Anonyme [[s. d.]], EXTRAIT DES REGISTRES DE PARLEMENT. Touchant les plaintes que Loüis Duc d’Orleans beau-frere du Roy Charles 8. fit en Parlement le 17. Iauuier 1484. Contre l’Enleuement de ce Roy par Anne de France Comtesse de Beau-jeu, & de Bourbon sa sœur, sur ce que sa Maiesté n’estoit en liberté, & que ce n’estoit point le Roy qui agissoit. , françaisRéférence RIM : M0_1354. Cote locale : B_14_5.

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EXTRAIT
DES REGISTRES
DE PARLEMENT.

Touchant les plaintes que Loüis Duc d’Orleans
beau-frere du Roy Charles 8. fit en Parlement
le 17. Iauuier 1484.

Contre l’Enleuement de ce Roy par Anne de France
Comtesse de Beau-jeu, & de Bourbon sa sœur,
sur ce que sa Maiesté n’estoit en liberté, & que
ce n’estoit point le Roy qui agissoit.

Du dix-septiesme Ianuier 1484.

MESSIEVRS les quatre Presidens,
& toutes les Chambres Assemblées,
les Maistres des Requestes
de l’hostel, les Gens des
Requestes du Parlement, & les
Aduocat & Procureur General du Roy, vindrent
en la Cour Monsieur le Duc d’Orleans, Monsieur

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le Comte de Dunois, & le Sieur de Richebourg,
lequel Monsieur Duc d’Orleans dit
qu’il estoit venu en la Cour pour luy remonstrer
aucunes choses lesquelles il auoit chargé à Maistre
Denis le Mercier son Chancelier exposer à
ladite Cour ; ce fait iceluy le Mercier dit, comme
mondit sieur le Duc d’Orleans est la seconde
personne du Royaume, & le plus prochain parent
du Roy, son tres humble seruiteur, aussi
que le Roy, l’a institué Lieutenant Capitaine &
Gouuerneur de Paris, de l’Isle de France, & des
Pais de Champagne & de Brie, & qu’en ladite
charge & autres choses qui pourront toucher le
Bien du Roy & de son Royaume, il a esté &
s’est tousjours deliberé de se conduire par le bon
Conseil de la Cour, & d’y seruir loyaument de
tout son pouuoir.

 

Et pour ce qu’il void aucun desordre és matieres
qui sont de present, dit que tost apres le
decés du feu Roy (Louis, XI.) mondit sieur
d’Orleans, Monsieur de Bourbon, & les Ambassadeurs
du Duc de Bretagne, & autres Princes
& Seigneurs supplierent & requirent au Roy
qu’il fit Assembler les trois Estats de sondit Royaume,
pour par leurs aduis, Conseils, & deliberations,
donner ordre & prouision aux choses
touchans & regardans le bien, seureté & entretenement

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du Roy, & de ses Suiets en tous
estats, laquelle Assemblée fut fort empeschée
par aucuns qui vouloient, comme encore veulent
auoir le Gouuernement du Royaume, &
mesme de la personne du Roy.

 

Les Estats de tout le Royaume assemblés à
Tours, furent persuadez par ceux qui vouloient
auoir le Gouuernement & toute l’authorité tendans
à leurs fins particulieres, & pour ce qu’on
vit leur bon vouloir b & qu’ils vouloient aller
droit en besongne furent depuis menassez, dont
mondit sieur d’Orleans quand il le sceut fut tres
déplaisant, & fit dire aux Gens desdits. Estats
qu’ils ne craignissent rien & deliberassent sainctement
au bien du Royaume tant pour le fait
de la Iustice, pour les libertez de l’Eglise, &
que l’argent ne fut porté à Rome comme on
auoit fait auparauant, comme pour le soulagement
du peuple, & qu’ils n’eussent regard qu’à
bien faire pour chose qu’on leur dit, ou persuadât,
& par le moyen de mondit sieur lesdits
Estat firent de grandes, belles, & profitables
conclusions ainsi que chacun sçait.

Tindrent le Roy pour aagé, & fut dit qu’au
Royaume n’auroit autre Gouuerneur que le
Roy, & qu’il commanderoit par la deliberation
de son Conseil toutes choses necessaires tant

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en Iustices, Finances, qu’autres choses ; mais il
n’en a esté rien tenu, ains a esté le tout anichile
& rompu, & n’a esté le Roy obey, & n’a
commandé, mais a esté le tout fait par Madame
de Beau jeu, & son adherant, laquelle s’est
vantée qu’elle tiendra le Roy en Bail, & en aura
la garde & le gouuernement iusques à ce
qu’il ait vingt ans accomplis, lesquelles Coustumes
elle dit estre en aucuns pays de ce Royaume,
& pour mieux vser de son authorité a mis
en ses mains tout le fait des Finances, & combien
que les sommes des tailles octroyées par les
Estats tenus à Tours, ayent esté specifiées & declarées,
& que l’on ne pût, & ne deût asseoir
sur les peuples autres, ny plus grandes sommes
que celles qui auoient esté octroyées & accordées ;
& que les gens desdits Estats eussent
pour l’année passée donné au Roy outre la somme
accordée, trois cens mille liures tournois,
pour luy subuenir à la despense qu’il luy conuenoit
faire pour son Sacre & Couronnement,
& autres ses affaires, neantmoins la despense
de l’année passée monte de trois à quatre cens
mille liures tournois plus que tout le reuenu
de ladite année, ainsi pour y fournir & aux
pensions, dons, & bien-faits, qu’a octroyés
madite Dame de Beau-jeu, qu’elle veut entretenir,

