Anonyme [1649], REQVESTE DV DVC DE VENDOSME AV PARLEMENT DE PARIS. Auec les Memoires & Pieces qui en dependent. , françaisRéférence RIM : M0_3496. Cote locale : C_9_67.
Section précédent(e)

REQVESTE
DV DVC
DE VENDOSME
AV
PARLEMENT
DE PARIS.

Auec les Memoires & Pieces qui
en dependent.

1649.

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A NOSSEIGNEVRS
de Parlement.

SVPPLIE HVMBLEMENT Cesar
Duc de Vendosme, d’Estampes, de Beaufort,
de Mercœur & de Penthieure, Pair de
France, Gouuerneur & Lieutenant General
pour le Roy, auec tous droicts & pouuoir
d’Admirauté és pays & Duché de Bretagne :

DISANT que dés l’an mil cinq cens quatre-vingts dix-huict
il a esté pourueu par le feu Roy HENRY LE GRAND
son pere dudit Gouuernement de Bretagne, sur la demission
faite en sa faueur par le feu Seigneur Duc de Mercœur,
par contract de mariage dudit Seigneur Duc de Vendosme
auec Dame Françoise de Lorraine son espouse, fille dudit
feu Seigneur Duc de Mercœur, en vertu de laquelle demission
& des prouisions accordées sur icelles ledit Seigneur
Duc de Vendosme est entré en possession dudit Gouuernement
de Bretagne, & s’est acquitté des debuoirs de ceste
charge auec toute l’integrité, zelle & fidelité deuës au seruice
du Roy, & au bien & repos de la Prouince pendant l’espace
de vingt huict années, & iusques à ce que le feu Cardinal
de Richelieu, abusant de l’authorité Royalle sous le vaste
& demesuré pouuoir de premier Ministre d’Estat, par
force & violence ait vsurpé ledit Gouuernement, & s’en

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soit emparé par des moyens entierement tyranniques.

 

Ce Ministre ambitieux dans le dessein d’esleuer sa maison
naissante sur les ruïnes de celle de Vendosme, & de luy
enleuer ledit Gouuernement, ne connoissant que deux
moyens receus en France de destituer vn homme viuant
des charges dont il est pourueu, sçauoir la Condamnation
par forfaicture, ou la Demission volontaire, chercha & l’vn
& l’autre dans vne persecution horrible contre ledit sieur
Duc de Vendosme, mettant en vsage tout ce que son auctorité
luy facilita de faussetez & suppositions, apres l’aplair
fait arrester & emprisonner par voyes injustes sans
uointe ny decret le treiziesme iour de Iuin mil six cens
vingt six, & l’ayant long-temps tenu dans la plus estroite &
rigoureuse prison qu’on se peut imaginer, luy fit enfin entendre
qu’il ne pouuoit esperer de liberté qu’en se feignant
criminel, & se sousmettant à tout ce que l’on voudroit de
luy à son desaduantage : Enfin par toutes les rigueurs que
peut souffrir vn homme abandonné à la cruauté de son ennemy ;
par les menaces de la mort le poignard porté sous la
gorge par deux soldats commis à sa garde ; par l’exemple
encore sanglante de la mort aduancée du feu grand Prieur
son frere ; par les offres de la deliurance de toutes ses peines,
& d’vne liberté toute entiere, & par tous les artifices que
les supposts dudit Cardinal peurent inuenter, ils extorquerent
de la main dudit Seigneur Duc le 16. Ianuier 1627. vne
pretenduë declaration escrite dans le Chasteau du bois de
Vincennes, contenant tous les faits inuentez contre luy,
& sur laquelle au mois de Feurier ensuiuant on a fait expedier
des Lettres d’abolition au nom dudit Seigneur, verifiees
en Parlement le 23. Mars 1629.

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Cette abolition ainsi verifiée, qui leuoit le pretexte apparent
de la prison dudit Seigneur Duc, deuoit luy donner
la liberté ; mais comme en effet la supposition du crime
n’estoit pas le vray motif de son emprisonnement, on le
presse de donner sa demission, & par le refus qu’il en fait on
le retient encore deux ans prisonnier, & enfin l’on exige de
luy par la continuation des mesmes artifices sa demission
du 19. Decembre 1630. qui fut vne nouuelle rançon, sur laquelle
on le sort du bois de Vincennes : mais pource que
la datte de la prison marquoit trop apparemment la contrainte,
les mesmes qui le retirerent de ladite prison extorquerent
encor de luy le premier Ianuier 1631. auant que de
le quitter & l’abandonner en vne liberté toute entiere, vne
seconde demission, sur laquelle ledit Cardinal de Richelieu
a pris des Lettres de prouision audit Gouuernement, &
pretendu en estre bien & valablement pourueu, ne laissant
audit Seigneur Duc aucun temps ny occasion de pouuoir
reclamer l’authorité du Roy & de la Iustice contre vne si
grande oppression : par la rigueur de laquelle, & pour empescher
que sa voix & ses plaintes ne fussent escoutees, se
preualant de l’autorité du Roy & des artifices de sa calomnie,
il a tousiours tenu ledit sieur Duc, ou confiné dans ses
maisons de campagne, ou esloigné dans les pays estrangers,
en sorte que ledit sieur Duc n’a peu que iusques à ce iour se
pouruoir au Parlement, & remonstrer qu’il ne peut estre
destitué de sondit Gouuernement de Bretagne en consequence
de ses demissions, qui sont inualides, puis qu’elles
n’ont point esté donnees volontairement ; ains au contraire
elles ont esté exigées de luy par force & violence, que ledit
sieur Duc iustifie par les protestations qu’il a faites : sçauoir,

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contre la demission du dix-neufiesme Decembre mil
six cens trente-vn, par acte du lendemain au matin, escrit
& singé de sa main, certifié & attesté de la Dame Duchesse
de Vendosme son espouse, & reconneu pardeuant Iutet
Notaire au Chastelet de Paris le mesme iour, & contre
la seconde demission du premier iour de May 1631. par autre
acte de protestation escrit & signé de sa main, & reconnu
le mesme iour pardeuant le Greffier & Tabellion de la
Preuosté & Chastellenie de Ville-preux, premier lieu où ledit
sieur Duc se trouua libre de ceux par qui le Cardinal de
Richelieu l’auoit fait accompagner au sortir de sa prison ;
lesquelles protestations ainsi faites pardeuant Notaires
en toutes les rencontres & manieres qu’elles ont esté necessaires
& possibles, sont suffisantes pour marquer sa resistance
& contradiction en ce que l’on auoit extorqué de
luy.

 

Il les a encore d’abondant reïterées, lors que ledit Cardinal
de Richelieu se fit Vsurpateur dudit Gouuernement,
prenant des prouisions du Roy sur la demission dudit
sieur Duc, contre lesquelles la Dame Duchesse de Vendosme
fit sa protestation, par acte escrit & signé de sa
main, & reconnu pardeuant deux Notaires au Chastelet
de Paris le dernier iour de Septembre mil six cens trente-vn,
confirmé par autre protestation aussi escrite & signée
de la main dudit sieur Duc, & reconnuë le deuxiesme
Octobre mil six cents trente-vn pardeuant le Notaire
public residant à Bergues sur Zoom en Hollande, lieu où
ledit sieur Duc eut le premier aduis de l’inuasion de son
Gouuernement par ledit Cardinal.

Par toutes ces protestations l’on void les violences

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exercées contre ledit sieur Duc qui inferent la nullité des
demissions, & par consequent des prouisions que le Cardinal
de Richelieu a prises, lesquelles estant donnes sur
vn mauuais fondement & faux exposé, puis que les demssions
n’estoient volontaires, il est vray de dire que ledit
Gouuernement n’a pû vacquer & ne peut estre dit vacquant
par le decez dudit Cardinal, puis qu’il n’a peu estre
legitimement pourueu sur vne demission forcée & violemment
extorquée du legitime titulaire.

 

Ce moyen de demission manquant par toutes les protestations
& nullitez cy-dessus, il ne reste plus que le pretexte
de Conuiction de crime pour authoriser l’injustice que
souffre ledit sieur Duc en la depossession de son Gouuernement,
lequel luy appartient non seulement par vne seule
demission de son predecesseur, & par de simples prouisions ;
mais par vne demission accordée en faueur de mariage,
qui fait partie de la dotte, & par vn contract où le
feu Roy HENRY LE GRAND est stipulant comme
Pere & Donateur, les Princes du sang, autres Princes, &
les Officiers de la Couronne presens & assistans, & receu
par les quatre Secretaires d’Estat : Ce titre ne pouuoit
estre contesté que par la seule violence du Cardinal de
Richelieu, quelque liberté qu’on puisse pretendre estre reseruée
aux Rois de disposer des charges & des Gouuernemens,
& de les donner & oster selon leur bon plaisir,
il ne s’est point encore veu d’exemple de cette liberté absoluë ;
au contraire au faict qui se presente il est remarquable
que le feu Roy HENRY LE GRAND n’a point creu pouuoir
asseurer ledit Gouuernement audit sieur Duc son fils
que par la demission du feu sieur Duc de Mercœur, iugée

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si necessaire, mesmes apres ce qui s’estoit lors passé en Bretagne,
qu’il la stipula par vn contract de mariage ; ce qu’il
n’auroit fait s’il n’eust esté besoin que de la seule volonté &
bon plaisir de sa Majesté : & iusques à ce iour il est inoüy
qu’en France les Roys ayent destitué aucun Officier pour
cause infamante ou qui donne la moindre ou la plus legere
atteinte à l’honneur, qu’apres vne conuiction legitime &
condamnation en justice, selon les formes & les regles ordinaires ;
cette conuiction legitime ne se trouuera point dans
tout le procedé dudit Cardinal, quelque artificieux & violent
qu’il ait esté allencontre dudit sieur Duc ; Car au lieu
qu’en vne conuiction on doit presupposer vn crime, vn
accusateur & des tesmoins, ledit Cardinal a commencé par
la prison ; le rasement de ses maisons & chasteaux, & par la
destitution de son Gouuernement, & apres a cherché des
crimes, des accusateurs & des tesmoins sans en pouuoir trouuer :
en quoy les artifices de sa malice retournant contre luy
mesme, puis qu’il a esté obligé de faire perir aucuns de ceux
qu’il auoit induits & apostez contre ledit sieur Duc, il se
vid reduit (pour tenir tousiours l’esprit du feu Roy trompé
& imbu des calomnies dont il faisoit les pretextes de sa rigueur)
de tirer des mains dudit sieur Duc par toutes les violences
cy-dessus, vne declaration contenant tous les faicts
inuentez contre luy, lesquels, quoy que supposez, non seulement
passeront pour indifferends en iustice tels qu’ils sont
articulez, mais encore pour innocens : & sur cette declaration,
qui ne pouuoit causer de condamnation, ledit Cardinal
fit expedier les Lettres d’abolition cy-dessus, contre laquelle
declaration & la requeste presentée au Parlement
par vn Procureur ordinaire, ledit sieur Duc fit au mesme

