Anonyme [1652], RECIT VERITABLE DE TOVT CE QVI S’EST passé touchant le desordre arriué à l’Hostel de Ville, pour la destruction du Cardinal Mazarin. , françaisRéférence RIM : M0_3029. Cote locale : B_13_20.
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RECIT VERITABLE DE
TOVT CE QVI S’EST
passé touchant le desordre arriué à
l’Hostel de Ville, pour la destruction
du Cardinal Mazarin.

A PARIS,
Chez IACQVES LE GENTIL, ruë d’Escosse, à
Penseigne S. Ierôme, prés Saint Hilaire.

M. DC. LII.

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RECIT VERITABLE
de tout ce qui s’est passé à
l’Hostel de Ville, Touchant
l’vnion de Messieurs de Ville
& du Parlement, auec Messieurs
les Princes, pour la destruction
du Cardinal Mazarin.

Enfin, c’est à ce coup, cheres Parisiens,
que le Ciel vous fauorise, puisque
Messieurs de Ville & Messieurs du
Parlement, ont signé l’vnion auec Messieurs
les Princes, pour la destruction du Cardinal
Mazarin, puisque iamais vous ne fussiez sortis
de la misere où vous estiez, si vous n’eussiez
pris les armes pour les contraindre à se
ioindre auec ceux qui vous ont monstré auec
tant de valeur, que leur sang n’a pas esté épargné
pour vous deffendre ; mais ie serois trop

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prolixe, si ie voulois vous entretenir de la
derniere deffaite, veu que vous en auez veu
diuerses Relations, n’ayant mis la main à la
plume que pour vous reciter ce qui s’est passé
à l’Hostel de cette Ville de Paris, touchant
l’vnion que Messieurs de l’Hostel de Ville &
du Parlement, ont esté contraint de signer,
pour se ioindre auec Messieurs les Princes,
pour la destruction du Mazarin. Vous sçaurez
donc que monsieur le Prince s’estant acheminé
au Palais d’Orleans, pour parler à
son Altesse Royale, vn Marchand de cette
Ville estant à la porte du Palais d’Orleans,
luy dit, Monseigneur, les Boulangers nous
ont apporté du pain ; mais ils remportent de
la poudre & des boulets pour nous battre,
surquoy Monsieur le Prince n’a fait que baisser
la teste, & puis en suite tous les Princes &
Seigneurs sont arriuez en aprés, afin d’accompagner
messieurs les Princes à l’Hostel
de Ville, afin de sçauoir de ces Messieurs, s’il
auoient dessein de ce ioindre auec eux, où
estant dedans, vn Soldat qui gardoit la venuë
de la ruë de la Mortellerie, est venu dire
aux autres qui gardoient la porte, qu’il
estoit besoin de sçauoir ce qu’ils resouderoient,

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& qu’il falloit enuoyer quelque Officier
en haut, pour sçauoir si on laisseroit
sortir Messieurs de Ville sans auoir signé
l’Vnion : mais en vn instant on s’est mis à
crier, point de Mazarin par plusieurs sois
des fenestres de l’Hostel de Ville, où Monsieur
le Duc d’Orleans, disoit à Messieurs,
qu’il les remercioit d’auoir laissé passer ses
troupes par cette Ville, & qu’il ne l’oubliroit
pas. Monsieur le Prince leur en ayant
dit autant, puis S. A. R. ayant repris la parole,
leur a dit qu’il estoit venu aussi pour
sçauoir d’eux s’ils estoient resolus de signer
l’Vnion, pour éloigner le C. M. mais
ils luy ont répondu, qu’ils desiroient auoir
encor huit iours : mais apres Messieurs les
Princes estans sortis de l’Hostel de Ville,
ils dirẽt au peuple qu’ils n’auoient pas voulu
signer l’Vnion, & qu’ils fissent ce qu’il leur
plairoit, & qu’il ne falloit plus de remise :
où la populace s’estant assemblée, on voulut
entrer dedans : mais ayans fermé la porte, les
Bourgeois se mirent à tirer aux fenestres
de l’Hostel de Ville, & d’autres en
deuoir d’aller querir des fagots pour mettre
le feu aux portes d’icelle ; mais ceux qui

