Anonyme [1649], REQVESTE DV DVC DE VENDOSME AV PARLEMENT DE PARIS. Auec les Memoires & Pieces qui en dependent. , françaisRéférence RIM : M0_3496. Cote locale : C_9_67.
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PROTESTATION CONTRE LA
declaration cy-dessus, & les Lettres d’abolition.

LA cognoissance que les malheurs donnent aux hommes
sont d’ordinaire les moyens desquels Dieu se sert
pour leur faire cognoistre la nullité de leur estre en cette
vie, & par ce moyen les r’approcher de luy. Ma prison
tres-longue, & dans laquelle mon innocence n’a pour toute
esperance que sa diuine bonté, m’ayant mis en cet estat, i’ay veu
qu’ayant satisfait à ce que ie dois à ma conscience enuers Dieu, tout
ce qui me reste maintenant est de satisfaire à mon honneur & empescher
que les choses que l’on m’a fait faire, & par des violences
inoüies parmy les Chrestiens ; ne puissent aux siecles aduenir ternir
le lustre de ma famille presente, & par le contre coup la gloire de
mes predecesseurs, C’est ce que ie pretends maintenant de faire
par vne vraye, nuë & naïue narratiue de ce qui s’est passé depuis
ma detention, & ce par les voyes que i’ay pû en l’estat où ie suis : ie
laisse le temps depuis le treiziesme de Iuin iusques au vingts neuf ou
trentiesme de Septembre sans en rien-dire, parce qu’il ne s’est rien
passé, & qu’aussi le Roy estant allé ce temps là en Bretagne i’estimois
que mes seruices luy seroient si clairement cogneus & mes
crimes si illusoires que i’en attendois toute autre chose que de me
voir emmené d’Amboise comme vn appellant de mort. Cela & toutes
les circonstances de cette voiture me donnerent vn tel deplaisir,
que dés lors le temperamment de mon corps se commença à alterer
& ma santé se changer en fievre lente & extreme douleur de
teste. Lamont lequel l’on auoit mis tout expres aupres de moy
cõme tres-expert pour toutes sortes de suppositions, de mensonges
& toutes autres sortes de meschancetez, prenant ce temps que nous
estions par les chemins entre Bonne & Dourdan, me dit en Latin
que Monsieur le Cardinal de Richelieu m’aymoit, & qu’il en auoit
des marques à m’en donner par vn billet escrit dudit Cardinal lequel
n’estoit qu’en creance audit Lamont, lequel expliquant sa
creance, me dit, que le Conseil du Roy auoit beaucoup plus de
crimes pour me pouuoir perdre qu’il n’en estoit necessaire, mais

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que ledit Cardinal me vouloit sortir de toutes peines & me mettre
en liberté, pourueu que ie voulusse me restablir en la confiance du
Roy par vne igenuë confession des choses que l’on sçauoit bien
que i’auois faites : ie respondis que ie ne craignois rien que Dieu,
que ie me resiouissois de voir que l’on me menoit à Paris, parce que
i’esperois que c’estoit pour me mettre entre les mains du Parlement
pour me faire mon procez si i’estois trouué coupable, ou bien
que cela seruiroit à esclaircir le Roy de mon innocence, qui estoit
la mesme chose que i’auois dit à Monsieur de Tresmes Capitaine
des Gardes lors qu’il me receut à Amboise des mains des sieurs de
la Forest & de Rostenclaire, & ce en presence de Messieurs de Vie,
du Buy, du Rean & du Lis ; que ie ne refusois pas l’assistance
de monsieur le Cardinal, qui pouuoit m’obliger s’il vouloit, mais
que d’auoüer nul crime ie ne le pouuois, ny d’auoir manqué ny directement
ny indirectement au seruice du Roy, luy disant sur ce
suiet que mes actions parloient d’elles mesmes : il me repondit que
sans cela il falloit me resoudre à mourir honteusement & d’vne mort
indigne ; que le Roy en seroit bien marry, qu’il n’y pourroit que faire,
& qu’il falloit qu’il desgageast sa reputation & son honneur. Ce
sont les mesmes termes. Sur cela se rompis ce discours en cholere,
luy respondant que Dieu y pouruoiroit : il attendit vn iour, & voyant
la derniere iournée & que i’arriuois à la couchee apellee Choisi,
maison du President le Bailleul, il me pria de luy permettre de relire
le billet de Monsieur le Cardinal de Richelieu, ce qu’ayant fait
il ne me le voulut plus rendre ; & quoy que ie peusse faire il le garde,
me disant de plus que si ie disois qu’il m’eust baillé & puis osté ledit
billet, i’estois mort dans vingt-quatre heures, & qu’il en sçauoit bien
les moyens asseurez. Estant arriué au bois de Vincennes Lhostelnau,
en la garde duquel ie fus mis, me deffendit de parler à mon
valet de chambre, & m’obligea à faire toutes les necessitez ausquelles
l’homme est assuietty en presence de ceux qui me gardoient
& en la ruelle de mon lict, chose qu’à Amboise l’on ne m’auoit
point fait pratiquer : i’oubliois que Lamont me disant a dieu au bois
de Vincennes, me dit qu’il esperoit bien-tost me reuoir & qu’il
m’apporteroit de bonnes nouuelles : quelques iours apres mon mal
augmentant ie demanday vn Confesseur & vn Medecin, chose qui
me fut refusee tout à plat : mon mal m’augmentant d’auantage ie
demanday me pouuoir confesser à Monsieur le Cardinal de Berulle,

