Gondi, Jean-François Paul / cardinal de Retz [?] [1650], ADVIS IMPORTANT ET NECESSAIRE A MONSIEVR DE BEAVFORT ET MONSIEVR LE COADIVTEVR. , françaisRéférence RIM : M0_521. Cote locale : A_9_10.
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ADVIS
IMPORTANT
ET NECESSAIRE
A MONSIEVR
DE BEAVFORT
ET MONSIEVR
LE COADIVTEVR.

M. DC. L.

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ADVIS
IMPORTANT ET NECESSAIRE
A MONSIEVR
DE BEAVFORT
ET MONSIEVR
LE COADIVTEVR.

MESSIEVRS,

Cette fermeté d’ame, que vous avés fait paroistre dans
les derniers orages, qui s’étoient élevés contre vous, a bien
monstré que quelques obstacles que l’envie & la malice
puissent opposer à vôtre vertu, elle est assés puissante pour
les surmonter ; Que les perils les plus grands ne sont pas capables
d’abatre vos courages, & que de quelque artifice que
se seruent vos ennemis, pour vous ruïner dans l’esprit des
gens de bien, la bonne conscience & la verité, ces deux témoins
irreprochables de toutes vos actions, feront tousiours
tomber la confusion sur ceux mesme, qui s’efforcent de
vous accabler par leurs impostures, & par leurs calomnies.
Mais le zele que vous aués témoigné pour le bien public,
obligeant tous les bons François à faire des vœux continuels
pour la conservation de vos Personnes ; il ne faut pas
que vous vous étonniés, si dans l’excés de l’amour qu’ils ont
pour vous, ils prennent la liberté de vous dire, que la reconciliation
que vous venez de faire auec le Cardinal Mazarin

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leur est suspecte, & qu’ils apprehendent que la suitte
ne vous en soit funeste.

 

La maniere, dont il a recogneu les grandes obligations
qu’il a à Monsieur le Prince, vous doit faire vivre dans une
perpetuelle défiance de sa lâcheté, & de son ingratitude ;
& vous devés craindre, qu’il ne voulût masquer du nom
d’amitié sa perfidie, afin de mieux surprendre vostre prudence ;
C’est une pernicieuse maxime de ceux de sa nation,
que ce fourbe met en usage dans les occasions les moins
importantes, c’est un piege qu’il tend à la facilité de ceux
de la nostre, & c’est le moyen qu’il a prattiqué pour se rendre
maistre de la liberté, & de la vie de son Protecteur.

L’année passée au mois de Septembre, lors que Monsieur
le Prince eut fait éclater le iuste ressentiment qu’il avoit
des remises, dont le Cardinal Mazarin se servoit, pour ne
point executer ce qui auoit été accordé sur la parole de son
Altesse à Monsieur de Longueville au Traitté de Ruelle :
Apres que, par les offres de service que vous fistes à son Altesse
en ce rencontre, vous eustes l’amitié, que les interests
differents des derniers inconvenients avoient en quelque
façon alterée. Ce Ministre prévoyant bien que cette reünion
seroit fatale à sa Fortune ; Quels artifices n’empolya-t’il
point pour vous diviser ? Ne fit-il pas offrir par un Mareschal
de France à Monsieur le President de Bellievre les
Seaux ? à l’vn de vous cent mille liures de rente en Gouvernements
de places considerables ? à l’autre l’Abbaye de
Corbie, & la nomination au Cardinalat, pourveu que vous
vous separassiez des interests de ce Prince, qu’il meditoit
de perdre au milieu de Paris, pour y restablir sa reputation
par vne entreprise si hardie ?

Cette genereuse perseverance que vous eustes, à ne vous
point détacher du service de Monsieur le Prince, obligea le
Cardinal Mazarin d’auoir recours à ses bassesses ordinaires ;
Par l’entremise de l’Abbé de la Riuiere il trouva chés Monsieur
le Duc d’Orleans l’apuy, qui soustint sa fortune chancellante ;

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il consentit aisément à toutes les conditions qu’on
luy voulut imposer ; & prostituant selon sa coustume l’authorité
Royale, & l’honneur du Ministere, il n’eut point de
repugnance à venir demander pardon à Monsieur le Prince ;
& à luy protester les larmes aux yeux, qu’il ne feroit iamais
rien, qui luy pust déplaire ; & par vne lascheté indigne
du rang qu’il a l’honneur de tenir dans le Conseil du
Roy, il accorda aux menaces de son Altesse, ce qu’il avoit
inconsiderément refusé à ses sollicitations & à ses prieres.

 

Qui fut celuy du Royaume, qui ne fit alors le mesme jugement
sur cette reconciliation, que l’on fait aujourd’huy
sur la vostre ? & tout le monde ne demeura-t’il pas d’accord,
que si Monsieur le Prince ne prevenoit le Cardinal Mazarin
dans le dessein qu’il auoit sans doute de le perdre, & de
se venger de l’injure qu’il pretendoit en avoir receuë, il seroit
malheureusement prevenu par cét ingrat ; qui croyoit
avoir appaisé la haine du peuple en leur sacrifiant un Prince,
qui ne leur estoit odieux, que parce qu’il auoit conservé
par sa valeur l’infame autheur de toutes leurs calamitez,
la honte de la France & le sale rebut de l’Italie, dans un
rang, qui ne devroit estre rempli, que par des personnes de
naissance, de probité, & de suffisance ?

