Bourlon,? [signé] [1649], REMONSTRANCES TRES-HVMBLES QVE PRESENTE AV ROY ET A LA REYNE REGENTE MERE DE sa Majesté la Chambre des Comptes: Sur les moyens par lesquels les deniers prouenus depuis plusieurs années des leuées ordinaires & extraordinaires faites sur le peuple par forme de Taille, des Impositions anciennes & nouuelles baillées à ferme, des autres Impositions & taxes extraordinaires d’Aisez, celles des entrées des Villes, Marchez & autres lieux, des creations de nouueaux Offices, augmentations de gages, droicts, & autres attributions a des Officiers des constitutions de Rentes sur les Finances de sa Maiesté, des alienations de son Domaine & reuenus, des retranchements de gages & rentes, & d’autres moyens extraordinaires, ont esté dissipez à la ruyne des affaires de sa Majesté & de son Estat, & à la foulle & oppression de ses bons Subjets. , françaisRéférence RIM : M0_3345. Cote locale : A_8_73.
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REMONSTRANCES
TRES-HVMBLES
QVE PRESENTE AV ROY ET A
LA REYNE REGENTE MERE DE
sa Majesté la Chambre des Comptes :

Sur les moyens par lesquels les deniers prouenus depuis plusieurs
années des leuées ordinaires & extraordinaires faites
sur le peuple par forme de Taille, des Impositions anciennes
& nouuelles baillées à ferme, des autres Impositions & taxes
extraordinaires d’Aisez, celles des entrées des Villes, Marchez
& autres lieux, des creations de nouueaux Offices, augmentations
de gages, droicts, & autres attributions a des Officiers
des constitutions de Rentes sur les Finances de sa Maiesté, des
alienations de son Domaine & reuenus, des retranchements
de gages & rentes, & d’autres moyens extraordinaires, ont
esté dissipez à la ruyne des affaires de sa Majesté & de son Estat,
& à la foulle & oppression de ses bons Subjets.

A PARIS,

M. DC. XLIX.

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ENTRE les fonctions que les Roys ont attribuées de
temps immemorial à la Chambre des Comptes, vne
des principales est, de faire rendre compte à toutes personnes
de quelque qualité & condition qu’elles soient,
qui sont employez au maniement & administration des
deniers de sa Majesté, & du public, & d’apporter vne Iustice
si exacte en l’audition, examen & iugement des comptes,
qu’elle ny admette aucune recepte qui ne soit faite par l’authorité
des Roys, declarée par leurs Lettres Patentes, dont
celles qui regardent la leuée des Tailles pour le courant de
l’année, soient receuës par les Tresoriers generaux de France des
lieux, & les autres verifiez és compagnies ausquelles la connoissance
en est attribuée par les Ordonnances du Royaume, & de
ne passer ny allouër en la dépense desdits comptes aucune partie
qu’elle ne soit legitimement deuë par le Roy, & ordonnée par
sa Majesté pour causes necessaires, regardans l’entretenement des
maisons Royales, la conseruation & manutention de son Estat,
& rejetter toutes celles qui ne sont de cette nature, & qui contreuiennent
aux Edicts & Ordonnances du Royaume, & auec telles
rigueurs que non seulement elles portent, qu’elles seront rayées
sur les comptables ou parties prenantes, selon qu’il y échet,
mais aussi en certain cas sur les ordonnateurs : Les Roys ayans
voulu par telles peines contenir chacun en son deuoir, & ce afin
qu’aucun n’entreprist de dissiper leurs finances, ny surcharger ou
opprimer leurs Subjets.

Neantmoins la Chambre a conneu que des personnes employées
par le feu Roy & vos Majestez au fait de leurs finances,
& ceux qui au detriment de vos affaires & du public, ont eu vne
auidité insatiable de deuenir riches en peu de temps, pour essayer
d’éuiter les iugemens de la Chambre, & la rigueur des peines
indictes par lesdites Ordonnan. se sont seruis pour faire leurs
affaires des comptans par roolles & par certifications, encores
qu’ils sceussent tres-bien, que dans le comptant par roolle, il
ne s’y doit employer que ce que le Roy prend tous les mois pour
ses menus plaisirs, & qu’il n’a esté introduit, que pour cette nature

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de dépense, & pour le comptant par certification, qu’il n’a esté
mis en vsage, que pour trouuer vne forme d’aquit, qui peust seruir
de décharge au Tresorier de l’Espargne, & estre passé en la
dépense de son compte par la Chambre, pour les deniers qui se
payent par le commandement des Roys, à cause des affaires secrettes
de l’Estat, qui se traittent dans les Cours des Princes
estrangers, dont la connoissance donnée à plusieurs pourroit nuire
au seruice des Roys, faire découurir leurs desseins, & hasarder
la vie de ceux de leur intelligence dans lesdits pays, qui sont les
seules parties qui doiuent demeurer dans la connoissance de peu
de personnes.

