Anonyme [1649 [?]], LETTRE D’VN ASTROLOGVE à Monseigneur le Duc de Longueuille, Sur l’heureuse naissance du Prince son fils, & les Remuëmens de l’Estat. , françaisRéférence RIM : M0_1850. Cote locale : E_1_29.
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LETTRE D’VN ASTROLOGVE
à Monseigneur le Duc de Longueuille,
Sur l’heureuse naissance du Prince son fils, & les
Remuëmens de l’Estat.

MONSEIGNEVR,

Les œuures du Tout-puissant ayant eu pour
mesure sa volonté, nous obligent continuellement
à l’admiration de sa sagesse ; & comme toutes
ont leurs aduantages & leurs bornes, il ne faut pas s’estonner
si l’homme par les lumieres qui luy ont esté liberalement
données, tasche d’obseruer leurs progrez & leur décadence.
Ainsi le Medecin a trouué la proprieté des simples, & les accidens
de la nature ; le Marinier l’vsage de la boussole, & la
cognoissance de la diuersité des vents ; l’Alchimiste les sels &
les mutations metaliques, & l’Astrologue trouue dans les
cours des Astres la bonne ou mauuaise fortune des microcosmes,
mais auec cette condition que c’est sous le bon plaisir de
celuy à qui tout obeït. Le grand sainct Denys Areopagite ne
voyãt point d’où pouuoit proceder cette eclipse du Soleil qui
parut à la mort du Sauueur, refera à vne cause suprême ce que
sa science ne sçauoit luy apprendre. Les prodiges ne nous expriment
pas tousiours la qualité des choses surnaturelles, mais
elles nous donnent des indices pour en coniecturer quelques
euenemens MONSEIGNEVR, vostre Altesse sçait que
les natiuitez des Grands sont accompagnées des signes qui en

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font cognoistre la conduite : mais cette science a esté décreditée
par vn tas de Charlatans à qui l’ignorance & l’effronterie
donne passeport à leurs impertinentes resveries. De moy,
MONSEIGNEVR, qui ne pretends ny lucre ny loüange, ie
me contente d’asseurer vostre Altesse que le Prince Paris sera
doüé de toutes les graces qu’on peut souhaiter à vn grand
personnage ; il sera beau par excellence, vn esprit plein de feu
& de fermeté, vn iugement iudicieux d’vne conception
prompte, & d’vne execution tres-vigoureuse, heureux aux
armes, & grandement porté à l’estude des lettres ; il sera grand
Politique, aimé du peuple, & recherché des pays esloignez
pour estre vn Roy électif : mais l’amour qu’il aura pour sa
chere Patrie, balancera l’acquisition d’vne Couronne estrangere.
Voila, MONSEIGNEVR, ce que i’ay creu deuoir
annoncer à vostre Altesse auec les esperances Françoises sur
vostre cœur genereux & loyal ; ie pense aussi que dans peu, par
vostre conduite, le monde changera ces tristes exclamations
en des chants de liesse : ce Prince dont nous reuerons la naissance,
est vne preuue & vn commencement des soins que
Dieu prend de son peuple, & vostre Altesse toute dans la ioye
de cette heureuse naissance, procurera la paix & le repos à vne
nation à demy exterminée : il a fait vn long & penible voyage
à cet effect, mais l’heure n’estant pas venuë, nous ne deuiõs
pretendre de ioye qu’apres le plein de la vostre. Cette belle &
illustre Princesse du sang de nos Rois, comme elle est la chere
moitié de vostre accomplie personne, agira aussi pour les
accommodemens des troubles de l’Estat : Dieu veut que sa
haute vertu reçoiue en salaire la paix, où elle portera les ames
des-vnies, & bien tost apres les grandeurs de cet Estat remises,
vne autre grossesse nous donnera sujet de benir cette fecondité

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bien aimée ; iamais les cœurs des Parisiens ne se des-vniront
des interests de vostre Maison, & Dieu vous comblera de tant
de benedictions, que vostre Altesse verra que sa vertu est l’agent
d’vne gloire inexplicable, ie passeray plus auant dans
cette belle carriere, lors que sans encourir le blasme d’artificieux,
ie pourray me qualifier du tiltre du plus fidele & passionné
seruiteur, que vostre Altesse peut honorer de ses
agreemens aduantageux & fauorables.

 

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Anonyme [1649 [?]], LETTRE D’VN ASTROLOGVE à Monseigneur le Duc de Longueuille, Sur l’heureuse naissance du Prince son fils, & les Remuëmens de l’Estat. , françaisRéférence RIM : M0_1850. Cote locale : E_1_29.