Le souvenir qu’il conservoit de l’affront que luy avoit
fait Monsieur le Prince, luy fit rechercher toutes les occasions
de s’en ressentir ; apres que par mille faux raports il
eut fait naistre mille soubçons, & mille défiances entre les
Maisons de Condé & les vostres. L’emportement du Marquis
de la Boulaye luy fit esperer qu’il se vengeroit de ses
ennemis par ses ennemis ; qu’il se déferoit des vns ou des
autres, ou que portant les choses à l’extremité, sur la ruïne
de tous ensemble il pourroit rétablir son credit, & raffermir
par la perte de ceux qu’il craignoit, l’autorité que sa
foiblesse & sa mauuaise conduite luy auoit fait perdre. Afin
d’obliger Monsieur le Prince de rompre pour jamais auec
vous, il luy fait entendre, que vous avés eu dessein de renverser

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verser l’authorité Royale ; que vous avés intelligence avec
les ennemis de l’Estat ; que vous les devés introduire dans
le Royaume ; que vous avés resolu de vous saisir de la personne
du Roy, & de toute la Maison Royale ; qu’à cét effet
vous avés donné charge au Marquis de la Boulaye d’exciter
une sedition dans Paris ; qu’il auoit en main dequoy iustifier
tout ce qu’il advançoit.

 

Le fourbe sçavoit bien qu’il ne pouvoit toucher Monsieur
le Prince par un endroit plus sensible & plus delicat ;
il ne doutoit point, que celuy qui avoit tant de fois exposé
sa vie pour la conservation & pour la gloire de la Couronne,
ne s’opposast avec chaleur à des desseins si pernicieux.
Sa malice ne s’arreste pas encore là ; il adjoûte que vous
aviés fait vn complot, pour tremper vos mains dans le sang
Royal, en la personne de ce Prince ; qu’il en a de tres-bons
advis ; que quelque-vns mesme de ceux qui devoient executer
cét execrable assassinat, luy ont descouvert tout le
mystere ; & qu’enfin il a des tesmoins pour vous convaincre
à la face de tous les hommes, des crimes les plus enormes,
qui puissent tomber dans l’imagination des plus scelerats.

Vous estonnerez vous, MESSIEVRS, que Monsieur
le Prince ait pris feu au recit d’vne telle conjuration ? Le
Cardinal Mazarin apres auoir donné ces premieres impressions
à son Altesse, afin de luy oster tout lieu de douter de
ce qu’il venoit d’entendre, luy fait donner les mesmes advis
par differentes personnes. Madame la Princesse garde
encore le billet que Monsieur Servien escrivit sur ce sujet,
bien qu’il put quelquefois donner au Cardinal des conseils
assez violents pour r’asseurer sa timidité naturelle, bien qu’il
ait continuellement en bouche cette maxime : Qu’un homme
pour s’esleuer doit marcher sur les corps morts ; sur
ceux mesme de ses bien-facteurs, s’il est necessaire ; & n’espargner
artifice, poison ny fer pour son establissement, &
se servir des uns & des autres pour sa conservation. On ne

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peut croire qu’il ait aucune part à l’invention d’vne fourbe
si noire & si meschante ; il rendoit ses respects auec trop
d’assiduité à Monsieur le Prince, & tesmoignoit trop d’attachement
à ses interests : enfin il a trop d’honneur, pour
auoir contribué en cette occasion autre chose, que l’obeïssance
qu’il a pour le M. Il pouvoit seulement se dispenser
de travailler en mesme temps avec tant de soings à la Lettre,
qui fut envoyée au Parlement, pour justifier la detention
de Monsieur le Prince, & au billet qui luy fut escrit,
pour l’advertir qu’on avoit dessein de l’assassiner.

 

Vostre innocence ayant esté reconnuë, il n’y a personne
qui ne desplore la conduite de Monsieur le Prince ; mais
apres s’estre laissé persuader, que vous aviez conspiré contre
la Maison Royale & contre sa vie, n’est-il pas digne de
compassion, de s’estre laissé emporter aux dernieres extremitez ?
& s’il a creu que vous ayez conçeu un si enorme dessein,
n’a-t’il pas deu faire tous ses efforts pour vous perdre,
& pour venger l’Estat & le sang Royal, dont il a l’honneur
d’estre le premier Prince ?