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qui pour lors ne l’estoit point encore, le croyant tout à fait confident
de Monsieur le Cardinal de Richelieu, l’on me l’accorda en
apparence & en effet point : lors vne apresdinée l’on m’osta mon
valet de chambre, pensant me faire vn nouueau desplaisir, & faire
reüssir ce que Lamont, qui estoit reuenu aupres de moy, m’auoit dit
que par quelque voye que ce pust estre, supposée ou veritable le Roy
me vouloit faire trouuer criminel ; que ie serois bien heureux d’estre
mort : ils me faisoient mille bruits, m’empeschoient autant qu’ils
pouuoient de dormir, pour à tout le moins à force de me tourmenter
me faire perdre l’esprit par tous ces mauuais traittemẽs (s’il n’arriuoit
plus qui estoit ma mort) chose qu’ils monstroient desirer par
les rigueurs & tourmens. Sur cela ma sievre lente ayant tourné en
quarte & double quarte, mon corps tres attenué de mal & mon
esprit encore plus, ils me firent voir par Medecins & Apotiquaires,
craignant & doutant de l’euenement de mon mal, mesme ils me
firent venir le Pere Dom Eustache Feüillant, qui me confessa : &
lors Dieu me donnant des forces nouuelles m’inspira apres ma
confession, estant sur le point de faire la saincte Communion, dans
l’instant precedent de la reception du tres-precieux Corps de Nostre
Seigneur, de faire la declaration & protestation de mon innocence
entiere entre les mains dudit Pere Eustache, & ce en presence
du compagnon dudit Pere Eustache, nommé Frere Hubert,
des sieurs de Lhostelnau, du Grand Chirurgien ordinaire du Roy,
& de ceux qui me gardent. Deux iours apres Lamont allant à S.
Germain, à ce qu’il disoit, me demanda si ie ne voulois rien luy
dire & qu’il diroit au Roy ce que ie luy dirois ; qu’il estoit creature
du feu Roy, qu’il ne pouuoit, cela estant, qu’il ne m’escriuit &
qu’il le vouloit faire, mesme qu’il tiendroit sa vie bien employée
pour cela : ie luy dis apres l’auoir remercié, que ie ne pouuois rien
mander au Roy, sinon que ie le suppliois de se souuenir que i’auois
l’honneur d’estre son frere ; & que la memoire de nostre pere commun
le deuoit obliger à me traiter comme cela, que ie croyois que
sa reputation seroit blessee quãd l’on verroit qu’il vouloit opprimer
ses freres & ruyner ce que le Roy son pere auoit fait & estably pour
son seruice & pour le bien & soustien de l’Estat ; que bien souuent
l’on donnoit des soupçons des personnes qui obligeoient à s’en asseurer,
sans auoir esgard à leur qualité ; qu’apres l’on faisoit voit
leurs actions au public, si elles estoient mauuaises : si au contraire

