Anonyme [1652], RESPONSE A LA LETTRE DV ROY. Enuoyée à Nosseigneurs du Parlement de Roüen sur le sujet des presens mouuemens. , françaisRéférence RIM : M0_3368. Cote locale : B_19_10.
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RESPONSE
A LA LETTRE
DV ROY.

Enuoyée à Nosseigneurs du Parlement
de Roüen sur le sujet
des presens mouuemens.

M. DC. LII.

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RESPONSE A LA LETTRE DV ROY,
enuoyée à Nosseigneurs du Parlement du Roüen, sur
le sujet des presens mouuemens

ENFIN, nul ne reconnoist le party où il est, quand
il ne peut pas discerner les affections ny le sujet qui
l’obligent de le maintenir : le Roy croyant que la ville
de Paris, les Princes qui sont dedans, le Parlement
qui y est, les peuples qui y sont & qui se maintiennent
auec l’assistance du Ciel, contre la tyrannie du Cardinal
Mazarin, croit qu’elle soit entierement ennemie
sa personne, ne reconnoissant pas qu’elle desire auec
passion de le tenir dans son enceinte, ne pouuant souffrir
qu’auec vn extreme regret, que son Soleil soit toûjours
eclipsé, ou pour mieux dire, absent pour vn si
long temps de leurs yeux, quoy qu’il vse de paroles iniurieuses
contre ses Princes, contre son Parlement, &
contre ses Peuples, qui ne souhaittent autre chose
sinon que de le posseder, & font ce qu’il leur est possible
pour luy montrer qu’ils ne desirent rien que
luy, ne souspirent qu’apres luy, ne respirent que sa
presence, & ne souhaittent rien tant que de le voir
marcher dans leurs ruës, & nous pouuons dire de luy
& de nous, ce que iadis les Romains disoient de leur
Empereur, qui estant detenu dans la ville d’Alexandrie
par les citoyens d’icelle, à cause de l’amour qu’ils
luy portoyent, esleuent leurs yeux au ciel pour supplier
leurs Dieux de leur faire posseder celuy qu’il desirent

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auec passion, esperant qu’il deuoit dissiper les
nuages & les troubles que la mort de leur Empereur
Pertinax auoit causé. Le Roy est souhaitté de tous ses
Sujets generalement quelconques qui sont dans Paris,
& croyant que ces Princes sont ces ennemis, à enuoyé
vne Lettre au Parlement de Roüen, où bien la
malice de quelques Mazarins l’ont fait imprimer,
pour nous faire destourner d’auec Nosseigneurs les
Princes, afin d’authoriser le party Mazarin, & de tascher
que pas vne des villes de France ne soit de nostre
party, & nous plonger dans vn labyrinthe si profond,
que nous ne pouuions pas nous en releuer, & croyent
nous faire passer pour criminels de leze Majesté, quant
ils prononcent ces paroles contre nous, en s’adressant
à Nosseigneurs les Princes : Qu’apres que le Prince de
Condé est entré dans Paris, il a disposé tous les cœurs à
suiure son party, ne mettant pas en jeu son Altesse
Royale, quoy que ce soit elle qui authorise de tout son
pouuoir le party fomenté pour la destruction du Cardinal
Mazarin, mais peuuent-il bien penetrer iusqu’au
fonds de nos cœurs, ie croy que non, où du moins s’ils
ne le peuuent, ils font semblant de le sçauoir, & veulent
d’autant que ne considerant pas que nous le souhaittons,
luy faisant oublier nostre nom luy faire croire
que ce que nous faisons est tout à fait contre sa Majesté,
& s’adressant à la plus proche ville d’aupres de
nous, & qui est celle-là qui doit nous seconder : leur
veut faire croire selon l’advis de son Conseil, que nous
nous portons insensiblement contre son authorité,
vsant de ces paroles au Parlement de Roüen. Nos amez

