Anonyme [1649], RELATION DE CE QVI S’EST PASSÉ en l’Assemblée tenuë en l’Hostel de Ville de Paris, le vingt-vniéme Iuillet mil six cens quarante-neuf. , françaisRéférence RIM : M0_3124. Cote locale : A_8_16.
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RELATION DE CE QVI S’EST PASSÉ
en l’Assemblée tenuë à l’Hostel de Ville de Paris, le
vingt-vniéme Iuillet mil six cens quarante-neuf.

LEDIT iour vingt-vniéme Iuillet, il
fust resolu par Messieurs les Preuost des
Marchands & Escheuins, d’assembler
Messieurs les Conseillers, Colonels &
Quarteniers de ladite Ville, au subjet
du desordre arriué le iour precedent, où la Compagnie
s’estant trouué le mesme iour suiuant, les
mandemens enuoyez à l’ordinaire : Monsieur le
Preuost des Marchands representa que toute l’Assemblée
estoit assez informée de la violence commise
par certaines gens de la lie du peuple, ramassez
de plusieurs quartiers & inconnus, qui ont eu l’audace
de comploter entre eux l’enleuement d’vn
nommé Morlot, condamné à mort par Arrest de la
Cour, pour auoir imprimé certains libelles seditieux
& injurieux à l’Estat, à dessein de troubler le repos
public : qu’il voyoit toutes les Compagnies & Communautez
de la Ville, composez d’Ecclesiastiques,
d’Officiers, de Marchands & Artisans, outrez de
douleur d’vne telle action : qu’il s’apperceuoit par
la contenance de ceux qui estoient là presens du

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desplaisir que chacun auoit dans le cœur, qu’vn
crime de telle qualité demeurast impuny par la petulance
de gens de neant, qui en auoient encores
commis vn plus grand, par l’outrage fait aux Loix
& à la Iustice, qu’il falloit en cette occasion venger
le public, & faire connoistre au Roy, à la Reyne
Regente, & à tout le Royaume, par la resolution
de l’Assemblée, composée de tous les ordres de
cette Ville, que tous nos veritables Concitoyens,
sont tres-esloignés de ces mauuais sentimens,
n’ayans autre pensée qu’à rendre les respects deubs
à leurs Majestez, reverer leurs Personnes, se rendre
dignes de leur retour, & faire en sorte que l’authorité
des loix ne soit point violée, priant la Compagnie
d’aduiser sur ces propositions. APRES quoy, Monsieur
le Procureur du Roy de la Ville a dit, Que
cette assemblée se faisoit fort à propos, pour adviser
aux moyẽs de rendre la Ville plus paisible, agitée
ce semble par des personnes ennemies du repos & de
la tranquillité publique, qu’il estoit aisé d’en trouuer
les expediens, estant certain que le nombre des
bons François & des sages Politiques, qui viuent
parmy nous, est bien plus grand que cette trouppe
infame de broüillons & de seditieux, qui ne cherchent
que le bouleuersement de l’Estat pour leur
interest particulier seulement, estimans que dans
vne desroute generale ils retrouueront ce qu’ils
ont perdu par leur mauuaise conduite ; & comme

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Ils sont ruinez par le déreglement de leur vie, Ils esperent
aussi que le déreglement de l’Estat les pourra restablir :
mais ils sont bien esloignez de leur compte, puis que nous
voyons toutes les Cours souueraines & subalternes dans le
dessein de les punir, la Ville qui est composée de tous les
ordres se fortifie tous les iours contre les efforts de ces sortes
de gens ; & comme tout son lustre vient du Roy, aussi
elle ne souhaite que le retour de leurs Maiestez. Ces meschans
croyans auoir beaucoup fait d’enleuer à la iustice
souueraine vn criminel d’Estat, se sont eux mesmes
perdus par ce moyen, ayans offensé tout le peuple par
ceste action, qui se prepare à venger ce double crime,
& à preparer toutes les voyes possibles pour le
retour de leurs Maiestez ; Puis donc que nous voyons
ceste disposition dans les esprits, il est necessaire de
faire de bonnes perquisitions dans les quartiers, & de
chercher les autheurs de ceste entreprise ; Messieurs
Colonels & Quartiniers continuans leurs soings ordinaires
pour le public, y peuuent beaucoup contribuer :
Et bien que leurs Majestez sont entierement asseurées
de la bonne volonté de ses veritables Subjects, & que
la Ville n’a autre pensée que leur seruice. Il est neãtmoins
necessaire en ce rencontre de faire entendre à leursdits
Majestez, & à Monseigneur le Duc d’Orleans comme la
chose s’est passée, & que ce soit vn sujet de renouueller nos
soumissions & nos obeïssances ; apres quoy il est constant,
qu’au lieu de refroidissement de la part du Roy pour sa
bonne Ville de Paris, ce sera vn redoublement d’affection,
& vn tesmoignoge que nous iouyrons bien-tost de