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lon les tiroit de prison auec l’honneur que i’estois bien asseuré d’estre
en estat d’innocence, & par consequent i’attendois ce traittement
de sa bonté. Lamont estant de retour me dit qu’il auoit trouué
le Roy fort animé contre moy, & qu’il failloit du temps, que Mõsieur
le Cardinal me prioit d’auoir vn peu de patiẽce & de le laisser
faire. Depuis il fit plusieurs voyages hors d’icy sans me rien dire,
Au bout de dix ou douze iours voyant que ma maladie augmentoit
& que mon esprit & mon corps qui s’affoiblissoient fort montroiẽt
qu’il estoit temps de m’abuser & me surprendre en cet estat, Lamont
me dit qu’il auoit commandement du Roy de m’offrir ma liberté
auec l’entiere amnistie, tant de son costé que du mien, pourueu
que par vne declaratiõ verballe à Lhostelnau & à luy i’aduoüasse
premierement & depuis de mesme à sa Majesté mesme en le
voyant, que c’estoit auec raison que i’auois esté arresté, & qu’il falloit
mettre l’honneur du Roy à couuert & ce d’autant plus que Madame
la Comtesse de Soissons & ma femme blasmoient mon emprisonnement ;
que si ie n’acceptois ce party le Roy estoit resolu à me
faire mourir par toutes sortes de voyes, soit par des Commissaires
& suppositions de tesmoins, ou par d’autres moyens, qu’il deploroit
ma perte si ie n’acceptois le premier party : ie dis que i’accepterois
tousiours plutost la douceur que l’extremité, & d’irriter le Roy mais
que ie ne pouuois pas aduoüer des choses fausses : Bref, apres plusieurs
contestations i’offris qu’en me faisant voir vn me moire qui
contient par articles mes accusations supposées, que pour la satisfaction
& esclaircissement de sa Majesté i’y respondrois par escrit
sur chaque article en façon que ie la satisferois Les contestations
durerent bien huict iours, que iour & nuict, ils estoient apres moy
sans me donner aucun repos : bref vn iour apres m’auoir promis &
asseuré de la part du Roy de ma liberté, ils me dirẽt verballement les
chefs de mes accusations. Que i’auois cabalé auec le Parlement de
Bretagne, la Noblesse & les villes. Que i’auois eu dessein de me
saisir de Blauet, de Nantes & de Brest, Que i’auois eu intelligence
auec les Huguenots, les Espagnols & le Mareschal d’Ornano. A
tout cela ie respondis la verité, qui estoit vne negatiue vniuerselle.
Ils me dirent encor qu’il failloit en acquerant ma liberté, descharger
le Roy en me chargeant : ie dis qu’il failloit donc que ie rendissemes
pensées criminelles pour contenter le Roy, puis que toute la
France m’eust dementy quand i’eusse voulu aduoüer auoir deserui

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le Roy par nulle de mes actions. Sur cela eux-mesmes me dirent
sur chaque article mes responses : & Lhostelnau me dit sur le point
de Blauet, dites que vous auez eu volonté de vous en saisir ; ie respõdis
que le Roy m’enuoyast quelque personne de qualité qui m’asseurast
de ma liberté, que ie ferois tout ce que ie pourrois, mon
honneur & ma conscience sauue. Deux iours apres Monsieur de
Bellegarde vient, lequel m’apporta vne lettre du Roy, qui chantoit
tout autre langage, & ne parloit rien moins que de ma liberté,
& lors ie dis que ie n’auois rien à dire : eux dirent (i’entends Lhostelnau
& Lamont) que ie leur auois aduoüé tout ce qu’eux-mesme
m’auoient conseillé d’auoüer : le dis que non, & que c’estoit
eux qui me vouloient faire auoüer toutes les choses pour auoir ma
liberté. Sur ce mot Monsieur de Bellegarde dit qu’il n’auoir qu’à
m’oüir, & n’auoit rien à respondre sur l’heure, sinon qu’il falloit
que le Roy se deschargeast aux despens de qui il appartenoit, & que
les Maistres ne vouloient pas auoir le dernier, qu’il reuiẽdroit dans
deux iours, & que si ie voulois moy mesme escrire quelque memoire
pour contenter le Roy, que de sa part il m’apporteroit, à ce qu’il
esperoit, tout contentement, que cela ne me pouuoit nuire, veu que
la lettre du Roy me seruoit de seureté. Nous nous separasmes en
cette sorte. Le soir Lamont & Lhostelnau me firent escrire dans la
chambre de Lamont ce memoire, non en forme de memoire, mais
de declaration, dictans eux mesmes les mots qu’ils vouloiẽt, & me
faisant oster ceux qui ne leur plaisoient pas. Le temps du retour de
Monsieur de Bellegarde venu, ie fus tout estonné de voir entrer
Madame d’Elbeuf ma sœur auec luy, laquelle apres quelque peu de
larmes & de complimens (marchandise dont les femmes ne sont
pas chiches) me dit qu’elle estoit venuë pour retirer ma declaration
& m’apporter la grace du Roy & asseurance de plus, mais que
pour l’honneur du Roy elle ne le pouuoit dire que ma declaration
ne fust entre ses mains : ie m’excuse & luy dis que l’on ne m’auoit
demãdé qu’vne declaration verballe : elle me dit qu’elle seroit inutile,
& là dessus elle me leut vne article de son instruction, qui portoit
que le Roy ne demandoit ma declaration que pour les estrangers,
afin de leur faire voir qu’il m’auoit fait arrester auec raison, &
par ce moyen se garantir du blasme d’auoir fait arrester son frere
sans sujet : en suitte dequoy elle adiousta force coups de genoux &
œillades, me disant, ie suis vostre sœur, croyez-moy, conrentez le

