Désajeu,? [signé] [1651], LES PARTICVLARITEZ DE L’ENTREE DE Messieurs les Princes dans la ville de Paris. Auec la Lettre envoyée au Mareschal de Turenne, sur l’élargissement des Princes. , françaisRéférence RIM : M0_2707. Cote locale : C_11_14.
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LES PARTICVLARITEZ
de l’arrivée de Messieurs les
Princes dans Paris, & de celle
du Cardinal Mazarin au Havre
de Grace ; envoyées au
Mareschal de Turenne.

MONSEIGNEVR,

Ie puis sans apprehension souscrire, &
vous envoyer celle-cy, puis qu’elle contient
la nouuelle d’un succez où toute la
Cour, tout le Parlement, tout Paris, &
toute la France, aussi bien que vous, se
sont interressez. Nos Princes sont libres,

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Monseigneur, & l’indigne Autheur de
leur captiuité se treuue enfin en estat de
n’attenter plus contre des testes si sublimes,
& si generallement cheries de tous
les bons François ; ie vous ay mandé par
ma precedente tout ce qui s’est passé à la
Cour, & au Parlement, tant en faueur de
ces illustres captifs que contre cét imfame
ennemi de leur gloire, & celle-cy vous
apprendra qulques particularitez qui vous
seront d’autant plus agreables, qu’elles
découurent les fourbes continuelles de
l’vn, & font cognoistre la joye que tout
le monde a tesmoigné pour la delivrance
& le retour des autres ; le Cardinal Mazarin
se voulant attribuer la gloire de les
auoir deliurez, fit en sorte d’estre le porteur
de la lettre de cachet que le Roy & la
Reine auoient signée à cette fin, mais craignant
d’estre preuenu par les sieurs de la
Roche-Foucaut, Champlastreus, & President
Violle, Deputez de leursd. Majestez,
& porteurs d’vne autre lettre signée cõme
la precedente, & en outre de son Altesse

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Royalle, Il eut la malice d’empescher qu’il
ne se treuuast aucuns cheuaux sur les chemins
pour relayer le Courrier, ny lesdits
Deputez. Stratageme qui luy reüssit si bien,
qu’il arriua au Havre vne heure auant ledit
Courier de son Altesse, & auant que
lesdits Deputez en fussent à six lieües toutesfois
son arriuée en ladite ville fut
autre qu’il ne s’estoit proposé, car loin d’y
estre reçeu, & d’y trouuer du monde à sa
deuotion, peu s’en fallut que le peuple
n’anticipast les quinze jours qui luy sont
accordez pour sortir le Royaume ; & apres
lequel temps il est permis aux Cõmunes de
luy courir sus, ce qui dés lors seroit infailliblement
arriué sans l’ordre apporté par Mr le
Mareschal de Grãmont qui sortit de la Citadelle
pour appaiser l’emotion. Apres quoy il
conduisit ledit Cardinal, luy dixiesme dans
la petite Citadelle, où estãt arriué & s’estant
abouché auec le sieur de Bar, il alla salüer
Mr le Prince de Condé, qui fut encore
assez genereux pour se donner la patience
d’entendre le compliment que luy fit ce

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fourbe, qui ne tendoit à autre chose qu’à
persuader à ce braue Prince qu’il auoit le
plus contribué à sa deliurance. A quoy
son Altesse ne respondit autre chose sinon
qu’il remercioit le Roy, la Reine Regente &
Monseigneur le Duc d’Orleans. Et ainsi se
separa d’auec le Cardinal, & partit du
Havre pour venir coucher à Honfleur, d’où
lui, Messieurs de Conty & de Longueville
delogerent Lundi treiziesme Fevrier
accompagnez du Mareschal de Gramont
& des Deputez enuoyez pour leur delivrance,
& vinrent loger à Roüen. Le Mercredy
quinziesme de ce mois partirent de
cette ville grand nombre de Seigneurs pour
l’aller accueillir en chemin : & le soir du
mesme jour furẽt faits en plusieurs endroits
de cette ville des feux de joye pour leur
retour, qui se fit hier 16. de ce mois sur les
4 à 5 heures du soir, en la maniere suiuãte.
Lesdits seigneurs Princes de Condé, de Conty
& Duc de Longueville estant arriuez à
S. Denys, ils enuoyerent vers son Altesse
Royalle pour sçauoir d’elle l’ordre qu’ils

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devoient tenir pour leur entrée, & où elle
trouuoit à propos qu’ils allassent descendre :
à quoy leur ayant esté mandé que le Roy
& la Reine Regente les attendoient ce mesme
soir, ils partirent de S. Denys sur les 3.
heures apres midy, & vinrent accõpagnez
d’vne foule innombrable de Seigneurs &
de peuple jusques à la Chapelle, où ils trouuerent
Monseigneur le Duc d’Orleans qui
les receut auec vn accueil qui fit assez connoistre
à tout le monde que ce brave Prince,
auoit autant de joye de les revoir libres,
qu’il auoit témoigné de déplaisir lors de
leur emprisonnement, & d’ardeur pour en
faire exiler l’Autheur ; là ils entrerent dans
le carrosse de sadite Altesse, dans lequel
estoient Messieurs le Duc de Beaufort, &
le Coadjuteur de Paris, & vinrent descendre
au Palais Royal, pour y salüer leurs Majestz,
qui les receurent auec toutes les tendresses,
& les tesmoignages de bien-vueillance
possibles. Voila, Monseigneur, ce
que j’auois à vous mander, & ce qui a
mis tout Paris dans vne allegresse, que je

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crois n’estre comparable qu’à celle que
vous causera cette nouuelle, & à la passion
auec laquelle je proteste d’estre de
Vostre Grandeur,

 

Le tres-obeïssant, & tres-affectionné
seruiteur,
DESAIEV.

A Paris ce 17. Fevrier 1651.

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Désajeu,? [signé] [1651], LES PARTICVLARITEZ DE L’ENTREE DE Messieurs les Princes dans la ville de Paris. Auec la Lettre envoyée au Mareschal de Turenne, sur l’élargissement des Princes. , françaisRéférence RIM : M0_2707. Cote locale : C_11_14.