 

Que si cet ordre eust esté religieusement obserué, les sommes
desdits comptans eussent esté tres-moderées, & non si immenses
& excessiues, qu’à la seule nomination qui s’en fait, ceux qui
l’entendent en deuiennent surpris & estonnez, pour ce qu’il y a
tel comptant qui monte à trois fois autant que ce qui reuenoit à
l’Espargne il y a trente ans, de l’entier reuenu du Royaume sans
parler de ceux où il y a des parties employées pour des supplémens
de finances du denier quatorze au denier dix-huit. La raison
est, que les comptans sont remplis de grandes remises accordées
par des traittez à ceux qui ont esté les autheurs des aduis y
contenus, la pluspart desquels concistent en taxes faites sur des
Subiets de vos Majestez possesseurs de charges ou d’offices des
Aydes alienées & autres natures, & des retranchements de gages,
au lieu de laisser le recouurement de telles taxes, & retranchemens
selon la nature des deniers au Tresorier des Parties
Casuelles, ou Tresoriers generaux du Domaine qui ont leurs
commis en chacune Prouince. Les Roys leur ayant attribué ce
maniment par Lettres Patentes deuëment verifiées, par lesquelles
les frais des recouurements sont reglez à sommes si raisonnables,
qu’elles ne montent pas au sixiéme de telles remises.

Le mesme desordre a esté fait au debit des offices de nouuelle
creation, car au lieu de le mettre au soin, & souz la conduitte du
Conseil, & du Tresorier des Parties Casuelles, comme il se faisoit
auparauant, non seulement afin de tirer au profit du Roy
toute la taxe desdits offices, mais aussi pour tenir l’establissement
de tels offices nouueaux : sans cette consideration il en a esté pareillement
fait des traittez, par le moyen desquels la plus grande
partie de la finance a esté consommée en des remises & en des
interests.

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Outre ce que dessus, lesdits comptans se trouueront remplis de
dons & gratifications, tant sur les plus clairs deniers de l’Espargne
que sur des deniers prohibez par les Ordonnances, comme ceux
des creations d’offices, des attributions de gages, des alienations
des Domaines de la Couronne, des Aydes, des gages, &
des arrerages des rentes retranchées, des depenses faites pour les
bastimens, ponts & chaussees qui ont plus regardé l’interest des
particuliers, que celuy de vos Maiestez & du public, des recompenses
de charges non venales, de remboursemens d’offices, &
autres telles depenses qu’on n’ose faire voir au iour, de crainte
qu’elles eussent esté reiettées par la Chambre, comme estans contre
la Iustice, & la teneur des Ordonnances.

Il est vray qu’il y a des parties employées dans les comptans
pour les suppléemens de Rentes des Tailles & Gabelles constituées,
au lieu des offices & droicts assignez sur lesdites natures
supprimez par Edict du mois de Février 1634. pour faire depuis
le denier quatorze iusqu’au denier dix-huict, qui ne font qu’vne
entrée & issuë. Ce qui n’a esté ordonné que pour rendre les constitutions
conformes à celles des particuliers à raison du denier
dix-huit, selon la derniere Ordon. Mais cela n’a deu auoir lieu que
depuis le premier Ianuier de l’année 1635 iusqu’en l’année 1640,
que la plus grande partie des proprietaires desdits offices & droicts
supprimez par ledit Edict, ont rapporté leurs Lettres de prouision,
& leurs quittances de la sinance des attributions à eux faites, &
bien que de soy l’employ de telle partie dans les comptans par certification
ne soit mauuaise, & ne puisse nuire à vos Maiestez, puisque
la chambre en iugeant les comptes rendus en icelle pour le
prix principal desdites constitutions, a donné Arrest, par lequel
il est ordonné que les proprietaires de telles rentes ne seront remboursez
dudit prix principal desdites constitutions, qu’a raison du
denier quatorze des rentes à eux constituées, Neantmoins il a
seruy de pretexte pour fourrer dans lesdits comptans toutes sortes
de mauuaises parties.

Il a esté encores employé esdits comptans des sommes immenses,
tant pour des nouuelles rentes crées sur les Aydes, Tailles,
Gabelles, Clergé, impositions sur l’entrée du vin, cinq grosses fermes,
qu’autres natures, & qui ont esté baillées à si vil prix, que les
iouyssances des arrerages accordez par les traittez, ont quasi payé
au Roy le prix actuel conuenu auec les Partisans, aux termes qu’il

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a esté reglé par lesdits traittez : Et ainsi vos Majestez se trouuent
debitrices de sommes tres-immenses, sans auoir receu aucun secours
considerable en la necessité de leurs affaires, qui par telles
voyes en sont demeurées plus incommodées qu’auparauant, & le
public beaucoup plus oppressé, & cette sorte d’employ dans lesdits
comptans est entierement contre la Iustice & le bien de
l’Estat.

