Anonyme [1649 [?]], LETTRE D’VN MILLORS D’ANGLETERRE, ECRITTE A LA REYNE REGENTE à sainct Germain en Laye. , françaisRéférence RIM : M0_1886. Cote locale : C_3_44.
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LETTRE D’VN
MILLORS
D’ANGLETERRE,
ECRITTE A LA
REYNE REGENTE
à sainct Germain en Laye.

Sur les affaires de France & d’Angleterre.

Traduite par le sieur Dupelletier.

A PARIS,
Par François Musnier pres le puys Certain.

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Lettre d’vn Millors Anglois escrite
à la Reyne Regente à sainct
Germain en Laye.

MADAME,

Vostre Majesté souffrira s’il
luy plaist que ie luy dise auec toute
sorte de respect & de franchise,
ce que ie pense des troubles de son Royaume.
L’extresme passion que i’ay tousiours euë pour
la France, fait que i’on parlerois, la langue
auec assez de neteté pour exprimer les sentimens
de mon cœur ; mais ie pense qu’il se treuuera
quelque fidelle François qui prendra le
soin de la traduire. C’est ce mesme cœur qui
vous parle, MADAME, & qui voudroit
auoir vne occasion moins lugubre pour vous
entretenir, & des matieres de ioye au lieu de
celles de larmes, I’ay d’autant plus de compassion

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des maux que souffre vostre Estat que i’ay
icy deuant mes yeux vn Royaume tout en armes,
quoy que chez vous la cause soit bien differente
de celle qui porte le flambeau de la
guerre dedans cette Isse. La France n’en veut
qu’à quelques particuliers, qui abusant de l’authorité
du Roy ont pillé ses tresors, & l’Angleterre
s’est reuoltée contre son Prince legitime :
Ie ne pretends pas de vous deployer icy les pretextes
qui ont coloré leur armement, il suffit
que ie m’explique sur les choses qui vous touchent
Cependant il faut aduoüer, MADAME,
que quoy que ces mouuemens n’ayent aucun
rapport ensemble, qu’ils peuuent faire beaucoup
de tort à vostre Regence & à la puissance
d’vn Roy Pupille, comme ils en font icy beaucoup
à vn grand Monarque, dont ils ont presque
renuersé le Throsne, & dechiré le Diadesme.
Tout ce que ie diray en ce lieu m’a esté raconté
par la renommee : mais ce n’est pas cette
renommee qui ne se plaist qu’à debiter des mensonges
estudiez. C’est celle, MADAME, qui
ne dit que des veritez importantes, & qui est
instruite par des Politiques des interessez. Si

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cette derniere auoit la liberté d’entrer dans le
cabinet de vostre Majesté, elle vous diroit que
toute la France ay me le Roy vostre Fils, &
que Paris peut subsister long-temps sans incommodité,
quoy que l’on vous ayt fait entendre
le contraire. Certes ce n’est pas vn miracle
peu considerable qu’vne ville si peuplee se
soit maintenuë si long-temps sans seditions, &
ie pense que cette vnion des Citoyens auec les
Augustes Senateurs qui y rendent la Iustice, &
dont la probité & la prudence sont inimitables,
a merueilleusement surpris, ceux qui s’en
promettoient tout le contraire. Elle vous diroit
que vostre pieté est interessee, lors que les pauures
& les innocens ny trouuent pas toutes
choses auec la facilité ordinaire, & que l’amour
qu’ils auoient pour vostre Majesté, se
peut conuertir en haine formee. Elle vous diroit
que des Prelats qui sont moins illustres par
la naissance, que par la vertu ; que des Princes
dont la fidelité vers l’Estat, est assez connuë, &
dont les exploits sont les modelles pour les Heros
naissans, se sont opposez genereusement à
la tyrannie estrangere. Elle vous diroit que les

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ordres, que les communautez les plus religieuses
n’aperceuront iamais le procedé de ceux
qui vous ont circonuenuë Elle vous diroit que
c’est exposer la France en proye à l’auidité de
ses ennemis, à qui l’on doit menager les vies
des Chefs d’armées, & des soldats que l’on ne
peut mourir auec gloire quand on meurt en
combattant contre sa Patrie. Quel regret vous
seroit ce de voir porter le dueil par des Princesses,
qui dans cette conioncture auroient perdu
leurs maris, puis que les plus aguerris, & ceux
que l’on nomme les Conquerans, peuuent
mourir par la main d’vn Citoyen qui ne sera iamais
sorti hors les murs de sa ville ? Il n’y a point
de plus belle Couronne, MADAME, sur
la teste des Princes, que celles qui leur sont
données pour auoir conserué leurs sujets, dont
ils sont les Peres. Ceux qui conseillent vostre
Majesté n’ont pas bien estudié vn docte historien,
qui veut que les Princes ayent soin que
les choses qui sont necessaires à la vie de leurs
peuples, leur soient venduës à vil prix. Quant à
moy ie m’imagine & qu’ils sont ignorans &
malicieux. Mon sentiment est confirmé en cette

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rencontre, & ie veux croire que vostre Majesté
pretera moins desormais l’oreille à des
conseils qui luy sont pernicieux, & qu’elle fera
reflexion sur cette belle maxime, que la bienueillance
des sujets enuers leur Prince est comme
vn puissant corps de garde qui le protege
plus asseurement, que les escadrons de soldats
qui le pourroient enuironner. Ie sçay que vous
estes si bonne, MADAME, que vous ne
manquerez pas de consulter cette mesme bonté
sur les choses que mon zele m’a obligé de
vous écrire auec peu d’ornement. Il en est en
cela comme de la beauté naturelle des femmes
honnestes & modestes, qui est plus estimable
que la beauté fardée des Courtisanes débauchées.
Mais ie le dis auec toute l’affection & le
respect qui sont deus à vostre Majesté, de qui
ie suis,

 

MADAME,

De Londre ce...

Le tres-humble & tres-obeïssant
seruiteur...

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