Anonyme [[s. d.]], EXTRAIT DES REGISTRES DE PARLEMENT. Touchant les plaintes que Loüis Duc d’Orleans beau-frere du Roy Charles 8. fit en Parlement le 17. Iauuier 1484. Contre l’Enleuement de ce Roy par Anne de France Comtesse de Beau-jeu, & de Bourbon sa sœur, sur ce que sa Maiesté n’estoit en liberté, & que ce n’estoit point le Roy qui agissoit. , françaisRéférence RIM : M0_1354. Cote locale : B_14_5.
Section précédent(e)

EXTRAIT
DES REGISTRES
DE PARLEMENT.

Touchant les plaintes que Loüis Duc d’Orleans
beau-frere du Roy Charles 8. fit en Parlement
le 17. Iauuier 1484.

Contre l’Enleuement de ce Roy par Anne de France
Comtesse de Beau-jeu, & de Bourbon sa sœur,
sur ce que sa Maiesté n’estoit en liberté, & que
ce n’estoit point le Roy qui agissoit.

Du dix-septiesme Ianuier 1484.

MESSIEVRS les quatre Presidens,
& toutes les Chambres Assemblées,
les Maistres des Requestes
de l’hostel, les Gens des
Requestes du Parlement, & les
Aduocat & Procureur General du Roy, vindrent
en la Cour Monsieur le Duc d’Orleans, Monsieur

-- 2 --

le Comte de Dunois, & le Sieur de Richebourg,
lequel Monsieur Duc d’Orleans dit
qu’il estoit venu en la Cour pour luy remonstrer
aucunes choses lesquelles il auoit chargé à Maistre
Denis le Mercier son Chancelier exposer à
ladite Cour ; ce fait iceluy le Mercier dit, comme
mondit sieur le Duc d’Orleans est la seconde
personne du Royaume, & le plus prochain parent
du Roy, son tres humble seruiteur, aussi
que le Roy, l’a institué Lieutenant Capitaine &
Gouuerneur de Paris, de l’Isle de France, & des
Pais de Champagne & de Brie, & qu’en ladite
charge & autres choses qui pourront toucher le
Bien du Roy & de son Royaume, il a esté &
s’est tousjours deliberé de se conduire par le bon
Conseil de la Cour, & d’y seruir loyaument de
tout son pouuoir.

 

Et pour ce qu’il void aucun desordre és matieres
qui sont de present, dit que tost apres le
decés du feu Roy (Louis, XI.) mondit sieur
d’Orleans, Monsieur de Bourbon, & les Ambassadeurs
du Duc de Bretagne, & autres Princes
& Seigneurs supplierent & requirent au Roy
qu’il fit Assembler les trois Estats de sondit Royaume,
pour par leurs aduis, Conseils, & deliberations,
donner ordre & prouision aux choses
touchans & regardans le bien, seureté & entretenement

-- 3 --

du Roy, & de ses Suiets en tous
estats, laquelle Assemblée fut fort empeschée
par aucuns qui vouloient, comme encore veulent
auoir le Gouuernement du Royaume, &
mesme de la personne du Roy.

 

Les Estats de tout le Royaume assemblés à
Tours, furent persuadez par ceux qui vouloient
auoir le Gouuernement & toute l’authorité tendans
à leurs fins particulieres, & pour ce qu’on
vit leur bon vouloir b & qu’ils vouloient aller
droit en besongne furent depuis menassez, dont
mondit sieur d’Orleans quand il le sceut fut tres
déplaisant, & fit dire aux Gens desdits. Estats
qu’ils ne craignissent rien & deliberassent sainctement
au bien du Royaume tant pour le fait
de la Iustice, pour les libertez de l’Eglise, &
que l’argent ne fut porté à Rome comme on
auoit fait auparauant, comme pour le soulagement
du peuple, & qu’ils n’eussent regard qu’à
bien faire pour chose qu’on leur dit, ou persuadât,
& par le moyen de mondit sieur lesdits
Estat firent de grandes, belles, & profitables
conclusions ainsi que chacun sçait.

Tindrent le Roy pour aagé, & fut dit qu’au
Royaume n’auroit autre Gouuerneur que le
Roy, & qu’il commanderoit par la deliberation
de son Conseil toutes choses necessaires tant

-- 4 --

en Iustices, Finances, qu’autres choses ; mais il
n’en a esté rien tenu, ains a esté le tout anichile
& rompu, & n’a esté le Roy obey, & n’a
commandé, mais a esté le tout fait par Madame
de Beau jeu, & son adherant, laquelle s’est
vantée qu’elle tiendra le Roy en Bail, & en aura
la garde & le gouuernement iusques à ce
qu’il ait vingt ans accomplis, lesquelles Coustumes
elle dit estre en aucuns pays de ce Royaume,
& pour mieux vser de son authorité a mis
en ses mains tout le fait des Finances, & combien
que les sommes des tailles octroyées par les
Estats tenus à Tours, ayent esté specifiées & declarées,
& que l’on ne pût, & ne deût asseoir
sur les peuples autres, ny plus grandes sommes
que celles qui auoient esté octroyées & accordées ;
& que les gens desdits Estats eussent
pour l’année passée donné au Roy outre la somme
accordée, trois cens mille liures tournois,
pour luy subuenir à la despense qu’il luy conuenoit
faire pour son Sacre & Couronnement,
& autres ses affaires, neantmoins la despense
de l’année passée monte de trois à quatre cens
mille liures tournois plus que tout le reuenu
de ladite année, ainsi pour y fournir & aux
pensions, dons, & bien-faits, qu’a octroyés
madite Dame de Beau-jeu, qu’elle veut entretenir,

-- 5 --

a conuenu & conuiendra asseoir sur le
peuple, outre l’octroy desdits Estats de dix à
vnze cens mille francs, & seront par ce moyen
les tailles presques aussi grandes qu’elles estoient
au temps passé ; Madite Dame de Beau-jeu a
pris le serment des Gardes, ce qu’elle ne peut
& ne doit faire, & ne doiuent les Gardes auoir
serment qu’au Roy seul, & sont tellement animez
& conduits, que nul Prince ne Seigneur
n’ose approcher la personne du Roy, & tient le
Roy en subjection, & n’est point en sa liberté.