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& feaux, vous auez connu par nos precedentes depesches
& par ce qui s’est passé dans le public depuis
que le Prince de Condé a esté receu en nostre
Cour de Parlement & en nostre bonne ville de Paris,
au preiudice de nostre Declaration publiée
contre luy, (vous pourrez faire la lecture de ladite
Lettre, qui est cy-apres au long,) leur veut faire
croire qu’il tasche par tous moyens de partager le
Royaume, & que nous ne deuions pas le receuoir,
mais ils sçauent aussi bien que nous que nous
estions obligez à cela puisque nous auions tant de.
clamé contre le retour du Cardinal Maz & qu’il
estoit impossible de pouuoir subsister estans diuisez ;
Or donc le Prince de Condé n’ayant eu autre
intention que l’éloignement du Cardinal Mazarin
son Altesse Royale secondant ses intentions, les
Parlemens du Royaume fauorisant leurs desseins,
n’ayant pas sujet de s’en destourner, le peuple de
Paris a esté contraint de se liguer auec eux, comme
n’ayant qu’vn mesme but, car que pouuions nous
faire pour la destruction du Cardinal Mazarin, les
Princes estans à cent lieuës de nous aurions nous
eu le pouuoir de le chasser, non, d’autant que nos
forces n’ayant point de chef eussent esté en vn instant
dissipées, & les Princes n’ayans point eu de
retraite, ils eussent fait souleuer les communes contr’eux,
leur faisant accroire, comme ils ont tasché
assez de fois, qu’ils vouloient enuahir la Couronne.
Messieurs du Parlement de Roüen sçauent bien
que nous desirons le Roy, mais que nous ne souhaittons

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pas le Cardinal, nous portans de tout nostre
pouuoir à sa destruction, & voulant le maintenir
contre nous, nous ne deuons à leur dire porter
le nom que de rebelles, d’autant que ceux qui
sont dans le Conseil, faisant parler le Roy comme
il leur plaist nous veulent faire porter le tiltre de
criminels, & leur faire croire que nous n’auons iamais
esté deuers sa Majesté, pour la prier d’éloigner
ledit Cardinal : Il met la faute sur nos Princes
& veut nous faire auoüer, quoy qu’à tort, que c’est
eux qui empeschent que cet Estat ne soit tranquille,
& ne considere pas que le Cardinal en est l’autheur,
& qu’il fait tout son possible pour la perte
de cet Empire, & que s’y il l’auoit fait esloigner cõme
il en auoit esté requis, il auroit remis le calme
dans ce Royaume : Il veut nous faire croire que ce
que nos Princes se portent contre luy, d’autant
qu’il veut retenir le Cardinal, que c’est pour partager
la Couronne : Que les intentions de nostre
Parlement ne sont que celle-là, afin d’auoir part à
son dé bris : Que l’Arrest d’vnion qu’il a rendu pour
la destruction de Mazarin, est vn crime de leze Majesté,
ne mettant pas en frontispice les diuerses relasches
qu’il a donné au peuple par ces longues deputations :
Qu’apres tant d’instances qu’il luy a
faite pour l’éloignement dudit Cardinal, le peuple
a esté contraint de se bander contr’eux, ayant le
croyance que c’estoit des traistres, & qu’ils auoient
le dessein de nous faire affamer, ce qui donnoit occasion
qu’à toutes les fois que le Parlement sortoit

