Anonyme [1649], REMONSTRANCE BVRLESQVE, AV PARLEMENT. , françaisRéférence RIM : M0_3298. Cote locale : C_8_53.
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REMONSTRANCE
BVRLESQVE AV
PARLEMENT

 


Pvis que le Burlesque est en vogue,
le commenceray sans prologue
A vous dire, grands Senateurs,
Que vous estes prophanateurs
De vostre sacré Ministere,
Et que mieux valoit vn Clistere
Pour mettre vostre ordure au iour,
Par ordonnance de la Cour,
Qu’vn Arrest à longue est riuiere,
Que Mazarin & la Riuiere
Ont mis l’vn & l’autre en leur point :
Car voyez vous, ie n’entens point
Vostre Iurisprudence molle,
Qui va faire passer pour folle,
Nostre France dans les Païs
Où les Ministres sont haïs ;
Vous n’auez pas deu, ce me semble,
Vous mettre tant de gens ensemble,
Pour consentir que vos Arrets
Fussent cassez vn mois apres
Les auoir diuulguez en prose
Auec connoissance de cause.

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Ne dites point que dans Paris
Pour le Salut des Fauoris
La Potte de la Conference
A sait entrer Dame Ignorance :
Ignorance ou legereté
Ne vous met pas en seureté
Contre la Tourbe populaire,
La Reyne est tousjours en cholere,
Et le Cardinal qui l’endort,
Est enfin deuenu plus fort
Que les Frondeurs Parlementaires,
Et les faiseurs de Commentaires,
Qui pour le gain des Imprimeurs,
Ont descrit sa vie & ses mœurs :
Cette licence authorisée,
Pour faire seruir de risee
L’Eminence de ce Prelat,
Dont le nom a fait tant d’éclat,
Deuoit estre tousiours permise
Iusqu’à ce qu’on veit en chemise
Cet Estranger venu de loin
Teste nuë & la torche au poin,
Passer enuiron l’heure d’onze
Par deuant le cheual de bronze ;
Et de là i’eusse esté d’auis
Qu’on l’eust fait venir au paruis
De l’Eglise de Nostre Dame
Se presenter comme vn infame,

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Et faire sur vn eschaffaut
L’amende honorable tout haut,
Pour subir en Greve vn supplice
Equipolant à sa malice.
Mais n’en deplaise aux Magistrats,
Qui punissent les scelerats,
Celuy cy tant hay des hommes
Vit encor au temps où nous sommes,
Et dans ce Regne peruerty,
La Iustice prend son party.
Le Parlement, ô perfidie !
Ioint à celuy de Normandie,
S’est desdit, quoy que les Normands,
Voulussent tenir leurs serments,
Et paris, la Reyne des villes,
Exposée aux guerres ciuiles,
Allant tousiours de mal en pis,
A proposé sur le tapis
Vne paix hors de ses murailles,
Qui luy deschire les entrailles
C’est le Traicté fait à Ruel,
Traicté lasche, fourbe, & cruel ;
Accord qui met tout en discorde,
Et qui va sans misericorde
Changer le Monarque en Tyran,
Le Catechisme en Alcoran,
Le commerce en piraterie
Et la police en volerie.

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Enfin le monde est menacé
De se voir bien-tost renuersé
Par cette paix faite par force,
Qui presage vn plus grand diuorce
Entre tous les Arts liberaux,
Les princes & les Generaux ;
Le bon homme, & la soldates que,
Le stile graue & le Burlesque,
L’Apostolique & le Romain,
La Cour des pairs & Saint Germain.
Et certainement on peut dire,
Que si Dieu n’appaise son ire,
En France tout ira si mal,
Par le reglement anomal
De Madame Iudicature,
Qu’on verra perir la Nature.
Aussi vrayment il falloit bien
Tant iurer pour ne faire rien ?
Alarmer toute la Campagne ?
Appeller en France l’Espagne ?
Et faire accoucher tout paris,
pour n’enfanter qu’vne souris ?
Là se connoist l’humeur Badaude,
De vouloir tout perdre à la chaude ;
Et de n’estre plus si hardy,
Quand le sang chaud est refroidy.
Vne autre fois, Messieurs nos Maistres,
Pour n’estre pas appellez traistres,

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Connoissez vous auparauant
Que vous mettiez flamberge au vent.
Faites la guerre à la beuuette,
Sur le sac & sur l’etiquette :
Ne citez plus dans le palais
D’autres liures que Rabelais,
Iugez le monde à quin-quenauue,
Qui pourra se sauuer, se sauue :
Et quoy qu’on en die, accordez
Tous les differens à trois dez.
La France n’est pas mieux regie,
On la gouuerne par Magie,
Et quiconque en tient le timon,
Ne peut estre qu’vn vray demon :
Et puis la robe longue & noire
Ne doit pas pretendre à la gloire,
Du glaiue tranchant pour le Roy,
Le Canon commande à la Loy ;
Et l’escarlate sedentaire
Cede à la pourpre Militaire.
Comme le Bourgeois enfermé
Quitte son poste à l’homme armé ;
Les armes ne sont pas propices
Aux gens que l’on paye en espices.
Qui d’ordinaire estans cocus,
Sont asseurez d’estre vaincus.
Vous en auez fait vne espreuue,
En voulant faire maison neuue,

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Dans la famille des Bourbons,
Qui d’eux-mesmes sont assez bons ;
Et l’eussent esté dauantage,
Sans vostre maudit tripotage.
Qui nous a consommé en frais,
Pour vne miserable paix,
Dont nous ne sçauons pas l’issuë,
Ny comme elle sera receuë
Des Grands Seigneurs interessez,
Et des Citoyens oppressez :
Au pis aller la Conference
Nous pourroit mettre en asseurance.
Mais le fourbe de Cardinal
En a signé l’original,
Et publiquement cet impie
A mis son nom en la copie ;
En dépit des Bonnets carrez,
Et de tous nos bastons ferrez.
Aux choses faites quel remede,
Que de prier Dieu qu’il nous ayde,
Et de souffrir, puis qu’il luy plaist,
Mazarin tout meschant qu’il est.

 

FIN.

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