 

A cette cause mondit sieur d’Orleans s’est retiré
en cette ville de Paris ou est la Cour de Parlement
& la iustice souueraine du Royaume ; & à
escrit au Roy qu’il s’en vienne en cette ditte ville
ou il sera en liberté, & ou il pourra auoir bon &
notable Conseil, selon lequel il pourra conduire
toutes ses affaires ; & si aucun le veut empescher
de venir en cette ditte ville, & d’estre en sa liberté,
il est deliberé d’employer sa personne, tous
ses parens, amis, & alliez, & tous ses biens pour
mettre la personne du Roy en liberré, & l’oster
de subjetion ; & pour mondit sieur d’Orleans
requiert & prie la Cour qu’elle veule auoir égard
en cette matiere au bien du Roy & de son Royaume ;
& faire tellement que le Roy vienne en cette
ville de Paris, & qu’il fasse & ordonne des faicts

-- 6 --

du Royaume par le Conseil de la Cour, & des
autres notables Seruiteurs des Roys ses Pere &
Ayeul.

 

Et affin que la Cour connoisse que mondit
Seigneur d’Orleans ne veut & ne desire auoir le
Gouuernement du Roy, ny du Royaume ; si maditte
Dame de Beaujeu se veut reculer d’entour
la personne du Roy de dix lieuës, il est content
de s’en retirer de quarante, & ne desire sinon
que les choses soient conduittes par bon conseil,
& ne veut point estre à l’entour du Roy, ou s’il
plaist au Roy qu’il voise deuers luy, il ira à tout
vn Page seulement, ou s’en ira en son pays au
bon plaisir du Roy, & seroit bien vtile que si
mestier est le Roy fit assembler les Estats de son
Royaume pour par leur Conseil donner sur tout
bon ordre & prouision.

Et ne se doit la Cour émerueiller si mondit
sieur d’Orleans fait dire ces choses, car l’on a osté
au Roy ses Chambellans qui luy auoient esté
baillez par le feu Roy son pere, & par la Reyne
sa mere que Dieu absolue, & à on voulu les outrager
& attenter à leurs personnes iusques dans
la Chambre du Roy, & qui plus est on à machiné
en la personne de mondit sieur le Duc d’Orleans,
ainsi qu’il sera bien prouué & monstré
quand temps & lieu sera ; & qui plus est le feu

-- 7 --

Seigneur du Han dit & declara à sa mort qu’il
auoit eu commandement & charge de tuer
mondit sieur d’Orleans, & dit que mondit sieur
d’Orleans en a escrit au Roy, & en ensuiuant
l’offre qu’il à fait à l’Hostel de ville de Paris, fera
volontiers bailler à la Cour par escrit les remonstrances
qu’il à fait faire presentement, &
les signera de sa main ; & requist ledit le Mercier
à mondit Sieur d’Orleans qu’il aduoüast ce qu’il
luy auoit fait dire, ce que fit mondit sieur d’Orleans.

 

Par Monsieur le premier President (de la Vacquerie)
a esté dit que le bien du Royaume consiste
en la paix du Roy & de son peuple, qui ne
peut estre sans l’vnion des membres dont les
grands Princes sont les principaux, à quoy Monsieur
d’Orleans doit bien auoir égard, parquoy,
& non pas pour response, mais par exhortation,
à dit à mondit sieur d’Orleans, qu’il doit bien
penser en ce qu’il à fait dire & proposer, & aduiser
que la maison de France soit par luy maintenuë
& entretenuë sans diuision, & ne doit
adjouster foy aux rapports qui lui pourroient
estre faits, & quant à la Cour, elle est instituée
par le Roi pour administrer Iustice, & n’ont
point ceux de la Cour d’administration de guerre,
de finances, ni du fait & gouuernement du

-- 8 --

Roi, ne des grands Princes ; & sont Messieurs
de la Cour de Parlement, gens Clercs & lettrez
pour vacquer & entendre au faict de la Iustice ;
& quand il plairoit au Roi leur commander
plus auant, la Cour lui obeiroit ; car elle à seulement
l’œil & regard au Roi qui en est le chef,
& sous lequel elle est ; aussi venir faire ces remonstrances
à la Cour, & faire autres exploits
sans le bon plaisir & expres consentement du
Roi, ne se doit pas faire.

 

Et en ensuiuant l’offre fait de bailler par escript,
s’il plaist à mondit sieur d’Orleans, il le
fera, & ce fait la Cour bien assemblée y deliberera,
& au surplus y fera selon la deliberation
qu’elle en aura faite.