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on a crié apres eux aux Mazarins : Qu’il a mesme assisté
aux Prieres publiques : Que le Preuost des Marchands
s’y est pareillement rendu, accompagné des
Escheuins & Officiers de Ville. Que son Altesse Royale
a fait tout son possible pour destourner les Bourgeois
de leuer du monde, & non pas des hommes trauestis,
comme il veulent faire croire à ce Parlement,
Que l’Armee des Princes alloit perir sans le passeport
qu’ils obtinrent du Preuost des Marchands & des Escheuins,
& que sans cela la ville estoit en liberté, d’autant
que leur armée estant perie, les Princes eussent
eu beaucoup de peine à en releuer vn autre, il est vray
qu’en ce cas il parle comme vn Ange, d’autant que
suiuant la trahison que plusieurs Mazarins auoient fomentée
auec eux, cette Armée estant perie ils deuoient
entrer comme triomphans dans Paris, & nous
faire ressentir à leur volonté leur rage où leur bonté, &
comme il n’y a nul bon François qui n’ait pris garde
au lieu où ils s’estoient attaquez, qui ne preiuge ce qui
en deuoit arriuer, d’autant que l’Armée de Messieurs
estant perduë, & ayant gaigné la Bastille, ils eussent
tout rauagé & nous eussent mené alors à leur volonté
Il veut accuser les Princes d’estre la cause du débris
de l’Hostel de Ville, quoy qu’apres vn long-temps ils
ayent persisté à cette Assemblée, pour mettre fin à
nos mal-heurs, Que Messieurs les Princes n’ont esté à
cette Assemblée, que pour faire perir tous ceux qui y
estoient conuoquez & pour y apporter de la sedition,
quoy que le Parlement eut rendu son Arrest d’vnion
quatre iours auparauant, le peuple ne pouuant plus

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souffrir dauantage, & enfin lassé de leur remise, se mist
à murmurer contr’eux, ne donnant pas mesme la liberté
à Messieurs les Princes de rien resoudre, croyant
que ce qu’ils faisoient estoit vne prolongation de tẽps,
le peuple disant mesme que Monsieur le Prince auoit
fait sa paix, & veritablement nous auions suiet de le
croire, s’il ne nous eust manifesté le contraire comme
il fit au faux-bourg S. Antoine, on ayant exposé sa vie
pour le salut du public, il montra lors qu’il ne la tenoit
que pour cela. Considerez donc, que c’est vne
pure apostasie, quant il dit qu’ils y ont enuoyé vne partie
de leur troupes, pour y faire le desordre qui y est
arriué, & tout le monde sçait que ce fut la populace &
qu’il n’y eut iamais vn homme de l’Armée de Messieurs
les Princes qui parust en cette action, & n’est ce
pas vne pure mãterie de dire qu’il y en ait eu plusieurs
de tuez sur la place, veu qu’il n’y a iamais eu que deux
de tuez du costé de la populace, qui sont de la Gréve.
Quel suiet ont ils de dire que Messieurs les Princes y
ont fait venir du monde pour massacrer ceux qui y
estoient, puisque son Altesse Royale ayant sçeu que
ces Messieurs estoient en peine & en danger de perdre
la vie, enuoya Monsieur le Duc de Beaufort pour les
degager du peril ou ils estoient, voyez donc s’il n’est
pas vray, que si Messieurs les Princes eussent eu le dessein
de les faire perdre, ils n’y eussent pas enuoyé. Ils
disent que le Gouuerneur, le Preuost des Marchands
& autres, ont esté contraints d’abandonner la ville, il
est vray que n’y trouuant pas leur seurté ils l’ont voulu
chercher ailleurs, d’autant que le peuple lassé de leur

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façon de faire & de leurs trahisons, ne pouuant plus
souffrir des personnes qui tiennent vn autre party que
celuy qui est le plus equitable, se lassoit de leur gouuernement ;
tellement qu’apres auoir attaqué plusieurs
fois le Preuost des Marchands, qui sans le secours de
S. A. R. auroit pery plusieurs fois, pour tascher à luy
faire quitter le party qu’il maintenoit auec tant de passion.
Voila de la façon que nos Princes les ont traittez
& traittent encore tous les iours. Ils ont donc suiet de
plaindre leurs Emissaires & Partisans. Voila comme on
les a traitté par les voyes de la douceur, ie dis par les
voyes de la douceur, d’autãt que si nos Princes les eussẽt
laissez exposez comme ils se sont trouuez plusieurs fois
entre les mains du public, il ne seroit plus parlé d’eux
en aucune façon que ce soit, sinon que par desdain
que l’on auroit eu de les auoir laissé si long temps viure.
Il semble toutes fois que l’on ne pouuoit se deffendre ;
car à les entendre parler, il eust esté besoin de receuoir
le Cardinal, & sous l’ombre que nous auons appellé
l’Archiduc à nostre secours pour nous maintenir les
plus forts, ils disent que nos Princes ont entrepris de
ruiner le Royaume. Il est bien necessaire de trouuer
nostre seureté auprés de nos Ennemis, puis que nous
ne la trouuons pas auec ceux qui sont obligez de nous
la conseruer.

