Anonyme [1652], LETTRE DV PARLEMENT DE METZ. A MONSEIGNEVR LE DVC D’ORLEANS Lieutenant General du Royaume, pendant l’absence, & la captiuité du Roy. TOVCHANT LA RETRAITE DV CARDINAL Mazarin dedans la Ville & citadelle de Metz. , françaisRéférence RIM : M0_2126. Cote locale : B_5_31.
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LETTRE DV PARLEMENT DE METZ
à Monseigneur le Duc d’Orleans, Lieutenant General
du Royaume, pendant l’absence & la captiuité du Roy,
touchant la retraite du Cardinal Mazarin dedans la
Ville & citadelle de Mets.

MONSIEVR,

Les asseurances que nous auons que le Cardinal
Mazarin traitte de l’Euesché & du Gouuernement
de Metz, pour se retirer de la Cour, & se mettre
en asseurance pendant que le Royaume sera plus en
danger, & plus trauersé que iamais ; nous ont fait
resoudre de vous enuoyer nos sentimens là dessus,
& de vous representer les malheurs qu’on doit attendre
de ce changement qui ne vous peut estre
que funeste, & à tous ceux qui ne l’empescheront
point. On dit que Mr de Mets luy a resigné son
Euesché moyennant deux Abbayes de cent mille
liures de rente, & trente mille escus d’argent comptant ;
sans considerer qu’il quitte le plus noble &

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grand Benefice du Royaume à vn estranger qui ne
peur le posseder par declaration speciale du Roy
Henry 4. & à vn proscript qui n’en est pas capable,
& auquel sa Sainteté ne peut & ne doit donner de
Bulles qu’a la honte & à la confusion de l’ordre
Ecclesiastique.

 

Nous auons aduis aussi que le Marreschal de
Schomberg est en traitté auec luy pour le Gouuernement
de ceste mesme place contre les deffence
de vostre pere de glorieuse memoire, & qu’il en
refuse quatre cent cinquante mille liures d’argent
comptant, parce qu’il en veut auoir dauantage,
& qu’il est vray qu’il ne se sçauroit trop vendre à
vn banny, si on souffre que les Villes Frontiere
de ceste importance, & les rempars de la France se
donnent à ces sortes de gens pour disputer de l’Empire
& de l’authorité auec sa Maiesté quand il leur
plaira. Vous estes le seul, Monsieur, qui pouuez
empescher ce coup, & puis que vous estes le restaurateur
de l’Estat, & celuy qui doibt mettre fin
à ses maux & à ses miseres, vous deuez prier le
Pape dé ne point permettre qu’vn clerc, qu’vn
criminel, & qu’vn fleau de l’Eglise s’empare d’vn
Euesché remply de Iuifs & d’heretiques, pour en
deuorer les ouailles, y corrompre ce qu’il y à de
Sainct, & y mettre ses crimes & ses d’esordres à
couuert.

Et pour le Gouuernement, vostre Altesse Roiale
empeschera formellement, s’il luy plaist, qu’il

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tombe entre les mains de cest homme, puis que
ce n’est point sortir du Roiaume que d’estre maistre
de la Frontiere principale, & de commander
dans vne Citadelle que l’Empereur Charles Qnint
n’a sceu forcer auec cent mille assiegeans, non plus
que la Ville qu’il attacquoit par l’endroit le plus
foible. Si on veut restablir l’ancien Royaume
d’Austrasie, & partager la France comme elle estoit
dans les premieres races, en voicy les proiets & les
commencemens certains, puis qu’on laisse occuper
sa Capitale à l’ennemy du Roy, qui estant
appuié du Mareschal de Senneterre qui possede
la Lorraine auec trop de pouuoir, du Comte d’Harcourt
qui commande à Brisac & à toute l’Alsace
qu’il dit estre son patrimoine, & du sieur Faber
qui luy conserue Sedan pour dotter vne de ses
niepces, ils peuuent eux trois le rendre Souuerain,
& le maintenir dans ces trois Prouinces vnies que
nos Rois ne sçauroient recouurer en cent ans.

 

C’est auec douleur, Monsieur, que nous vous
escriuons ces veritez, & les moins sçauans dedans
la politique, & les plus nouueaux dans les fourberies
de la Cour, preuoyent & tiennent pour asseuré,
que si vostre Altesse Roiale permet que le
Cardinal Mazarin se retire à Metz en quelque qualité
que ce soit, ce n’est reculer que pour mieux
sauter, & se mettre à couuert attendans qu’il rentre
dans le Ministeriat incontinent apres qu’on vous
aura arresté, & fait Monsieur le Prince prisonnier

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pour vne seconde fois, ce que vous connoistrez trop
tost, & l’vn & l’autre si vous n’acheuez ce que vous
auez commencé pour la perte sans resource de cét
infidelle qui se vangera de vous quelque jour. Anne
de France, Contesse de Bauier fit ce mesme tour
il y a cent soixante ans à Loüis Duc d’Orleans son
beaufrere, qui apres vne longue prison dedans la
tour de Bourges, paruint à la Couronne sous le
nom de Louis, 12 surnomé le Pere du Peuple ;
& ce pour luy auoir demandé Charles, 8. qu’elle
tenoit en captiuité, & qu’elle ne vouloit point amener
à Paris pour estre maistresse du Roy & de l’Estat,
comme on fait aujourd huy. On n’esloigne le Mazarin
que par force, & pour vous arracher des mains
les armes de toute la France qui sont à vous, qui
est vne preuue euidente du desir qu’on a de le rauoir ;
& quand les villes & les Compagnies souueraines
seront destachées d’auec vous, vous serez
tres assurement le premier attacqué, & les peuples
fatiguez de tant de Guerres innutiles & sanglantes,
ne voudrõt plus se sousleuer parce qu’ils craindront
de retomber dans les maux passez, & de soustenir
de nouueaux pillages, qui est le pis qui leur puisse
arriuer en ne disant mot.

 

Considerez ces choses, Monsieur, auec vostre
prudence ordinaire, & puis que la qualité d’oncle
du Roy, vous fait prendre celle de conseruateur
de son Roiaume, trauaillez à son bien & au vostre,
& n’escoutez aucun accommodement auec

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vn estranger qui ne peut entrer en traitté, ny en
composition auec vous ; & pendant que vous trauaillez
au repos du peuple, & à la restauration de
l’Estat, ne croiez point que vous puissiez le guerir
en conseruant son mal dans l’vne de ses parties
principales ; pour en venir à bout, il le faut estouffer,
ou du moins le purger en le dissipant, puis qu’il
faut qu’il sorte, & sans espoir de retour, ne le
souffrez point à la porte, & ne luy donné pas la
clef d’vne maison d’on vous voulez le chasser ; c’est
trop marchander vne chose resolue & si necessaire,
on n’en feroit pas tant pour vous qui estes l’appuy
le plus considerable de la Roiauté, il y va de l’interest
de vostre Altesse Roiale, & de la conseruation
de tous les bons François qui sont comme nous

 

A Toul ce 10.
Aoust 1652.

Vos tres-humbles seruiteurs,
les Gens tenans le Parlement
de Metz, seant à Toul.

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