Anonyme [1652], RELATION DE CE QVI S’EST PASSÉ. A LA COVR, Dans la negotiation du Sieur de loyeuse, Enuoyé de Son Altesse de Loraine. Et ce qui s’est passé au Parlement ce iourd’huy 26. Septembre, en presence de Messieurs les Princes. Auec la Deputation de Monsieur Talon, Aduocat General, & des six Corps des Marchands. , françaisRéférence RIM : M0_3113. Cote locale : B_3_17.
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RELATION
DE CE QVI S’EST PASSÉ.
A LA COVR, Dans la negotiation du Sieur de
loyeuse, Enuoyé de Son Altesse
de Loraine.

Et ce qui s’est passé au Parlement ce iourd’huy 26. Septembre,
en presence de Messieurs les Princes.

Auec la Deputation de Monsieur Talon, Aduocat General,
& des six Corps des Marchands.

A PARIS,
Chez IEAN BRVNET, ruë saincte Anne.

M. DC. LII.

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Relation de ce qui s’est passé à
la Cour, dans la negotiation
du sieur de loyeuse, Enuoyé
de Son Altesse de Loraine.

Les Roys qui sont sous la verge de Dieu,
& qui respondent à sa Iustice, ressentent
aussi bien que les peuples, les coups de sa
colere, & quoy que bien souuẽt ils soient
innocens des crimes que commettent leurs Conseillers
& Ministres : Neantmoins comme ils sont enuers
Dieu leurs cautions, ils doiuent respondre de
leurs actions ; c’est en quoy ils sont obligez d’examiner
ponctuellement la vie & les mœurs de ceux
qu’ils appellent à cette dignité, & n’en pas croire
leur iugement ou leur passion, ou si l’hypocrisie
d’vn homme a deceu leur intention, quand leur vice
vient à se manifester, ils doiuent benignement
écouter les remonstrances qui leur sont faites de la
part de ceux, qui zelez pour le bien public, leur font
voir les inconueniens qui peuuent arriuer par leur
mauuaise conduite, nous en auons icy vn exemple
tres-considerable. Tout le monde sçait en quel estat
estoit la France, lors que le C. de Richelieu, par sa
mort, en laissa le gouuernement au C. Mazarin son

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successeur, qui fut confirmé par le Roy la Reine &
le Parlement quelques années, son bon-heur se conserua
iusques à la glorieuse carriere que ledit C. de
Richelieu luy auoit tracée, & si elle en fut demeurée
là, elle estoit le plus glorieux & le plus florissant
Royaume du monde : mais l’auarice insatiable du
C. Mazarin, qui deuoit estre son Pilote, la ietta parmy
les bancs & les escueils d’vne guerre ciuile, où
elle est encor à la veuille de son naufrage. Il auoit le
moyen, apres toutes ses belles victoires & ses belles
conquestes, de la rendre la plus heureuse du monde,
lors qu’il estoit l’arbitre (sous le pouuoir du Roy)
de la paix de toute la Chrestienté, mais son interest
seul luy fit apporter des obstacles à cette paix, qui
estoit la plus auantageuse à la France, qui se soit iamais
traitée dans toutes les Histoires. Aussi sur quelques
articles que Monsieur Seruien Plenipotentiaire
impugnoit, bien que tres-iustes, le Plenipotentiaire
de Venise, personnage aussi illustre en Doctrine
qu’en Vertu, luy fit de grands reproches, &
luy dit ces mots, [La France refuse la Paix à toute
la Chrestienté, pour l’interest d’vn particulier, mais
vn iour Dieu luy fera ressentir les fleaux de la guerre,
& ne trouuera pas la paix si auantageuse qu’apresent.]
Tous ceux qui ont assisté à ce noble & infertile
employ, sont tesmoins de ce que ie dis, & nous
ressentons maintenant les effets de cette Prophetie,
depuis vn si long-temps que nous auons la guerre
ciuile & la guerre estrangere. Neantmoins comme