 

C’est ce qui a obligé la Chambre sur tous les comptes de l’Espargne,
ou les comptans qui y sont employez, se sont trouuez
monter à des sommes excessiues, d’ordonner de faire en temps
& lieu ses tres-humbles remonstrances à vos Maiestez sur lesdits
exceds, & y a procedé auec cette retenuë, Voyant la main du Roy,
& son sceau apposez à tels acquits, & les signatures des personnes
qui tiennent les premiers rangs dans l’Estat, dans l’esperance qu’vn
iour arriueroit qu’elle feroit executer sesdits Arrests, & par ses
tres-humbles remonstrances donneroit à connoistre à vos Majestez
le grand preiudice, qu’elles & l’Estat ont receu par ces acquits
de comptant, & que sans la facilité d’iceux les finances ne
seroient pas épuisées, ny les affaires du Roy reduites à l’extresme
necessité, comme elles se trouuent à present.

Et afin que vos Majestez connoissent & soient informées de la
verité de ce que la Chambre met en auant, & que la preuue en soit
faite : Vos Majestez sont tres-humblement suppliées de se faire
representer les Estats du menu de toutes les parties desquelles
sont composez les comptans, rapportez sur les comptes de l’Espargne,
rendus depuis l’année 1630, iusqu’en l’année 1644. & de
ceux qui ont esté expediez pour estre employez és comptes dudit
Espargne, des années 1645, 1646, & 1647, & les faire communiquer
à ladite Chambre : Ensemble les Traittez & Arrests
de prests, depuis le premier iour de Ianuier de ladite année 1630.
Elle fera voir à vos Majestez que les somme qui y sont employées
pour les partis cy-dessus enoncées, qui en doiuent estre reiettées,
montent a des sommes immenses : Et vos Majestez ne peuuent
pas craindre qu’il soit aucune chose reuelé de ce qui est employé
ausdits comptans, & qui doit estre tenu secret, puisque le serment
solennel que font vos Officiers de la Chambre, d’en vser de la sorte,
& leur fidelité à vostre seruice les y oblige assez.

Et ainsi vos Majestez ne se doiuent pas estonner, voyant combien
telle forme d’expedition preiudicie à leurs affaires & à l’Estat,

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Si les Estats generaux du Royaume, & toutes les assemblées des
Notables ont incisté que l’vsage en fust aboly : La Chambre supplie
tres-humblement vos Majestez de rendre cette Iustice à la fidelité
& sincerité qui doiuent estre gardées en l’administration des
finances, & aux interests du public, ny ayant aucune Ordonnance
qui establisse les comptans, ny qui les approuue.

 

Ce mauuais procedé a esté suiuy d’vn autre de grande importance,
en ce que pendant le temps d’vne guerre ouuerte contre
les ennemis de cet Estat, pour supporter les depences de laquelle
en tant de lieux, par terre & par mer, il se consommoit si grande
somme de deniers, & se leuoit iournellement, comme il se fait
encores, tant d’impositions extraordinaires, que tous les Subiets
de vos Majestez, de toutes conditions, se trouuent si accablez
souz le pesant faix de ces surcharges, plusieurs particuliers au
lieu d’obeyr à la volonté du feu Roy, portée par son Edict du
mois de Féurier 1634. publié en Parlement sa Maiesté y seant, &
en la Chambre des Comptes, par lequel sadite Maiesté a supprimé
les offices & droits des Tailles & Gabelles y declarez, & repris
à soy tout ce qui se leuoit à cause desdits offices & droicts, delaissant
la somme de huit millions de liures sur les deniers desdites
Tailles, & trois millions de liurel & plus sur les Gabelles, pour
sur lesdites parties estre constitué des rentes par le Preuost des
Marchands & Escheuins de la ville de Paris aux proprietaires desdits
offices & droicts pour leur tenir lieu de remboursement, se
sont fait rembourser en deniers contans, les vns de la finance de
leurs offices & droicts, les autres des rentes qui leur auoient esté
constituées sur lesdits deniers, comme aussi d’autres personnes se
sont fait rembourcer pour d’autres reuenus qui leur auoient esté
engagez, mesmes pour droicts & offices créez depuis le susdit
Edict de Février 1634, soit pour ne trouuer de l’aduantage en leur
reuenu, à l’egard de leur finance, soit en prévoyant les retranchements
qui en seroient faits par vne necessité apparente, qu’ils
iugeoient deuoir arriuer dans les affaires de l’Estat, & ces remboursements
ne sont pas de si petites sommes, qu’elles ne reuiennent
à plus de trente millions de liures.

