 1351. on voit vn serment fait par Iean de Gondi,
& par tous ceux de la mesme Maison dans la mesme année,
par lequel tous ceux de ce nom iurent de ne plus adherer
au party Gibellin, d’estre à l’aduenir bons Guelphes,
& demeurer fidelles au party. Il appert par ce titre que ce
serment fut receu par tous les Seigneurs en Corps representant
l’Estat : Ce qui fait voir qu’il falloit que cette Maison
fust dés ce temps-là dans vne haute consideration,
puis qu’on exigeoit d’elle vn serment de cette nature.

Ie remarque en quatriesme lieu, qu’Heleine fille de Simon
de Gondi fut mariée l’an 1455. à Ian Saluiati, qui eut
pour petite fille Marie Saluiati, qui espousa le grand Iean
de Medicis aisné de sa Maison, vn des plus renommez Capitaines
de son temps, esleué des-ja par ses predecesseurs
à de grandes dignitez & à des biens immenses en Italie,
& pere du grand Duc Cosme. Ie ne toucherois point icy

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cette alliance, & ie me reseruerois à la rapporter dans le
nombre des autres que ie feray voir que cette famille a
prises, si ie ne me croyois obligé d’aduertir en ce lieu nos
imposteurs, qu’ils ne peuuent médire de la Maison de
Gondi, sans troubler en quelque maniere vne des sources
qui coule dans le sang de France. Tout ce qui sort du
grand Duc Cosme est interessé en ce poinct.

 

Si les curieux recherchent les quartiers du Roy, de
l’Infante d’Espagne, du Roy d’Angleterre, de Monsieur
de Sauoye, ils trouueront que le nom de Gondi a l’honneur
d’y auoir sa place & dans vn lieu & dans vn temps
où la plus aigre médisance qui se soit faite contre la Maison
de Medicis auoüe qu’elle estoit des-ja dans vn tres-grand
lustre.

Il y a vne autre alliance de laquelle, contre mon dessein,
ie ne puis m’empescher de parler icy, à cause du merite
& de la reputation de celuy auec qui la maison de
Gondi l’a prise, c’est le mariage de Philippes de Gondi
auec Alexandra fille de Pierre Capponi, si fameux par
l’audacieuse response qu’il fit au Roy Charles VIII.
Nous en rapporterons le particulier dans l’ouurage que
nous preparons auec les autres alliances, & ie me ressouuiens
en ce lieu qu’Vgolinus Verinus qui mourut en l’an
1490. parle dans son Poëme qu’il a intitulé, De Illustratione
Vrbis Florentiæ, de la Maison de Gondi, comme d’vne
des plus anciennes & des plus illustres de la Republique.
Ce Liure est commun, & tout le monde le peut lire ; en
attendant que ie donne au public celuy que ie luy promets.
Ie ne puis m’empescher pour l’amour de la verité
de conseiller à ceux qui ne sont pas sçauans en ces matieres

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la de consulter les doctes, quoy qu’à mon opinion il
ne soit pas beaucoup necessaire d’estre esclarcy d’vne
chose qui se verifie par le sens. Tous ceux qui vont à Florence
n’ont qu’à ouurir les yeux, ils n’ont qu’à regarder
les deux superbes Palais de Gondi bastis dans la premiere
enceinte de la Ville, & dont le premier a plus ide trois
cens ans. Ils n’ont qu’à considerer cette ancienne tour qui
est prés de saincte Marie de Lugi, & qui marque l’antiquité
de cette Maison. Ils n’ont qu’à visiter les anciennes
Chapelles qui sont dans les Eglises de sainte Marie Nouuelle,
dont la derniere est bastie il y a trois cens cinquante
ans. Ils n’ont, dis-je, qu’à examiner les sepultures de cette
famille, & particulierement celle d’Antoine de Gondi,
Ayeul du Mareschal de Retz. Ils n’ont qu’à faire reflexion
sur le lieu où sont ces sepultures, qui est sans contredit le
plus honorable de l’Eglise, & à la droite de celles de
Strozzi. Enfin ils n’ont qu’à considerer l’éclat ou sont encore
auiourd’huy ceux de Gondi dans l’Estat du grand
Duc, leurs charges, leur rang, leurs dignitez, leurs emplois
dans les Ordres de Malte & de saint Estienne qu’ils
ne tiennent pas en ce pays là de la faueur du Mareschal
de Retz, & ils auouëront que tout ce qui s’est dit contre
cette Maison n’est qu’vne imposture sort grossiere, & que
ce qu’elle a esté de tout temps en Italie n’est pas fort éloigné
de ce qu’elle est presentement en France. Pour n’estre
pas chimerique elle n’en est pas moins bonne. Il y a
beaucoup de familles dans ce Royaume qui feroient éclatter
auec ostentation ce qu’elle ne met pas seulement
en compte. Le Pape Iean VIII. qui tenoit le Siege de
Rome, il y a huict cens ans portoit le nom de Gondi, mais