Ledit Maistre Denys le Mercier, a dit, que
Monsieur d’Orleans est venu à la Cour comme
à la Iustice souueraine, & qui doit auoir l’œil
& le regard aux grandes affaires du Royaume ;
& que la Cour doit tant faire que le Roy s’en
vienne en cette ville de Paris, & qu’il soit en
son liberal arbitre, hors de toute subjettion, de
tous les Princes, & de Madame de Beaujeu,
& n’entend point qu’on oste rien à Madame de
Beaujeu, mais qu’elle ait des biens beaucoup ;
& entend Monsieur d’Orleans que la Cour aduertisse
le Roy de ces choses, & pareillement

-- 9 --

madite Dame de Beauieu ; & peut-estre quand
elle sera bien aduertie par la Cour, qu’elle se retirera ;
& ne veut mondit sieur d’Orleans passer
plus auant sans auoir le conseil de la Cour ; &
prie la Cour qu’elle vueille trauailler pour le bien
du Royaume, & obuier à tous inconueniens,
& qu’il soit sceu au Roy s’il est content d’estre
ainsi qu’il est.

 

Mondit Seigneur le Comte de Dunois, a dit,
que la Cour a bien conù & conois la maison
d’Orleans & les Pere & Aieul de mondit Sieur
le Duc d’Orleans, & les Parens de la maison,
& les grands seruices qu’ils ont fait au Roy, &
a la Couronne de France, & y ont emploié
corps & biens ; & jamais n’est aduenu au Roiaume
guerre de diuision, ne autres inconueniens
par la maison d’Orleans, & a mondit Seigneur
le Duc d’Orleans & tous ceux de sa Maison
aussi bon vouloir de seruir le Roy & son
Roiaume, que Prince qui soit viuant ; & quand
il plaira ou Roy que mondit Sieur d’Orleans
voise deuers luy, il y ira a tout vn page seulement,
& ne demande auoir aucun Gouuernement ;
& quant audit sieur de Dunois, il ne
demande Gouuernement ne authorité, & est
content de s’en aller en sa maison, & n’approcher
de la personne du Roy, iusques a ce qu’il
ait vingt ans accomplis qu’il pourra commander

-- 10 --

& ordonner des affaires du Royaume, & est &
sera tousiours prest de bien & loiaument seruir
le Roy.

 

Et dit que les chambellans qui auoient esté
baillés au Roy, luy ont esté ostés, & s’ils ne se
fussent absentés, ceux des gardes les eussent outragés,
& en furent menassés ; & encore fut dit
que si mondit Sieur d’Orleans les vouloit soustenir
qu’on attenteroit a sa personne, qui ne sont
pas choses a tolerer n’y souffrir, & a quoy l’ondoit
bien mettre ordre & prouision ; & peut
bien comettre la cour que mondit sieur d’Orleans
a bien cause de faire ces remonstrances, &
ne demande autre chose sinon que le Roy soit
en sa liberté, & que les affaires du Royaume
soient traittées & gouuernées par bon & notable
Conseil ; & ne pourroit on mieux faire pour
vous appaiser qu’assembler les Estats du Roiaume,
& les bons seruiteurs des feux Rois Pere &
Ayeul du Roy, que Dieu gardoient, & pouruoir
a tout par leur aduis & deliberation.

Du dix-neufiesme Ianuier 1484. toutes les
Chambres assemblées.

CE jour a esté leu en pleine Cour le rapport
fait par le Greffier de ceans, de ce
que proposa lundy dernier maistre Denis le Mercier

-- 11 --

Conseillier du Duc d’Orleans, en la presence
dudit Duc ; & a esté deliberé, qu’auant
que faire aucune responce audit Duc d’Orleans,
la Cour escrira au Roy nostre Sire, & l’aduertira,
& luy enuoiera ledit rapport signé dudit
Greffier, & que pour ceste cause iront vers ledit
Seigneur messire Iean de la Vacquerie Cheualier
premier President, Guillaume de Cambray,
Iean Simon, Raoul Pichon, & Iean pellieu
Conseillies, & Robert Thiboust aduocat du
Roy en ladite Cour.

 

Ce que desus est tiré du Registre commenceant
à la Sainct Martin, 1484. finissant à pareil
jour, 1485.

-- 12 --

OBSERVATIONS
HISTORIQVES
ET POLITIQVES
Sur les Motifs & Raisons de l’Extraict cy-dessus,
Du 17. Ianuier 1484.

Les timides qui veulent des exemples
de toutes choses, & les foibles
qui ne sçauent que suiure
& non pas gouuerner, ne seront
pas peu consolés dans la lecture
de cest extrait, puis qu’ils y verront l’Image au
naturel de ce qui se fait auiourdhuy, & qu’ils
conestront qu’il n’est pas nouueau de se plaindre
de ceux qui tiennent les Ieunes Roys en captiuité,
& qui abusent de leur pouuoir & de leur authorité
pendant leur peu d’experience dedans ce
grand mestier de Regner & de Commender aux
hommes.

Ceux qui disent que nostre histoire n’a rien de
pareil à ce que nous voions, tesmoignent assez
qu’ils n’en ont pas le secret, & qu’ils sont plus faciles
à condamner, que desireux de se faire instruire

-- 13 --

& se desabuser. Quãd nos predecesseurs n’auroient
rien ordonné pour ce qui nous regarde, ce ne seroit
qu’vne marque & vne assurance certaine que
leurs temps & leurs siecles auroient esté plus tranquiles
& moins corrompus, que celuy où nous
sommes, & non pas vne deffence de regler les desordres
que nous voions, ny de chercher les remedes
des injustices & des violences que nous
souffrons.