Et la Chambre lors de la reddition des comptes de l’Espargne,
ausquels tels remboursements sont employez, n’ayant
peu distinguer bien certainement ceux qui auoient esté faits
de rentes, suiuant le susdit Edict, d’auec ceux faits en deniers,

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contre l’intention du mesme Edict, pour estre la forme des acquits
rapportez sur les parties des vns & des autres entierement
semblables, auroit seulement chargé lesdites parties de souffrance,
attendant que la finance y mentionnée fust par elle verifiée,
pour ce fait estre les parties iugées.

 

Mais depuis ayant eu connoissance desdits remboursements
faits actuellement en deniers, & consideré le grand preiudice
que lesdits remboursements auoient apporté aux affaires de
l’Estat, non seulement d’auoir esté pris dans l’Espargne cette immense
somme de trente millions de liures, & plus en deniers
comptans, ou en moyens extraordinaires à la surcharge du public,
mais aussi aux grands interests qui depuis ont esté payez pour remplacer
ce grand fonds, elle a iugé necessaire d’informer vos Majestez
dudit fait, & pour en auoir vne plus parfaite connoissance, elle
a deputé de vos Officiers pour dresser vn estat par le menu desdits
remboursements faits en deniers, attendant que vos Maiestez
addressent leurs Lettres Patentes à la Chambre, pour
proceder à la radiation des parties de remboursements esdits
comptes de l’Espargne, sauf à estre constitué des rentes aux interessez,
suiuant ledit Edict, pour ceux qui estoient possesseurs des
offices & droicts supprimez par iceluy, & faire rentrer les autres
dans les rentes, offices, droicts & reuenus qui leur auoient esté
vendus, & alienez, en secourant vos Maiestez des deniers qu’ils
ont receus, afin de supporter les depences de la guerre, soulager
vos autres Subiets d’vne partie des surcharges qu’ils supportent,
& remplacer les decharges que vos Maiestez ont octroyées à vos
Subiets.

Lesdits particuliers en faisant ce secours, n’auront aucun suiet
de se plaindre, puisqu’ils auront iouy sans aucun retranchement
des interests des deniers prouenus de leur remboursement depuis
qu’ils les ont touchez, qui est vn grand aduantage qu’ils ont eu
pardessus ceux qui sont demeurez dans leurs rentes, droicts & offices,
qui ont souffert tant de retranchements.

Et pource qu’aucuns desdits particuliers remboursez en deniers,
ne se sont pas contentez de receuoir le remboursement du
prix principal de leurs rentes au denier quatorze, que montoit leur
finance, comme le Roy leur auoit reglé, & la Chambre, ains se
sont fait payer ledit prix à raison du denier dix-huict, par vne mauuaise
foy, dont ils ont vsé enuers vos Maiestez, ce qui les rend

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coulpables du crime de peculat : Vosdites Maiestez les peuuent
obliger à la restitution du double de ce qu’ils ont trop receu, suiuant
les Ordonnances, quelques Lettres de don & de décharge
qu’ils ayent obtenuës qui doiuent demeurer nulles, quand mesmes
elles se trouueroient verifiées, & pour paruenir à cette restitution
& payement de ladite peine, enuoyer vos Lettres Patentes
à ladite Chambre.

 

Vos Majestez doiuent estre encores informées, qu’il y a vne
Loy à laquelle les Roys se submettent en prenant leur sceptre, &
que les Officiers de la Chambre & les Trésoriers generaux de
France iurent d’obseruer inuiolablement lors qu’ils sont admis
en leurs offices, qui est d’empescher de tout leur pouuoir l’alienation
du domaine de la Couronne, & qu’il ne soit vsurpé : C’est
ce qui oblige la Chambre à remontrer à vos Majestez, que depuis
quelques années plusieurs ont inuenté & employé toutes sortes
de moyens pour faire perdre au Roy la possession de plusieurs
portions dudit Domaine, non seulement à certain temps, mais
mesme à perpetuité, soit par des vẽtes nouuelles par échanges abusifs
de certaines terres & Seigneuries par dõs excessifs, par augmentation
de finance feinte & supposée, adioustée à l’ancienne, pour
laquelle le Domaine auoit esté desia engagé, prenant le pretexte
de faire le profit de vos Majestez, en faisant des encheres tiercement
ou doublement, ce qui est arriué à tel exceds, que les
Receptes faites dans les comptes depuis l’année 1630 pour vente
& reuente de Domaine en fonds de terre & Seigneurie, monte
à plus de quinze millions de liures, dont il se peut iustifier, n’en
estre entré actuellement aux coffres de vos majestez que peu de
chose, le surplus ayant esté fourny en mauuaises & fausses debtes,
arrerages, de pensions, dons, gratifications, recompences pretextes,
& autres choses furtiue & supposée contre les Ordonnances :
Ce qui se verifiera aisément, tant par les estats du menu des comptans
lors qu’ils seront representez ainsi que vos Majestez en sont
suppliées par la Chambre, que par les comptes de l’Espargne, &
se treuuera de plus, que la Couronne a esté depossedée d’vne
grande quantité de bois, esquels vos Majestez auoient droict de
gruerie & grairie, tiers & dauger pariage & autre droit, dont la
couppe de la supreficie a excedé le prix du fonds & des portions
de Domaines engagées à si vil prix, qu’en trois ou quatre années
de iouyssance du reuenu, il s’en trouue de remboursées, & seroit