Il n’y a personne, qui blasme ce que vous avez esté contraints
de faire pour destourner le coup, dont vous estiez
injustement menacez ; Mais si Monsieur le Prince a tort
d’avoir adjousté foy aux calomnies qu’on vous imposoit. Si
vous avez raison de vous pleindre de ses violences, qui vous
ont forcé, pour vous en guarentir, de vous jetter entre les
bras de l’homme du monde, que vous aviés le plus indignement
traitté, & pour lequel vous avés esté eu plus de mespris.
Si vous avés vne iuste douleur d’avoir esté soupçonnés par
Monsieur le Prince, d’vn crime qui faisoit horreur à toute
la nature ; quel ressentiment ne devés vous pas avoir contre
celuy qui a pretendu vous en convaincre ? & qui seduisant
la credulité d’une personne si interessée dans la conservation
de l’Estat, vous a reduits par cét artifice malicieux à rechercher
sa protection, par laquelle il a voulu mortifier vostre
generosité, qui a long temps combattu, devant que

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vous ayez peu consentir à cét asyle que vous jugez honteux ?
Mais veritablement la violence qu’il a secretement fomentée
vous a fait chercher vostre seureté : Comme lors qu’vn
vaisseau est surpris en pleine mer par une grande tempeste,
apres que le Pilote a long-temps combatu contre la fureur
des vagues & des vents, sa prudence l’oblige quelquefois
de relascher malgré luy vers des costes ingrates & barbares,
sur le bord desquelles il voit encore flotter les miserables restes
de vaisseaux qui s’y sont brisez ; Mais à peine l’orage est-il
saissé, que levant l’ancre il se remet à la voile, poursuit sa
route ; & s’il retourne les yeux vers ces malheureuses plages,
ce n’est que pour se souvenir du danger qu’il a couru,
& pour les considerer plustost comme les tesmoins de sa disgrace,
que comme un port assuré pour ceux qui navigent ?
Iusques icy, MESSIEVRS, toutes vos actions n’ont point
eu d’autre but, que la reformation des desordres de l’Estat ;
Vn orage impreveu a trauersé vos desseins ; vous avés esté
contrains de vous mettre malgré vous à couvert dans un
Port, dont la fidelité vous a esté si long-temps suspecte ;
Souffrez que tous les bons François vous conjurent d’en
sortir, & de continuer ce que vous avés si genereusement
commencé.

 

La confiance que vous prenés depuis quelque temps aux
paroles du Cardinal Mazarin, fait trembler tous ceux qui
vous regardent comme les delices des peuples, & les protecteurs
de nostre liberté ; Songez de grace, qu’il n’a iamais
medité la perte de quelqu’un, qu’il ne l’ait comblé de fausses
caresses. Et souuenez vous, MESSIEVRS, que dans le
mesme temps, qu’un de vous negocioit secrettement avec
luy cette reconciliation, qui n’esclata qu’apres la detention
de Messieurs les Princes & vostre justification ; il leur
tesmoignoit avec plus d’empressement que jamais le desir
qu’il avoit de seconder leurs intentions ; Et ce fourbe ne
peut nier que la veille qu’il fit arrester Messieurs les Princes,
il ne luy eut promis de porter l’esprit de la Reyne à tout

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hazarder pour vous perdre, pourveu qu’il s’engageast à n’escouter
iamais aucune proposition d’accommodement avec
vous, & d’estre conjointement avec luy vostre ennemy irreconciliable.

 

L’exemple d’vne perfidie si detestable vous doit faire
avoir en horreur le traistre, bien que la trahison vous ait
esté avantageuse ; & puis que pour se venger de quelque leger
mespris, que Monsieur le Prince avoit fait de sa personne
il n’a rien oublié, que les obligations infinies qu’il avoit
à son Altesse : ne peut-on pas justement apprehender, que
pour satisfaire à la haine qu’il couue sans doute contre vous,
il se ressouuienne de tout, horsmis de la parole qu’il vous a
donnée depuis peu, de ne songer iamais aux indignitez que
vous luy avez faites. Car enfin le pretexte de l’emprisonnement
de Monsieur le Prince est imaginaire ; les services
qu’il a rendus à l’Estat sont effectifs ; les crimes dont on l’accuse
sont chimetiques ; on chastie en la personne du premier
Prince du sang le merite qui donne de l’ombrage : &
sa vertu injustement suspecte est traictée comme le crime
convaincu. Vn Estranger sujet du Roy d’Espagne vous veut
persuader qu’il a penetré jusques dans le fonds du cœur de
nos Princes ; que l’interest du service du Roy n’est point le
premier mobile de leurs actions ; & que lors qu’ils sont au
milieu du feu, du fer & du sang pour soustenir les droits de
la Couronne, les coups qu’ils donnent & qu’ils reçoiuent
sont moins pour abbatre les ennemis de l’Estat, que pour
renverser l’authorité Royale. Le Politique extravagant
vous veut faire croire que Monsieur le Prince est criminel,
parce qu’apres avoit gagné quatre fameuses batailles, &
soubmis à l’obeissance du Roy les plus importantes Villes
de l’Europe, il s’est acquis vne reputation extraordinaire,
Qu’il est coupable parce que tous les soldats ont du respect
pour sa valeur ; & que du consentement de ceux qui ont
blanchi dans le service, à l’aage de vingt-cinq ans il s’est
rendu le plus grand Capitaine du siecle. Qu’il falloit enfin

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s’assurer de sa personne ; parce qu’il demandoit des graces
pour ceux qui auoient genereusement respandu leur sang
dans les armées, & qu’il vouloit par des recompenses exciter
les sujets du Roy à suivre l’exemple des braues, dont
il faisoit recognoistre les services.