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a conuenu & conuiendra asseoir sur le
peuple, outre l’octroy desdits Estats de dix à
vnze cens mille francs, & seront par ce moyen
les tailles presques aussi grandes qu’elles estoient
au temps passé ; Madite Dame de Beau-jeu a
pris le serment des Gardes, ce qu’elle ne peut
& ne doit faire, & ne doiuent les Gardes auoir
serment qu’au Roy seul, & sont tellement animez
& conduits, que nul Prince ne Seigneur
n’ose approcher la personne du Roy, & tient le
Roy en subjection, & n’est point en sa liberté.

 

A cette cause mondit sieur d’Orleans s’est retiré
en cette ville de Paris ou est la Cour de Parlement
& la iustice souueraine du Royaume ; & à
escrit au Roy qu’il s’en vienne en cette ditte ville
ou il sera en liberté, & ou il pourra auoir bon &
notable Conseil, selon lequel il pourra conduire
toutes ses affaires ; & si aucun le veut empescher
de venir en cette ditte ville, & d’estre en sa liberté,
il est deliberé d’employer sa personne, tous
ses parens, amis, & alliez, & tous ses biens pour
mettre la personne du Roy en liberré, & l’oster
de subjetion ; & pour mondit sieur d’Orleans
requiert & prie la Cour qu’elle veule auoir égard
en cette matiere au bien du Roy & de son Royaume ;
& faire tellement que le Roy vienne en cette
ville de Paris, & qu’il fasse & ordonne des faicts

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du Royaume par le Conseil de la Cour, & des
autres notables Seruiteurs des Roys ses Pere &
Ayeul.

 

Et affin que la Cour connoisse que mondit
Seigneur d’Orleans ne veut & ne desire auoir le
Gouuernement du Roy, ny du Royaume ; si maditte
Dame de Beaujeu se veut reculer d’entour
la personne du Roy de dix lieuës, il est content
de s’en retirer de quarante, & ne desire sinon
que les choses soient conduittes par bon conseil,
& ne veut point estre à l’entour du Roy, ou s’il
plaist au Roy qu’il voise deuers luy, il ira à tout
vn Page seulement, ou s’en ira en son pays au
bon plaisir du Roy, & seroit bien vtile que si
mestier est le Roy fit assembler les Estats de son
Royaume pour par leur Conseil donner sur tout
bon ordre & prouision.

Et ne se doit la Cour émerueiller si mondit
sieur d’Orleans fait dire ces choses, car l’on a osté
au Roy ses Chambellans qui luy auoient esté
baillez par le feu Roy son pere, & par la Reyne
sa mere que Dieu absolue, & à on voulu les outrager
& attenter à leurs personnes iusques dans
la Chambre du Roy, & qui plus est on à machiné
en la personne de mondit sieur le Duc d’Orleans,
ainsi qu’il sera bien prouué & monstré
quand temps & lieu sera ; & qui plus est le feu

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Seigneur du Han dit & declara à sa mort qu’il
auoit eu commandement & charge de tuer
mondit sieur d’Orleans, & dit que mondit sieur
d’Orleans en a escrit au Roy, & en ensuiuant
l’offre qu’il à fait à l’Hostel de ville de Paris, fera
volontiers bailler à la Cour par escrit les remonstrances
qu’il à fait faire presentement, &
les signera de sa main ; & requist ledit le Mercier
à mondit Sieur d’Orleans qu’il aduoüast ce qu’il
luy auoit fait dire, ce que fit mondit sieur d’Orleans.

 

Par Monsieur le premier President (de la Vacquerie)
a esté dit que le bien du Royaume consiste
en la paix du Roy & de son peuple, qui ne
peut estre sans l’vnion des membres dont les
grands Princes sont les principaux, à quoy Monsieur
d’Orleans doit bien auoir égard, parquoy,
& non pas pour response, mais par exhortation,
à dit à mondit sieur d’Orleans, qu’il doit bien
penser en ce qu’il à fait dire & proposer, & aduiser
que la maison de France soit par luy maintenuë
& entretenuë sans diuision, & ne doit
adjouster foy aux rapports qui lui pourroient
estre faits, & quant à la Cour, elle est instituée
par le Roi pour administrer Iustice, & n’ont
point ceux de la Cour d’administration de guerre,
de finances, ni du fait & gouuernement du

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Roi, ne des grands Princes ; & sont Messieurs
de la Cour de Parlement, gens Clercs & lettrez
pour vacquer & entendre au faict de la Iustice ;
& quand il plairoit au Roi leur commander
plus auant, la Cour lui obeiroit ; car elle à seulement
l’œil & regard au Roi qui en est le chef,
& sous lequel elle est ; aussi venir faire ces remonstrances
à la Cour, & faire autres exploits
sans le bon plaisir & expres consentement du
Roi, ne se doit pas faire.