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necessaire que le pouuoir de la recherche de tous ces abus fust
cõpris dans les Lettres susdites, qui sont demandées par la Chambre
à Vos Majestez sur le sujet des precedens articles.

 

La Chambre est aussi obligée de representer à vos Majestez que
la plus grande partie de ceux qui entrent dans les fermes, ont ordinairement
deux principaux desseins, l’vn de les auoir à vil prix,
afin d’y beaucoup gangner, & l’autre de ne manquer iamais à demander
des rabais, quand il suruient quelque accident qui leur en
peut donner le pretexte, pour paruenir au premier, ils vsent de toutes
sortes de voyes pour empescher les encheres, comme de monopoles
qu’ils font secrettement auec ceux qu’ils croyent capables
d’entrer dans les fermes, & de propositions de prests & aduances,
lors qu’ils sont en iouyssance des fermes auec grand profit, pour se
faire continuer en leurs baux, se preualans de la necessité qui est
dans les affaires : Et pour effectuer leur second dessein, il conuient
considerer que les Commissaires que le Conseil, ny ceux que la
Chambre commet pour informer des pertes supposées, n’ont que
deux voyes pour essayer de connoistre la verité du fait, l’vne en informant
des cas alleguez, ce qui est aisé ; mais pourtant qui n’est
pas concluant à vne perte receuë, Et l’autre de se representer les
Registres des commis des fermiers, qui ordinairement sont doubles,
l’vn secret, & l’autre public, & par ce dernier la perte se trouue
euidente & certaine, & ainsi vos Maiestez sont tousiours circonuenuës,
& est tres-necessaire que vos Maiestez pourvoyent à ces
inconueniens, tant en restablissant tous les Officiers creez par Edicts
deuëment verifiez ez Cours Souueraines, ausquelles la connoissance
en appartient, pour auoir soin de maintenir les droicts desdites
fermes, & tenir fidel Registre de ce qui doit prouenir d’iceux,
& les obliger à exercer leurs charges auec soin & fidelité, comme
aussi de ne laisser passer aucun Bail au Conseil, qu’apres les publications
deuëment faictes desdites fermes, & de toutes les conditions
d’icelles, sans permettre, ny receuoir aucune aduance, ne
payer aucun dédommagement, & auec clause expresse, que pour
euiter aux fraudes que toutes personnes seront receuës à en augmenter
le prix d’vne enchere raisonnable, dans six mois apres la
deliurance de la ferme, Laquelle enchere sera neantmoins reglée
selon sa qualité & valeur de chacune ferme, & faire exacte defence
d’vser d’aucun monopole, à peine de punition exemplaire, de
confiscation de biens de ceux qui seront coulpables, & de recompenser

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le denonciateur du tiers de la confiscation.

 

Outre ce preiudice, il s’en commet encores vn autre par ceux
qui entrent dans lesdites fermes, en ce qu’encores que la condition
de les tenir de vos Maiestez, & de ce qu’elles seruent pour
la manutention du Royaume, soit chose honneste & licite de tout
temps : Neantmoins ils font mettre les Baux souz noms supposez,
ou de personnes peu conneuës, & de basse condition, afin de
tenir le nombre des interessez dans le secret, d’où arriue qu’à suitte
d’années, la Chambre se trouue empeschée contre qu’elles
personnes elle doit decerner ses contraintes pour faire rendre
compte du prix desdites fermes, & pour y éuiter, il seroit necessaire
d’ordonner qu’à l’aduenir il ne s’adiugera aucun Bail desdites
fermes au Conseil, ny ailleurs, qu’à personnes conneuës ressentes,
deuëment cautionnées & certifiées, sans que les aduances
qui leur sont demandées, leur seruent de cautionnement, dautant
qu’ils peuuent les emprunter de leurs amis, Et apres qu’ils
sont entrez en la iouyssance de leurs fermes, les rendre du prix d’icelles
auant le terme de remboursement echeu, & ainsi vos Maiestez
n’ont plus de seureté, que la bonne foy des Fermiers, & leur
gain, & cela est contre les Ordonnances, qui veulent que tous comptables,
dont les Fermiers sont du nombre, baillent caution bien
certifiée.