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estoient dedans s’estans mis en effet de les
empécher, ont tiré enuiron quelque quatre
vingt coups de fusils par la visiere de la grãde
porte mais sans aucun effet, que d’auoir
tué deux ou trois hommes : ce qui n’a seruy
que de r’animer ceux qui y estoient, lesquels
ayant allumé le feu à toutes les portes,
ont fait encor plusieurs décharges, & se
sont mis à courir de tous costez, pour
voir s’ils pourroient entrer dedans, & forcer
les portes : mais Messieurs de l’Hostel de
Ville & du Parlement, ayant veu qu’ils ne
pouuoient pas resister, & qu’il falloit signer
l’engagement auec Messieurs les Princes ont
fait paroistre vn drap aux fenestres, tandis
qu’vn Trompette les sommoit de parler, lequel
a esté exposé l’espace d’vn quart d’heure,
tandis qu’ils escriuoient l’Vnion, lequel
ayant ietté par la fenestre, ce peuple l’a ramassé
à dessein de le lire : mais vne troupe
estant suruenuë sur nous, nous n’auons pas
eu le temps de le lire qu’à moitié, le Peuple
s’estant ietté sur nous & nous l’ayant déchiré,
crians aprés nous aux Mazarins : mais
ie ne vous diray pas ce qu’il y auoit dedans,
d’autant qu’ils en ont encor ietté vn autre

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aprés celuy-là, sinon que voyans qu’on ne
cessoit de tirer, ils ont ietté le drap qu’ils
auoient exposé à la senestre en bas, où le
Peuple l’ayant ramassé, & veu s’il n’y auoit
point d’argent, s’est mis à crier, Iettez le au
feu, il faut tout tuer, point de quartier,
point de quartier. Et l’ayant ietté au feu,
ils ont encore ietté vn autre billet, pour
monstrer qu’ils desiroient l’Vnion ; duquel
la teneur en suit. L’Vnion de la Ville & du
Parlement, auec Messieurs les Princes, pour
la destruction du Cardinal Mazarin. Signé,
Le MAIRE : mais le peuple n’a pas delaissé
de redoubler ses charges, & de tirer encor
aux fenestres, puis se sont mis encor à porter
des pieces de bois, pour acheuer de brusler
la grand’ porte : mais les Messieurs voyans
qu’ils estoient en danger de perir, & que l’on
ne cessoit point de tirer & de crier, point de
quartier, en ont ietté encor vn autre, lequel
ayant esté porté à S. A. R. l’a signé aussi tost,
& a enuoyé Monsieur le Duc de Beaufort,
pour pacifier le tout : mais cela n’a pas empéché
qu’il n’y ait eu plusieurs Messieurs de
tuez, & toutes les portes de l’Hostel de Ville
bruslées : mais ce seroit faire tort aux Parisiens

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& à tous ceux qui se sont trouuez en
ce rencontre, que de ne pas loüer la prudence
qu’ils ont euë, en ce montrant plus sages
que non pas les Soldats, veu qu’ayant tiré
d’vne caue plusieurs pieces de vin, & l’ayant
exposé en pleine Greve pour le boire, ils
n’en ont iamais voulu gouster, disant ne
beuuons point, point de vin, point de vin,
& ie vous asseure que si nous secondons nos
Princes, & que le courage ne nous manque
non plus que là, nous emporterons la victoire
sur tous les Mazarins, moyennant le secours
du Tout-puissant, lequel ie prie de
vouloir seconder nos desseins, afin que
iouyssant d’vne parfaite Paix, nous puissions
luy rendre grace des benefices qu’il nous a
faits, & fait tous les iours.

 

FIN.

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