Anonyme [1649], REPONSE VERITABLE DE MADEMOISELLE, A LA LETTRE SVPPOSEE DE L’ARCHIDVC LEOPOLD. , françaisRéférence RIM : M0_3453. Cote locale : A_8_36.
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REPONSE
VERITABLE DE
MADEMOISELLE,
A LA
LETTRE
SVPPOSEE DE
L’ARCHIDVC
LEOPOLD.

A PARIS,
Chez Guillaume Sassier, Imprimeur & Libraire
ordinaire du Roy, ruë des Cordiers, proche
Sorbone, aux deux Tourterelles.

M. DC. XXXXIX.

Auec Permission.

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REPONSE
VERITABLE DE
MADEMOISELLE,
A LA
LETTRE
SVPPOSEE DE
L’ARCHIDVC
LEOPOLD.

MONSIEVR,

SI les Princes auoient les mesmes
methodes dans leurs recherches que le reste
du monde, les Lettres & les Vers pourroient

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entrer en preuue de celle que Vostre Altesse me
veut témoigner ; Mais comme nos conditions
releuées ne nous permettent d’agir que dans
l’ordre & les ceremonies qu’elles nous prescriuent,
ie vous condamnerois, comme mécognoissant
vostre rang & le mien, si ie n’estois
asseurée que nous sommes dans la saison ou l’on
fait parler toutes les puissances au plus fort de
leur silence ; & d’ordinaire on leur donne de si
mauuais truchemens, qu’à l’aduenir les écritures
passeront pour criminelles, l’vsage ayant
peruerti l’agreable douceur de leurs dignes aduantages ;
Ie louë tous les desseins genereux,
mais ie ne m’intrigue point dans les affaires
d’Estat ; le mesme Royaume qui m’a donné
l’estre, estant dignement pourueu de sagesse &
de prudence, pour le soûtien de ces forces, son
Altesse Royale, mon tres-honoré Seigneur &
Pere, ne manque non plus de cœur que de
bonté, pour apuyer les interests d’vne Couronne,
qui luy est si chere & si proche ; si bien que
ie n’ay rien à souhaitter pour mon contentement
que la santé du Sang Royal, & le repos
de tout le peuple : Ie n’aspire point aux debris
ny aux conquestes des armées, mon humeur
indifferente est sans soin & sans attache ; & ie
ne voy point dans l’Histoire saincte & prophane
d’exemple à me persuader d’agir, que par les
obeïssances que ie doy à ceux de qui ie releue ;

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Si bien que si vostre Courrier attend vne resolution
de ma part pour l’ordre de son partement,
il aura sujet de regretter ses peines &
sa patience, mes volontés estans toutes decidées
dans le Conseil de leurs Majestés : Si nous
estions du temps des Amadis, ou les Princes
& les Princesses cherchoient les auantures malaisées,
peut-estre que dans quelque enchantement,
nos personnes si separées auroient pû
trouuer dans quelque portrait magique nos
noms & nos alliances ; Mais dans le temps ou
les Ambassadeurs traittent des inclinations des
Souuerains, il n’y a pas apparence qu’vn Courrier
detroussé ait esté chargé des sentimens cachés
des personnes sublimes & Illustres, il faut
deux cens témoins à vne explication si importante.
Le Roy & sa Cour, pour témoigner l’estime
d’vne alliance approuuée a milles magnificences
à exercer dans vn sujet d’honneur,
& ie croy que ce que ie suis née exigera toûjours
de tous les cœurs François les réjouïssances
pompeuses qu’on a rendu à des moindres
que moy ; Iuges s’il est à propos, qu’vne lettre
sans datte, soit tout l’apareil de ma grandeur ;
sans doute le Secretaire a esté mal instruit dans
sa Commission, puis qu’il ne sçait pas qu’vne
Princesse du sang Royal ne lit que les liures de
sa Biblioteque, & que manquant de respect à sa
vertu & à sa naissance, il y a plus à craindre qu’à

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esperer de son pardon ; le nom des grands ne se
doit pas exposer à toutes rencontres, il faut
consulter la raison, & voir les deferences, à quoy
nous sõmes obligés. De moy qui ne respire que
la paix & l’vnion parmy les Princes, je ne demande
de à Dieu que la grace d’vn succés si necessaire,
Ce n’est pas que j’aprehende les sinistres euenemens,
ny le peril que les armes estrangeres peuuent
faire courir à nos troupes, puis que les victoires
du Roy sont tres peu souuent balancées,
& que le tiltre de Conquerant ne sort jamais des
Princes de Bourbon, comme disposés à la direction
d’vne Monarchie vniuerselle ; Mais comme
ie n’ay jamais entendu que guerres & dissentions
entre les Princes Chrestiens, il me semble
que nous pouuons raisonnablement demander
à Dieu vne paix qui remette le monde dans
vne assiette plus calme ; afin que le reglement
des mœurs rende nos inferieurs plus judicieux
dans toutes leurs actions : Voila le sujet de mon
desir d’accommodement, ou la seule gloire de
Dieu, & l’alegement des miserables, à plus de
part que toute autre pensée ; sa bonté m’ayant
fait la grace que depuis que ie me cognoy, toutes
les passions ont esté bannies de ma conduitte :
Si vous en faites de mesme, nous verrons
comme ceux qui sont à la comedie, qui joüera
mieux son personnage, le mien n’est pas difficile
à estre bien representé à vne Princesse,

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de qui les inclinations ont pour mesure la Loy
diuine, les respects du sang, & de leurs Majestés,
auec la parfaite resolution de ne produire
ny pensée ny œuure qui demente la
grandeur d’vne Princesse judicieuse, qui sans
vous cognoistre, se veut insinuer dans vostre
memoire, par l’asseurance qu’elle vous donne
d’estre toûjours ferme dans le dessein d’estimer
& honorer ce qui en merite la gloire.

 

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