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comme on ne veut rien aduancer en cecy que de solide &
de certain, ie me contenteray de dire que ie ne veux point
tirer des preuues d’vn temps ou il faut auouër qu’il n’y auoit
point de surnoms dans les Maisons.

 

Vous voyez que les tesmoignages que ie viens d’alleguer,
qu’il ne tient qu’à vous d’examiner dés auiourd’huy
dans les iures que ie vous ay citez qui sont hors de tout
soupçon, sont si clairs & si conuainquants, que ie me croy
beaucoup moins obligé de vous donner le particulier des
autres preuues, par la necessité de iustifier ce que ie pretens,
que par la consideration de ne rien obmettre de tout
ce qui peut seruir à l’ornement de cette famille.

Ie ne doute point que les ennemis de la Maison de Retz
éblouys par toutes ces lumieres, n’abandonnent vne cause
qui ne se peut soustenir auec apparence, mais ie preuoy
qu’ils essayeront encore de tirer du poison contre cette
famille, de sa grandeur mesme, qu’ils la traitteront d’Estrangere,
& qu’ils ne manqueront peut-estre pas d’accuser
le Cardinal de Retz, comme ils ont desia fait dans le
dernier libelle qu’ils ont fait imprimer, d’estre sorty des
ennemis de la France ; surquoy ie ne puis m’empescher de
respondre par auance, que le serment dont nous auons
desia parlé fait pour le party des Guelphes, marque qu’il
y a au moins plus de trois cens ans que ceux de cette famille
sont dans le seruice de la Maison de France, puis que
l’on sçait que les Gibelins ne furent chassez de Florence
que par l’ayde & les armes des P. d’Aniou & des Valois : Et
ie ne cõprens pas que l’on puisse dõner le nom d’Estãgers
à ceux de ce nom, dont le sang est meslé presentement auec
celuy de toutes les plus grandes Maisons du Royaume,

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ou bien s s’il n’est pas encore suffisamemnt naturalisé
par tant d’alliances, par tant de dignitez par tant de seruices,
il faut par la mesme regle tenit pour Estrangers ceux
des Maisons de Hallevvin, de Schonberg, de l’Hospital,
de Bassompierre, des Vrsins, de Fiesqe, de Coligny, de la
Baume Mont-reueil, de Brancas, d’Ornano, d’Elbene, de
Gadagne, de Mongomery, de Bossut-Longueval, de
Seigneurs de Fougerolles-Capponi, & des Barons de la
Sale-Baglioni, & de tant d’autres familles, dont l’origine
n’est pas Françoise.

 

Quand la calomnie se trouuera tout à fait confonduë,
elle prendra peut-estre vn autre route, & se seruira de cette
opinion chimerique, qui s’est coulée dans l’esprit de
quelques personnes de nostre Nation, qui est que la Noblesse
d’Italie, & particulierement celle de Florence n’est
pas tout à fait pure, à cause du traffic qui luy est permis. Ie
suis persuadé neantmoins qu’ils nous feront bien la grace
de tenir pour gentils hommes Messieurs de Fiesque, de
Grimaldi, Doria & de Spinola, à qui l’on peut faire le mesme
reproche. Et pour ce qui est des Maisons de Florence
en particulier, i’ose dire qu’il ny en a point au mõde dont
les preuues soient plus claires & plus nettes, & ie me promets
de mõstrer dans mon ouurage, qu’il ny a pas vne des
Maisons d’Iitalie que ie viens de citer en celuy cy, qui ne
soient marquées par les Croix de saint Iean de Hierusalẽ.
I’en feray voir cinq du nom de Gondi seul dans les Archiues
de Rhodes ou de Malthe.

FIN.

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Hozier, Pierre d' [1652], REMARQVES SOMMAIRES SVR LA MAISON DE GONDI : PAR LE SIEVR D’HOZIER GENTILHOMME ordinaire de la Maison du Roy, Genealogiste de sa Majesté, & Iuge general des Armes & Blasons de France. , françaisRéférence RIM : M0_3268. Cote locale : B_10_3.