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Roy & sortez d’icy, il ne tiendra qu’à vous i’en suis bien asseuree :
i’ay veu la Reyne Mere. Sur cela Lhostelnau & Lamont s’approchoient
& luy disoient, Madame vous sçauez bien, & elle leur respondoit
ie ne parle pas bas, ie ne luy dis rien. Toutes les choses
iointes au peu de force & de iugemẽt que la longueur de ma maladie
& tous les tourmens me donnoient me firent entrer en consert
auec eux sur le point de contenter le Roy : sur quoy Lamont ayant
tiré de sa poche vn double de ce que i’auois escrit en sa chambre,
commença à le lire : bref apres vne conferẽce de cinq heures ie dis,
que m’asseurant de ma liberté ie ferois tout ce que ie pourrois faite
pour donner au Roy satisfaction : lors estant trop tard nous nous
separasmes remettãt au lendemain, lequel venu Madame d’Elbeuf
& Monsieur de Bellegarde me dirent que le Roy vouloit que ma declaration
fust escrite & signée de ma main & des seings de Madame
d’Elbeuf, de Messieurs de Bellegarde, de Lamont & de Lhostelnau :
Sur cela ie demandé, Et de ma liberté ? personne ne respond :
lors ie cogneus que l’on me trompoit & rompis tout à fait, iette le
papier que i’auois escrit dans le feu & dis a dieu à la compagnie, disant
à Madame d’Elbeuf ce que la iuste cholere d’vn frere trahy par
sa propre sœur, l’obligeoit pour toute response : La mont prit la parole
& dit, le Roy n’a point affaire de vostre declaration, le discours
auquel vous estes entré en cette compagnie est assez fort pour
vous faire faire vostre procez sur nos depositions : Ie me mocqué
de sa deposition & de celle de Lhostelnau : Sur quoy il dist, Madame
d’Elbeuf & Monsieur de Bellegarde deposeront aussi, & elle respondit
qu’oüy, & pareillement Monsieur de Bellegarde. Cela ne
me fit point changer ma resolution, & mesme Monsieur de Bellegarde
me redemandant la lettre que le Roy m’auoit escrite ie luy
rendis & luy dis que ie montrois bien en luy rendant que ie ne
craignois rien. Nous estans ainsi separez Lamont me chanta
poüille, & Lhostelnau en se tirant la barbe dit, ie voy bien que
cette affaire sera tragique : la fievre m’ayant pris, ie me mis au lict.
Sur les 2. heures apres minuit i’oüis ouurir mes rideaux & vis aux
deux coins de mon lict deux soldats tenãt vn chacun vn poignard
nud à la main, l’vn s’appelle de Gardes qui est de Crecy, Enspesade
de la Couronnelle des Gardes ; l’autre s’appelle de Ferant, de la
Compagnie de Valence, & lors ils me dirent qu’ils estoient bien
marris de me dire qu’ils auoient charge & commandement de me

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tuer si ie ne promettois de r’escrire & signer la declaration de mesme
que Lamont me la dicteroit. La crainte de la mort qui m’estoit
beaucoup plus sensible à cause que la maladie m’auoir osté l’esprit,
sinon en tout, pour le moins en la plus grande partie, me fit promettre
de le faire, ainsi que le lendemain ie fis, à cette condition toutesfois
que le Pere Eustache me diroit que ie le pouuois faire sans
blesser ny en quelque façon que ce soit interesser ma conscience,
veu le serment & la declaration que i’auois faits en faisant mes Pasques
entre les mains dudit Pere Eustache, & i’esperois que ledit
Confesseur ne me pouuant conseiller ces choses sans conscience,
i’aurois par ce moyen vn pretexte d’en demeurer là sans escrire ny
signer la declaration, & lors que i’eusse dit toutes les violences que
l’on m’auoit fait : mais ledit Pere Eustache ayant demeuré deux
iours sans venir afin de receuoir sa leçon de Monsieur le Cardinal de
Richelieu, ainsi qu’il fit comme il me le dit, cela differa la derniere
resolution iusques au troisiesme iour que ledit Pere Confesseur
estant venu auec Madame d’Elbeuf & Monsieur de Bellegarde, en
presence des sieurs de Lamont & de Lhostelnau, me dit sur ma difficulté
que ie ne deuois point faire de difficulté de donner contentement
au Roy & de signer ma declaration, qui bien que differente
en quelque chose à ma premiere declaration n’y derogeroit point
& n’en empeschoit pas la verité & validité, que c’estoit le seul
moyen de donner à sa Majesté satisfaction & d’auoir ma liberté. Il
est à notter que quoy que ie peusse faire il fut hors de ma puissance
de pouuoir conferer en particulier auec ledit Confesseur, lequel
le desira de sa part, sans que luy ny moy le peussions obtenir : bien
me dit ledit Pere Eustache tout bas comme estant fort proche
de moy & n’y ayant personne entre nous deux sur ce que ie l’enquis
si ma femme, mon Medecin ou quelqu’vn de nos amis ne luy auoit
rien fait dire pour me faire sçauoir, que non hors mon Medecin
qui luy auoit dit que tous ceux qui m’aymoient me conseilloient de
faire ladite declaration sans difficulté, ce que i’ay depuis appris
estre faux & controuué par ledit Pere pour me la faire signer : lors
me voyant à bout sans moyen de me parler, ie dis que si l’on ne me
permettoit d’enuoyer vne pareille declaration à ma femme, signée
comme celle qu’on portoit à Messieurs du Conseil, & pour mieux
dire, comme vn double original, ie ne le ferois iamais : ce qui me
fut accordé, & de plus Madame d’Elbeuf repetta les premieres asseurances