 

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LETTRE DV ROY ENVOYEE A NOSSEIGNEURS
du Parlement de Roüen ; sur le suiet des
presens mouuemens.

DE PAR LE ROY.

Nos Amez & Feaux, Vous aurez connu par nos precedentes
dépesches & par ce qui s’est passé dans le public
depuis que le Prince de Condé a esté receu en nostre
Cour de Parlement, & en nostre bonne ville de Paris, au preiudice
de nostre Declaration publiée contre luy ; comme les
Ennemis declarez de cette Couronne & Rebelles joints auec
eux, faisoient tous les efforts pour attirer la guerre dans le
cœur de nostre Estat pour l’y rendre perpetuelle, & pour l’affoiblir
de telle sorte qu’ils le peussent partager : Et comme
pour y paruenir ils employent toutes sortes d’artifices, afin
d’aneantir nostre authorité dans la premiere Campagne, &
dans la capitale Ville de nostre Royaume, & pour les engager
dans leur faction. Vous aurez aussi obserué comme pour nous
y opposer, Nous nous estions auancez en nos Prouinces de deça
auec nos principales forces ; mais leurs desseins d’assuiettir
nostredite Cour de Parlement, & nostredite ville de Paris à
leurs volontez, n’auoient point encores paru si manifestement
qu’ils ont fait depuis quelques iours. Et bien que les
choses qui se sont passées venans à vostre connoissance, Nous
ne doutions pas que vous ne les ayez en horreur, & ne sçachiez
bien vous garentir de leurs mauuaises suites par vostre propre
lumiere & fidelité : Neantmoins afin que la verité ne puisse
vous estre cachée ou déguisée, Nous auons bien voulu vous
faire sçauoir comme les Princes qui sont dans nostre dire ville
en ayant fait approcher leurs forces & celles des Espagnols
qui les assistent, les faisans loger à Sainct Cloud, Suraine, &
autres lieux des enuirons de nostre dite ville, pendant que nous
faisons tout nostre possible pour en tenir les nostres esloignées,
suiuant les instances qui en auoient esté faites ; Nous