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Dieu s’est tousiours monstré protecteur de cet Estat,
il fait voir qu’il se contente de le chastier, & qu’il ne
le veut pas perdre entierement, nous donnans encore
des moyens de traiter la paix que nous auons
refusée si auantageusement, puis que nos ennemis
mesme la desirent aussi bien que nous. Pour cét
effet Son Altesse Royale & Messieurs les Princes
ont fait plusieurs instances vers le Roy, que son
Conseil a rendu infructueuse, ce qui les a obligé à
se seruir des forces estrangeres, & maintenant son
Altesse de Loraine, qui est venu icy auec vne armée
puissante, neantmoins ne s’en veut pas seruir, qu’au
prealable il n’ait sceu l’intention du Roy & de son
Conseil, & pour ce sujet s’en rend l’entremetteur,
& a renuoyé le sieur de Ioyeuse en Cour, qui auoit
desia rapporté en apparence de son premier voyage
quelques bonnes esperances, auec tous les articles
que l’on desire estre accordées sur ce sujet ; auec
charge de dire à Sa Majesté qu’il a plein pouuoir de
la part du Roy d’Espagne de traiter de la Paix generale,
& que si l’on n’y veut pas entendre, qu’il se
seruira de ses troupes conjointement auec celle des
Princes pour l’obtenir par la force des armes.

 

L’on attend le retour dudit sieur de Ioyeuse, qui
ne doit point reuenir qu’il ne soit asseuré de la paix
ou de la guerre.

Ils ont desia accordé à la Cour, de donner l’Amnistie
generale sans reseruation, en la forme & teneur
que Son Altesse Royale & les Princes l’ont demandée,

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& qu’elle sera verifiée au Parlement de
Paris, qui sont les points les plus difficiles du traité
de la paix, & quelques autres articles qui concernent
Son Altesse Royale & Messieurs les Princes.

 

Ce qui fait voir qu’ils sont à la Cour plus disposez
à la paix qu’ils n’estoient pas cy-deuant. La flote
de France qui alloit au secours de Dunquerque,
& que les Anglois ont deffaits, auec la prise de la
pluspart de nos vaisseaux, & la perte dudit Dunquerque,
auec l’approche des troupes de l’Archiduc
qui s’auance dans la France, tout cela leur donne
bien le martel en teste, & ainsi il faut necessairement
qu’ils consentent à la paix, ou à la perte du
Royaume.

Si le Conseil du Roy estoit bien intentionné, il
seroit bien plus à propos de faire la paix du costé de
l’Espagne, & de s’vnir auec les Hollandois, pour
abbaisser les projets de cette orgueilleuse Nation,
qui n’a iamais cherché que les occasions de nostre
ruine, & qui encore les mains toutes sanglantes
du meurtre de leur Roy, osent attaquer le plus
puissant Roy de la Chrestienté. Il semble que c’est
que Dieu vueille esmouuoir les Roys à vanger vn
si detestable crime, puis qu’ils l’ont souffert iusqu’à
present.

On s’est aujourd’huy 26. Septembre, assemblé
au Parlement, où Monsieur le Duc d’Orleans &
Messieurs les Princes ont assisté, & apres auoir parlé
de l’abolition de Monsieur le Duc de Beaufort,

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on a conferé sur la negotiation que le sieur de Ioyeuse
fait en Cour sur le sujet de la Paix, surquoy
Son Altesse Royale à dit hautement, qu’elle auoit
receu Lettre du sieur Duc d’Amville, par laquelle
il luy mande que la Reine a receu la sienne, auec
beaucoup de ioye, & qu’elle estoit entierement
disposée à la Paix, & que le Roy mesme auoit retenu
leurs Deputez, pour leur rendre response à
Mante, où Sa Majesté doit estre arriuée ce jourd’huy.
Monsieur Talon Aduocat General s’est leué,
& s’est offert d’y aller trouuer Sa Majesté de la part
du public, pour luy tesmoigner qu’on ne desire
dans Paris, rien plus que son retour, & que ceux
qui en destournent Sa Majesté, sont gens qui craignent
pour eux-mesmes. Il a esté accepté pour Deputé,
& doit partir demain. Les Deputez des six
Corps des Marchands sont partis cejourd’huy
pour le mesme sujet.

 

Monseigneur le Duc de Beaufort, Monsieur de
Bruxelles, & autres Escheuins, qui auoient esté esleus
au Gouuernement de cette Ville, ont donné
leur demission à ceux qui y estoient auparauant
preposez, ce qui donne vn grand acheminement à
la Paix. Le sieur le Fevre qui rentré en sa charge,
y trauaille beaucoup de son costé.

FIN.

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