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temps ses protestations escrites & signées de sa main, confirmées
par la Dame Duchesse de Vendosme, & recogneus
pardeuant Notaires au Chastelet de Paris, qui sont pieces
qui iustifient assez les violences dudit Cardinal, & leuent
non seulement tous les pretextes qu’on pourroit induire
par lesdites declarations & abolitions, mais encor marquent
l’integrité & la netteté des actions dudit seigneur Duc, puisqu’on
ne peut luy imposer aucune chose qui doiue estre imputée
à crime ; & mesmes si l’enterinement de cette abolition
a receu quelque difficulté au Parlement, ce fut par le
scrupule que la pluspart de Messieurs firent de ne voir en
tout l’exposé de la declaration & des Lettres aucun faict qui
pust meriter abolition. Aussi le feu Roy LOVIS XIII. dans
le temps que son esprit se trouua libre & espuré des fausses
impressions dudit Cardinal, donna cette satisfaction à tous
les desplaisirs dudit sieur Duc, apres l’auoir r’appellé, que de
se condouloir de ses mal-heurs passez & de luy en promettre
fauorable iustice à l’aduenir ; c’est ce que la Reyne Mere
Regente aujourd’huy auoit voulu commencer par le traicté
fait le neufiéme Aoust 1643. entre le sieur Comte de Brienne
fondé du pouuoir special de leurs Majestés d’vne part, &
ledit sieur Duc d’autre, par lequel leurs Majestez ont traicté
auec ledit sieur Duc de la recompence de son dit Gouuernement
par la charge de Grand Maistre des Mers, &
stipulent qu’au moyen des prouisions de ladite charge il
donnera la demission de son Gouuernement en faueur de
la Reyne, & que Sa Majesté en ioüira tout ainsi que
ledit sieur Duc & auparauant luy ledit sieur Duc de Mercœur
en ont ioüy où eu droit de iouir ; ce qui marque
le droit qu’a ledit sieur Duc, & est vne reconnoissance

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authentique que tous les actes qui ont esté violemment extorquez
de luy, les prouisions & la possession prise par le
Cardinal de Richelieu, sont de nulle valeur, & que ledit sieur
Duc n’a point este legitimement depossedé de sondit Gouuernement,
puis que la Reyne ayant desiré d’en estre pourueuë,
a conuenu de la recompense & de la demission : d’où
resulte que ledit feu Cardinal de Richelieu n’ayant point eu
de droict & titre legitime, ledit Gouuernement ne peut
estre estimé vacquant par son decez ; & encor que par ledit
traitté toutes les marques dont le Cardinal de Richelieu
a voulu affoiblir la reputation dudit sieur Duc, soient
effacées, neantmoins pource qu’il se trouue hors de la possession
dudit Gouuernement, n’en ayant à present que le
titre, & que ledit Arrest d’enregistrement de ladite abolition
est vn monument perpetuel à la posterité pour faire
douter l’integrité des actions dudit Seigneur Duc à ceux
qui n’auroient point la connoissance de ce qui est arriué
depuis, ledit sieur Duc a vn sensible interest, qu’au mesme
lieu où se rencontrent les vestiges de l’injure qui luy
a esté faite, il se trouue aussi des preuues qu’elle a esté reparée,
pour apres reprendre son Gouuernement par la
voye de la justice, au lieu qu’il en a esté euincé par violence.

 

CE CONSIDERÉ, NOSSEIGNEVRS, IL VOVS
PLAISE receuoir ledit sieur Duc de Vendosme opposant
à l’execution dudit Arrest du vingt-troisiesme de
Mars mil six cens vingt-neuf, d’entherinement desdites
Lettres d’abolition du mois de Feurier mil six cens vingt-sept ;
& faisant droict sur son opposition, remettre ledit
Seigneur Duc en tel estat qu’il estoit auparauant ledit Arrest,

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lesdites Lettres, & sondit emprisonnement du treiziesme
Iuin mil six cens vingt-six, & en consequence ordonner
qu’il rentrera en possession dudit Gouuernement de
Bretagne, pour en iouir suiuant ses Lettres de prouision,
sans prejudice de ses droicts & actions contre qui il aduisera
pour la restitution des droicts & esmolumens dudit
Gouuernement pendant le temps de sa nonjouissance, &
pour les dommages & interests prouenans d’icelle, & que
le dispositif de l’Arrest qui interuiendra sur la presente Requeste
sera escrit dans le registre de la Cour, à la marge
dudit Arrest d’entherinement d’abolition, Et vous ferez
bien. Signé CESAR DE VENDOSME.

 

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LETTRES D’ABOLITION
pour le Duc de Vendosme.

LOVIS PAR LA GRACE DE DIEV ROY
DE FRANCE ET DE NAVARRE, A tous
presens & à venir, Salut : Nostre frere naturel le Duc
de Vendosme ayant tesmoigné à ceux que nous auons
commis à sa garde le desplaisir extreme qu’il ressentoit des fautes
par luy commises contre nostre seruice & repos de nostre Estat,
& la repentance qu’il en proferoit volontairement iusques à leur
en declarer les principalles, & leur faire cognoistre le desir passionné
qu’il auoit de nous aduoüer ingenuement plusieurs autres
choses qu’il auoit à declarer de ses actions & desseins preiudiciables
à cet Estat, afin que par la cognoissance du passé il fut facile
de pouruoir au present, & dissiper à l’aduenir toutes les menees
qui pourroient estre faites, pourueu qu’il nous pleust d’vser de
nostre bonté naturelle en son endroit, luy pardonnant toutes les
fautes par luy commises, nous en ayant fait instamment supplier :
à quoy suiuant nostre inclination, nous estant facilement
portez, ne pouuant vser de seuerité qu’en tant que nous y sommes
contraints pour le bien de nostre Estat, nous aurions fait sçauoir
à nostredit frere naturel par nos Lettres du vingt-huictiesme
Decembre dernier que nous luy pardonnerions de bon cœur, &
ne tirerions à consequence contre sa vie & ses biens ce qui s’estoit
passe, aux conditions qu’il voulust confesser ingenuement
tout ce qu’il sçauoit auoir commis & auoir esté fait, proiette ou
entrepris contre nostre seruice, le repos de cet Estat & le deuoir
de subiet, sans rien en desguiser, luy faisant sçauoir que si nous
le pouuions conuaincre iuridiquement de dissimulation, que
nous ne nous obligions d’aucune chose enuers luy. Ce que nous
luy aurions encore depuis peu fait sçauoir par nostre tres chere
& bien amee sœur la Duchesse d’Elbeuf, & par nostre tres-cher
& bien amé cousin le Duc de Bellegarde, & mesmes l’aduertir
que s’il se vouloit iustifier par les voyes ordinaires, au lieu de recourir
à nostre clemence, qu’il prist garde à ne rien dire qu’il luy

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pust preiudicier, parce qu’ils estoient obligez de nous rapporter
fidellement tout ce qu’il leur auroit dit : en suitte desquelles
asseurances nostredit frere naturel nous auoit enuoyé sa declaration
du 26. Ianuier dernier, dont coppie collationnée est
cy attachée sous le contreseel de nostre Chancellerie : laquelle
ayant veuë & diligemment examinee, nous auons recogneu
que les faits contenus en icelle sont tres-grands ; Ce qui neãtmoins
ne nous auroit peu desmouuoir d’accorder à nostredit
frere naturel le Duc de vendosme l’abolition & pardon qu’il
nous a fait demander du contenu en ladite declaration, lequel
de nostre grace speciale, pleine puissance & authorité Royalle,
& de nostre propre mouuement, nous abolissons, luy remettons
& pardonnons par ces presentes signées de nostre main,
imposans sur ce silence perpetuel à nos Procureurs generaux
presens & à venir & tous autres. SI DONNONS EN MAN
DEMENT à nos amez & feaux Conseillers les Gens tenans
nostre Cour de Parlement à Paris, Que de ces presentes nos
Lettres de grace, pardon & abolition, ils fassent & souffrent
ioüir nostre dit frere naturel, faisant cesser tous troubles & empeschemens
au contraire : CAR TEL EST NOSTRE PLAISIR.
Et afin que ce soit chose ferme & stable à tousiours, nous auons
fait mettre nostre seel à cesdites presentes. DONNÉ à Paris
au mois de Feurier l’an de grace mil six cens vingt sept, Et de
nostre regne le dix septiesme. Signé LOVIS. Et sur le reply
par le Roy, LE BAVCLERC.

 

LOVIS par la grace de Dieu Roy de France & de Nauarre,
à nos amez & feaux Conseillers en nostre Conseil d’Estat,
& Presidents en nostre Cour de Parlement de Paris, les sieurs
le Iay & de Bellievre, & à nos aussi amez & feaux Conseillers
en nostredite Cour de Parlement les sieurs des Landes & Bouchet,
ayant accordé à nostre frere naturel le Duc de Vendosme
l’abolition de laquelle il nous a fait supplier pour les cas contenus
en sa declaration, attachee sous le contreseel de ladite abolition,
& estant necessaire de proceder en execution de ladite
abolition, & de commettre quelques personnages de la capacité
& suffisance requise pour cet effet, à plein confians de vos

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sens, experience & affection à nostre seruice, Nous vous auons
pour raison de ce commis & deputez, & par ces presentes sinees
de nostre main, commettons & deputons pour faire ce
qui sera necessaire en execution desdites Lettres d’abolition.
Car tel est nostre plaisir. DONNE à Paris le quatorziesme iour
de Ianuier l’an de grace mil six cens vingt neuf, & de nostre regne
le dix-neufiesme. Signé LOVIS. Et plus bas par le Roy,
DE LOMENIE. Et au dos est escrit.

 

CE iourd’huy de l’Ordonnance de la Cour, Messire Nicolas
le Iay, Nicolas de Bellievre Conseillers du Roy en ses Conseils
d’Estat & Priué, Presidens en ladite Cour, Guillaume des
Landes & Anthoine Boucher Conseillers en icelle, Commissaires
deputez, s’estans transportez au Chasteau du bois de Vincennes,
a esté par moy Pierre Caluze, faisant la principalle
charge du Greffe Criminel de ladite Cour faict lecture en presence
de Messire Cesar de Vendosme, Duc de Vendosmois,
Estampes & Beaufort, Pair de France, prisonnier audit Chasteau,
des Lettres d’abolition par luy obtenuës, ensemble la declaration
y estant attachee sous le contreseel d’icelles, lequel
apres serment fait, en a aduoüé le contenu, & requis l’entherinement
desdites Lettres d’abolition le onziesme Mars mil six cens
vingt-neuf.

ARREST D’ENTHERINEMENT.

Extraict des Registres de Parlement.