 

Que si cet habile Ministre ne pretend pas vous persuader
que l’emprisonnement de Messieurs les Princes soit vn effet
de son jugement, il n’y a personne qui ne juge que c’en
est vn de sa memoire. Le souvenir d’vn affront receu l’a porté
à cette violence, & son ame naturellement ingrate y a
laschement consenti ; mais quoy, peut-estre que ce grand
Homme n’a point d’autres amis que ceux de l’Estat ; il a
creu devoir passer par dessus toutes les obligations qu’il
avoir à son Prince, qui a fait triompher par tout les armes
du Roy, parce qu’il a peu avoir la pensée de se mettre à la
teste d’vn Party considerable. S’il est ainsi, manquera-t’il
de pretexte pour perdre quand il pourra ceux qui se sont
trouuez en effet, & qui ont tiré l’espée contre les troupes
de sa Majesté ? Quelles assurances avec vous qu’il agisse
avec vous plus sincerement qu’il n’a fait avec Monsieur le
Prince ? & que pour justifier les perfidies qu’il vous fera, il
n’allegue un jour que les circonstances du temps obligeoient
sa Majesté de dissimuler les ressentimens qu’elle
avoit de vos entreprises ? Pensez-vous qu’il ait oublié le
sensible desplaisir qu’il receut à Saint Germain, lors qu’il
aprit, que descouvrant publiquement dans l’Hostel de Ville
la veritable bassesse de son extraction, vous dittes que
c’estoit une chose honteuse à la France de souffrir plus long-temps
la domination du fils du fermier, & de la bastarde du
Moine Buffalin, Abbé de l’Appescia dans le Duché de
Marse ? Croyez-vous qu’il ne se souvienne plus que vous
avés dit, que pour le chastier des discours insolents qu’il
avoit tenus contre vostre personne vous dittes, que vous
vous contenteriez de faire donner à ce faquin vestu de rouge,
la fleur de lys en Greve ? Et peut-il oublier que lors qu’il

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eut l’effronterie de penser à l’alliance de Monsieur de Mercure
pour la Mancini, Monsieur de Beaufort ait dit, qu’il
ne croiroit iamais que le petit fils d’vn Henry IV. ait voulu
espouser la petite fille d’vn Courier ? Et pensez-vous enfin,
qu’estant nay Italien il puisse mettre en oubly les injures
qu’il croit avoir receuës de vous, & qu’il s’imagine que vous
puissiez oublier celles qu’il vous a faites ? Il ne croira jamais
que Monsieur de Beaufort oublie cinq années de prison,
apres avoir esté calomnieusement accusé d’avoir voulu salir
ses mains dans le vif sang de son Eminence ; qu’il oublie les
diverses entreprises & conspirations qu’on a faites pour l’assassiner
depuis sa sortie du Bois de Vincennes ; qu’il oublie
l’injuste persecution de la Maison de Vendosme : Que Monsieur
le Coadjuteur ne se ressouvienne plus de la maniere
dont il vous a traittez à la Cour, lors qu’il exposoit si genereusement
sa vie, pour appaiser les mouvements qui s’esleverent
dans Paris le jour que Monsieur de Bruxelles fut enlevé
par le beau conseil de ce Ministre : Qu’il ne se souvienne
plus de tous les emportements extravagants de ce grand
Prince de l’Eglise, qui fut si insolent, que d’oser dire à Saint
Germain, que Monsieur le Coadjuteur meritoit d’estre tiré
à quatre chevaux, & qu’il falloit en faire vn exemple memorable
à la posterité. Non, non, MESSIEVRS, vostre generosité
n’est pas capable de luy faire prendre vne sincere
confiance en vostre reconciliation, & sa lascheté vous doit
faire soubçonner la sienne ; Et nous devons iustement apprehender
que cét Estranger qui travaille visiblement par
sa conduite à la ruïne de cette Monarchie, qui entretient à
cét effet des secrettes correspondances avec nos ennemis,
dont il est nay sujet ; apres avoir mis dans les fers l’invincible
Deffenseur de cét Estat, & la terreur du Roy d’Espagne
son Souverain ; n’entreprenne sur les illustres Deffenseurs
de la liberté publique ; afin que par la perte des vns & des
autres, il mette à bout les pernicieux desseins qu’il a tramés,
depuis le jour, qu’à la honte & au malheur de la France, il
est entré dans le Ministere.