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auons esté contraints de nous auancer iusques en ce lieu auec
nos armes pour deliurer nostredite ville de l’oppression qu’elle
souffroit desdites Trouppes, & empescher que lesdits Princes
ne se rendissent maistres de nostredite ville, & ne l’exposassent,
comme ils pretendent faire, à la derniere desolation
& à sa ruine totale. Et comme ils ont veu que leurs Caballes
& leurs menaces à nos Officiers & aux Magistrats de ladite
ville, les seditions qu’ils y ont excitées en diuers quartiers par
des gens attitrez & payez pour cét effect, les tumultes & violences
qu’ils ont fait faire à l’entrée & à l’issuё du Palais par
les mesmes voyes, les offres qu’ils se sont fait faire de l’assistance
de ladite ville par des gens déguisez & trauestis, parlans au
nom des bons Bourgeois ; quoy qu’ils n’ayent iamais eu de
part à ces factions, les proscriptions, & les pillages qu’ils ont
proposez dans ladite ville, & tout ce qu’ils ont tenté pour corrompre
nos fidelles Seruiteurs & Subjets, ou pour les intimider,
n’a pas eu l’effect qu’ils auoient proietté ; qu’au contraire
l’approche de nostre Personne les fortifioit dans leur deuoir,
& que toutes les assemblées qui se faisoient audit Parlement,
& dans l’Hostel de ladite ville, tendoient à y disposer
toutes choses pour le bien & l’auantage du public, & mesme à
nous y appeller & à faire tout ce que nous ordonnerions pour
la cessation des presens troubles ; Ils ont creu qu’il n’estoit
plus temps de dissimuler, & qu’il falloit par la force oster la liberté
aux Officiers & aux Magistrats de nostredite ville, chasser
ceux qui leur seroient contraires & suspects, & rendre les
autres sujets à leurs volontez ou inutiles. Aussi il est arriué
que le 25. Iuin dernier, nostredite Cour de Parlement ayant
pris les resolutions qui n’alloient pas à la satisfaction desdits
Princes au suiet du renuoy des Deputez d’icelle vers Nous sur
les occurrences presentes, les Presidens & Conseillers dudit
Parlement sortans du Palais à l’ordinaire pour retourner
chez eux, auroient esté attaquez iusques à tirer des Armes à
feu sur aucuns d’eux, & auoir violenté & mal-traicté les autres
en leurs personnes : En sorte que presque tous auroient
esté contraints de se retirer déguisez, ou de se refugier dans
des maisons empruntées. Que pour remedier à ses desordres
nostredite Cour de Parlement auroit fait diuerses deliberations

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les iours suiuans, & auroit arresté le premier du present
mois que le Preuost des Marchands & Escheuins de ladite
ville seroient conuiez de tenir vne Assemblée generale pour
donner seureté à la Iustice ; & que iusques à ce qu’il y eust esté
pourueu, il seroit surcis à toute deliberation sur les affaires
publiques. Que cependant lesdits Princes voyans leur armée
en danger d’estre attaquée par la nostre, & qu’il leur estoit
necessaire de la loger en lieu où elle fust en seureté, & où ils
peussent en tirer des forces pour l’execution de leurs desseins
dans nostredite ville ; ils auroient resolu d’occuper le Poste
de Charenton comme le plus propre pour cette fin, & auroient
fait marcher leur armée le long des fauxbourgs de nostredite
ville, esperant que leurs gens y seroient à couuert s’ils
venoient à estre attaquez par les nostres, comme ils preuoyoient
assez qu’ils le seroient, faisant faire cette marche à la
veuё de nostre Camp, & se proposans que s’ils estoient pressez
par nos Trouppes, ils feroient par violence qu’ils seroient
receus en nostre-dite ville. Et de sait le 2. du present mois
auant le iour, leurs Trouppes ayant marché par le fauxbourg
de S. Laurens, & autres qui suiuent iusques à celuy de S. Anthoine,
& les nostres les ayant attaquez, plusieurs Chefs des
principaux des leurs, & vn grand nombre d’Officiers & Soldats
de leur Infanterie & Caualerie y auroient esté tuez ou
blessez, plusieurs Escadrons & bataillons rompus, & le reste ne
pouuoit éuiter de tomber en nostre pouuoir s’ils n’eussent esté
introduits en ladite ville par la violence desdits Princes qui
extorquerent du Preuost des Marchands & des Escheuins
par leur presence & leurs menaces le consentement de les y
receuoir, apres qu’en quelques portes ceux qui les gardoient
eurent laissé passer leur bagage & canon ; lesdits Magistrats
nous ayant fait connoistre qu’il leur auoit esté impossible de
leur resister & de faire obseruer les asseurances qu’ils nous
auoient données deux iours auparauant de ne point receuoir
lesdites Trouppes. Que le 4. du present mois ladite Assemblée
generale de l’Hostel de ville ayant esté conuoquée par
ledit Preuost des Marchands & Escheuins en la maniere accoustumée,
il s’y seroit trouué iusques à quatre cens soixante
personnes des plus qualifiez de tous ordres & des plus notables