Et pour ce qu’il est arriué plusieurs fois que la Chambre pour
n’auoir connoissance des baux des fermes, qui s’adiugent au Conseil,
aucuns des Fermiers se sont ingerez en la recepte des deniers
des droicts à eux affermez, sans auoir presenté leurs Baux à
la Chambre, mesmes que les années d’iceux se sont écoulées,
sans que le Procureur General ait pû faire aucunes poursuittes
alencontre des Fermiers pour les faire compter, sinon apres plusieurs
années, dont aucuns se sont trouuez insoluables, & ont emporté
& appliqué à leur profit particulier, & de leurs familles
les deniers de vos Majestez : & que le mesme desordre est aduenu
au fait des Commissions decernées à grand nombre de particuliers
pour faire la recepte des deniers de diuerses nature, lesquels
se sont entremis à l’execution de leurs commissions, sans
les auoïr presentées à la Chambre, ny qu’elle ait pû auoir connoissance
de leur maniement, ainsi apres plusieurs années qu’il a
esté finy, & comme la pluspart desdites commissions se mettent
soubs les noms de personnes peu conneuës : Il est impossible

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audit Procureur general de leur faire rendre compte de leurs
gestions, ce qui est entierement contraire aux Ordonnances. La
Chambre supplie tres-humblement vos Maiestez d’y pouruoir
Et à cette fin ordonner qu’en tous les baux à ferme & commissions
addressées à des particuliers pour le maniement des deniers de vos
Maiestez : Il y ait clause expresse qui oblige les Commissionnaires
& les Fermiers de presenter leurs Baux & Lettres de Commissions
à la Chambre, auant que s’entremettre au fait d’iceux, à peine
de nullité, & de trois mil liures d’amende applicable aux pauures
de l’Hostel-Dieu de Paris, & que dans iceux Baux & Commissions,
la demeure de l’Adiudicataire & du Commissionnaire y soit
declarée, Et ordonner aux Secretaires du Conseil, de mettre au
Greffe de la Chambre vne coppie de chacun desdits baux & commissions
le mesme iour qu’il les deliureront aux parties, dont
sera fait mention sur les Originaux & coppies, & qu’ils feront le
semblable des actes de caution, que lesdits Fermiers & Commissionnaires
rapporteront audit Conseil dans les trois premiers iours
qu’ils les auront receus, & si pour certaines considerations aucuns
des baux ou commissions sont signez ou expediez en commandement,
que le mesme ordre sera obserué par ceux qui en feront
l’expedition, & ce à peine aux vns & aux autres de radiation de leurs
gages, appointemens & pensions.

 

La Chambre est aussi obligée de representer à vos Maiestez le
grand preiudice qu’elles reçoiuent, & le public, de la facilité qui
a esté donnée à toutes personnes indifferemment d’entrer dans les
offices comptables en aneantissent les susdites. Ordonnances, par
lesquelles tous comptables sont obligez de bailler caution de leur
maniement sur les lieux, & que cette caution soit deuëment certifiée
de la soluabilité : Et cette Ordonnance est fondée sur deux
raisons principales, l’vne afin qu’il n’entre aucun dans tels offices
qu’il ne soit conneu, & l’autre qu’il y ait des surveillans des actions
desdits comptables, & cette facilité est prouenuë de la faculté donnée
aux Officiers comptables de tenir leurs offices en heredité, &
de les auoir dispercez sous pretexte de ladite faculté de bailler caution,
d’autant qu’il se trouuera telle personne entrée dans des charges
comptables, qui n’a eu autre bien que ce qui luy a esté besoin
d’auoir pour payer aux Notaires les frais de l’expedition du contract
de l’acquisition de son office, & aussi que plusieurs acquereurs
& possesseurs des offices, soit pour éuiter les continuelles contraintes

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qui s’exerçoient alencontre d’eux, à cause des taxes faictes sur
leurs offices, soit pour tirer indirectement de grands auantages
de leur maniement, en s’emparant des deniers de leurs charges,
& les apliquant à leur profit particulier, les ont mis souz les noms
de leurs domestiques, ou de gens peu connus, & c’est de-là
d’où arriuent tant de faillites & banqueroutes de comptables,
& pour y remedier, il seroit necessaire qu’il plust à vos Maiestez
addresser leurs Lettres de Declaration à la Chambre, pour
faire obseruer lesdites Ordonnances, nonobstant ladite faculté
d’heredité attribuée aux Officiers comptables, & de dispense
de bailler caution, ne deuant ladite heredité seruir en la definissant
dans la verité, que pour tenir lieu à l’Officier de dispense de
quarente iours.