VEV PAR LA COVR, toutes les Chambres assemblees,
les Lettres patentes en forme d’abolition
donnees à Paris au mois de Feurier 1627. signees
LOVIS, & sur le reply, Par le Roy, LE BEAVCLERC,
scellees du grand scel de cire verte sur lacs de soye, obtenuës
par Messire Cesar de Vendosme, Duc de Vendosmois, d’Estampes,

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Beaufort & de Mercœur, Pair de France, prisonnier au
Chasteau du bois de Vincennes, par lesquelles ledit Seigneur
a aboly & pardonné audit sieur Duc de Vendosme les faicts
contenus tant esdites Lettres que declaration par luy escrite &
signee, dont coppie collationnee est attachee sous le contreseel
desdites Lettres. Requeste presentee à ladite Cour par ledit
sieur Duc de Vendosme le dixiesme Mars audit an 1627. à ce que
lesdites Lettres luy fussent enterinees. Arrest du vingt deuxiesme
Ianuier dernier, par lequel auant faire droict sur lesdites
Lettres auoit esté ordouné que tant sur le conte nu d’icelles que
declaration ledit Duc de Vendosme seroit oüy pardeuant Messieurs
Nicolas le Iay, Nicolas de Bellievre Conseiller du Roy
en ses Conseils d’Estat & Priué, Presidents en ladite Cour,
Guillaume des Landes & Antoine Bouchet Conseillers en icelle,
lesquels à cette fin se transporteroient audit chasteau du bois
de Vincennes, pour ce fait communiqué au Procureur general
estre ordonné ce que de raison. Proces verbal desdits Commissaires
du seiziesme du present mois de Mars contenant la lecture
faite tant desdites Lettres d’abolition que declaration en
presence dudit sieur Duc de Vendosme, qui a aduoüé le contenu
& requis l’entherinement desdites Lettres : Conclusions
du Procureur General du Roy, tout consideré. DICT A ESTÉ,
que ladite Cour a entheriné & entherine lesdites Lettres d’abolition,
pour iouyr par ledit Duc de Vendosme du contenu en
icelles selon leur forme & teneur. Fait en Parlement le vingt-troisiesme
Mars mil six cens vingt-neuf.

 

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DECLARATION DV DVC
de Vendosme, sur laquelle a esté
donnée l’abolition.

SIRE,

Sur l’asseurance qu’il a pleu à vostre bonté de me faire donner
tant par les sieurs de Lhostelnau & La mont premierement,
que depuis par Monsieur le Duc de Bellegarde, & de nouueau
par ma sœur Madame la Duchesse d’Elbeuf, de me pardonner
toutes les choses que ie puis auoir faites, qui ont despleu à Vostre
Maiesté, & qui luy ont donné suiet de me faire arrester prisonnier
dés le treiziesme de Iuin de l’annee derniere, & à la
charge que ie les aduoüe & confesse ingenument, tout mon
plus grand but n’ayant iamais esté que de luy plaire & luy donner
tous les contentemens qu’il sçauroit desirer de moy, ioint
l’entiere confiance que i’ay en la bonté de Vostre Maiesté ;
Toutes ces choses, SIRE, m’ont obligé à luy declarer & aduoüer
ce qui s’ensuit : Premierement, que ie ne m’estonne point si
Vostre Maiesté m’a fait arrester prisonnier ; Aussi peu trouue ie
à redire à ceux qui le luy ont conseillé, lesquels à mon sens eussent
failly en raison d’Estat, s’ils eussent autrement fait, veu
les continuels soupçons qu’on luy donnoit de moy, & de toutes
façons touchant mon Gouuernement. En suitte, m’examinant
sur les fautes que ie puis auoir commises en Bretagne, i’aduouë
à Vostre Maiesté qu’auec trop de soin i’ay recherche & cabalé
l’amitié de Messieurs du Parlement de la Prouince, sans toutesfois
auoir autre dessein de m’en preualoir contre mes ennemis,
& me rendre considerable. I’ay apporté le mesme soin
enuers la Noblesse & les Communautez de la mesme Prouince,
le tout pour me mettre en consideratton, & par là augmenter

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ma fortune : lesquelles choses ie ne doute point qui n’ayent
donné legitime suiet de meffiance à Vostre Maiesté, laquelle
i’aduoüe de plus auoir auec trop de soing & d’affection visité la
coste de mondit Gouuernement, quoy qu’a la priere & requisitoire
des Estats tenus à Ploerniel la mesme annee que ie fis le
tour de la coste ; & sur ce que l’on m’a demandé si ie n’auois eu
entreprise sur Blauet & le Chasteau de Nantes & Brest, ie declare
à Vostre Maiesté que pour Blauet quand i’y allay & en y
arriuant lors que Monsieur de Soubize s’en voulut saisir, c’estoit
auec le seul but de secourir la place & vous y seruir : mais depuis
y estre i’appris le mauuais ordre auquel estoit cette place
lors, & deux iours apres recogneus la capacité du Duc de Brissac
pour auoir vne place de telle importance en sa garde, & pour les
actions guerrieres, cela me fit passer en mon esprit vne pensee
du peril qu’auoit couru cette place, & du mal general à la France
& particulier à la Prouince, que la perte eust apporté, & là
dessus meditois en moy mesme que la garce en pouuoit estre pour
le moins aussi seure entre mes mains qu’entre celles dudit Duc
de Brissac, & en mesme temps i’eu dessein de m’en asseurer,
sans toutesfois l’auoir communiqué à personne ny l’auoir tenté.
Pour Nantes, il est vray que depuis que i’en fus despouillé du
gouuernement par Monsieur de Montbazon, mon but a esté
tousiours d’y rentrer : mais parce que nous auions de nouueau
fait amitié Monsieur de Montbazon & moy, ie m’estois resolu
tant qu’il le possederoit de n’y songer iamais, mai i’esperois que
le Prince de Guimene en seroit bien tost en paisible & entiere
possession, qui sans doubte changeant ceux qui commanderoient
sous son pere pour y mettre d’autres, m’eust donné
moyen de rentrer en cette place : Ce que ie ne me resoluois pas
de faire ny d’executer que selon l’estat où pour lors eussent esté
les affaires generales de ce Royaume. Pour faciliter mon dessein
de Nantes ie trauaillois à y acquerir dans la ville le plus
d’amis que ie pourrois, afin qu’à coup pres cette Communauté
desirast & tesmoignost m’auoir plutost pour Gouuerneur que
ledit Prince de Guimené, & pourtant mon proiet pour Nantes
ne m’a pas passé, car ie ne l’ay pas communiqué à personne,
non plus que celle de Blauet. Pour Brest, ie n’ay eu dessein d’y
entreprendre : Bien est il vray que la diuision des deux qui en

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estoient Gouuerneurs, pere & fils, estans venus aux extremes,
l’Euesque de Leon & moy fismes tous nos efforts aupres de Mõsieur
de Sourdeac qui vouloit venir demander iustice à Vostre
Maiesté de ses fils, pour qu’il mist en laissant le Marquis de Timour
son Lieutenant dans la place, le vieux du Mas qui l’estoit
à cause de son extreme vieillesse en faire plus la charge : & en
cela le but de l’Euesque de Leon estoit bien different du mien,
le sien n’allant que d’asseurer la place à son pere, & le mien de
faire que le Marquis de Timour entrast en cette place, de laquelle
il se pourroit faire que par la vieillesse de Monsieur de
Sourdeac il demeureroit Gouuerneur, ou bien que la confiance
qu’il auoit en luy seroit qu’il en seroit tousiours le maistre :
& ie tenois la place autant mienne cotre les mains dudit Marquis
de Timour que si elle eust esté entre les miennes. Or il est
vray que nous concertasmes & resolusmes ce proiet ledit Marquis
& moy lors que ie fis le tour de la coste, & excepte luy creature
viuante n’a rien sceu de ce dessein de Brest. I’aduoue aussi
que sur la demande qu’on m’a fait si ie donnois nulles pensions
en Bretagne, qu’il y a deux sortes de Gentils-hommes de
la Prouince de Bretagne ausquels ie faisois tous les ans bailler de
l’argent, les vns ausquels ie donnois pension, & de ce nombre
il n’y auoit que Messieurs Daradon, du Pan, de Vaudurant &
de l’Espine Boulanger ; & d’autres ausquels pour faciliter les
demandes de Vostre Maiesté aux Estats, i’estois contraint de
mesnager quelque fond dans les baux à forme pour leur en faite
gratification, & autrement Vostre Maiesté n’eust pas esté
seruie. Ie declare de plus, qu’en partant de Nantes pour aller
à Blois, ie feis connoistre à Monsieur de Rets les aduis qu’on
me donnoit qu’on m’y arresteroit prisonnier, & là dessus me resoluant
d’y aller, ie luy demanday ce qu’il me conseilloit en
partant de faire de mes deux fils : il me conuia instamment de les
luy vouloir confier, au cas qu’il m’arriuast quelque disgrace, &
me força de commander à leur gouuerneur de les mener à Anceny,
& que selon les aduis qu’il auroit il les menast donc à
Massecou à M. de Retz : ce que ie faisois d’autant plus librement
qu’il y auoit quelque traitré entre nous du mariage de
mon fils aisné auec sa fille ; & sur ce suiet ie diray à Vostre Maiesté
que Monsieur de Retz reuenant de la campagne où il auoit

-- 20 --

esté pres de trois sepmaines, me dit que Chaban, lequel m’auoit
veu auparauant qu’il l’eut pû voir, luy auoit fait deffences
de la part de Vostre Maiesté d’acheuer ledit mariage : ie luy dis
là dessus que cela estoit contraire à la premiere permission qu’il
vous auoit pleu nous en donner, conditionnee à ce que Belisle
luy fust reserué, ie le priay de me monstrer ce commandement,
afin que nous n’en parlassions iamais : il me dit que c’estoit vne
deffence verballe & non par escrit ; ie luy respondis que ie m’estonnois
que Chaban ne m’eust donc fait le mesme commandement,
que ie luy donnois six mois pour me faire les mesmes
deffences, autrement que c’estoit vne deffence qu’il cherchoit :
au bout duquel temps le pressant & voyant que de la part de
Vostre Maiesté ie ne receuois nul ordre là dessus, il me dit, prenez
Belisle & i’acheueray le mariage : ie m’en excusay sur la defence
que vous m’en auiez faite, de laquelle estoit de sa connoissance :
il me demanda encore six mois que ie luy accorday.
Et sur ce que l’on m’a demande de la part de Vostre Maiesté si
ie n’auois nulle connoissance des brouilleries dernieres de la
Cour, ie luy ay respondu que cette affaire m’estoit absolument
incogneuë : bien estoit-il vray que mon frere m’escriuit il y a
vn an maintenant, qu’on trauailloit au mariage de Monsieur,
& qu’il failloit faire toutes sortes d’efforts pour l’empescher : surquoy
ie luy fis responce que ie le priois de ne se messer point de
cet affaire en laquelle il n’y auoit que perte pour ceux qui s’en
mesleroient, & que pour moy ie m’estimois heureux d’estre
esloigné de la Cour pour les broüilleries que ie pensois qui y arriueroient :
& lors que mon frere vint à Nantes ie luy demanday
le suiet de la prise du Mareschal il d’Ornano : il me dit que cet
homme estoit insatiable d’argent, & ie n’en sceus tirer autre
chose. De là passant auec luy à la communication de diuers aduis
& en grand nombre que i’auois receus que l’on m’arresteroit
prisonnier si i’allois à la Cour, il me dit, mon frere il n’y a rien à
craindre, car Monsieur le Comte ne viendra pas au voyage, il
fera bien mine d’y aller, enuoyant son train iusques à Orleans,
delà il le renuoyera querir sous pretexte de maladie ou autre excuse :
& que Monsieur le Comte ne venant point il n’y auoit
rien à craindre, parce que l’on ne prendroit personne qu’on ne
prist tout ensemble. Cette raison ne me satisfaisoit point, mais