 

Et en ensuiuant l’offre fait de bailler par escript,
s’il plaist à mondit sieur d’Orleans, il le
fera, & ce fait la Cour bien assemblée y deliberera,
& au surplus y fera selon la deliberation
qu’elle en aura faite.

Ledit Maistre Denys le Mercier, a dit, que
Monsieur d’Orleans est venu à la Cour comme
à la Iustice souueraine, & qui doit auoir l’œil
& le regard aux grandes affaires du Royaume ;
& que la Cour doit tant faire que le Roy s’en
vienne en cette ville de Paris, & qu’il soit en
son liberal arbitre, hors de toute subjettion, de
tous les Princes, & de Madame de Beaujeu,
& n’entend point qu’on oste rien à Madame de
Beaujeu, mais qu’elle ait des biens beaucoup ;
& entend Monsieur d’Orleans que la Cour aduertisse
le Roy de ces choses, & pareillement

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madite Dame de Beauieu ; & peut-estre quand
elle sera bien aduertie par la Cour, qu’elle se retirera ;
& ne veut mondit sieur d’Orleans passer
plus auant sans auoir le conseil de la Cour ; &
prie la Cour qu’elle vueille trauailler pour le bien
du Royaume, & obuier à tous inconueniens,
& qu’il soit sceu au Roy s’il est content d’estre
ainsi qu’il est.

 

Mondit Seigneur le Comte de Dunois, a dit,
que la Cour a bien conù & conois la maison
d’Orleans & les Pere & Aieul de mondit Sieur
le Duc d’Orleans, & les Parens de la maison,
& les grands seruices qu’ils ont fait au Roy, &
a la Couronne de France, & y ont emploié
corps & biens ; & jamais n’est aduenu au Roiaume
guerre de diuision, ne autres inconueniens
par la maison d’Orleans, & a mondit Seigneur
le Duc d’Orleans & tous ceux de sa Maison
aussi bon vouloir de seruir le Roy & son
Roiaume, que Prince qui soit viuant ; & quand
il plaira ou Roy que mondit Sieur d’Orleans
voise deuers luy, il y ira a tout vn page seulement,
& ne demande auoir aucun Gouuernement ;
& quant audit sieur de Dunois, il ne
demande Gouuernement ne authorité, & est
content de s’en aller en sa maison, & n’approcher
de la personne du Roy, iusques a ce qu’il
ait vingt ans accomplis qu’il pourra commander

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& ordonner des affaires du Royaume, & est &
sera tousiours prest de bien & loiaument seruir
le Roy.

 

Et dit que les chambellans qui auoient esté
baillés au Roy, luy ont esté ostés, & s’ils ne se
fussent absentés, ceux des gardes les eussent outragés,
& en furent menassés ; & encore fut dit
que si mondit Sieur d’Orleans les vouloit soustenir
qu’on attenteroit a sa personne, qui ne sont
pas choses a tolerer n’y souffrir, & a quoy l’ondoit
bien mettre ordre & prouision ; & peut
bien comettre la cour que mondit sieur d’Orleans
a bien cause de faire ces remonstrances, &
ne demande autre chose sinon que le Roy soit
en sa liberté, & que les affaires du Royaume
soient traittées & gouuernées par bon & notable
Conseil ; & ne pourroit on mieux faire pour
vous appaiser qu’assembler les Estats du Roiaume,
& les bons seruiteurs des feux Rois Pere &
Ayeul du Roy, que Dieu gardoient, & pouruoir
a tout par leur aduis & deliberation.

Du dix-neufiesme Ianuier 1484. toutes les
Chambres assemblées.

CE jour a esté leu en pleine Cour le rapport
fait par le Greffier de ceans, de ce
que proposa lundy dernier maistre Denis le Mercier

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Conseillier du Duc d’Orleans, en la presence
dudit Duc ; & a esté deliberé, qu’auant
que faire aucune responce audit Duc d’Orleans,
la Cour escrira au Roy nostre Sire, & l’aduertira,
& luy enuoiera ledit rapport signé dudit
Greffier, & que pour ceste cause iront vers ledit
Seigneur messire Iean de la Vacquerie Cheualier
premier President, Guillaume de Cambray,
Iean Simon, Raoul Pichon, & Iean pellieu
Conseillies, & Robert Thiboust aduocat du
Roy en ladite Cour.

 

Ce que desus est tiré du Registre commenceant
à la Sainct Martin, 1484. finissant à pareil
jour, 1485.

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Anonyme [[s. d.]], EXTRAIT DES REGISTRES DE PARLEMENT. Touchant les plaintes que Loüis Duc d’Orleans beau-frere du Roy Charles 8. fit en Parlement le 17. Iauuier 1484. Contre l’Enleuement de ce Roy par Anne de France Comtesse de Beau-jeu, & de Bourbon sa sœur, sur ce que sa Maiesté n’estoit en liberté, & que ce n’estoit point le Roy qui agissoit. , françaisRéférence RIM : M0_1354. Cote locale : B_14_5.