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de liberté auec les mesmes signes & des yeux & des genoux.
Bref, les mesmes actions de trahison, qui en apparence venant
d’vne sœur me deuoient plustost donner de la confiance, Lamont
tira de sa pochette son escrit lequel en copiant & estant tombé
sur le point de Blauet ie ne voulois point auoüer auoir eu dessein
de m’en saisir, lors Lhostelnau me fit signe qu’il me vouloit dite
vn mot : ie m’approchay de luy, & il me dit, mettez que cela vous
a passé par l’esprit : ie luy respondis cela est faux, comment voulez
vous que i’aduoüe vne chose fausse ? il me respondit il faut contenter
le Roy & vous sortir d’icy : Sur les articles de Blauet, de Nantes
& de Brest aduoüez que vous en auez eu pensée, les pensees ne sont
& ne furent iamais representées pour crime qu’enuers Dieu. Les esperances
de liberté, les mauuais traitemens, la foiblesse extreme
que i’auois & de corps & d’esprit iointe à la force & violence me
firent faire escrire & signer lesdites deux declarations, l’vne pour
porter à Monsieur le Cardinal de Richelieu, & l’autre pour enuoyer
à ma femme, afin que l’on ne fit point accroire & dedans & dehors
le Royaume que i’eusse plus dit & aduoüé que ie n’auois
fait. Madame d’Elbeuf & Monsieur de Bellegarde montrent estre
fort contents, & me dit ledit sieur de Bellegarde que desormais
il viendroit ioüer auec moy vne fois la sepmaine : sur quoy luy
ayant demandé s’il croyoit que l’on me donnast ma liberté promise,
il me dit, Comment, le Roy qui est vostre frere, apres vous
auoir pardonné pourroit il vous retenir prisonnier ? Ie Ciel & la
terre criroient contre luy : me demandant quelle seureté ie desirois,
ie luy dis que ie n’en demandois aucune que les lettres
que le Roy m’auoit escrites par eux, & qu’elles estoient plus que
suffisantes. Quatre iours apres Madame d’Elbeuf reuenuë, me
dit que les Ministres vouloient que ie prisse vne grace : ie dis
que ie n’en voulois plus : lors Lhostelnau me dit, vous en auez
besoin, car de liberté il n’en faut point esperer. Madame d’Elbeuf
contre faisant la pleureuse, me dit la mesme chose : ie m’escriay
& dis lors poüilles à Madame d’Elbeuf, laquelle me voyant
enragé s’en alla, & demeura bien vn mois sans reuenir : au bout
de ce temps vn iour que i’estois a prier Dieu à la Chappelle, l’on
me dit qu’elle estoit dans ma chambre ; ie n’y voulois pas aller,
Lamont me vint querir & m’y mena : elle me bailla vn parchemin
seellé qui estoit vne abolition pour moy, qui me mit en plus