-- 21 --

ie me laissay emporter aux persuasions de mon frere & de tous
mes amis qui estoient lors à Nantes, la puissance desquels eust
esté trop foible pour me faire faire le voyage de Blois, si mon
frere m’eust fait cognoistre aucune cognoissance en embatras
dans les broüilleries dernieres de la Cour. Pouuant asseurer
Vostre Meiesté comme si i’estois deuant Dieu, que de ces affaires
là ie n’ay iamais eu aucune cognoissance que de ce qui est
contenu en cette declaration, non plus que ie n’ay eu nulle intelligence
directement ou indirectement auec les Estrangers,
les Huguenots, ny Monsieur de Soubize, tant en ce qui estoit de
son dessein de Blauet qu’ailleurs : & au cas que l’on puisse prouuer
le contraire iuridiquement & deuant mes iuges naturels, ie
me soubsmets dés à present à toutes sortes de punitions, & aduoüe
qu’il ne s’en sçauroit en ce cas trouuer d’assez grandes.
Voyla, SIRE, le resultat que i’ay fait de l’examen des fautes que
i’ay peu commettre non seulement par mes actions, mais mesmes
par mes pensées ; dequoy ie demande tres-humblement pardon
à Vostre Maiesté, apres l’ingenuë, franche & entiere
confession que ie luy en fais, comme à la viue image de Dieu en
terre, duquel elle en a autant essayé d’approcher des actions qu’il
est possible à l’humanité, & particulierement & principallement
en vne clemence & bonté naturelle qu’elle a fait paroistre
iusques à cette heure. Ce qui me fait plus hardiment supplier
Vostre Maiesté en toute humilité qu’il luy plaise se souuenir de la
memoire du feu Roy, HENRY LE GRAND, du glorieux tiltre
qu’elle me donne, m’aduouant pour son frere, & en ces considerations
me vouloir accorder ma liberté, que ie ne demande que
pour sacrifier aux pieds de vostre Maiesté, & pour empescher
l’entiere ruïne de ma pauure & desolée famille, qui est ineuitable,
si V. M. fait son œuure imparfaite, en retenant prisonnier
celuy à qui elle a pardonné & donné sa grace : Ie ne peux esperer
ce bien que de sa bonté, aduoüant par tout que si le feu Roy
m’a donné vne fois la vie en me mettant au monde, Vostre Maiesté
me la donnera deux fois, l’vne par sa grace & son pardon,
l’autre par ma liberté, puis que la priuation de celle-cy m’empesche
la ioüissance de celle là : & qu’à tout cela i’adiouste l’extremité
de la maladie à laquelle ie suis reduit. Fait au Donjon
du bois de Vincennes ce seiziesme Ianuier mil six cens vingt-sept.

 

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Et sur ce que Monsieur de Bellegarde m’a demandé de la part
de Vostre Maiesté si ie n’auois iamais eu dessein de m’emparer
de la Prouince de Bretagne en general, & en vsurper la Souueraineté,
i’ay respondu que cette pensee n’estoit iamais entrée en
mon esprit, que i’aymerois mieux estre mort ; qu’il estoit vray
qu’vne fois resuant, comme l’esprit de l’homme vague vniuersellement,
ie pensois en moy mesme que si le malheur de la France
estoit tel en general & en particulier, qu’elle fust priuée de
Vostre Maiesté & de Monsieur, mal-aisement pourrois-ie compatir
à l’humeur & l’esprit de Monsieur le Prince.

-- 23 --

PROTESTATION CONTRE LA
declaration cy-dessus, & les Lettres d’abolition.

LA cognoissance que les malheurs donnent aux hommes
sont d’ordinaire les moyens desquels Dieu se sert
pour leur faire cognoistre la nullité de leur estre en cette
vie, & par ce moyen les r’approcher de luy. Ma prison
tres-longue, & dans laquelle mon innocence n’a pour toute
esperance que sa diuine bonté, m’ayant mis en cet estat, i’ay veu
qu’ayant satisfait à ce que ie dois à ma conscience enuers Dieu, tout
ce qui me reste maintenant est de satisfaire à mon honneur & empescher
que les choses que l’on m’a fait faire, & par des violences
inoüies parmy les Chrestiens ; ne puissent aux siecles aduenir ternir
le lustre de ma famille presente, & par le contre coup la gloire de
mes predecesseurs, C’est ce que ie pretends maintenant de faire
par vne vraye, nuë & naïue narratiue de ce qui s’est passé depuis
ma detention, & ce par les voyes que i’ay pû en l’estat où ie suis : ie
laisse le temps depuis le treiziesme de Iuin iusques au vingts neuf ou
trentiesme de Septembre sans en rien-dire, parce qu’il ne s’est rien
passé, & qu’aussi le Roy estant allé ce temps là en Bretagne i’estimois
que mes seruices luy seroient si clairement cogneus & mes
crimes si illusoires que i’en attendois toute autre chose que de me
voir emmené d’Amboise comme vn appellant de mort. Cela & toutes
les circonstances de cette voiture me donnerent vn tel deplaisir,
que dés lors le temperamment de mon corps se commença à alterer
& ma santé se changer en fievre lente & extreme douleur de
teste. Lamont lequel l’on auoit mis tout expres aupres de moy
cõme tres-expert pour toutes sortes de suppositions, de mensonges
& toutes autres sortes de meschancetez, prenant ce temps que nous
estions par les chemins entre Bonne & Dourdan, me dit en Latin
que Monsieur le Cardinal de Richelieu m’aymoit, & qu’il en auoit
des marques à m’en donner par vn billet escrit dudit Cardinal lequel
n’estoit qu’en creance audit Lamont, lequel expliquant sa
creance, me dit, que le Conseil du Roy auoit beaucoup plus de
crimes pour me pouuoir perdre qu’il n’en estoit necessaire, mais

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que ledit Cardinal me vouloit sortir de toutes peines & me mettre
en liberté, pourueu que ie voulusse me restablir en la confiance du
Roy par vne igenuë confession des choses que l’on sçauoit bien
que i’auois faites : ie respondis que ie ne craignois rien que Dieu,
que ie me resiouissois de voir que l’on me menoit à Paris, parce que
i’esperois que c’estoit pour me mettre entre les mains du Parlement
pour me faire mon procez si i’estois trouué coupable, ou bien
que cela seruiroit à esclaircir le Roy de mon innocence, qui estoit
la mesme chose que i’auois dit à Monsieur de Tresmes Capitaine
des Gardes lors qu’il me receut à Amboise des mains des sieurs de
la Forest & de Rostenclaire, & ce en presence de Messieurs de Vie,
du Buy, du Rean & du Lis ; que ie ne refusois pas l’assistance
de monsieur le Cardinal, qui pouuoit m’obliger s’il vouloit, mais
que d’auoüer nul crime ie ne le pouuois, ny d’auoir manqué ny directement
ny indirectement au seruice du Roy, luy disant sur ce
suiet que mes actions parloient d’elles mesmes : il me repondit que
sans cela il falloit me resoudre à mourir honteusement & d’vne mort
indigne ; que le Roy en seroit bien marry, qu’il n’y pourroit que faire,
& qu’il falloit qu’il desgageast sa reputation & son honneur. Ce
sont les mesmes termes. Sur cela se rompis ce discours en cholere,
luy respondant que Dieu y pouruoiroit : il attendit vn iour, & voyant
la derniere iournée & que i’arriuois à la couchee apellee Choisi,
maison du President le Bailleul, il me pria de luy permettre de relire
le billet de Monsieur le Cardinal de Richelieu, ce qu’ayant fait
il ne me le voulut plus rendre ; & quoy que ie peusse faire il le garde,
me disant de plus que si ie disois qu’il m’eust baillé & puis osté ledit
billet, i’estois mort dans vingt-quatre heures, & qu’il en sçauoit bien
les moyens asseurez. Estant arriué au bois de Vincennes Lhostelnau,
en la garde duquel ie fus mis, me deffendit de parler à mon
valet de chambre, & m’obligea à faire toutes les necessitez ausquelles
l’homme est assuietty en presence de ceux qui me gardoient
& en la ruelle de mon lict, chose qu’à Amboise l’on ne m’auoit
point fait pratiquer : i’oubliois que Lamont me disant a dieu au bois
de Vincennes, me dit qu’il esperoit bien-tost me reuoir & qu’il
m’apporteroit de bonnes nouuelles : quelques iours apres mon mal
augmentant ie demanday vn Confesseur & vn Medecin, chose qui
me fut refusee tout à plat : mon mal m’augmentant d’auantage ie
demanday me pouuoir confesser à Monsieur le Cardinal de Berulle,

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qui pour lors ne l’estoit point encore, le croyant tout à fait confident
de Monsieur le Cardinal de Richelieu, l’on me l’accorda en
apparence & en effet point : lors vne apresdinée l’on m’osta mon
valet de chambre, pensant me faire vn nouueau desplaisir, & faire
reüssir ce que Lamont, qui estoit reuenu aupres de moy, m’auoit dit
que par quelque voye que ce pust estre, supposée ou veritable le Roy
me vouloit faire trouuer criminel ; que ie serois bien heureux d’estre
mort : ils me faisoient mille bruits, m’empeschoient autant qu’ils
pouuoient de dormir, pour à tout le moins à force de me tourmenter
me faire perdre l’esprit par tous ces mauuais traittemẽs (s’il n’arriuoit
plus qui estoit ma mort) chose qu’ils monstroient desirer par
les rigueurs & tourmens. Sur cela ma sievre lente ayant tourné en
quarte & double quarte, mon corps tres attenué de mal & mon
esprit encore plus, ils me firent voir par Medecins & Apotiquaires,
craignant & doutant de l’euenement de mon mal, mesme ils me
firent venir le Pere Dom Eustache Feüillant, qui me confessa : &
lors Dieu me donnant des forces nouuelles m’inspira apres ma
confession, estant sur le point de faire la saincte Communion, dans
l’instant precedent de la reception du tres-precieux Corps de Nostre
Seigneur, de faire la declaration & protestation de mon innocence
entiere entre les mains dudit Pere Eustache, & ce en presence
du compagnon dudit Pere Eustache, nommé Frere Hubert,
des sieurs de Lhostelnau, du Grand Chirurgien ordinaire du Roy,
& de ceux qui me gardent. Deux iours apres Lamont allant à S.
Germain, à ce qu’il disoit, me demanda si ie ne voulois rien luy
dire & qu’il diroit au Roy ce que ie luy dirois ; qu’il estoit creature
du feu Roy, qu’il ne pouuoit, cela estant, qu’il ne m’escriuit &
qu’il le vouloit faire, mesme qu’il tiendroit sa vie bien employée
pour cela : ie luy dis apres l’auoir remercié, que ie ne pouuois rien
mander au Roy, sinon que ie le suppliois de se souuenir que i’auois
l’honneur d’estre son frere ; & que la memoire de nostre pere commun
le deuoit obliger à me traiter comme cela, que ie croyois que
sa reputation seroit blessee quãd l’on verroit qu’il vouloit opprimer
ses freres & ruyner ce que le Roy son pere auoit fait & estably pour
son seruice & pour le bien & soustien de l’Estat ; que bien souuent
l’on donnoit des soupçons des personnes qui obligeoient à s’en asseurer,
sans auoir esgard à leur qualité ; qu’apres l’on faisoit voit
leurs actions au public, si elles estoient mauuaises : si au contraire