 

Il y a trente ans qu’on ne void qu’vne obeissance
aueugle en tous nos persecutions, & les plus sages
& les plus religieux la trouuent si étrange & si
miraculeuse, qu’ils ne font plus de difficulté de
l’appeller stupidité, aueuglement, & lethargie ;
Estãt vray qu’il n’y a que l’impuissance de pouuoir
patir dauantage, qui ait fait esclater nos plaintes ;
& si l’Estranger qui les cause auoit seulement aussi
peu de raison qu’il a d’humanité, il se contenteroit
des biens & des despoüilles de tant de victimes,
sans en vouloir encore auoir les cœurs & les
affections contre toute sorte de justice & de prudence
humaine.

Les escrits publics, les pleurs de toute la France,
& les condemnations de tous les Parlemens faisant
assez connoistre l’equité de nos larmes, & la
religion de nos demandes ; je veux monstrer dans
cét escrit qu’elles ne sont ny nouuelles ny dereglées,
& que si ceux qui nous ont precedé ont

-- 14 --

cherché leur liberté auec celle de leur Roy & de
leur Souuerain, nous auons encore plus de sujet de
poursuiure la nôtre & celle de nôtre jeune Monarque
qui est plus captif que ne fut iamais Charles 8.
& nous plus oppressez qu’aucuns sujets de la terre.

 

La lecture de cest extrait fidelle & veritable tesmoigne
assés clairement que Louis Duc d’Orleans
beaufrere de Charles, 8. se plaint au Parlement
de l’enleuement du Roy par Anne de France
Contesse de Beauieu & de Bourbon sa Sœur,
qui disoit auoir le Gouuernement de sa Maiesté
par les Estats tenus a Tours en l’an, 1484. Et le
suiet des plaintes & des Remonstrances de ce grand
Prince qui eut le Sceptre & la Couronne, 14. ans
apres, sont, que nul Prince, ne Seigneur n’ose approcher
la personne du Roy, qu’elle tient le Roy en subiection,
& n’est point en sa liberté ; qui est tout ce que
nous contestons auiourd’huy.

Et parce que cette querelle de cent soixante-huit
ans, est tout à fait conforme à celle de maintenant,
& qu’il y a des mauuais François, & des
fauteurs de la Tirãnie qui taschent d’abbaiser l’authorité
du Parlement, & d’esleuer celle des Ministres
au desaduantage du peuple, en s’appuyant sur
l’exhortation, & non sur la response du premier
President de la Vacquerie, & la resolution du Parlement :
deduisons les obseruations par nous promises ;
& faisons voir comme se doiuent entendre

-- 15 --

les paroles de ce grand Magistrat, & ce qu’il resolut
auec sa Compagnie en cette affaire, qui est le
miroir & le prejugé de la nostre.

 

Les quatre premiers mots de cét extrait font
voir qu’il n’y auoit pour lors que trois Presidens
au Mortier, auec le premier, qui faisoient quatre
en tout, lesquels estoient electifs par le Parlement
mesme, qui n’ayant que des chefs affectionnez, &
qui ne tenoient rien de la fortune, ny de la faueur
des Princes ou de leurs fauoris, étoient incorruptibles
en leurs mœurs, & tousiours portez pour la
splendeur du Senat, le soulagement du peuple, &
la grandeur de l’Estat. Ces quatre Presidens que ie
veux nommer par honneur, étoient Messire Iean
de la Vacquerie Cheualier premier, Ma. de Nanterre ;
l. Darmes ; & T. Baillet.

Quand il dit que les Maistres des Requestes de
l’Hostel se trouuerẽt en cette Assemblée des Chãbres,
sans dire le nombre qui est aujourd’huy reglé
à quatre, il est à presumer qu’il n’y en auoit pas dauantage,
ny peut estre tant, puisqu’ils n’estoient
que six iusques au regne de ce Roy Charles 8. qui
en crea deux de nouueaux, & les borna à huit en
tout, quatre Clercs, & quatre Laics ; ce qui dura
iusqu’à François I. sous lequel cõmença le desordre
de leur multiplication, plûtost pour augmenter ses
finances, que pour reformer la Iustice ; n’estans
establis que pour suiure le Roy & la Cour, afin

-- 16 --

d’y recepuoir les plaintes & Requestes que l’on
presentoit à sa Maiesté ; mais venant à se dispenser
trop legerement de la fonction de leurs charges,
jugeans fort souuent des Requestes au preiudice
des parties, qui gisoient en plus grand connoissance
de cause, il leur fut enioint que de toutes
les Requestes de Iustice qu’on leur presenteroit,
ils seroient tenus de les renuoier chacune en leur
chacune, faisans seeller lettres qui seroient addressées
aux Iuges ausquels deuoit appartenir
la conoissance de telles matieres, & non de les decider,
pour n’auoir autre Iurisdiction que la conoissance
des offices, & des officiers de l’hostel
du Roy en actions pur personnelles en deffendant
seulement, & non en demandant ; voila
comme en parle le Docte Pasquier dans les recheches
de la France, liu. 2. Chap. 3. Ce qui est
hors de doubte & de difficulté, tesmoing la derniere
Declaration du mois d’octobre, 1648. &
les arrests du Parlement qui la confirment, &
qui leur deffendent de luger quoy que ce soit
souuerainement sans distinction quelconque,
qui dit tout n’exceptant rien.

 

Le Procureur General du Parlement dont est
fait mention dans l’Extrait precedent, estoit
Monsieur Iean de Nanterre, successeur de Maistre
Iean de Sainct Romain, celebre pour sa
vertu.