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grande aigreur qu’auparauant : quoy voyant elle s’en alla auec
sa bulle. Vne heure apres Lamont & Lhostelnau r’entrerent
dans ma chambre, le premier tenant l’abolition & vne requeste
à la main, adressante à Messieurs du Parlement aux fins de
l’enregistrature & verification, & me dirent qu’il falloit par
amour ou par force signer ladite requeste. Ie protesté deuant
tous ceux qui estoient dans la chambre de la violence qu’ils
me faisoient à l’heure & de toutes les precedentes, que ie n’auois
tien faict que forcé pour sauuer ma vie, & aussi par l’esperance
de ma liberté. I’oubliois que m’opiniastrant de n’escrire
rien de l’article qui est en apostille qui regarde Monsieur le
Prince, Monsieur de Bellegarde & Madame d’Elbeuf dirent que
le Roy le vouloit absolument, que l’on m’auoit tousiours creu
particulier seruiteur de mondit sieur le Prince, que la Reyne
mere qui le tenoit son ennemy, n’auoit garde de souffrir ma liberté
si ie ne rompois auec mondit sieur le Prince, & ne mettois
l’esprit de sa Maiesté en seureté, par cet arricle que l’on me dicta
comme le reste, & me le fit tout inseser en apostille : Bref les violences
susdites arracherent de moy cet article aussi bien que tout
le reste de la declaration. En ce mesme temps ils me presserent
extremement d’escrire ce que ie sçauois de Monsieur le Comte
& de mon frere : surquoy m’excusant sur ce que ie ne sçauois
rien, ils me forcerent pareillement à inserer dans ladite declaration
ce qui y est, qui regarde mondit sieur le Comte & mondit
frere contre ce qui estoit de la verité, bien qu’en effet ce qui y
est ne soit de nulle importance : car il est tres certain que ie n’ay
iamais rien sceu ny cogneu de Monsieur le Comte qui touchast
ni preiudiciast en façon du monde à l’affection que i’ay tousiours
veu qu’il auoit au seruice du Roy. Et pour mon frere il m’a tousiours
parlé en mesmes termes pour ce qui le regardoit, & ie
n’ay rien recogneu en luy ny dans le peu de temps que ie le vis
deuant que d’estre arresté prisonnier, ny depuis durant les quinze
premiers iours que nous demeurasmes ensemble, de contraire
à la fidelité, la passion & l’amour pour le seruice du Roy qu’on
sçauroit attendre d’vne personne qui a l’honneur d’estre si proche
de sa Majesté, & sur ce que i’ay appris de ma femme que
Madame d’Elbeuf se vantoit m’auoit monstré instruction auparauant
que i’eusse rien fait, afin de iustifier par là toute son action

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ie proteste deuant Dieu qu’auparauant ma declaration signée
& deliurée elle leut vn papier qu’elle appelloit son instruction,
ou pour mieux dire, vn article de ce papier, ainsi que ie l’ay inseré
cy-deuant, qui ne regardoit autre chose que le dessein du
Roy à faire voir ma declaration aux Estrangers : à l’esgard desquels
l’article disoit sa Majesté auoir seulement besoin de madite
declaration & non ailleurs : bien est il vray que lors qu’elle
Madame d’Elbeuf vint pour m’apporter l’abolition, qui estoit vn
mois apres ladite declaration deliuree à Lhostelnau, plutost elle
me monstra vne instruction toute entiere. dans laquelle l’article
inseré cy deuant touchant les Estrangers qui estoit dans
la premiere n’estoit point : mais il est à notter que c’estoit vn
mois depuis que la declaration forcee & arrachee de moy par
violence, soit en la forme, soit en la matiere, luy auoit esté deliuree,
comme i’ay appris de madite femme, Qu’on se vantoit
que le Pere Eustache m’auoit monstré vne lettre du Roy à luy
addressante, par laquelle il auoit charge de m’aduertir, que si ie
voulois me iustifier deuant mes Iuges naturels, sa Majesté en seroit
bien aise, & qu’en ce cas ie me gardasse de rien dire qui me
pût preiudicier, & qu’au bas de cette pretenduë lettre l’on auoir
fait faire vne certification audit Pere Eustache : & la lettre & la
certification ie proteste qu’au contraire, ledit Pere tenant vn papier
entre les mains me dit que le Roy m’offroit des Commissaires
pour me faire mon procez ; surquoy ayant respondu que ie
ne pouuois auoir d’autres Iuges que ceux du Parlement de Paris :
il me respondit que ie n’aurois iamais ceux là, mais il ne me
monstra iamais de lettre, ny ne me parla iamais de rien autre
chose que de ce qui contient dans cette vraye & libre declaration,
laquelle contient entierement verité : & quand mesme le
Pere Eustache eut faict ce que l’on dit qu’il auoit charge, ie ne
croy pas que i’eusse rien respondu ny fait autre chose que pour
lors ie fis, veu les violences dont on auoit vsé en mon endroit,
lesquelles à iuste sujet i’auois occasion de craindre qu’on eust redoublees.
Voila la verité de ce qui s’est passé sur le sujet de la
declaration du 6. de Ianvier 1627. & les raisous particulierer
qui m’ont obligé à mander à ma femme, & luy faire sçauoir dés
aussi-tost que i’en ay pû trouuer le moyen, qu’elle eust fait des protestions
en termes generaux contre ladite declaration, comme

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aussi contre la requeste que i’ay signée par force pour faire
verifier ladite abolition : lesquelles protestations faites en suitte
par ma femme en termes generaux ayant veuës, ie declare les
approuuer & tatifier, protestant de les repeter en toutes formes
aussi-tost qu’il aura pleu à Dieu me mettre en estat de le pouuoir
faire auec liberté : & en attendant ie deliure à ma femme la presente
declaration, en presence de Madame de Seury sa Dame
d’honneur pour nous seruir en temps & lieu, & les ay priées d’en
certifier la deliurance sous leurs seings & la faire certifier pardeuant
Notaires. Fait au Donjon du bois de Vincennes ce vingt-cinquiesme
iour de May mil six cens vingt huict à trois heures
apres midy. Ainsi signé CESAR DE VENDOSME.