 

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Aprés tout, MESSIEVRS, quand vous auriés des gages
assurez de sa parole, & que forçant son naturel il en
voudroit estre esclave pour l’amour de vous, croyez-vous
avoir fait comprendre dans tous les peuples ? Et ne doiuent-ils
plus croire que vous leur avez presché dans Saint Paul,
Que le Cardinal Mazarin est un Ministre estranger, declaré
ennemy de l’Estat, & perturbateur du repos public, par la
plus celebre Compagnie du Royaume, parce qu’il est vostre
amy ? N’est-il donc plus vray qu’il ait enlevé nuitamment
le Roy ? N’est-ce plus ce lasche, ce perfide, qui apres avoir
mille fois violé le serment qu’il avoit fait, a voulu sacrifier à
sa passion la capitale du Royaume ? Le dissipateur de nos Finances,
qui s’estoit efforcé d’opprimer insolemment toutes
les Compagnies souueraines de l’Estat, lors qu’elles ont
voulu faire des remonstrances pour le soulagement des
peuples ? Ce cruel, qui a donné en proye à l’inhumanité des
Partisans toutes nos Provinces : & qui foulant aux pieds les
Loix diuines & humaines, s’est gorgé du sang de la veufue
& de l’orphelin ? & cét avare insatiable qui s’est enrichi des
necessitez publiques, & qui desrobant à la veuë de tout le
monde l’argent destiné pour le payement des troupes, a
fait perir les plus fleurissantes Armées que la France ait iamais
mis sur pied ? Ce Ministre qui a tant de fois exposé par
son imprudence la fortune, la seureté, & la reputation de
l’Estat, en desgarnissant nos Frontieres ? Cét ennemy du
repos de la France, qui a refusé la Paix que l’Espagne nous
demandoit, à des conditions les plus advantageuses que
nous puissions jamais esperer ? Enfin cét homme dont la vie
est si estrange, que ses ennemis mesme ne peuuent s’empescher
de rougir, lors qu’ils sont obligez de la luy reprocher ?
A-t’il iustifié toute sa mauvaise conduite, & s’est-il fait
homme de bien en vous promettant son amitié ? Si l’on se
pleint à present des violences & des cruautez qu’il fait exercer
contre les sujets du Roy, pour continuer ses rapines &
ses brigandages ; pensez-vous qu’on a tort de descrier le

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Ministere, que l’Estat ne peut estre mieux gouuerné, que
le Cardinal Mazarin a remedié à tous les desordres, & qu’il
est digne de la place qu’il tient parce que vous estes reconciliez ?
Triste & fatale condition des peuples ! Si leurs calamitez
ne sont considerables, & si leurs pleintes ne sont justes,
que suivant les interests de ceux dont ils reputent le
merite & la naissance, & pour lesquels ils ont voulu donner
si liberallement & leurs biens & leurs vies. Lasche, ingrat,
& perfide comme il est, pense-t’il n’estre plus l’object de nostre
haine, parce qu’il est devenu celuy de vostre amitié ?
Et croit-il s’estre despoüillé de toute l’infamie qui nous le
rend odieux, en faisant par tout où il va vne abjuration publique
de son nom ? Croit-il regagner les cœurs, en disant
qu’il n’est plus Mazarin, & qu’il est Frondeur ? Cette raillerie
indigne d’vn premier Ministre peut seduire pour vn tẽps
quelques-vns de la populace : mais lors qu’ils s’apercevront
que ce dangereux serpent n’a quitté sa peau, que pour en
reprendre vne nouvelle, qu’il ne les a embrassez, que pour
avoir le moyen de les estouffer ; La juste colere que les flatteries
de ce fourbe avoient assoupie & enchantée, se réveillant
tout à coup, & rompant le charme, éclatera avec autant
de chaleur, que lors qu’elle estoit animée par vostre Evangile :
& peut-estre que les inclinations qu’ils avoient pour
vous, quand vous estiez son ennemy, changeront au grand
desadvantage de nos interests, lors qu’ils vous trouveront
dans son party. La pente naturelle qu’il a vers tout ce qui
peut causer la desolation du Royaume, & la ruine des plus
fidelles sujets du Roy, leur fait pousser des soûpirs & verser
des larmes ameres quand ils voyent que par vostre appuy, il
se raffermit dans la mesme authorité, que vous avez tant de
fois apellée tyrannie. C’est vn pecheur incorrigible, qui ne
peut surmonter les mauvaises habitudes d’ignorance, de
malice, de bassesse, & d’ingratitude, qu’il a contractées dans
le Ministere. Il a beau, comme vn acteur de theatre, estudier
toutes ses actions pour tromper les yeux de ceux qui l’observent ;
il y a tousiours quelque chose du vieil Mazarin, qui