-- 17 --

Le Duc d’Orleans qui estoit la partie plaignante
parmy tous ces desordres & ces desreglemens,
& qui est qualifié la seconde personne du
Royaume, & le plus prochain parent du Roy ;
estoit veritablement tel, en ce que le Roy Charles
V. dit le Sage, leut deux fils, l’aisné Charles
VI. son successeur, qui fut pere de Charles VII.
duquel nasquit Louis XI. pere de nostre Charles
VIII. qui mourut sans enfans. Le puisné
fut Louis Duc d’Orleans, qui espousa Valentine
fille de Iean Galeas Comte de Vertu, & premier
Duc de Milan, de laquelle il eut trois fils ;
sçauoir Charles son successeur Duc d’Orleans,
Iean Comte d’Angoulesme, & Philippe Comte
de Vertu. Ledit Charles deliuré de cette longue
prison d’Angleterre, eut de Marie de Cleues son
espouse Louis Duc d’Orleans duquel il s’agit,
& depuis Roy sous le nom de Louis XII. succedant
à faute d’hoir masle à la Couronne, &
comme tel sacré à Rheims le 27. May 1498.

Le Comte de Dunois qui accompagnoit
Louis Duc d’Orleans Beau frere du Roy, estoit
fils de Iean bastard d’Orleans, homme preuoyant,
aduise, bon & vaillãt Capitaine, confident
& principal Coseiller dudit duc d’Orleans.
Si les Estats qui se tinrent à Tours en l’an
1484. [3 mots ill.] empeschez & traversez par

-- 18 --

ceux qui vouloient auoir le gouuernement du
Royaume, & de la personne du Roy, comme
remarque Maistre Denis le Mercier Chancelier
dudit Duc d’Orleans dans sa harangue & ses
remonstrances au Parlement. Ceux qu’on auoit
fait esperer à Monseigneur le Duc d’Orleans
d’aujourd’huy, & à tous les bons François dedans
la mesme ville de Tours, n’ont pas esté
moins balottez, puis qu’ils sont encore à tenir,
sans qu’on puisse en venir about, parce que ceux
qui les empeschent y seroient recherchez & condamnez
comme les autheurs, & les fauteurs de
tant de calamitez publiques, qui abusent insolemment
de l’authorité Royale, la prostituent
en tous rencontres, & s’emparent iniustement
de la personne de sa Majesté pour appuyer & fauoriser
la rigueur & la violence de leur tyrannie
insupportable.

 

Et encore que ces Estats appuyez de l’authorité
dudit Louis Duc d’Orleans, eussent declaré
qu’ils tenoient le Roy pour aagé, & qu’au
Royaume n’y auroit autre Gouuerneur que luy,
& qu’il commandroit seul par l’addis de son Conseil ;
il ne fut rien execute neantmoins de tout
cela, parce qu’il ne commanda iamais, & fut
encore moins obey, puis qu’An ne de Beaujeu sa
sœur faisoit tout auec fon adherant, publiant

-- 19 --

hautement qu’elle tiendroit le Roy en Bail, c’est
à dire, en sa possession, & en auroit la garde & le
gouuernement iusques à ce qu’il ait vingt ans
passez, qui est le train que nous voyons prendre
dans l’enleuement de Louis XIV. qui est encore
moins libre & plus captif que ne fut iamais
Charles VIII. son predecesseur.

 

Quand nous lisons dans cet Extrait authentique
& considerable, qu’Anne de Beaujeu prist le
serment des gardes, & les anima tellement, Que
nul Prince ny Seigneur n’osoit approcher la personne du
Roy qu’elle tenoit en subjection, & n’estoit en sa liberté ;
& qu’à cette cause mondit sieur d’Orleans d’estoit
retiré en cette ville de Paris, & le reste comme cy-deuant.
Nous auons trop de preuues & trop de
conformitez des actions presentes, à celles-là
qui sont passées, sans qu’il soit besoin d’autre parallele,
ny d’autre application pour persuader à
tous les bons François que nos mal-heurs sont
encore plus grands, que nos desordres sont plus
sensibles, & que nos plaintes & les moyens que
nous empruntons pour les faire cesser ne sont
point inouis, mais seulement les mauuais desseins
que l’on a de nous faire perir par le fer & le
feu, parce que nous crions au secours pendant
qu’on nous esgorge. Et si Charles VIII. a esté
desiré dans Paris, Louis XIV. y est souhaitté

-- 20 --

auec impatience pour appaiser les troubles que
son absence, & non pas sa personne y cause il y
a trop long temps, & trop dangereusement.

 

On void les offres que Louis Duc d’Orleans
fait de se retirer à quarante lieux loin, pourueu
qu’Anne de Beaujeu s’esloigne de la personne du
Roy de dix seulement, sans pretendre au gouuernement
du Roy ny du Royaume ; Et nous sçauons
ceux que Gaston Duc d’Orleans fait tous
les jours à sa Majesté, & aux depositaires de son
lict de Iustice & de son authorité Royale, pour
apporter le calme dedans l’Estat, mettre l’Europe
en paix, & la France en repos.

