Anonyme [1652], RELATION VERITABLE, CONTENANT Tout ce qui s’est fait & passé au Conseil du Roy, sur les Remonstrances de Messieurs le Mareschal de l’Hospital, le Fevre, cy-deuant Preuost des Marchands, & les Deputez. , françaisRéférence RIM : M0_3192. Cote locale : B_16_17.
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RELATION
VERITABLE,
CONTENANT Tout ce qui s’est fait & passé au
Conseil du Roy, sur les Remonstrances
de Messieurs le
Mareschal de l’Hospital, le Fevre,
cy-deuant Preuost des Marchands,
& les Deputez.

Auec la roformation des articles de la Cour pour la
Paix, donnez aux Deputez.

Et la Response de Son Altesse Royale à Messieurs les
Escheuins, au Palais d’Orleans.

A. PARIS,
Chez IEAN BRVNET, ruë Sainte Anne.

M. DC. LII.

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Relation veritable, contenant
tout ce qui s’est fait & passé
au Conseil du Roy, sur les
Remonstrances de Messieurs
le Maréchal de l’Hospital,
le Fevre, cy-deuant
Preuost des Marchands, &
les Deputez.

LA Prouidence de Dieu est vn
labyrinthe où l’esprit humain
se perd, quand il y veut entrer
trop auant. Le Cardinal Mazarin
s’estoit imaginé qu’il luy
estoit facile de deffaire l’armée
des Princes, cette poignée de soldats, & puis
entrer dans Paris tout bouffy d’orgueil & marchant
sur les corps morts des plus braues de l’Estat,
au costé de Sa Majesté mesme, à qui il deuoit
faire voir ce spectacle d’horreur, mais le
Ciel en a ordonné autrement : car il eut mesme
bien de la peine à se sauuer auec le débris de ses
gens. Cette deffaite que vous auez sceuë, & ce

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qui se passa depuis à l’Hostel de Ville, mirent le
Mazarin au desespoir, & l’oignon dont il n’a iamais
voulu manger, luy a tiré quelques larmes
des yeux.

 

Sur toutes ces choses on tint conseil, où il fit
donner vn Arrest contre les Parisiens, lequel
portoit deffenses à toutes personnes de mener
des viures à Paris à peine de la vie, & les fit declarer
criminels de leze Majesté : en suite de
quoy il y a eu quelques paysans de tuez à saint
Denis, qui amenoient des viures à Paris.

De plus il y a fait retenir neuf bateaux chargez
de bled qu’il empesche que l’on amene icy,
quelques instantes prieres qu’ayent pû faire Messieurs
les Deputez du Parlement au Roy & à la
Reine, que l’on retient mesmes iniustement sans
leur donner response.

Mais enfin estans incessamment persecutez
pour auoir response. Il leur fut donné des articles
ambigus & equiuoques, & pour tout dire
du stile Mazarinique, lesquels ayant leus, Monsieur
le President de Nesmond fut les monstrer
au Roy & à la Reine, & leur fit vne harangue
digne d’vn grand personnage, qui doit auoir le
premier rang entre ces Senateurs, que nous pouuons
appeller Peres de la Patrie ; par icelle il supplia
tres-humblement Sa Majesté de declarer
precisément si elle entendoit retenir le C. M. ou

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l’esloigner, & que comme les Roys estoient les
pilliers de la Foy & de la Iustice, ils deuoient la
garder inuiolablement à leurs peuples pour leur
donner exemple. Enfin il fit tout ce qu’on pouuoit
attendre d’vn homme de bien, qui n’a pour
but que l’interest du public & de sa patrie. Le
Roy fit response qu’on les donneroit au Conseil
pour les reuoir, & puis qu’ils apprendroient son
intention.

 

Monsieur le Mareschal de l’Hospital, qui
vint à la Cour auec Monsieur le Fevre, cy-deuant
Preuost des Marchands, ne manqua de leur representer
tout ce qui estoit arriué, & particulierement
à l’Hostel de Ville, deuant le Roy & la
Reine, & insista fort sur l’esloignement du C.
M. leur faisant voir au doigt les mal-heurs qui
les menaçoient. Veritablement beaucoup auroient
de la peine à croire auec quel zele il s’y
comporta, mais il est tres-certain qu’il en parla
si hardiment, que la Reine en suite luy a fait faire
commandement de la part du Roy, de se retirer
en vne maison qu’il a vers sainct Germain.
Nonobstant tout cela on ne voit point d’apparence
qu’ils se resoudent à chasser la peste de l’Estat :
c’est pourquoy Messieurs nos Deputez demandent
leur congé, mais on les amuse à l’ordinaire.