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le fait recognoistre, & ses recheutes ne sont pas moins dangereuses
que ses premieres fautes. Depuis qu’à la confusion
des François il est de retour à Paris, & que par vne sotte tolerance
le peuple qu’il a voulu faire perir le souffre dans ses
murs qu’il a voulu noyer dans leur sang. N’a-t’il pas impudemment
rapellé le crime que le Parlement avoit proscrit
par ses Arrests ? N’a-t’il pas remis dans le Conseil les harpies
qu’on en avoit chassé ? Les Cathalans & les autres ministres
de ses passions, n’occupent-ils pas à la honte de ceux qui ont
les moyens & le pouvoir en main les mesmes lieux, d’où la
justice les avoit fait tomber ? S’est-il emparé avec moins d’avidité
de l’argent que Messieurs les Surintendans ont fait
porter à l’Espargne par leurs soins & par leurs adresses ? Le
President de Thoré a dit publiquement dans le Parlement,
que le sieur d’Emery estoit prest de se justifier ; que depuis le
mois de Novembre il avoit fourny au Cardinal Mazarin dix-huit
millions, dont il y en avoit cinq pour luy, ou pour ceux
sous le nom desquels il trafique ; cependant a-t’il donné
quelque meilleur ordre pour la subsistãce des gens de guerre,
& pour la seureté des Places qui nous ont cousté tãt d’or
& de sang, & dont la perte ne seroit pas moins honteuse &
rejudiciable à l’Estat, que la conservation en est absolumẽt
necessaire ? Si on veut resister aux grands desseins & aux forces
cõsiderables des ennemis ; a-t’il pris plus de soin de conserver
nos Alliez, qui lassez de ses manquemens de parole &
de ses intentions, sur le credit desquelles il voudroit bien
les retenir au service du Roy n’adjoustant plus foy à ses traitez
vont prendre party avec l’Espagne ? A-t’il profité comme
il devoit, des advis que luy en dõnoit Madame la Landgrave
de Hesse ? Peut-il nier que cette genereuse Princesse
si constamment attachée à nos interests, ne l’ait aduerti que
les Espagnols levoient en Boheme & dans l’Austriche, &
qu’ils n’attendoient que le licentiemẽt des troupes qui sont
par toute l’Allemagne pour s’en servir, & venir fondre sur
nous ? Que c’estoit à regret que la pluspart de ses braves Colonels
se resolvoient de combatre contre la France ; mais

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qu’apres avoir long-temps attendu s’ils en seroient recherchez,
apres s’estre offerts, ils ont esté contrains par le mespris
que nous faisions d’eux, de prendre le party contraire ?
Enfin qu’a-t’il fait qui nous oblige à croire qu’il n’est pas le
mesme Mazarin, qui a porté la France sur le penchant de sa
ruïne ? Et vous pourrez souffrir qu’on dise de vous, que vous
estes ses amis, c’est à dire ses futures victimes ; Lors qu’il
croira pouvoir apaiser en vous sacrifiant les premieres tempestes
dõt il sera menacé, c’est le destin de ses bien-facteurs ;
c’est celuy de tous ceux qu’il engage malheureusemẽt dans
son amitié. Fatale amitié, qui vient d’estre cause que des
peuples ont souffert qu’au mespris des Declaratiõs du Roy,
pour lesquelles ils ont tant combattu, on aye fait au premier
Prince du Royaume vne violence qu’ils ne souffriroient
point en la personne du moindre citoyen : Ie sçay bien que
M. le Prince ayant commandé les troupes qui les avoient
assiegez, ils sont en quelque façon excusables, s’ils n’ont pas
eu pour luy toute la tẽdresse qu’ils ont témoigné pour ceux
qui les avoient deffendus. Mais qu’ils fassent vn peu de reflexion
sur ce qu’a fait cét illustre Malheureux ; lors que la
Reyne a creu qu’on vouloit opprimer l’authorité Royale,
elle s’est retirée à S. Germain, M. le Prince l’a suivie, c’est à
sa Majesté de justifier la suitte de cette sortie, M. le Duc
d’Orleans y consentit. Ce Prince à qui le Ciel a donné toutes
les lumieres necessaires pour le gouuernement d’vn
Estat, & qui par l’excez de sa bonté a si justement gagné les
cœurs de tout le monde. Il est certain que le Roy pour justifier
la resistance que les Parisiens ont fait à ses volontez, n’a
point voulu punir par cét emprisonnement l’obeïssance &
la valeur de M. le Prince, qui s’opposa si vigoureusement au
torrent des tumultueux mouvements de la ville capitale du
Royaume, dont l’exemple estoit d’vne si dangereuse consequence :
Mais si les peuples estoient assez credules, s’ils
estoient assez simples pour se les persuader ; & pour croire
que le Mazarin n’ait point esté le seul autheur de la resolution
que la Reyne prit d’emmener le Roy, de les assieger, &

