Anonyme [1649], REQVESTE DES BOVRGEOIS DE PARIS. A NOSSEIGNEVRS de Parlement. Touchant la Police, & les Viures. , françaisRéférence RIM : M0_3485. Cote locale : A_8_40.
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HVMBLE REQVESTE
presentée à Nosseigneurs de la Cour
de Parlement, pour le soulagement
du peuple & Police des viures.

AV
TRES-AVGVSTE ET VENERABLE SENAT,
Nosseigneurs de la Cour de Parlement.

SVPPLIE tres-humblement, La menuë populace
residente à Paris, lesquels se complaignent
à Dieu, & à vous de la calamiteuse misere,
on laquelle ils sont maintenant reduis,
par la meschanceté & detestable perfidie de plusieurs
Mercandians, Regratiers, Monopoleurs, & Maltotiers,
lesquels ne cherche autre chose que la perte de vos
Deitez terrestre, le saccagement de la ville de Paris, &
la ruïne des Habitans d’icelle, auec vn debris funeste de
tout l’Estat, comme il s’est pû voir par le passé, & comme
l’on le void à present, tesmoin la Iournée de Dimanche
derniere, en la quelle ils firent tout leur pouuoir
tant par fausse nouuelle, comme par prouocation à esleuer
vne sedition populaire.

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Tres-Illustres Seigneurs : Vous pouuez voir comme
ces serpens nourris dans vostre sein tasche à vous malfaire,
vous pouuez voir & recognoistre que Dieu mercy,
& la vigilance de nos Generaux, les viures viennent en
abondance à Paris : Mais pour cela le pauure Peuple
n’en est point soulagé aucunement : car ces meschantes
canailles, dés aussi tost qu’ils s’apperçoiuent qu’il y a des
viures arriuez, ils les achetent à l’enchere, & en donne
de largent aux Marchands plus qu’il n’en demande, &
par ce moyen fraude les pauures gens de cette Ville,
sous l’esperance qu’ils ont, que quand les pauures se
trouueront sans viures, & sans pouuoir d’en auoir, qu’ils
se ietteront sur vous, & sacrifierons vostre bonté à leur
fureur ; Ce que Dieu ne vueille permettre ; car pour vray
tout seroit perdu. La grande quantité de viures qui arrina
Vendredy tout le long du iour, & de la nuict : Et Samedy
pareillement deuoit causer quelque rabais de la
cherté : Mais tout au contraire, le pain n’y la farine n’a
point ramendé : d’autant que ces meschans Vsuriers ont
couru au deuant, & s’en sont saisis promptement, achetant
le blé & la farine à bien plus haut pris qu’ils n’estoiẽt
taxez par Messieurs de Police. Considerez, Messieurs,
s’il vous plaist, si ce n’est pas vne monopolerie insupportable
de faire payer aux pauures Citadins de Paris, autant
d’argent d’vn Minot de bled, comme il en payoit
d’vn Septier n’y a pas long-temps. Nous sçauons bien
que l’on nous dira que le bled est r’enchery : Cela est veritable :
Mais ce qui a cousté dix huict & vingt liures le
septier à Gonnesse, au Bourgé, & aux autres lieux d’alentour
de cette Ville, ne doit pas estre vendu quarante-sept

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& cinquante francs à Paris, comme on a fait
Samedy dernier. Il ne couste pas trente liures pour faire
amener vn Septier de bled de Gonnesse à Paris ? C’est
donc vne malheureuse monopolerie que cela ? Mais encores
que font les Boulangers maintenant, sinon que
coniuer la ruïne du menupeuple, en l’affament par malice,
ne monstrans point de pain, ou bien peu, à leurs
boutiques, & ouuroirs ; n’en apportans point à la Halle,
& aux marchez, afin que le Peuple l’achepte plus cher.
Mesme ces malheureux, que font-ils ? Ils le vendent à
des Regratiers & Monopoleurs, qui ne se contentent
pas de gagner pour vn peu, comme nous nous en sommes
bien aperçeus, tesmoin Samedy dernier : Vn homme
ayant vendu du pain à iceux Regratiers, disoient y
gagner quinze sols sur chacun, au prix qu’il l’auoit acheté
du Boulanger, & iceux Regratiers, disoient : Qu’ils
esperoient d’y gagner encore autant ; Et par ce moyen,
c’estoit vendre vn pain vn escu, que le Boulanger n’auoit
vendu que trente sols. Chose espouuantable que
cecy ? C’est pourquoy, tres-Venerable Senat, ayant
égard à nos miseres, Vous y donnerez ordre, s’il vous
plaist : Et si nous sommes capables de donner des aduis
equitables, Vous ferez faire Police au pain à peu pres
de ce que peut valoir le bled, & selon le prix qu’il a esté
vendu au dernier Conuoy par les Marchands de dehors
à ceux de Paris. Vous pouuez taxer le pain blancs, durant
cét infortuné temps, à six blanc, ou trois sols la
liure, tout au plus : Et le moyennement bis, à deux sols.
Et le tout bis à dix huict où vingt-deniers la liure : Et
outre plus il vous plaira de faire faire tres-expresses

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inhibitions & defenses aux Boulangers de la Ville, &
Faux-bourgs de Paris, de plus vendre d’oresnauant leurs
pains aux Regratiers & Monopoleurs, ains au contraire
leurs faire vn commandement absolu qu’il aye à cuire
du pain incessamment, & d’en apporter quantité conuenable
aux Halles & Marchez de gros & petits, afin
que tout le monde en aye selon ses moyens, & ce qu’ils
en auront a faire. Outre cecy, tres-illustre Senat, il vous
plaira faire faire vne exacte recherche de quartier en
quartier, par des Commissaires de bonne foy, & honnestes
gens, pour voir les Garniers où il y aura du bled
quantité, pour en tirer, & en faire donner aux Boulangers
pour cuire : Car il y a de tels meschans Vsuriers qui
ont du bled chez eux en grande quantité, lequel y laisse
gaster, germer & pourrir, plustost que de le donner
aux pauures gens à pris modic & honneste : Et encore
par vne noire malice, ces detestable ne laisse pas d’achepter
du bled quand il en vient ; Et mesme en font
achepter par des personnes de leurs cognoissances, pour
tousiours nuire au public. Et non contens de cecy, ne
laisse pas de faire encores la presse à achepter du pain
aux Halles & Marchez, iusques à telle quantité, que
quelque fois ils en laisse pourrir & gaster, chez eux, plutost
que de le donner aux pauures, comme nous le pûmes
voir la sepmaine passée, d’vn meschant malheureux
Vsurier, lequel en fit ietter six ou sept dans la riuiere qui
estoient tous chansis & moisis. Tres-illustre Senat,
apres la lecture faite de cette tres-humble Requeste &
supplication, il vous plaira l’executer de point en point,
comme elle est iuste & raisonnable. Si vous nous aymez,

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& si vous voulez que le Peuple expose sa vie, & son sang
pour la conseruation de vos personnes, de vos biens &
moyens, & de la ruïne de cette fameuse Ville de Paris,
laquelle court grand risque : si Dieu, par sa saincte grace
& misericorde ne nous protege, & nous donne vne
Paix vniuerselle dans toute la Chrestienté qui souffre
beaucoup à present. Si vous faites cecy tres-Auguste &
Venerable Senat, vous entretiendrez l’vnion, & vous
obligerez tout vn Peuple à faire des prieres & des vœux
à Dieu, pour la conseruation de vos personnes, pour
vostre prosperité & santé, & pour la restauration de
l’Estat.

 

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