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sa presence ; Ce discours acheué, lesdits sieurs Conseillers
de Ville opinerent, Monsieur le President Aubry Doyen
de ceste Compagnie representa auec vigueur & chaleur
d’esprit qu’il falloit promptement deputer vers leurs Majestez
pour leur faire entendre que les habitans de la Ville
s’offencent extremement de cette action, comme tres criminelle,
que la Ville estoit dans l’obëissance toute entiere,
& dans les respects & fidelités qu’elle doibt, il fut suiuy
par ses confreres qui tesmoignerent la passion qu’ils
auoient au seruice de leurs Maiestez, & à la recherche des
coûpables ; lesdits sieurs Colonels s’estendirent aussi sur
ce sujet, & dirent qu’ils feroient recherche eacte de
ceux qui troubloient le repos public pour les liurer à
iustice, les Quartiniers firent paroistre leur affection ordinaire
au seruice du Roy, & protesterẽt d’aller en personne
auec leurs Dixainiers & Cinquantiniers dans les maisons
particulieres pour en reconnoistre les habitans, ainsi
qu’ils ont fait iusques à present, n’ayant reconnu dans leurs
quartiers autres discours des Bourgeois que le desir extréme
de révoir bientost leurs Maiestez en ceste Ville, &
se rendre autant obeïssans en leur absence, qu’en leur presence ;
Apres que chacun se feust ainsi declaré, la compagnie
resolut de deputer aucuns desdits sieurs Conseillers,
Colonels & Quartiniers pour accompagner lesdits sieurs
Preuost des Marchands & Escheuins à Compiegne, pour
faire entendre à leurs Maiestez le regret sensible que tous
les Bourgeois de Paris ont conçeu de ce qui s’est passé, ne
prenans aucune part dans ces mauuaises actions ; protestans
de resister puissamment à tout ce qui pourroit troubler le

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repos public, & qu’ils establissent tout leur bon-heur dans
l’esperance du retour de leurs Maiestez. Il fust aussi arresté
que l’on iroit saluër Monseigneur le Duc d’Orleans, afin
de reïterer les asseurances qui ont esté données à son
Altesse Royalle en son dernier voyage à Paris, de la fidelité
& de l’obeïssance de toute la Ville au seruice de leurs
Majestez, & demander la continuation de sa protection, &
de la bonne volonté qu’il à toûjours fait paroistre pour
les habitans de ladite Ville : L’on resolut aussi que les
mesmes Deputez iroyent rendre compte à Monsieur le
Chancelier de ce qui s’estoit passé en ladite assemblée, &
le prier d’escrire à leurs Majestez ce qui s’estoit fait, &
que les Bourgeois ne contribuent en rien aux desordres ;
ayant encore esté arresté, que les mesmes Deputez feroient
entendre à Messieurs de la Cour de Parlement ce
qui auoit esté conclud en ladite assemblée, & la resolution
prise d’aller trouuer leurs Maiestez, ce qui feust executé, à
l’esgard de Monsieur le Chancelier, & de Messieurs du
Parlement le 23. dudit mois, auec ioye & contentement
de part & d’autre, de veoir vne intelligence si parfaite à
esloigner toutes les choses contraires au seruice du Roy,
& du publicq.

 

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