 

Madame d’Elbeuf vn iour de ceux qu’elle vient ceans ayant
eu permission de me parler bas, ainsi que Lamont le dist à Lostelnau,
elle se promena auec moy bien demy heure, & durant tout
ce temps elle ne me dist autre chose sinon pour me persuader
de charger bien que faussement Messieurs de Longueville, de
Neuers & de Montmorency, me disant que Monsieur le Cardinal
de Richelieu m’en auroit vne obligation immortelle, & que cela
aduanceroit ma liberté, ie luy dis là dessus que bien que nous
sussions freres ie n’estois pas personne qui pour vn Royaume voulusse
faire vne mechanceté. Ainsi signé CESAR DE VENDOSME.

Les grandes violences font oublier les moindres, Arsonual
l’vn de ceux qui me gardent, vn iour me bailla des tablettes
dans lesquelles Sus l’vn de mes Gentilshommes m’escriuoit, &
lors Dieu m’inspira de ne faire point de responce, par ce que
depuis ledit Arsonual m’a aduoué que c’estoit vn piege, & que
ce qu’il en faisoit estoit par commandement de Lamont & de
Lhostelnau pour me tromper & m’embarasser. Ainsi signé
CESAR DE VENDOSME.

Nous soubs-signez Françoise de Lorraine, Duchesse de
Vendosme, & Ieanne de l’Escouet Dame de Seury, &
Dame d’honneur de Madame la Duchesse de Vendosme, certifions
que ce iour Monsieur le Duc de Vendosme estant prisonnier
au Chasteau du bois de Vincennes, nous a deliuré & mis entre

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mains la presente declaration contenant trois feuilles & demie
de papier escrites de sa main & signee de luy pour luy seruir
en temps & lieu, en foy de quoy nous auons signé la presente &
fait certifier nos seings & escritures par deux Notaires Roy aux à
Paris le vingt-vniesme de May mil six cens quarante-huict. Ainsi
Signé FRANÇOISE DE LORRAINE & IEANNE DE LESCOVET.

 

Aviourd’huy pardeuant les Notaires du Roy nostre Sire en
son Chastelet de Paris soubs-signez, Sont comparus tres-haute
& puissante Princesse Madame Françoise de Lorraine,
Duchesse de Vendosme, & Dame Ieanne de Lescouet Dame
d’honneur de madite Dame Princesse, lesquelles ont recogneu
& confessé auoir signé de leurs mains & seings ordinaires ce qui
est dessus escrit, & dont ils ont requis acte. Fait à Lhostel de Mercœur
au fauxbourg S. Honoré huict heures de releuée l’an mil
six cens vingt huict, le vingt cinquiesme iour de May. Ainsi signé
TVRGIS & MOREL.

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PARDEVANT GVILLAVME DE LA BARRE,
principal Tabellion Iuré en la Chastellenie & Principauté
d’Anet, FVT presente tres-haute & tres-illustre
Princesse Madame Françoise de Lorraine, Duchesse
de Vendosme, de Beaufort, Estampes, &c. estant de present en
son Chasteau d’Anet, laquelle m’auroit dit & declaré que le
Ieudy vingt-vniesme de ce mois elle a receu de la part de Monseigneur
le Duc de Vendosme son mary, vne declaration en forme
de lettre escrite au Roy, faite au Donjon du bois de Vincennes
le seiziesme de ce mois, escrite de la main dudit Seigneur
Duc de Vendosme & signee CASAR DE VENDOSME,
G. H. B. de France, Richer de Belle garde, de Lhostelnau, F.
Eustache de S. Paul & Lamont, que ledit Seigneur Duc de Vendosme
luy a mandé estre le double ou la coppie d’vne semblable
declaration escrite de sa main & signee de luy, & des cy dessus
nommez, laquelle il a deliuree à Madame la Duchesse d’Elbeuf
sa sœur & à Monsieur le Duc de Bellegarde pour porter à Monsieur
le Cardinal de Richelieu, & par mesme moyen ledit
Seigneur Duc de Vendosme a fait sçauoir à ladite Dame
Exposante qu’il desiroit qu’elle eut fait en son nom & comme sa
procuratrice pardeuant moy soubs signe, la presente protestation,
qui est que ladite declaration a esté tirée & extorquée de
luy par les rigueurs & mauuais traittements qu’on luy a faits en
sa prison par diuerses suppositions & faux donné à entendre, par
diuerses inductions, forces & violences dont on s’est seruy sans
ordre de sa Maiesté & contre son intention, pour arracher de luy
ladite declaration, lesquelles ledit Seigneur Duc de Vendosme
declarera plus particulierement à sadite Maiesté & ailleurs où
besoin sera lors qu’il sera en estat de le pouuoir faire. Pour lequel
& en son nom ladite Dame Exposante en qualité de sa femme &
espouse & procuratrice, a protesté & proteste pardeuant moy susdit
& soussigné, que ladite declaration ni confession y contenuës
ne pourront nuire ni preiudicier audit Seigneur Duc de Vendosme,
& qu’il entend s’en releuer & se pouruoir au contraire
par les voyes en tel cas licites & accoustumées. Me requerant
ladite Dame rapporter lesdites protestations & luy en deliurer