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de ladite ville, soit Curez ou autres Ecclesiastiques, soit
Officiers de toutes les Compagnies Souueraines, & autres de
tous les corps & quartiers de ladite ville. Mais au lieu de leur
laisser prendre librement leurs deliberations, Nostre Oncle
le Duc d’Orleans, le Prince de Condé & le Duc de Beaufort
s’y seroient rendus en personnes contre tout vsage & forme.
Et comme ils auroient veu que l’air de l’assemblée n’estoit
pas pour eux, & qu’elle alloit à establir la seureté de ladite ville
& du Parlement ; par le moyen de laquelle l’authorité qu’ils
y prenoient, & à l’instant mesme qu’ils en seroient sortis, ayãt
fait connoistre le mescontentement qu’ils en auoient, ledit
Hostel de ville auoit esté inuesty & attaqué par grand nombre
de gens en armes, les vns de la populace gagnez à prix d’argent,
les autres iusques au nombre de douze cens tirez des
Trouppes desdits Princes, & commandez par des Officiers
qui estoient déguisez, y en ayant eu quelques-vns de tuez de
qui les corps ont esté reconnus ; quoy que tous ceux desdites
Trouppes, ayent eu grand soin de traisner les morts des leurs
dans la Riuiere de Seine, de crainte qu’estans descouuerts ils
ne seruissent à la conuiction des autheurs & coupables d’vn
tel crime. Cependant les seditieux & assassins auroient fait
plusieurs descharges de mousquets & autres armes à feu sur
l’Hostel de ville, auroient brûlé les portes pour forcer ceux
qui estoient dedans, lesquels se seroient tous preparez comme
à vne mort certaine, quoy que nostre Cousin le Mareschal
de l’Hospital Gouuerneur de nostredite ville se fust mis
en estat de se deffendre, & eust pris resolution de se faire iour
au trauers de ces gens apostez, auec l’assistance de ses Gardes,
& de quelques Bourgeois qui estoient en volonté de les seconder,
ayant mesme esté fait quelques descharges par son
ordre pour empescher l’incendie des portes de leur entrée
dans ledit Hostel de Ville. Et comme quelques-vns des principaux
Officiers & Conseillers de ladite ville sortoient dudit
Hostel pensant que ce fust vne simple sedition, & qu’ils pouuoient
la passer par leur credit, ou du moins sauuer leur vie &
celle des autres ; Il y auroit eu vn Maistre des Requestes ordinaire
de nostre Hostel, vn Conseiller de nostredite Cour, vn
Maistre des Comptes, & quelques Bourgeois tuez ou blessez,