Il y a vn tel grabuge à la Cour, qu’il semble

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que ce soit la tour de Babel. Ils ne s’entendent
pas l’vn l’autre, & s’il y auoit quelqu’vn
de credit qui entreprit Mazarin, se seroit fait
de luy, Madame de Saint Megrin est tres-mal
satisfaite, le Lieutenant dud. sieur de S. Mégrin,
iure tout haut qu’il n’obeyra pas au sieur Manchiny,
& tous les Cheuaux legers du Roy sont
en la mesme resolution. Le Cardinal Mazarin est
tous les iours importuné de demandeurs qu’il
ne peut contenter. Il s’est fait donner vn Abbaye
de quarante mil liures de rente depuis peu,
il ne se montre plus que le soir, comme les hibous,
il est de si mauuaise humeur, qu’il querelle
mesmes ses plus grands amis, & a dit à vne
personne qui l’importunoit d’vne pension sur
ladite Abbaye, qu’il auoit plus d’ennemis dans
la Cour que dans Paris. Enfin il est bourellé de
sa conscience, comme il le merite, quelques vns
du Conseil mesme ont opiné à son esloignement,
& ont soustenu qu’il n’y auoit point
d’autre moyen de sauuer l’Estat. Toutesfois,
il medite encore la vengeance dans cette
extremité, & ressemble à ces serpens qui se
sentant piquez à mort, iettent le reste de leur venin.
Il a fait donner ordre au Mareschal de Turenne
de venir brusler les faux-bourgs de Paris,
mais Messieurs les Princes y ont pourueu.

 

Messieurs les Escheuins, furent hier au Palais

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d’Orleans, pour parler à son Altesse Royale
sur la seureté de la Ville, lesquels ayant promis
de faire de leur costé tout ce qui leur seroit
possible, supplierẽt sadite Altesse de pouruoir au
soulagement de la Ville, & vouloir terminer
les miseres du peuple, le plus promptement
qui se pourroit. Monsieur le Prince prit la parole,
& leur dit, qu’ils auoient esté aduertis du
mauuais dessein du Mareschal de Turenne, &
que cela les occupoit à y pouruoir, qu’ils attendoient
les Deputez, & qu’apres selon leur responce,
ils agiroient de tout leur pouuoir pour
les maintenir, & que si on les secondoit tant
soit peu, qu’ils mettroient bien-tost fin à toutes
ses affaires. C’est pourquoy il sembleroit tres-necessaire
que les Bourgeois sortissent au plus
grand nombre que se pourra, pour aller demander
du pain à ceux qui nous le refuzent, &
tesmoigner au Roy que nous luy sommes aussi
affectionnez, comme nous sommes ennemis du
C. M. Il faudroit que chaque maison où il y a
des cheuaux fournissent vn caualier, en leur
donnant caution, l’on feroit en peu de temps
vne belle armée, qui en vn iour pourroit terminer
ce qui ne finira peut estre pas d’vn an.

 

Sur tout, on ne deuroit pas laisser sortir ainsi
tous les Mazarins, car s’ils attentoient en apres
à la Cour sur des gens de bien du party des Princes,

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on n’auroit plus de represailles, s’ils retenoient
nos Deputez, on auroit droit de retenir
de leurs Creatures, & en ayant icy de considerables,
cela les retiendroit vn peu dans la moderation.
Enfin, c’est à nous de faire en sorte que
nostre Vnion nous serue, & ne pas demeurer les
bras croisez, pendant que nostre ennemy est à
nos portes, qui nous menace insolemment de
nous faire perir.

 

On dit que le Mareschal d’Hoquincourt est
allé au deuant des trouppes de l’Archiduc Leopold,
pour l’empescher de passer vers Beauuais.
Le Duc de Vvitemberg sur cet aduis a fait reuenir
son auant-garde qui s’estoit auancée, & se
resout de le forcer auec toute son armée : On ne
croit pas que ledit Mareschal l’en puisse empescher,
ayant trop peu de monde pour cet effet.

FIN.

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