 

Et dautant qu’il est souuent aduenu que par la mauuaise foy
des commissionnaires fermiers & autres, qui s’ingerent au maniment
des deniers Royaux, vos Maiestez & les creanciers desdits
particuliers se trouuent frustrez de leur deub : Il est iuste & raisonnable
que vos Maiestez y pouruoyent, & ordonnent que tous biẽs
de quelque nature que ce soit par eux acquis, ou donnez à leurs
enfans en faueur de mariage ou autrement, mesme les offices qui
se trouueront leur appartenir, mis souz noms empruntez ou donnez
à leursdits enfans depuis qu’ils sont entrez en leurs baux à ferme,
ou maniement desdits deniers Royaux demeurent affectez &
hypothequez à vos Maiestez, & à leurs creanciers pour raison
dequoy, il plaira à vos Maiestez addresser vos Lettres de Declaration
aux Parlemens, Chambre des Comptes, & Cours des Aydes,
portans derogation à toutes choses à ce contraires, les Ordonnances
faites sur le fait des offices comptables demeurant en
leur force & vertu.

La licence donnée à toutes sortes de personnes de proposer des
moyens extraordinaires au preiudice du seruice de vos Maiestez,
du bien de l’Estat, & de vos Subiets a esté depuis quelques années
si grande, que sans considerer, ny les proposans, la nature de
leurs aduis, leur suitte ny leur consequence, pourueu qu’il y eust
quelque aduance de deniers, toutes ont esté indifferemment receuës ;
En sorte que les Loix & Ordonnances du Royaume ont
esté enfraintes : C’est pourquoy la Chambre supplie tres humblement
vos Maiestez afin de ne plus tomber en ces accidens, de reietter

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toutes propositions qui sont preiudiciables à vos Maiestez,
à vos Officiers, & à vos autres Subiets, & faire defences à toutes
personnes de mettre en auant telles propositions, comme tendantes
à subuersion des Loix du Royaume, & entierement preiudiciables
à l’Estat.

 

Vos Maiestez doiuent aussi estre informées, que depuis plusieurs
années la fonction de ladite Chambre enuers les Officiers comptables,
les Fermiers, les Commissionnaires a esté comme suspenduë
par les frequents Arrests du Conseil, portans surseance de
ceux de la Chambre, donnez contre lesdits Officiers comptables,
Fermiers & Cõmissionnaires pour les obliger à rendre leurs comptes,
suiuant lesdites Ordonn mettent en auant des pretextes
que lesdites Ordonnances condamnent, & cela leur donne moyen
de se seruir des deniers de leur maniment au desauantage du seruice
de vos M. & du secours que doit estre apporté aux vrgens affaires
de l’Estat, & de demeurer en vne confusion telle, qu’elle
empesche ladite Chambre à rendre le seruice qu’elle doit à vos
Maiestez : C’est pourquoy vos Majestez sont tres-humblement
suppliées de reuoquer tous les Arrests de surseance donnez au
Conseil, & donner ordre qu’à l’aduenir il ne s’en donne plus de
semblables, & renuoyer ceux qui demanderont telles surseances
en ladite Chambre pour leur faire droict sur leurs Requestes,
ainsi qu’il appartiendra, ou nonobstant ce, il s’expedioit semblables
Arrests au Conseil, ordonner que ladite Chambre ne laissera
de passer outre à l’execution des Arrests qu’elle aura donnez,
pour faire rendre lesdits comptes, comme chose estant entierement
de sa charge, de son deuoir, & conformes aux Ordonnances.

Il est encores du deuoir de la Chambre de representer à
vos Maiestez le preiudice qu’elles ont receuës en diuerses manieres,
& leurs Subiets contribuables aux Tailles, aux Traittez faits
par Generalitez des deniers des Tailles auec des particuliers.