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lon les tiroit de prison auec l’honneur que i’estois bien asseuré d’estre
en estat d’innocence, & par consequent i’attendois ce traittement
de sa bonté. Lamont estant de retour me dit qu’il auoit trouué
le Roy fort animé contre moy, & qu’il failloit du temps, que Mõsieur
le Cardinal me prioit d’auoir vn peu de patiẽce & de le laisser
faire. Depuis il fit plusieurs voyages hors d’icy sans me rien dire,
Au bout de dix ou douze iours voyant que ma maladie augmentoit
& que mon esprit & mon corps qui s’affoiblissoient fort montroiẽt
qu’il estoit temps de m’abuser & me surprendre en cet estat, Lamont
me dit qu’il auoit commandement du Roy de m’offrir ma liberté
auec l’entiere amnistie, tant de son costé que du mien, pourueu
que par vne declaratiõ verballe à Lhostelnau & à luy i’aduoüasse
premierement & depuis de mesme à sa Majesté mesme en le
voyant, que c’estoit auec raison que i’auois esté arresté, & qu’il falloit
mettre l’honneur du Roy à couuert & ce d’autant plus que Madame
la Comtesse de Soissons & ma femme blasmoient mon emprisonnement ;
que si ie n’acceptois ce party le Roy estoit resolu à me
faire mourir par toutes sortes de voyes, soit par des Commissaires
& suppositions de tesmoins, ou par d’autres moyens, qu’il deploroit
ma perte si ie n’acceptois le premier party : ie dis que i’accepterois
tousiours plutost la douceur que l’extremité, & d’irriter le Roy mais
que ie ne pouuois pas aduoüer des choses fausses : Bref, apres plusieurs
contestations i’offris qu’en me faisant voir vn me moire qui
contient par articles mes accusations supposées, que pour la satisfaction
& esclaircissement de sa Majesté i’y respondrois par escrit
sur chaque article en façon que ie la satisferois Les contestations
durerent bien huict iours, que iour & nuict, ils estoient apres moy
sans me donner aucun repos : bref vn iour apres m’auoir promis &
asseuré de la part du Roy de ma liberté, ils me dirẽt verballement les
chefs de mes accusations. Que i’auois cabalé auec le Parlement de
Bretagne, la Noblesse & les villes. Que i’auois eu dessein de me
saisir de Blauet, de Nantes & de Brest, Que i’auois eu intelligence
auec les Huguenots, les Espagnols & le Mareschal d’Ornano. A
tout cela ie respondis la verité, qui estoit vne negatiue vniuerselle.
Ils me dirent encor qu’il failloit en acquerant ma liberté, descharger
le Roy en me chargeant : ie dis qu’il failloit donc que ie rendissemes
pensées criminelles pour contenter le Roy, puis que toute la
France m’eust dementy quand i’eusse voulu aduoüer auoir deserui

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le Roy par nulle de mes actions. Sur cela eux-mesmes me dirent
sur chaque article mes responses : & Lhostelnau me dit sur le point
de Blauet, dites que vous auez eu volonté de vous en saisir ; ie respõdis
que le Roy m’enuoyast quelque personne de qualité qui m’asseurast
de ma liberté, que ie ferois tout ce que ie pourrois, mon
honneur & ma conscience sauue. Deux iours apres Monsieur de
Bellegarde vient, lequel m’apporta vne lettre du Roy, qui chantoit
tout autre langage, & ne parloit rien moins que de ma liberté,
& lors ie dis que ie n’auois rien à dire : eux dirent (i’entends Lhostelnau
& Lamont) que ie leur auois aduoüé tout ce qu’eux-mesme
m’auoient conseillé d’auoüer : le dis que non, & que c’estoit
eux qui me vouloient faire auoüer toutes les choses pour auoir ma
liberté. Sur ce mot Monsieur de Bellegarde dit qu’il n’auoir qu’à
m’oüir, & n’auoit rien à respondre sur l’heure, sinon qu’il falloit
que le Roy se deschargeast aux despens de qui il appartenoit, & que
les Maistres ne vouloient pas auoir le dernier, qu’il reuiẽdroit dans
deux iours, & que si ie voulois moy mesme escrire quelque memoire
pour contenter le Roy, que de sa part il m’apporteroit, à ce qu’il
esperoit, tout contentement, que cela ne me pouuoit nuire, veu que
la lettre du Roy me seruoit de seureté. Nous nous separasmes en
cette sorte. Le soir Lamont & Lhostelnau me firent escrire dans la
chambre de Lamont ce memoire, non en forme de memoire, mais
de declaration, dictans eux mesmes les mots qu’ils vouloiẽt, & me
faisant oster ceux qui ne leur plaisoient pas. Le temps du retour de
Monsieur de Bellegarde venu, ie fus tout estonné de voir entrer
Madame d’Elbeuf ma sœur auec luy, laquelle apres quelque peu de
larmes & de complimens (marchandise dont les femmes ne sont
pas chiches) me dit qu’elle estoit venuë pour retirer ma declaration
& m’apporter la grace du Roy & asseurance de plus, mais que
pour l’honneur du Roy elle ne le pouuoit dire que ma declaration
ne fust entre ses mains : ie m’excuse & luy dis que l’on ne m’auoit
demãdé qu’vne declaration verballe : elle me dit qu’elle seroit inutile,
& là dessus elle me leut vne article de son instruction, qui portoit
que le Roy ne demandoit ma declaration que pour les estrangers,
afin de leur faire voir qu’il m’auoit fait arrester auec raison, &
par ce moyen se garantir du blasme d’auoir fait arrester son frere
sans sujet : en suitte dequoy elle adiousta force coups de genoux &
œillades, me disant, ie suis vostre sœur, croyez-moy, conrentez le

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Roy & sortez d’icy, il ne tiendra qu’à vous i’en suis bien asseuree :
i’ay veu la Reyne Mere. Sur cela Lhostelnau & Lamont s’approchoient
& luy disoient, Madame vous sçauez bien, & elle leur respondoit
ie ne parle pas bas, ie ne luy dis rien. Toutes les choses
iointes au peu de force & de iugemẽt que la longueur de ma maladie
& tous les tourmens me donnoient me firent entrer en consert
auec eux sur le point de contenter le Roy : sur quoy Lamont ayant
tiré de sa poche vn double de ce que i’auois escrit en sa chambre,
commença à le lire : bref apres vne conferẽce de cinq heures ie dis,
que m’asseurant de ma liberté ie ferois tout ce que ie pourrois faite
pour donner au Roy satisfaction : lors estant trop tard nous nous
separasmes remettãt au lendemain, lequel venu Madame d’Elbeuf
& Monsieur de Bellegarde me dirent que le Roy vouloit que ma declaration
fust escrite & signée de ma main & des seings de Madame
d’Elbeuf, de Messieurs de Bellegarde, de Lamont & de Lhostelnau :
Sur cela ie demandé, Et de ma liberté ? personne ne respond :
lors ie cogneus que l’on me trompoit & rompis tout à fait, iette le
papier que i’auois escrit dans le feu & dis a dieu à la compagnie, disant
à Madame d’Elbeuf ce que la iuste cholere d’vn frere trahy par
sa propre sœur, l’obligeoit pour toute response : La mont prit la parole
& dit, le Roy n’a point affaire de vostre declaration, le discours
auquel vous estes entré en cette compagnie est assez fort pour
vous faire faire vostre procez sur nos depositions : Ie me mocqué
de sa deposition & de celle de Lhostelnau : Sur quoy il dist, Madame
d’Elbeuf & Monsieur de Bellegarde deposeront aussi, & elle respondit
qu’oüy, & pareillement Monsieur de Bellegarde. Cela ne
me fit point changer ma resolution, & mesme Monsieur de Bellegarde
me redemandant la lettre que le Roy m’auoit escrite ie luy
rendis & luy dis que ie montrois bien en luy rendant que ie ne
craignois rien. Nous estans ainsi separez Lamont me chanta
poüille, & Lhostelnau en se tirant la barbe dit, ie voy bien que
cette affaire sera tragique : la fievre m’ayant pris, ie me mis au lict.
Sur les 2. heures apres minuit i’oüis ouurir mes rideaux & vis aux
deux coins de mon lict deux soldats tenãt vn chacun vn poignard
nud à la main, l’vn s’appelle de Gardes qui est de Crecy, Enspesade
de la Couronnelle des Gardes ; l’autre s’appelle de Ferant, de la
Compagnie de Valence, & lors ils me dirent qu’ils estoient bien
marris de me dire qu’ils auoient charge & commandement de me

-- 29 --

tuer si ie ne promettois de r’escrire & signer la declaration de mesme
que Lamont me la dicteroit. La crainte de la mort qui m’estoit
beaucoup plus sensible à cause que la maladie m’auoir osté l’esprit,
sinon en tout, pour le moins en la plus grande partie, me fit promettre
de le faire, ainsi que le lendemain ie fis, à cette condition toutesfois
que le Pere Eustache me diroit que ie le pouuois faire sans
blesser ny en quelque façon que ce soit interesser ma conscience,
veu le serment & la declaration que i’auois faits en faisant mes Pasques
entre les mains dudit Pere Eustache, & i’esperois que ledit
Confesseur ne me pouuant conseiller ces choses sans conscience,
i’aurois par ce moyen vn pretexte d’en demeurer là sans escrire ny
signer la declaration, & lors que i’eusse dit toutes les violences que
l’on m’auoit fait : mais ledit Pere Eustache ayant demeuré deux
iours sans venir afin de receuoir sa leçon de Monsieur le Cardinal de
Richelieu, ainsi qu’il fit comme il me le dit, cela differa la derniere
resolution iusques au troisiesme iour que ledit Pere Confesseur
estant venu auec Madame d’Elbeuf & Monsieur de Bellegarde, en
presence des sieurs de Lamont & de Lhostelnau, me dit sur ma difficulté
que ie ne deuois point faire de difficulté de donner contentement
au Roy & de signer ma declaration, qui bien que differente
en quelque chose à ma premiere declaration n’y derogeroit point
& n’en empeschoit pas la verité & validité, que c’estoit le seul
moyen de donner à sa Majesté satisfaction & d’auoir ma liberté. Il
est à notter que quoy que ie peusse faire il fut hors de ma puissance
de pouuoir conferer en particulier auec ledit Confesseur, lequel
le desira de sa part, sans que luy ny moy le peussions obtenir : bien
me dit ledit Pere Eustache tout bas comme estant fort proche
de moy & n’y ayant personne entre nous deux sur ce que ie l’enquis
si ma femme, mon Medecin ou quelqu’vn de nos amis ne luy auoit
rien fait dire pour me faire sçauoir, que non hors mon Medecin
qui luy auoit dit que tous ceux qui m’aymoient me conseilloient de
faire ladite declaration sans difficulté, ce que i’ay depuis appris
estre faux & controuué par ledit Pere pour me la faire signer : lors
me voyant à bout sans moyen de me parler, ie dis que si l’on ne me
permettoit d’enuoyer vne pareille declaration à ma femme, signée
comme celle qu’on portoit à Messieurs du Conseil, & pour mieux
dire, comme vn double original, ie ne le ferois iamais : ce qui me
fut accordé, & de plus Madame d’Elbeuf repetta les premieres asseurances