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acte : ce que ie luy ay accordé & deliuré le present acte soubs le
seing d’icelle Dame & des tesmoins cy-apres, le Vendredy du
matin 29. iour de Ianuier 1627. és presences de M. Pierre de
Villiers & François de Lisle le ieune Aduocats en Parlement,
demeurans audit Anet tesmoins, qui ont pareillement signé ce
present Acte deliuré à icelle madite Dame sans aucune minutte.
Ainsi signé FRANÇOISE DE LORRAINE, DE VILLIERS,
DE LISLE le ieune, & DE LA BARRE.

 

Novs Françoise de Lorraine, femme & procuratrice de
tres haut & puissant Prince Cesar Duc de Vendosme, de
Beaufort & d’Estampes, & ayant eu aduis qu’en suitte de la declaratiõ
faite par nostre dit sieur & mary le 16. de Ianuier dernier
dans la prison du bois de Vincennes, contre laquelle par l’ordre
& charge que nous auons de luy, nous auons fait pour luy & en
son nom les protestations qui ont esté rapportees par de la Barre
Notaire & Tabellion de la Principauté d’Anet : on a encore tiré
de luy vne requeste signee de sa main, pour faire verifier & registrer
au Parlement de Paris certaines lettres d’abolition, qui
ne nous ont esté communiquees ni concertees auec nous ni aucun
de ceux du conseil de nostredit sieur & mary, tres innocent
de toutes sortes de crimes contre le Roy & son Estat : Declarons
& protestons en continuant les autres protestations que
nous auons cy-deuant faites, que tout ce qu’il aduoüe, declare
& confesse qui pourroit blesser & offenser tant soit peu son innocence,
son honneur, l’affection & la fidelité qu’il doit au
Roy, à son seruice & au bien de son Estat, & ladite requeste qu’il
a signee, ont esté arrachees de luy par la force & violence des
craintes, inductions & suppositions qui luy ont esté faites sans
ordre & au non-sceu & contre les intentions de sa Maiesté,
lesquelles seront par nostredit sieur & mary dé duites & representees
à sadite Maiesté & pardeuant ses Iuges naturels en temps &
lieu, & lors qu’il sera en estat & liberté de le pouuoir faire & hors
des mains de ses ennemis : Protestons encore que tout ce qui sera
fait en vertu de ladite requeste, soit au Parlement ou ailleurs,
& tous les requisitoires, declarations ou consentements qui seront
faits ou signez par M. Pierre Lermite en suitte de ladite
zequeste & sur le subiet de ladite abolition ne pourra nuire ni

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preiudicier à nostre-dit sieur & mary, & le desaduoüër toutesfois
& quantes que besoin sera, comme l’ayant fait sans ordre ny
charge de nostredit sieur & mary ni de nous : desquelles declarations
& protestations les Notaires qui nous seruent ordinairement
ayant refusé de nous donner Acte, nous auons esté contraintes
de les signer de nostre main & les faire recognoistre pardeuant
les Notaires soubs-signez. Fait à Paris le 12. Mars 1627.
Ainsi signé FRANÇOISE DE LORRAINE.

 

Aviourd’huy pardeuant les Notaires Gardenottes du Roy
nostre Sire en son Chastelet de Paris soubs. signez, est
comparu illustre Princesse Madame Françoise de Lorraine, espouse
de illustre Prince Monseigneur Cesar de Vendosme, Duc
& Pair de France, Seigneur de Beaufort, d’Estampes & autres
lieux, demeurant en son Hostel scis faux-bourg S. Honoré, laquelle
a recogneu & confessé auoir escrit & signé de sa main le
contenu cy-dessus deuant escrit, qui contient verité, promet
tant, obligeant & renonçant. Fait & passé à l’Hostel dudit sieur
Duc scis au faux-bourg S. Honoré le douziesme Mars mil six cent
vingt-sept. Ainsi signé TVRGIS & MOREL.

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Anonyme [1649], REQVESTE DV DVC DE VENDOSME AV PARLEMENT DE PARIS. Auec les Memoires & Pieces qui en dependent. , françaisRéférence RIM : M0_3496. Cote locale : C_9_67.