La premiere, pour auoir transmis a des particuliers traittans
l’authorité de vos Maiestez pour leuer sur le Peuple les deniers
des Tailles par toutes voyes de rigueur, sans aucune excepter, &
non permises par les Ordonnances, ny iamais vsitez dans le Royaume,
sinon par les ennemis de l’Estat, lors que pendant les guerres
ils ont exigé des contributions sur vos Subjets, dautant que

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par telles rigueurs extraordinaires, & exercées mesme à contretemps,
la pluspart des contribuables aux Tailles ont esté ruynez
& rendus inutils, & sans moyen de continuer à payer la Taille
ez années subsequentes, & se verifiera qu’en plusieurs lieux
les frais des leuées & du recouurement des deniers ont surpassé
de beaucoup plus ce qui se deuoit leuer au profit de vos Maiestez :
c’est ce qui a tant causé de non-valeurs, & qui rend mesmes auiourd’huy,
tant de Parroisses inutiles, & hors de moyen d’asseurer
les sommes portées par les mandements des Tailles qui leur
sont addressées.

 

La seconde, pour auoir esté consommé vne moitié de deniers
des Tailles, tant en remises qu’en gros interests, & sur-interests, ce
qui a obligé le feu Roy & vos Maiestez à consentir à des grandes
re-impositions des non-valleurs afin d’essayer de recouurer du
fonds pour supporter les depenses de la guerre, & satisfaire aux
depenses des Estapes, & qui a beaucoup aydé à l’accablement des
contribuables ausdites Tailles,

La troisiéme, de ce que lesdits Traittans pour empescher qu’on
ne descouurist les rigueurs & mauuais traittements faits sur les
contribuables aux Tailles, ont depossedé tous les Receueurs generaux
des Finances, & les Receueurs particuliers des Tailles qui
n’ont voulu prendre part auec eux dans leurs Traittez, & en leur
lieu lesdits Traittans ont commis de leurs domestiques, ou des
personnes inconneuës, & non domiciliez, & cela a esté cause que
depuis plusieurs années il y a eu peu desdits Receueurs generaux
& particuliers qui ayent rendu leurs comptes, s’excusans auoir
esté depossedez de leurs charges par les Intendans enuoyez ez
Generalitez à la suscitation des Traittans. Et lors que le Procureur
general de ladite Chambre fait ses diligences pour faire compter
lesdits commis, il ne s’en est trouué aucun, & ainsi il ne s’est
trouué aucun, & ainsi il ne se peut exercer aucune contrainte alencontre
d’eux, d’où arriue qu’on ne peut connoistre ce qui s’est leué
sur lesdits contribuables, ny l’employ des deniers par eux payez.

Vos Maiestez voyent par ces inconueniens, comme elles ont
vn tres-grand interest de remettre les impositions & leuées de deniers
des Tailles en leur premiere & ancienne forme, & le plutost
sera le meilleur pour leurs peuples, & pour le bien de leurs
affaires.

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La Chambre pourroit encores representer à vos Maiestez plusieurs
choses de consequence, qui touchent leur seruice ; mais
elle s’en retient, iusques à ce qu’il plaira à Dieu donner vne paix
ferme & stable en toute la Chrestienté, & se contente pour cette
fois des presentes remonstrances, en suppliant tres-humblement
vos M. de les vouloir considerer, & porter leurs pensées & leurs
volontez à les faire executer, puis qu’elles ne regardent que l’aduantage
de leurs seruices, les moyens de supporter les depences
de la guerre par voye iuste & équitable, pour paruenir à cette paix
tant desirée, & au soulagement de tous leurs Subiets de toutes
conditions, qui depuis tant d’années souffrent des necessitez si
extremes, qu’elles ne se peuuent exprimer qu’auec estonnement,
& les larmes aux yeux : ce qui doit exciter vos Maiestez a y donner
vn prompt remede, & ce sera vn œuure de parfaicte iustice &
charité qu’elles exerceront enuers leur peuple, dont la posterité
leur donnera des loüanges immortelles.

Fait & arresté les Semestres assemblez, le quatorziéme iour d’Octobre
mil six cens quarente-huit.

Signé, BOVRLON.

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Bourlon,? [signé] [1649], REMONSTRANCES TRES-HVMBLES QVE PRESENTE AV ROY ET A LA REYNE REGENTE MERE DE sa Majesté la Chambre des Comptes: Sur les moyens par lesquels les deniers prouenus depuis plusieurs années des leuées ordinaires & extraordinaires faites sur le peuple par forme de Taille, des Impositions anciennes & nouuelles baillées à ferme, des autres Impositions & taxes extraordinaires d’Aisez, celles des entrées des Villes, Marchez & autres lieux, des creations de nouueaux Offices, augmentations de gages, droicts, & autres attributions a des Officiers des constitutions de Rentes sur les Finances de sa Maiesté, des alienations de son Domaine & reuenus, des retranchements de gages & rentes, & d’autres moyens extraordinaires, ont esté dissipez à la ruyne des affaires de sa Majesté & de son Estat, & à la foulle & oppression de ses bons Subjets. , françaisRéférence RIM : M0_3345. Cote locale : A_8_73.