Si Louis Duc d’Orleans escriuit au Roy, fit
ses Remonstrances au Parlement, & sa Declaration
à l’Hostel de Ville de Paris ; il n’y a personne
qui ne sçache, que Gaston Duc d’Orleans a
fait mille & mille submissions à sa Maiesté, qu’il
a fait en registrer ses Declatations reiterées dans
le Parlement, le Mercredy 28. Fevrier & le Vendredy
12. Avril 1652. & trente autresfois en pleine
assemblée des Chambres ; dans l’Hostel de
Ville de Paris le 19. Avril en suiuant ; les enuoyés
mesme au Roy par Monsieur le President de Nesmond,
le 13. Iuillet 1652. ce qui est de notorieté
publique, aussi bien que la candeur & la sincerité
des actions de ce bon Prince.

-- 21 --

Pour le discours que Monsieur de la Vacquerie
premier President fit, apres que Maistre Denis
le Mercier Chancelier de Louys Duc d’Orleans
eut porté la parole pour luy ; Ce n’est pas
d’aujourd’huy que les ennemis du Parlement,
& les flatteurs des fauoris, l’ont voulu prendre
pour vn reglement de cét Auguste Senat, &
pour vne borne de son pouuoir & de son authorité
que l’on voudroit esgaler à celle des Bailliages
& des Presidiaux, sauf vn simple appel.
Le Cardinal de Richelieu faisant escrire le
comte de Guron, fous le nom de, des Montagnes,
pour esleuer sa Tyrannie, & mettre à bas la
grãdeur & la Majesté du Parlement de Paris, n’a
point oublié de luy faire cotter ces paroles dans
son liure, qui porte pour titre, DEFENCE DV
ROY, ET DE SES MINISTRES, qui estoient
tous ramassés en sa seule personne ; & de mettre
en auant par forme d’Oracle Diuin & irreuocable,
en la page 42. de cette piece desguisée &
corrompuë ; Que les Officiers du Parlement procedoient
de bonne sorte, quand du temps de Charles VIII. le
Duc d’Orleans fit proposer par son chancelier au Parlement,
qu’il eut à faire instance que le Roy vint à Paris,
& qu’en ses affaires plus importantes il se seruit de son
Conseil ; Leur response fut par ce sage President de la
Vacquerie, que le Parlement n’estoit institué que pour la

-- 22 --

Iustice, si le Roy ne luy commandoit plus auant.

 

Vous voyez l’imposture & la mauuaise foy
de cét Escriuain de Cour, qui ose citer en la
marge de son Liure les Registres du Parlement,
& donner pour vn Arrest, & vne Response de
cette illustre Compagnie, ces paroles particulieres
& priuées du President de la Vacquerie,
qui dit luy-mesme, comme il se void dans l’extrait
cy-dessus fidellement rapporté, que ce qu’il
represente à Monsieur le Duc d’Orleans, N’est
pas pour Response, mais par Exhortation, ce qui prouue
assez la calomnie du Pere Guron, qui l’allegue
si authentiquement en autre sans, & l’intention
de ce grand Magistrat, & du Corps incomparable
dont il estoit le chef, comme nous
verrons encore plus clairement examinant le
reste de son exhortation qui fut bien escoutée,
mais nullement suiuie, comme appert par l’Arrest
du dix-neufiéme Ianuier 1484. cy-deuant
rapporté, qui est la resolution du Parlement,
& non pas ce que le President de la Vacquerie
auança de luy-mesme, comme il est porte dans
sa propre Harangue.

D’adjoûter qu’il mit en auant aussi, que la
Cour n’estoit instituée que pour administrer la Iustice,
si le Roy ne luy commandoit plus auant, &c. Ce cy
est vray, & s’il l’a dit, il ne l’a pas crû neantmoins,

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comme nous ferons voir tantost par les
exemples contraires ; Et qu’il l’ait crû, ou ne l’ait
pas crû, qui peut empescher le chef particulier
d’vne Compagnie, de proposer & de mettre en
auant ce que bon luy semble de luy-mesme ; ce
n’est point son discours, ny sa harangue qui fait
la resolution de l’Assemblée, mais l’Arrest & le
resultat qui en prouient, & qui est signé & approuué
de tous. Ne sçait-on pas que les Premiers
Presidens sages & bien aduisez, qui parlent les
premiers, temperent les choses autant qu’ils
peuuent, & ne s’ouurent iamais lors qu’ils proposent,
mais seulement quand ils deliberent
apres qu’ils ont sondé les esprits, & connu les
sentimens de ceux qui doiuent former l’Arrest
auec eux. Combien de fois leur a-t’on veu establir
des propositions qu’ils ont abandonnées en
signant le contraire ? S’ils en vsoient autrement
ils ruineroient toutes les affaires, puisque conduisans
vne barque qui est agitée de toutes sortes
d’esprits contraires & differens, il faut qu’ils
fassent comme les bons Nautõniers, qui tournent
le dos au lieu où ils ont dessein d’aborder.

 

Dauantage, rien ne les rend considerables aupres
des grands, & ne les maintient de dans leurs
Compagnies, qu’en y proposant les choses qu’ils
n’ont pas enuie qu’elles s’y fassent ; parce que le

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Prince qui les a charge de cela doit demeurer
satisfait de leur obeïssance & de leur complaisance,
n’estans pas responsables ny garands des
euenemens ; Et l’Assemblée qui les entend, &
qui sçait qu’ils sont obligés de parler comme
jugeant en sa conscience, & se voyant libre en
ses sentimens, resout souuent le contraire, ou
tempere l’affaire selon que la justice le requiert
& le demande ; & ces Messieurs les Presidens
reuenans aux bõs aduis, & à la verité des choses,
signent l’Arrest que l’on a donné, satisfont à
leur deuoir, contentent leurs Confreres, s’vnissans
auec eux, & se déchargent aupres de ceux
qui les ont fait parler, s’estans acquittés de leurs
commissions qu’il faloit iuger, aussi bien que
proposer.