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de liberté auec les mesmes signes & des yeux & des genoux.
Bref, les mesmes actions de trahison, qui en apparence venant
d’vne sœur me deuoient plustost donner de la confiance, Lamont
tira de sa pochette son escrit lequel en copiant & estant tombé
sur le point de Blauet ie ne voulois point auoüer auoir eu dessein
de m’en saisir, lors Lhostelnau me fit signe qu’il me vouloit dite
vn mot : ie m’approchay de luy, & il me dit, mettez que cela vous
a passé par l’esprit : ie luy respondis cela est faux, comment voulez
vous que i’aduoüe vne chose fausse ? il me respondit il faut contenter
le Roy & vous sortir d’icy : Sur les articles de Blauet, de Nantes
& de Brest aduoüez que vous en auez eu pensée, les pensees ne sont
& ne furent iamais representées pour crime qu’enuers Dieu. Les esperances
de liberté, les mauuais traitemens, la foiblesse extreme
que i’auois & de corps & d’esprit iointe à la force & violence me
firent faire escrire & signer lesdites deux declarations, l’vne pour
porter à Monsieur le Cardinal de Richelieu, & l’autre pour enuoyer
à ma femme, afin que l’on ne fit point accroire & dedans & dehors
le Royaume que i’eusse plus dit & aduoüé que ie n’auois
fait. Madame d’Elbeuf & Monsieur de Bellegarde montrent estre
fort contents, & me dit ledit sieur de Bellegarde que desormais
il viendroit ioüer auec moy vne fois la sepmaine : sur quoy luy
ayant demandé s’il croyoit que l’on me donnast ma liberté promise,
il me dit, Comment, le Roy qui est vostre frere, apres vous
auoir pardonné pourroit il vous retenir prisonnier ? Ie Ciel & la
terre criroient contre luy : me demandant quelle seureté ie desirois,
ie luy dis que ie n’en demandois aucune que les lettres
que le Roy m’auoit escrites par eux, & qu’elles estoient plus que
suffisantes. Quatre iours apres Madame d’Elbeuf reuenuë, me
dit que les Ministres vouloient que ie prisse vne grace : ie dis
que ie n’en voulois plus : lors Lhostelnau me dit, vous en auez
besoin, car de liberté il n’en faut point esperer. Madame d’Elbeuf
contre faisant la pleureuse, me dit la mesme chose : ie m’escriay
& dis lors poüilles à Madame d’Elbeuf, laquelle me voyant
enragé s’en alla, & demeura bien vn mois sans reuenir : au bout
de ce temps vn iour que i’estois a prier Dieu à la Chappelle, l’on
me dit qu’elle estoit dans ma chambre ; ie n’y voulois pas aller,
Lamont me vint querir & m’y mena : elle me bailla vn parchemin
seellé qui estoit vne abolition pour moy, qui me mit en plus

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grande aigreur qu’auparauant : quoy voyant elle s’en alla auec
sa bulle. Vne heure apres Lamont & Lhostelnau r’entrerent
dans ma chambre, le premier tenant l’abolition & vne requeste
à la main, adressante à Messieurs du Parlement aux fins de
l’enregistrature & verification, & me dirent qu’il falloit par
amour ou par force signer ladite requeste. Ie protesté deuant
tous ceux qui estoient dans la chambre de la violence qu’ils
me faisoient à l’heure & de toutes les precedentes, que ie n’auois
tien faict que forcé pour sauuer ma vie, & aussi par l’esperance
de ma liberté. I’oubliois que m’opiniastrant de n’escrire
rien de l’article qui est en apostille qui regarde Monsieur le
Prince, Monsieur de Bellegarde & Madame d’Elbeuf dirent que
le Roy le vouloit absolument, que l’on m’auoit tousiours creu
particulier seruiteur de mondit sieur le Prince, que la Reyne
mere qui le tenoit son ennemy, n’auoit garde de souffrir ma liberté
si ie ne rompois auec mondit sieur le Prince, & ne mettois
l’esprit de sa Maiesté en seureté, par cet arricle que l’on me dicta
comme le reste, & me le fit tout inseser en apostille : Bref les violences
susdites arracherent de moy cet article aussi bien que tout
le reste de la declaration. En ce mesme temps ils me presserent
extremement d’escrire ce que ie sçauois de Monsieur le Comte
& de mon frere : surquoy m’excusant sur ce que ie ne sçauois
rien, ils me forcerent pareillement à inserer dans ladite declaration
ce qui y est, qui regarde mondit sieur le Comte & mondit
frere contre ce qui estoit de la verité, bien qu’en effet ce qui y
est ne soit de nulle importance : car il est tres certain que ie n’ay
iamais rien sceu ny cogneu de Monsieur le Comte qui touchast
ni preiudiciast en façon du monde à l’affection que i’ay tousiours
veu qu’il auoit au seruice du Roy. Et pour mon frere il m’a tousiours
parlé en mesmes termes pour ce qui le regardoit, & ie
n’ay rien recogneu en luy ny dans le peu de temps que ie le vis
deuant que d’estre arresté prisonnier, ny depuis durant les quinze
premiers iours que nous demeurasmes ensemble, de contraire
à la fidelité, la passion & l’amour pour le seruice du Roy qu’on
sçauroit attendre d’vne personne qui a l’honneur d’estre si proche
de sa Majesté, & sur ce que i’ay appris de ma femme que
Madame d’Elbeuf se vantoit m’auoit monstré instruction auparauant
que i’eusse rien fait, afin de iustifier par là toute son action

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ie proteste deuant Dieu qu’auparauant ma declaration signée
& deliurée elle leut vn papier qu’elle appelloit son instruction,
ou pour mieux dire, vn article de ce papier, ainsi que ie l’ay inseré
cy-deuant, qui ne regardoit autre chose que le dessein du
Roy à faire voir ma declaration aux Estrangers : à l’esgard desquels
l’article disoit sa Majesté auoir seulement besoin de madite
declaration & non ailleurs : bien est il vray que lors qu’elle
Madame d’Elbeuf vint pour m’apporter l’abolition, qui estoit vn
mois apres ladite declaration deliuree à Lhostelnau, plutost elle
me monstra vne instruction toute entiere. dans laquelle l’article
inseré cy deuant touchant les Estrangers qui estoit dans
la premiere n’estoit point : mais il est à notter que c’estoit vn
mois depuis que la declaration forcee & arrachee de moy par
violence, soit en la forme, soit en la matiere, luy auoit esté deliuree,
comme i’ay appris de madite femme, Qu’on se vantoit
que le Pere Eustache m’auoit monstré vne lettre du Roy à luy
addressante, par laquelle il auoit charge de m’aduertir, que si ie
voulois me iustifier deuant mes Iuges naturels, sa Majesté en seroit
bien aise, & qu’en ce cas ie me gardasse de rien dire qui me
pût preiudicier, & qu’au bas de cette pretenduë lettre l’on auoir
fait faire vne certification audit Pere Eustache : & la lettre & la
certification ie proteste qu’au contraire, ledit Pere tenant vn papier
entre les mains me dit que le Roy m’offroit des Commissaires
pour me faire mon procez ; surquoy ayant respondu que ie
ne pouuois auoir d’autres Iuges que ceux du Parlement de Paris :
il me respondit que ie n’aurois iamais ceux là, mais il ne me
monstra iamais de lettre, ny ne me parla iamais de rien autre
chose que de ce qui contient dans cette vraye & libre declaration,
laquelle contient entierement verité : & quand mesme le
Pere Eustache eut faict ce que l’on dit qu’il auoit charge, ie ne
croy pas que i’eusse rien respondu ny fait autre chose que pour
lors ie fis, veu les violences dont on auoit vsé en mon endroit,
lesquelles à iuste sujet i’auois occasion de craindre qu’on eust redoublees.
Voila la verité de ce qui s’est passé sur le sujet de la
declaration du 6. de Ianvier 1627. & les raisous particulierer
qui m’ont obligé à mander à ma femme, & luy faire sçauoir dés
aussi-tost que i’en ay pû trouuer le moyen, qu’elle eust fait des protestions
en termes generaux contre ladite declaration, comme

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aussi contre la requeste que i’ay signée par force pour faire
verifier ladite abolition : lesquelles protestations faites en suitte
par ma femme en termes generaux ayant veuës, ie declare les
approuuer & tatifier, protestant de les repeter en toutes formes
aussi-tost qu’il aura pleu à Dieu me mettre en estat de le pouuoir
faire auec liberté : & en attendant ie deliure à ma femme la presente
declaration, en presence de Madame de Seury sa Dame
d’honneur pour nous seruir en temps & lieu, & les ay priées d’en
certifier la deliurance sous leurs seings & la faire certifier pardeuant
Notaires. Fait au Donjon du bois de Vincennes ce vingt-cinquiesme
iour de May mil six cens vingt huict à trois heures
apres midy. Ainsi signé CESAR DE VENDOSME.

 

Madame d’Elbeuf vn iour de ceux qu’elle vient ceans ayant
eu permission de me parler bas, ainsi que Lamont le dist à Lostelnau,
elle se promena auec moy bien demy heure, & durant tout
ce temps elle ne me dist autre chose sinon pour me persuader
de charger bien que faussement Messieurs de Longueville, de
Neuers & de Montmorency, me disant que Monsieur le Cardinal
de Richelieu m’en auroit vne obligation immortelle, & que cela
aduanceroit ma liberté, ie luy dis là dessus que bien que nous
sussions freres ie n’estois pas personne qui pour vn Royaume voulusse
faire vne mechanceté. Ainsi signé CESAR DE VENDOSME.

Les grandes violences font oublier les moindres, Arsonual
l’vn de ceux qui me gardent, vn iour me bailla des tablettes
dans lesquelles Sus l’vn de mes Gentilshommes m’escriuoit, &
lors Dieu m’inspira de ne faire point de responce, par ce que
depuis ledit Arsonual m’a aduoué que c’estoit vn piege, & que
ce qu’il en faisoit estoit par commandement de Lamont & de
Lhostelnau pour me tromper & m’embarasser. Ainsi signé
CESAR DE VENDOSME.

Nous soubs-signez Françoise de Lorraine, Duchesse de
Vendosme, & Ieanne de l’Escouet Dame de Seury, &
Dame d’honneur de Madame la Duchesse de Vendosme, certifions
que ce iour Monsieur le Duc de Vendosme estant prisonnier
au Chasteau du bois de Vincennes, nous a deliuré & mis entre

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mains la presente declaration contenant trois feuilles & demie
de papier escrites de sa main & signee de luy pour luy seruir
en temps & lieu, en foy de quoy nous auons signé la presente &
fait certifier nos seings & escritures par deux Notaires Roy aux à
Paris le vingt-vniesme de May mil six cens quarante-huict. Ainsi
Signé FRANÇOISE DE LORRAINE & IEANNE DE LESCOVET.

 

Aviourd’huy pardeuant les Notaires du Roy nostre Sire en
son Chastelet de Paris soubs-signez, Sont comparus tres-haute
& puissante Princesse Madame Françoise de Lorraine,
Duchesse de Vendosme, & Dame Ieanne de Lescouet Dame
d’honneur de madite Dame Princesse, lesquelles ont recogneu
& confessé auoir signé de leurs mains & seings ordinaires ce qui
est dessus escrit, & dont ils ont requis acte. Fait à Lhostel de Mercœur
au fauxbourg S. Honoré huict heures de releuée l’an mil
six cens vingt huict, le vingt cinquiesme iour de May. Ainsi signé
TVRGIS & MOREL.