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plusieurs autres auoient rachepté leur vie par argent, comme
s’ils auoient payé rançon, & s’ils auoient esté attaquez par
leurs Ennemis ; Le Greffe de ladite ville auroit esté pillé, &
le Greffier assassiné de plusieurs coups ; ledit Hostel seroit demeuré
exposé de toutes parts à vne extréme violence ; En suite
dequoy ledit Gouuerneur & le Preuost des Marchands ont
esté depossedez, & lesdits Princes en ont choisi de leur faction,
& les ont establis dans leurs places de leur authorité priuée
& contre toutes les formes ; Ils ont obligé par menaces
nostredit Cousin le Mareschal de l’Hospital, & quelques-vns
des principaux Magistrats, à se retirer de ladite ville, & plusieurs
de nos Officiers en nostredite Cour de Parlement, ainsi
qu’en nos autres Cours Souueraines, & autres Compagnies
& Habitans de ladite ville, voyant qu’il n’y auoit plus de liberté
en sont sortis pour la trouuer à la campagne, ou aux autres
villes de nostre Royaume : De sorte que ladite ville se
trouuant en cette constitution, qu’elle n’a plus de Gouuerneur,
ny des Magistrats qui ayent des tiltres, ny d’authorité
legitime, que les Bourgeois qui ont accoustumé d’assister à
l’Hostel de Ville, sont obligez de suiure les mouuemens de
ceux qui leur commandent à present qui sont à la deuotion
des Princes, que les Officiers qui sont restez au Parlement,
dont la pluspart n’a pas eu la liberté de se retirer, sont contraints
par menaces d’aller au Palais, & d’y donner leurs suffrages
à la volonté des Princes pour estre en seureté de leurs
vies. L’on peut iuger de là ce que l’on doit attendre du Corps
de ladite ville, & de celuy du Parlement, & quel estat l’on en
doit faire, tandis qu’ils demeureront dans vne subjettion &
contrainte si extraordinaire. Et parce que lesdits Princes apprehendent
que les gens de bien qui sont en nostredite ville
en grand nombre (n’y ayant qu’vne poignée de seditieux) ne
reconnoissent leurs forces ne puissent pas supporter vne authorité
qui les expose auec leur famille à l’insolence du Soldat,
au pillage & à l’incendie, ny viure sans plus obseruer de
forme de Loy, ny de Coustume du Royaume : Et que de plus
les Trouppes que lesdits Princes tiennent presentement aux
fauxbourgs de ladite ville, sont assez notablement affoiblies
par les diuerses attaques des nostres, & Dieu a fait voir comme

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il protege la iustice de nos armes. Si bien qu’il est difficile
qu’ils donnent long temps la loy à vn si grand Peuple ; Ils ont
recours à vne seconde armée Espagnole qu’ils sollicitent
d’entrer dans le Royaume, & de s’approcher de nostredite
ville pour y appuyer leur violente vsurpation : Mais nous esperons
que la bonté diuine nous donnera les moyens de rendre
leurs entreprises inutiles contre nostre Estat, comme nous
auons fait iusques à present, ou bien qu’elle sera en flechie par
les prieres de tant d’innocens qui souffrent par cette malheureuse
guerre, & qu’elle exaucera les souhaits & les vœux que
nous luy faisons continuellement afin qu’il luy plaise de la faire
cesser, protestant que nous desirons plus ardamment la paix
de nostre Royaume. que nous ne faisons la conseruation de
nostre propre vie. C’est ce que nous vous dirons par cette
Lettre, remettant à vostre prudence de faire les reflexions
conuenables sur l’estat deplorable de nostre bonne ville de
Paris, pour auoir laissé l’entrée libre aux autheurs des presens
mouuemens, pour auoir souffert que leurs forces y ayent pris
leur retraitte, qu’ils se soient emparez de l’authorité qui n’appartient
qu’à Nous seul, & qu’ils ayent enfin ietté nostredite
ville dans vne confusion & desordre qui n’ont point d’exemple
dans les siecles passez. A quoy nous adjousterons seulement,
que nous entendons qu’en cas qu’il vous fust adressé
desormais quelques Depesches, Arrests, ou autres choses sur
les affaires presentes de la part dudit Parlement, ou dudit
Corps de Ville de Paris, vous n’y ayez aucun égard, comme
procedans de gens opprimez qui ne sont plus en pouuoir de
rien faire auec liberté & dans les formes, & de qui par consequent
il ne peut rien émaner qui soit d’aucune valeur ny consideration.
A quoy nous promettans que vous vous conformerez ;
& que vous perseuererez tousiours dans l’obeïssance
& l’affection à nostre seruice que vous deuez, & que vous
nous auez tesmoignées en toutes occasions ; Nous ne vous
faisons la presente plus longue ny plus expresse, n’y faites
donc fautes : Cartel est nostre plaisir. Donné à Sainct Denis
le dixiesme Iuillet 1652, Signé, LOVYS. Et plus bas, PHELYPPEAVX.
Et à la subscription est escrit : A nos Amez &
Feaux les gens tenans nostre Cour de Parlement de Roüen. Et scellée
des Armes de sa Maiesté en cire rouge.

 

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