 

Et pour faire voir comme nous auons promis
que ce renommé Premier President parloit
plus par la bouche d’Anne de Beaujeu, que par
la sienne, quand il fit ce petit discours, qu’il
sçait adroitement qualifier du nom d’Exhortation ;
Monstrons que s’il a dit vne fois par forme
d’excuse & de deffaite, que le Parlement ne
prenoit point de connoissance des affaires d’Estat,
il a tesmoigné par cent autres actions glorieuses
qu’il croyoit le contraire, & qu’il y a bien de

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de la difference entre dire & faire, & qu’vne Exhortation
Politique, n’est pas si forte ny si considerable,
que mille Arrests solemnels & authentiques.

 

De plus, on void qu’il parle contre sa propre
science, quand il dit pour contenter vne Regente,
que le Parlement ne prend point de connoissance
des choses de la guerre, puisque c’est auec
luy qu’on l’entreprend & qu’on la declare, &
qu’il faut qu’il approuue & qu’il verifie les traittez
de paix ; d’adiouster qu’il ne se mesle point des
Finances, c’est dementir l’opinion commune, &
reuoquer en doute des Loix qui n’en reçoiuent
point, puisque le Roy ne sçauroit imposer quoy
que ce soit sur ses sujets sans son authorité & son
consentement ; & e mettre en auant qu’il ne
touche point au gouuernement du Roy ny des
grands Princes : chacun sçait que c’est luy qui establit
les Regences, qui confirme les Maioritez,
qui approuue leurs Mariages, qui a soin de leurs
personnes & de leur liberté, quand elles sont en
bas aage, ou en captiuité, & qu’il est le seul Moderateur
du Roy, du Royaume, & de la Royauté.

Outre les Registres qu’on allegue si faussement,
& qui sont connus de si peu de gens, nostre
histoire témoigne qu’en l’an 1465. du temps
de ce mesme President de la Vacquerie, les articles

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de la Paix faite à Conflans, entre Louis XI.
& le Comte de Charolois, furent prensentez &
verifiez au Parlement de Paris, qui n’est pas renoncer
aux affaires d’Estat ; Dupleix en Louis XI.

 

En l’an 1467. le Parlement de Paris, où presidoit
le dit sieur de la Vacquerie, s’opposa formellement
à la reuocation de la pragmatique Sanction,
que Louis XI. vouloit faire en faueur du
Pape ; nous auons des liures entiers de cela, outre
ce qui s’en void dans les Registres du Parlement
qui sont les tesmoins irreprochables de la verité
de nostre Histoire.

Iean Comte d’Armagnac, estant accusé d’auoit
intelligence auec le Duc de Bourgogne, &
de traitter secrettement auec l’Anglois, contre
Louis XI. le Roy le fit adiourner en personne en
son Parlement de Paris, où ne comparoissant
point, son procez luy fut fait par deffaut & contumace,
& condamné à mort comme criminel
de leze Majesté par Arrest du 7. Septembre 1470.
Et Iean Duc d’Alençon qui estoit odieux au Roy
pour le mesme sujet que le Comte d’Armagnac
son Cousin Germain, fut condamné d’auoir la
teste tranchée par Arrest du Parlement du 18.
Iuillet 1474. Monsieur de la Vacquerie President
à l’vn & à l’autre de ces Arrests. Ce mesme premier
President n’enuoya-il pas vn Huissier du

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Parlement en l’an 1470. assigner en personne l
Duc de Bourgogne dans la ville de Gand mesme.

 

Louys de Luxembourg Comte de Saint Pol,
Connestable de France, estant fait prisonnier
dans la Bastille par ordre du Roy, Louys XI. il y
fut oüy & interrogé par des Commissaires du
Parlement ; Apres quoy il fut mené de la Bastille
à cheual au Palais pour oüir prononcer l’Arrest
qui fut rendu contre luy le 19. Decembre 1475.
par lequel il fut condamné d’auoir la teste tranchée ;
Et ce du temps dudit Sieur de la Vacquerie
qui n’est mort que le 23. Iuillet 1497.

Philipes de Commines qui estoit Contemporain
de ce mesme premier President qui l’a veu
prisonnier & jugé innocent, & qui ne sçauoit
pas moins que luy quelle estoit l’authorité du
Parlement & des Ministres de son temps. puis
qu’il estoit le plus intelligent & le plus employé
de tous, assure dans son Histoire, liu. 2. chap. 14.
Que Louys XI. ayant traitté à Peronne auec le Duc de
Bourgogne, il desire retourner à Paris pour faire publier
leur appoinctement en la Cour de Parlement, pour ce que
c’est la coustume de France d y publier tous accords, autrement
ne seroient de nulle valeur. En vain cét auguste
Senat auroit-il le Roy pour chef, les Princes
du sang, les Ducs & Pairs, & les Officiers
de la Couronne pour Conseilliers & pour associés,

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si les affaires d’Estat & publiques ne s’y
traitoient aussi bien que les particulieres, quand
le cas y eschet, & qu’il y va de la police generale
du Royaume, & de la manutention de la
Couronne & de la Royauté.

 

Ces exemples & ces preiugés remarquables,
sont ce des preuues & des témoignages que le
Premier President de la Vacquerie croyoit que
la Compagnie dont il estoit le chef ne pouuoit
se mesler des affaires d’Estat apres auoir apris
de des Predecesseurs qu’elle est la baze & la source
de l’authorité Royale, & l’vnique appuy de
la Monarchie Françoise, comme nostre Histoire
le témoigne de Reyne en Reyne, & de Siecle
en Siecle, ce que nous iustifierons quelque
iour.