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PARDEVANT GVILLAVME DE LA BARRE,
principal Tabellion Iuré en la Chastellenie & Principauté
d’Anet, FVT presente tres-haute & tres-illustre
Princesse Madame Françoise de Lorraine, Duchesse
de Vendosme, de Beaufort, Estampes, &c. estant de present en
son Chasteau d’Anet, laquelle m’auroit dit & declaré que le
Ieudy vingt-vniesme de ce mois elle a receu de la part de Monseigneur
le Duc de Vendosme son mary, vne declaration en forme
de lettre escrite au Roy, faite au Donjon du bois de Vincennes
le seiziesme de ce mois, escrite de la main dudit Seigneur
Duc de Vendosme & signee CASAR DE VENDOSME,
G. H. B. de France, Richer de Belle garde, de Lhostelnau, F.
Eustache de S. Paul & Lamont, que ledit Seigneur Duc de Vendosme
luy a mandé estre le double ou la coppie d’vne semblable
declaration escrite de sa main & signee de luy, & des cy dessus
nommez, laquelle il a deliuree à Madame la Duchesse d’Elbeuf
sa sœur & à Monsieur le Duc de Bellegarde pour porter à Monsieur
le Cardinal de Richelieu, & par mesme moyen ledit
Seigneur Duc de Vendosme a fait sçauoir à ladite Dame
Exposante qu’il desiroit qu’elle eut fait en son nom & comme sa
procuratrice pardeuant moy soubs signe, la presente protestation,
qui est que ladite declaration a esté tirée & extorquée de
luy par les rigueurs & mauuais traittements qu’on luy a faits en
sa prison par diuerses suppositions & faux donné à entendre, par
diuerses inductions, forces & violences dont on s’est seruy sans
ordre de sa Maiesté & contre son intention, pour arracher de luy
ladite declaration, lesquelles ledit Seigneur Duc de Vendosme
declarera plus particulierement à sadite Maiesté & ailleurs où
besoin sera lors qu’il sera en estat de le pouuoir faire. Pour lequel
& en son nom ladite Dame Exposante en qualité de sa femme &
espouse & procuratrice, a protesté & proteste pardeuant moy susdit
& soussigné, que ladite declaration ni confession y contenuës
ne pourront nuire ni preiudicier audit Seigneur Duc de Vendosme,
& qu’il entend s’en releuer & se pouruoir au contraire
par les voyes en tel cas licites & accoustumées. Me requerant
ladite Dame rapporter lesdites protestations & luy en deliurer

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acte : ce que ie luy ay accordé & deliuré le present acte soubs le
seing d’icelle Dame & des tesmoins cy-apres, le Vendredy du
matin 29. iour de Ianuier 1627. és presences de M. Pierre de
Villiers & François de Lisle le ieune Aduocats en Parlement,
demeurans audit Anet tesmoins, qui ont pareillement signé ce
present Acte deliuré à icelle madite Dame sans aucune minutte.
Ainsi signé FRANÇOISE DE LORRAINE, DE VILLIERS,
DE LISLE le ieune, & DE LA BARRE.

 

Novs Françoise de Lorraine, femme & procuratrice de
tres haut & puissant Prince Cesar Duc de Vendosme, de
Beaufort & d’Estampes, & ayant eu aduis qu’en suitte de la declaratiõ
faite par nostre dit sieur & mary le 16. de Ianuier dernier
dans la prison du bois de Vincennes, contre laquelle par l’ordre
& charge que nous auons de luy, nous auons fait pour luy & en
son nom les protestations qui ont esté rapportees par de la Barre
Notaire & Tabellion de la Principauté d’Anet : on a encore tiré
de luy vne requeste signee de sa main, pour faire verifier & registrer
au Parlement de Paris certaines lettres d’abolition, qui
ne nous ont esté communiquees ni concertees auec nous ni aucun
de ceux du conseil de nostredit sieur & mary, tres innocent
de toutes sortes de crimes contre le Roy & son Estat : Declarons
& protestons en continuant les autres protestations que
nous auons cy-deuant faites, que tout ce qu’il aduoüe, declare
& confesse qui pourroit blesser & offenser tant soit peu son innocence,
son honneur, l’affection & la fidelité qu’il doit au
Roy, à son seruice & au bien de son Estat, & ladite requeste qu’il
a signee, ont esté arrachees de luy par la force & violence des
craintes, inductions & suppositions qui luy ont esté faites sans
ordre & au non-sceu & contre les intentions de sa Maiesté,
lesquelles seront par nostredit sieur & mary dé duites & representees
à sadite Maiesté & pardeuant ses Iuges naturels en temps &
lieu, & lors qu’il sera en estat & liberté de le pouuoir faire & hors
des mains de ses ennemis : Protestons encore que tout ce qui sera
fait en vertu de ladite requeste, soit au Parlement ou ailleurs,
& tous les requisitoires, declarations ou consentements qui seront
faits ou signez par M. Pierre Lermite en suitte de ladite
zequeste & sur le subiet de ladite abolition ne pourra nuire ni

-- 37 --

preiudicier à nostre-dit sieur & mary, & le desaduoüër toutesfois
& quantes que besoin sera, comme l’ayant fait sans ordre ny
charge de nostredit sieur & mary ni de nous : desquelles declarations
& protestations les Notaires qui nous seruent ordinairement
ayant refusé de nous donner Acte, nous auons esté contraintes
de les signer de nostre main & les faire recognoistre pardeuant
les Notaires soubs-signez. Fait à Paris le 12. Mars 1627.
Ainsi signé FRANÇOISE DE LORRAINE.

 

Aviourd’huy pardeuant les Notaires Gardenottes du Roy
nostre Sire en son Chastelet de Paris soubs. signez, est
comparu illustre Princesse Madame Françoise de Lorraine, espouse
de illustre Prince Monseigneur Cesar de Vendosme, Duc
& Pair de France, Seigneur de Beaufort, d’Estampes & autres
lieux, demeurant en son Hostel scis faux-bourg S. Honoré, laquelle
a recogneu & confessé auoir escrit & signé de sa main le
contenu cy-dessus deuant escrit, qui contient verité, promet
tant, obligeant & renonçant. Fait & passé à l’Hostel dudit sieur
Duc scis au faux-bourg S. Honoré le douziesme Mars mil six cent
vingt-sept. Ainsi signé TVRGIS & MOREL.

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PROTESTATION CONTRE LA
premiere demission.

NOVS CESAR DVC DE VENDOSME, Gouuerneur
& Lieutenant general pour le Roy en Bretagne,
auec tous droits & pouuoir d’Amirauté audit pays,
recognoissons & declarons que bien que le iour d’hier 19. de ce
present mois de Decembre, ie me sois desmis par escrit & par
Acte passé pardeuant du Chesne & Taçonnet Notaires au
Chastelet de Paris, ce neantmoins ce que i’en ay fait n’a esté que
par forcce, ce qui se peut aisement croire, si l’on considere que
ladite demission a esté faite dans la prison du Donjon du bois de
Vincennes où ie suis encor à present retenu : où depuis pres de
cinq ans qu’il y a que i’y ay esté mis, i’ay souffert tous les tourments
& violences imaginables, & desquelles l’on m’a fait dire
que ie ne pouuois me garantir & obtenir ma liberté, qu’au prealable
ie n’eusse baille madite demission : contre laquelle ie proteste
de me pouruoir en temps & lieu & lors que le Roy sera hors
de l’obcession de Monsieur le Cardinal de Richelieu, seul autheur
de mon iniuste prison & de la ruine presque entiere de ma
maison, l’authorité duquel m’a forcé à faire ladite demission & à
faire cette protestation simplement de ma main, ne l’osant confier
à nul Notaire, ny faire recognoistre à ceux qui ont passé ladite
demission, de peur qu’ils ne cogneussent mon dessein, qui
estant sceu me priueroit & de la liberté & me continueroit dans
ma misere, comme aussi dans l’infaillible ruine de ma maison de
ma femme & de mes enfans : c’est ce qui m’empescha des hier
de faire la presente, ioint que ie desirois d’auoir des Notaires
soubs-signez, pardeuant lesquels i’ay fait faire la recognossance
cy-dessous transcripte & cy iointe, pour me seruir du tout moy &
les miens selon ce que nous verrons bon estre : en foy de quoy i’ay
escript & signé la presente protestation & declaration de ma
mains, que i’ay voulu estre certifiee & approuuee par ma femme,
Fait au Donjon au Chasteau du bois de Vincennes ce vingtiesme

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Decembre de l’an mil six cens trente entre dix & vne heures du
matin. Ainsi Signé CESAR DE VENDOSME.

 

Novs Françoise de Lorraine, Duchesse de Vendosme,
certifions à tous ceux qu’il appartiendra, que Monsieur
mon mary a escrit & signé de sa main le present papier, contenant
la veritable declaration de sa volonté & de la mienne sur
l’affaire de laquelle il traitte, laquelle en tout & par tout nous approuuons,
en foy dequoy nous auons escrit & signé de nostre
main le present. Fait au Donion du bois de Vincennes ce 20.
Decembre 1630. Ainsi signé FRANÇOISE DE LORRAINE.

Aviourd’huy est comparu pardeuant moy Gardenotte du
Roy nostre Sire au Chastelet de Paris soubs-signé, Monseigneur
Cesar de Vendosme, Duc dudit Vendosme, de present
estant au Donjon du Chasteau du bois de Vincennes, lequel a
declaré & recogneu auoir escrit & signé ce iourd’huy l’escrit cy-deuant,
& de l’autre part, contenant deux feuillets, celuy compris,
& que le contenu en iceluy escrit est son intention & volonté,
qu’il veut & entend sortir son plain & entier effet : ce fait du
consentement & approbation de Madame Françoise de Lorraine,
Duchesse de Vendosme son espouse, de luy authorisee pour
l’effet des presentes, laquelle a aussi declaré & declare qu’elle a
escrit & signé la recognoissance par elle faite de l’autre part, Promettans,
obligeans & respectiuement renonçans. Fait & passé
audit Donjon de Vincennes, presens Gabriel de Longueual Escuyer,
& escuyer de Monseigneur, de Pierre Forget son valet de
chambre, & de François Iutet Praticien à Paris, le Vendredy
auant midy 20. Decembre mil six cens trente. Et ont signé
CESAR DE VENDOSME, FRANCOISE DE LORRAINE,
de Longueual, Forget, Iutet Praticien & Iutet
Notaire.

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PROTESTATION CONTRE
la seconde demission.