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de les perdre ; Ne doivent-ils pas se ressouvenir en mesme-temps,
que M. le Prince de Conty est cét Heros du sang de
S. Louys, qui vint s’offrir si genereusement pour le Restaurateur
de la liberté mourante ? Peuuent-ils sans ingratitude
souffrir qu’on retienne dans les fers, celuy qui s’est exposé à
l’indignation du Roy, pour les ayder à rompre les chaisnes
de la servitude, sous laquelle la violence du Ministre les faisoit
gemir depuis tant d’années ? Peuuent-ils souffrir que
par vne injustice sans exemple, on retienne en prison vn
Prince, à qui on ne reproche que les fautes d’autruy, & qui
n’est criminel, que parce qu’il a des Gouvernements & des
Benefices qu’il luy veut ravir ? Et souffriront-ils que pendant
le regne d’vn Roy mineur, vn lasche fasse mourir dans
vne captivité injuste vn jeune Prince du sang innocent ?
Peuuent-ils entendre sans douleur, que cette Heroïne qui
voulut partager leurs miseres & leurs souffrances, soit obligée
pour se desrober à la fureur de leur ennemy commun,
d’abandonner son païs, & de mener vne vie errante & vagabonde,
cependant que l’insolent triomphe & se reuest
des despoüilles de sa Maison ? Peuuent-ils souffrir qu’un
Prince qui leur a voulu procurer vne Paix advantageuse
soit indignement traitté, parce qu’il a descouvert l’artifice
& la malice de celuy, qui les veut consommer dans vne
guerre immortelle ? Qu’ils songent que s’ils ont fait des feux
de joye pour la detention de M. le Prince, parce que demeurant
auprés du Roy il a maintenu le Cardinal, nos ennemis
de leur costé en ont fait pour la detention du plus
grand Capitaine de l’Europe, du plus grand Capitaine de
l’Estat, du plus redoutable deffenseur de la Couronne ; de
cét invincible, dont la valeur estoit si fatale à la Maison
d’Austriche, & si necessaire à la France. Est-il possible que
la Reyne ne fasse pas quelque reflexion sur l’importance du
service que Monsieur le Prince a rendu à sa Majesté ; lors
que pour luy obeir & pour luy complaire, il s’est exposé à la
violence des peuples, & à l’execution des Arrests du Parlement,
qui voulut arracher avec infamie du Ministere, celuy

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qu’elle y desiroit conseruer ? Elle a trop de generosité pour
n’avoir point du ressentiment, lors qu’elle considerera que
les peuples n’ont point d’autre suiet de n’aymer point Monsieur
le Prince, que parce qu’il est demeuré ferme dans les
interests de sa Maiesté. Et quelque iour, quand le Roy imitant
l’exemple d’vne si vertueuse Princesse, ira s’humilier
aux pieds des Autels, pour rendre graces à Dieu des prosperitez,
dont il est incessamment comble : Sera-t’il bien
possible, que ce ieune Monarque en levant les yeux au Ciel,
ne les arreste point vn peu sur ces memorables trophées,
que sa Maiesté a consacré au Dieu des armées ; & qu’il ne
soir point touché, lors qu’il considerera que la pluspart sont
teints du sang de ce malheureux Heros ? Ne se ressouuiendra-t’il
point que ce fut cét invincible, qui donna à la France
la premiere consolation qu’elle receut par l’importante
& fameuse victoire de Rocroy, qui r’assura l’Estat qu’une
telle perte avoit esbranlé ; & qui pour rendre sa minorité
redoutable, le fit monter au throsne de son Pere, en foulant
aux pieds les ennemis que son Altesse venoit d’abatre ?
Ce Prince, qui donnant par tout de la terreur & de l’effroy,
a surmonté par la rapidité de ses victoires celles du Rhin ;
& qui portant ses conquestes sur le Danube, a donné tant
d’espouuante à l’Aigle Imperiale. Thiumville, Fribourg,
Norlinguen, Vorms, Spire, Mayence, Philisbourg. Dunkerque
& Lans, où ce genereux Prince triompha des plus
grands efforts que nos ennemis eussent iamais fait, pour opprimer
la France chancellante ? Sont-ce des actions trop
peu considerables, pour cautionner la fidelité d’vn Prince
du sang, contre les iniurieux soupçons d’vn Estranger, dont
l’ignorance & la malice font encores à present douter du
salut de l’Estat ? Si la necessité où l’on vous a reduits vous a
fait consentir à l’amitié d’vn Ministre si descrié, celle de la
France que vous voyez & que vous cognoissez, n’aura-t’elle
pas assez de pouvoir pour vous faire reconcilier avec un
Prince, dont la reputation est si glorieuse ? Vous estes trop