C’est pourquoy la Cour prononçant le 19. ensuiuant
sur les Remonstrances de M. Denis le
Mercier Chancelier de Louis Duc d’Orleans, &
sur l’exhortation du President de la Vacquerie
dont il s’agit, donna l’Arrest que nous auons
rapporté cy-deuant, deputant mesme ledit sieur
de la Vacquerie pour aller faire entendre toutes
ces choses au Roy, qui n’estoit pas suiure
son aduis, ny declarer que le Parlement ne pouuoit
prendre connoissance de ce different, ny des
affaires d’Estat dont il est l’Arbitre & le Moderateur

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cateur principal & naturel.

 

Laissant au Lecteur sans passion de voir la conformité
qu’il y a de ces plaintes & de ce procedé,
à cel es que nous faisons auiourd’huy pour vn
mesme sujet ; & de juger sainement & religieusement
de la justice & du respect qui se rencontrent
dedans la conduite de son Altesse Royale,
& du Parlement qui n’ont que le bien de l’Estat
pour object, auec la gloire du Roy, & le
soulagement de son Peuple.

Si on croit que treize ou quatorze Officiers
de ce mesme Senat, qui faussent leur serment,
qui quittent le lieu de leurs Majeurs, & qui
abandonnent leurs places & les fleurs de lys qui
les authorisent, puissent interdire & casser les
Arrests de deux cent Senateurs qui conseruent
le lict de Iustice qui les fait ce qu’ils sont, osent
entreprendre de faire vn changement & vn boulleuersement
d’Estat qui n’est point en la puissance
du Roy mesme, & casser vn Parlement de Paris
qui ne peut trouuer sa fin qu’auec la Royauté,
puis qu’il en est l’Image, qu’il est né & incorporé
auec elle, & que son establissement est vne Loix
fondamentale de la Monarchie, aussi ancien &
aussi inuiolable que la Loy Salique qui tient sa
force & sa conseruation de c’est appuy, & de ce
soustien inesbranlable de la Couronne ; Estant

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certain que personne n’auoit encore osé donner
cette atteinte à ces Colomnes veritables de
l’Estat, que le Chancelier qui en conclut, en
seella, & en verifia tout seul l’interdiction à saint
Germain en Laye, le 23. Ianuier 1649. pour faire
voir l’impuissance de sa charge, & la temerité
de ses Conseils, puisque ce fut sans aucun effect,
d’autant que les Eclipses, quelques grandes qu’elles
soiẽt n’arrestent point le cours de ce bel Astre,
& ne peuuent rien que sur les corps qui luy sont
inferieurs, pour estre le premier mobile, & celuy
qui regle toute la justice & toute la Politique
du Royaume, sans receuoir la Loy que de soy-mesme,
puis que le Roy n’est que le premier de
ses Rayons & de ses Senateurs, & qu’il represente
tout l’Estat en son vnion & sa composition
majestueuse.

 

Si dis-je vne poignée de fugitifs ont crû pouuoir
autant que s’il estoient dedans le lieu de
leurs Majeurs qu’ils delaissent & qu’ils violent si
laschement, pourquoy deux cent Conseillers qui
sont dessus le throsne vnique & singulier de sa
Majesté, assistez des Princes de son sang, des
Ducs, & Pairs & Officiers de la Couronne, aduoüez
de tout le Royaume, & secondés de tous
les Parlemens de France, n’oseront-ils prier en
toute humilité sa Majesté de rendre le calme à ses

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Sujets, d’éloigner d’auprés de sa personne l’Estrãger
qu’il a proscrit & declaré criminel, & de retourner
dedans son Louure ou il est attendu &
desiré de tous les bons François. Si dis-je quelques
membres pourris, & vne douzaine de faux
freres sans adueu, sans pouuoir, sans commission,
& sans marque de Magistrature osent
entreprendre à la face d’vn jeune Roy trompé,
vne affaire de cette importance, que ne
pourra pas le corps entier & plus sain, &
plus authorisé, lors qu’il y va de l’honneur
de sa Majesté, de la conseruation de son authorité,
& du salut de tout l’Estat. Les siecles à
venir s’estonneront d’vne temerité, & d’vne in fidelité
si grande, & ie ne sçais comme celuy d’aujourd’huy
la pourra assez punir, encore que la
honte & l’infamie que ses Autheurs en receuront
dedans l’Histoire en les nommant seulement, sera
vn supplice que les gens de bien & les gens
d’honneur ont tousiours plus craint & plus redouté
que les peines & les punitions corporelles
qui ne sont que pour ceux qui sont sans nom &
sans naissance ; puisque ; Melius est nomen bonum,
quam diuitiæ multæ ; Prouerb. cap. 22. vers. I.

 

FIN.

Section précédent(e)


Anonyme [[s. d.]], EXTRAIT DES REGISTRES DE PARLEMENT. Touchant les plaintes que Loüis Duc d’Orleans beau-frere du Roy Charles 8. fit en Parlement le 17. Iauuier 1484. Contre l’Enleuement de ce Roy par Anne de France Comtesse de Beau-jeu, & de Bourbon sa sœur, sur ce que sa Maiesté n’estoit en liberté, & que ce n’estoit point le Roy qui agissoit. , françaisRéférence RIM : M0_1354. Cote locale : B_14_5.