NOVS CESAR DVC DE VENDOSME,
Gouuerneur & Lieutenant general pour le Roy
en Bretagne, auec tous droits & pouuoir d’Admirauté
audit païs, recognoissons & declarons
que bien que nous ayons esté de nouue au forcés
de donner ce iourd’huy vne demission par escrit
de nostredit Gouuernement, par nouuelle demission passee
pardeuant Talon & Marion Notaires au Chastelet de Paris, &
que la minutte en soit demeuree par deuers l’vn d’iceux Notaires
qui est Marion : Ce neantmoins nous n’auons en cette seconde,
non plus qu’à la premiere passee pardeuãt Taçonnet &
du Chesne, agi de nostre franche volonté ; au contraire que i’y
ay esté forcé pour les mesmes raisons estant dans ma premiere
protestation faite au bois de Vincennes le 20. Decembre dernier,
recogneuë pardeuant Iutet Notaire au Chastelet, subsistans,
partant ie proteste de me pouruoir contre ladite violẽce
en temps & lieu, & qu’elle ne me pourra preiudicier, puis que
ce que i’en faits n’est point de ma franche volonté, & que ie
n’ose tesmoigner mon sentiment, à cause que le Roy est encor
dans l’obcession de Monsieur le Cardinal de Richelieu, seul autheur
de mon iniuste prison & du bannissement hors de ce
Royaume, auquel on m’ai obligé pour obtenir ma liberté &
pour sauuer ma vie, ainsi qui se peut voir par la lettre que le Roy
m’a escrite, signée Louis & plus bas de Lomenie, en datte du
29. Decembre dernier : dequoy ie pretẽds me seruir, pour faire
voir la violence qui a esté pratiquee contre moy, rendre nulles
lesdites deux demissions, & faire voir que l’on n’a peu ni deu
m’oster mondit Gouùernement, ayant desiré pour plus grande
seureté des choses susdites & de mon intention, la faire recognoistre
pardeuant le Notaire & Tabellion de Ville-preux, en
presence des tesmoins soubs signez. Fait, escript & signé de mà
main ce premier iour de Ianuier 1631. Ainsi signé CESAR
DE VENDOSME.

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Aviourd’huy Mercredy premier iour de Ianuier 1631. est comparu
pardeuant Pierre Ruchon, Gressier & Tabellion luré de la
Preuosté & Chastellenie de Ville-preux, Monseigneur Cesar de Vendosme,
Duc de Vendosme, estant de present en ce lieu de Ville preux
logé au Chasteau dudit lieu, lequel a declaré & reconneu auoir escrit
& signé de sa main le present papier contenant deux feuillets, celuy
compris, & que le contenu en iceluy escrit contient verité, son intention
& sa volonté qu’il entend & desire sortir son plein & entier
effet, m’ayant requis mettre au pied d’iceluy la presente recognoissance
pour la validité d’iceluy & pour luy seruir en temps & lieu ainsi
que de raison, A luy octroye le present acte pour luy seruir ainsi que
de raison, presens François Destrades, Escuyer sieur de Bauuelle,
gouuerneur des enfans de mondit Seigneur, & Philippes de Sus,
Escuyer sieur dudit lieu, Capitaine des Gardes dudit Seigneur. Et
ont signé CESAR DE VENDOSME, DESTRADES, SVS,
RVCHON.

-- 42 --

PROTESTATION DE MADAME
de Vendosme contre la prise de possession par
Monsieur le Cardinal de Richelieu du
Gouuernement de Bretagne.

NOVS FRANCOISE DE LORRAINE, Duchesse de
Vendosme, declarons sur l’aduis à nous donné que Monsieur
le Cardinal de Richelieu s’estoit finallemẽt fait pouruoir
du Gouuernement de Bretagne appartenant à Monsieur nostre
mary, qu’en suitte & consequence des protestations par nous
deux ensemblement faites le 20. Decembre 1631. I. Ianuier de
la presente année, concernãt les demissions qu’il a esté forcé d’accorder
& passer, afin de liberer nostredit sieur & mary de la prison
du bois de Vincennes, & euiter la ruine de nostre maison. Nous
protestons d’abondant contre lesdites prouisions & prestation de
serment qu’a fait ledit sieur Cardinal, comme fondées sur des
demissions extorquées par violence & de soy nulles & inualides,
en attendant que Dieu par sa bonté ouure les moyens à nostredit
sieur mary & à nous de faire cognoistre au Roy les iniustes persecutions
qui nous ont esté faites, & inspiré sa Maiesté de le remettre
& restablir en son honneur & en ladite charge de Gouuerneur de
Bretagne : en tesmoin dequoy nous auons certifié & signé la presente
de nostre main, à Paris le 29. iour de Septembre 1631. Ainsi
signé FRANCOISE DE LORRAINE.

Aviourd’huy pardeuant les Notaires Gardenottes du Roy
nostre Sire en son Chastelet de Paris soubs signez, Est comparu
haute & puissante Princesse Françoise de Lorraine, Duchesse
de Vendosme, estant en son Hostel au faux bourg S. Honoré, laquelle
a recogneu & confessé auoir escrit & signé de sa main le
contenu au precedent fueillet, qu’elle promet entretenir selon sa
forme & teneur : Promettant, obligeant & renonçant. Fait &
passé en l’Hostel de Mercœur au faux bourg S. Honoré l’an 1631. le
dernier iour de Septembre auant midy, TVRGIS & MOREL.

-- 43 --

PROTESTATION DV DVC DE
Vendosme contre la mesme prise de possession.

NOVS CESAR DVC DE VENDOSME, de
Beaufort & d’Estampes, Pair de France, Gouuerneur
& Lieutenant general pour le Roy nostre Souuerain
Seigneur, auec tous droits & pouuoir d’Admirauté
en ses pays & Duché de Bretagne : Certifions
& declarons par la presente, que sur l’aduis
qui est paruenu iusques en ce lieu où nous nous trouuons presentement
hors du Royaume de France, que Messire Armand du Plessis,
Cardinal de Richelieu, auoit enfin exigé de sa Maiesté nostredit
Gouuernement de Bretagne, & d’iceluy fait & presté le serment entre
ses mains, sous pretexte de la demission que par violence & à
condition de nous liberer de prison du bois de Vincennes où nous
estions lors detenu par ses artifices : Nous protestons derechef par la
presente escrite & signee de nostre propre main en reïterant & continuant
les premieres protestations des ja par nous faites sur ce suiet :
La premiere en datte du 20. Decembre dernier passé en ladite prison
du Donjon de Vincennes, pardeuant Iutet & Hutet Notaires
au Chastelet de Paris, lors que l’on exigea de moy ma premiece demission :
& la seconde le premier de Ianuier de l’annee presente en
la Chastellenie de Villepreux, pardeuant Pierre Ruchon, Notaire
& Tabellion Iuré audit lieu, le iour qu’estant à Paris, deux iours
apres ma liberté, l’on me força de m’en aller à Anet, & deuant que
de partir à donner vne nouuelle & seconde demission de mondit
Gouuernement, de laquelle l’on voulut qu’il demeurast minutte
chez vn Notaire qui la passa appellé Marion ; Que lesdites pretenduës
Lettres de prouision & de protestation de serment dudit sieur
Cardinal ne nous puissent nuire & preiudicier à present ny à l’aueuir
aux droicts & raisons que nous auons & entendons conseruer en ladite
charge de Gouuerneur de Bretagne, qui n’a peu estre donnee valablement
à vn autre à nostre preiudice, attendu que toutes les demissions
que nous auons faites n’ont point esté par nous, que par
force & par violence, pour auoir nostre liberté & pour euiter la ruïne

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& subuersion entiere de nostre maison : nous reseruant en temps
& lieu à declarer plus particulierement le detail de ces choses, & adiouster
à cette protestation & aux precedentes que nous verrons
bon estre, nous pouruoyans allencontre de la depossession de nostre
dit Gouuernement aux fins de restablissement & de reintegrande en
iceluy, reparation d’honneur pour tous les torts, griefs, ruines & pertes
par nous souffertes, tant en nos dignitez qu’en nos biens depuis
le 13. iour de Iuin 1626. iusques au iour du datte des presentes, & ce
lors qu’il aura pleu à Dieu de deliurer par sa bonté le Roy de l’authorité
& puissance absoluë que ledit Cardinal a vsurpee & dont il
abuse sur les subiets de sa Maiesté, luy faisant cognoistre que toutes
les persecutions que nous auons endurees & endurons depuis cinq
ans & plus, n’ont eu autres causes ny fondement que le dessein dudit
Cardinal, de nous priuer & spolier dudit Gouuernement de Bretagne,
afin de se l’approprier, le faisant tomber en sa personne, ainsi
qu’il est euident & manifeste par ses actions dernieres, & pour tesmoignage
de la verité de nostre intention nous auons signé les presentes
de nostre main, en suite & conformité de celles que nostre
tres-chere compagne & espouse a passees en France. Fait à Bergues
sur Zoom le deuxiesme Octobre 1631. Ainsi signé CESAR DE
VENDOSME.

 

Pardeuant moy Iean van Vvesel Notaire public par le Conseil
de Brabant en la Haye admis, resident à Bergues sur Zoom, &
les tesmoins cy-apres nommez, EST comparu tres haut & tres puissant
Prince Cesar Duc de Vendosme, d’Estampes, de Beaufort, de
Mercœur & de Penthieure, &c. Lequel a volontairement recogneu
& confessé auoir escrit & signé de sa propre main les trois pages cy-dessus
transcriptes, cette-cy faisant la troisiesme, lesquelles auons
recogneues, afin que le contenu en icelles soit plus valable. Fait à
Bergues sur Zoom susdit le 2. Octobre 1631. en presence de Cesar
Chappelain, Conseiller & Secretaire du Roy, Maison & Couronne
de France, & de Pierre Forget premier valet de chambre dudit Seigneur
Duc, estant de present à sa suitte. Ainsi signé Chappela in,
Forget & van Vvesel.

Nous Bourgeois, Escheuins & Conseil de la ville de Bergues sur
Zoom, Duché de Brabant, attestons & certifions par cette

-- 45 --

que Iean van Vvesel lequel a escrit & ioint Monseigneur le Duc de
Vendosme ; & les tesmoins susnommez signé ledit acte de corroboration,
est Notaire & Tabellion public, & qu’en tous les actes &
instrumens, tant en droit que dehors, dõne & attribuë toute croyance
& foy, en tesmoin dequoy auons fait mettre & apposer le sceau
aux causes de cette ville le deuxiesme Octobre l’an de grace mil six
cens trente vn.

 

ARTICLES ACCORDEZ ENTRE
Monsieur le Comte de Brienne fondé de pouuoir special
du Roy & de la Reyne Regente absoluë du 3. iour
du present mois & an, Et Monsieur le Duc de Vendosme.

Leurs Majestez promettent audit Duc de Vendosme
de luy bailler la charge de Grand Maistre
des Mers, Chef & Surintendant general du
Commerce & Nauigation de France, dont est à present
pourueu Monsieur le Marquis de Breze selon
les Lettres de prouision qu’il en a, ensemble tous
les droicts & pouuoirs qu’auoient cy-deuant les
Admiraux de France, le tout vny & inseparable de
ladite charge qui sera en cette forme erigée en Office
de la Couronne : Comme aussi le Gouuernement de
la Rochelle comme il est à present independant de
tous les autres Gouuernemens, le tout pour tenir lieu
& recompense audit Duc de Vendosme du Gouuerment
de Bretagne, duquel moyennant cette dite recompense

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il promet donner sa demission en bonne &
deue forme à leurs Majestez, pour & au profit de la
Reyne Mere Regente absolue : duquel Gouuernement
sa Majesté pourra jouïr tout ainsi que ledit
Duc de Vendosme en a jouy ou peu jouir, & comme
auroit peu faire ou deu faire feu Monsieur le Duc
de Mercœur. Fait à Paris ce neufiesme iour d’Aoust
mil six cens quarante-trois.

 

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Anonyme [1649], REQVESTE DV DVC DE VENDOSME AV PARLEMENT DE PARIS. Auec les Memoires & Pieces qui en dependent. , françaisRéférence RIM : M0_3496. Cote locale : C_9_67.