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bons François pour laisser oysifue vne valeur, dont la France
a tant de besoin. Il a trop de cœur pour ne correspondre
pas aux obligations qu’il vous aura, pour les plus sensibles
tesmoignages d’amitié que vous puissiez attendre de luy.
Il n’y a pas homme d’honneur dans le Royaume, qui ne
fasse des vœux continuels à Dieu, afin qu’il vous inspire les
plus prompts & les plus seurs moyens d’une reconciliation
qui vous sera si glorieuse & si utile. Il n’y en a point qui ne
le coniure, mais avec des prieres ardentes, de destourner
de dessus vos testes, qui nous sont si precieuses, les perils
que leur fait apprehender celle que vous venez de faire
avec cét ingrat & ce fourbe, qui tasche desia de rendre vostre
generosité suspecte par des offres, des alliances, des
traittez, & des negotiations qui ne se terminent qu’en paroles
sans aucuns effets, pour l’establissement qu’il veut faire
croire que vous recherchez : mais qui pourront peut-estre
laisser quelques impressions dans l’esprit des peuples :
que leur soulagement n’a pas esté la principale fin de toutes
vos actions, mais le seul pretexte dont vous desguisez vos
interests particuliers. Si vostre vertu n’estoit à l’espreuue de
ce malicieux ennemy ; si cét artifice pouvoit alterer l’amitié
que le peuple a pour vos personnes, pensez-vous que
son insolence n’allast point iusques à vous, & qu’esperant
vn mesme succez, il ne hazardast pas de vous sacrifier à sa
vengeance ?

 

Apres la bataille de Lens, dont il corrompit les fruits
par ses mauvais conseils, il n’eust osé tenter ce qu’il vient
d’executer ; les peuples se fussent opposez à sa violence :
Paris eut pris les armes pour ce Prince, qu’il aymoit & qu’il
consideroit comme le Conservateur de l’Estat. Il n’eut
point souffert que pendant la minorité du Roy, & durant
vne guerre Estrangere, vn suiet du Roy d’Espagne eut fait
emprisonner des Princes du sang : Vous mesme eussiez soustenu
que cét emprisonnement estoit contre nos Loix &
nos Ordonnances ; on eut redemandé les armes à la main

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le Chef du Conseil du Roy ; enfin tout ce que l’on eut peu
faire pour un genereux serviteur, on l’eut fait pour un genereux
Prince. Cependant dés le moment que le Cardinal
Mazarin eut engagé dans son amitié Monsieur le Prince,
& que pour appuyer les volontez de la Reyne, que ce Ministre
avoit iniustement irritée contre Paris, son Altesse eut
pris les armes ; les excez d’amour se changerent en des transports
de haine ou d’adversion, qui ne diminuerent point
iusques au iour de la celebre rupture de Septembre, auquel
temps tout le monde luy donnoit des benedictions ; parce
que tout le monde creut qu’il s’estoit reservé la gloire de
chasser l’Ennemy commun. Mais aussi-tost que l’on vit qu’il
avoit esvité cét escueil, & qu’il s’estoit sauvé de cét orage
par vne feinte reconciliation, les peuples reprirent leurs
premiers sentiments ; & sur ce fondement le perfide commença
de bastir l’ouvrage qu’il a si facilement achevé. On
ne peut faire de reflexion sur les diuers mouvemens de haine
ou d’amitié que Paris a tesmoigné pour Monsieur le
Prince, que l’on n’ait en mesme temps pour vous vne iuste
crainte pour l’advenir. Quelles acclamations n’a point fait
le peuple, lors qu’il vous a veus si genereusement deffendre
sa liberté ? Quels soubçons, quoy qu’iniustes, n’eut-il point,
lors qu’il sceut qu’apres la paix faite, vous aviez visité le
Cardinal Mazarin ? Quels tesmoignages d’amitié ne vous
a-t’il point donné, quand il vous a veu avec chaleur solliciter
ses interests pour le payement des rentes ? Mais quelle
pensée n’a-t’il point à present, qu’il vous voit reconciliez
avec celuy, auquel, si toutes les Regles de la prudence ne
sont fauces, il n’y peut avoir de confiance. Et s’il vous arrive
que cette reconciliation vous oblige à soustenir cét
homme, qu’ils haïssent autant qu’ils ont iamais fait ; n’a-t’on
pas raison de craindre, qu’oubliant tout ce que vous avez
fait pour eux comme ils ont oublié tout ce que Monsieur
le Prince a fait pour l’Estat, ils ne changent leurs inclinations
en une haine qui vous pourroit estre fatale ? Preuenez

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ce malheur, qui donneroit le dernier coup à la liberté Françoise.
Remonstrez genereusement à sa Majesté l’interest
qu’elle a de chasser du Ministere l’irreconciliable ennemy
de tout le Royaume ; vn Estranger incapable, qui par sa
mauvaise conduite & son imprudence, hazarde à tous moments,
non seulement l’Estat, mais encore la reputation
du Roy. Et pour couronner toutes vos belles actions par
une generosité digne de vous ; Procurez la liberté de trois
grands Princes ; Faites rendre à tant de legions ce Redoutable,
qui les faisant vaincre autant de fois qu’il les fait
combattre ; ira par des nouveaux exploits, forcer encore un
coup l’Espagne à nous demander la Paix. Enfin, MESSIEVRS,
soyez les Restaurateurs de la France, & de la liberté
de ces Princes.

 

FIN.

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Gondi, Jean-François Paul / cardinal de Retz [?] [1650], ADVIS IMPORTANT ET NECESSAIRE A MONSIEVR DE BEAVFORT ET MONSIEVR LE COADIVTEVR. , françaisRéférence RIM : M0_521. Cote locale : A_9_10.