Anonyme [1649], LETTRE DES MILORDS D’ANGLETERREA LEVR NOVVEAV ROY, CYDEUANT Prince de Galles, à present dans la ville de Bredan en Holande, & le desaueu de l’execrable meurtre commis en la personne du Feu Roy son Pere. Traduit d’Anglois en François. , françaisRéférence RIM : M0_2074. Cote locale : A_5_49.
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LETTRE
DES
MILORDS
D’ANGLETERREA
LEVR NOVVEAV ROY, CYDEUANT
Prince de Galles, à present dans la
ville de Bredan en Holande, & le desaueu
de l’execrable meurtre commis en
la personne du Feu Roy son Pere.

Traduit d’Anglois en François.

A PARIS,
Chez Guillaume Sassier, Imprimeur & Libraire
ordinaire du Roy, ruë des Cordiers, proche
Sorbone, aux deux Tourterelles.

M. DC. XXXXIX.

Auec Permission.

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LETTRE
DES
MILORDS
D’ANGLETERRE A
LEVR NOVVEAV ROY, CYDEUANT
Prince de Galles, à present dans la
ville de Bredan en Holande, & le desaueu
de l’execrable meurtre commis en la
personne du Feu Roy son Pere.

SIRE,

C’est auec vn regret inexplicable
au cœur, & les larmes tres-ameres
aux yeux, que nous nous adressons à V.
M. pour & en nostre nom, & au nom de tous
vos veritables sujets luy demander pardon de
l’affront tres sanglant que l’Angleterre à cõmis
cõtre Charles premier pere de V. M. nostre tres-legitime
Roy & Seigneur, quoy que tres-infortuné

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Prince pour auoir rencõtré des sujets si passionnez
contre la Monarchie. Il est vray, SIRE,
que nous sommes coulpables d’vne partie de
son desastre : Nous nous sommes laissé tromper
au commencement sous le pretexte du bien
public ; Et quoy qu’on nous eut mandé de plusieurs
endroits que la doctrine de Caluin estoit
ennemie des Monarchies, & qu’ainsi nous ne
deuions leur permettre la libre entrée dans
les Estats de V. M. Neantmoins la condescendance
que nous eusmes à l’humeur pacifique
du serenissime Roy lacques premier, grand Pere
de V. M. fit que nous permismes la publication
de la doctrine de celuy, que nous estimions estre
vn instrument de Dieu pour la reformation de
son Eglise : cette doctrine ainsi tolerée prit racine
dans le cœur de plusieurs sujets de V. M. &
s’accreut insensiblement, en sorte qu’ell’est paruenuë
à cét excés, que tous les siecles suiuans ne
pourront jamais croire.

 

Voila donc, SIRE, enquoy nous auons peché,
& dont nous demandons tres-humblement pardon
à V. M. Car quand est du procez intenté
contre la personne de sa Majesté, jamais, SIRE,
nous n’y auons contribué : Vostre Majesté sçait
tres bien qu’au mesme instant qu’on proposast
à la Chambre d’Enhaut de faire le procez à sa

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Majesté. Cela nous fit telle frayeur & horreur,
que nous n’y voulusmes jamais condescendre,
tant à cause du respect que nous deuions à nostre
Souuerain, qu’à cause de la connoissance
que nous auions de l’injustice qu’on voulois
commettre enuers sa personne sacrée : C’est
vne populace irritée qui a fait cét attentat, qui
dans la perpetuité des siecles sera toûjours
tres-ignominieux à la nation Angloise.

 

Il est vray que nous lisons dans les Histoires
des siecles passez, des sujets qui quelquefois
se sont rebellez contre leur Roy, quelques particuliers
d’iceux ont esté assez possedez du Diable
pour attenter à leur personne sacrée : mais
que des sujets ayent entrepris de faire vn procez
criminel à leur Souuerain, qu’ils l’ayent
condamné à vne mort ignominieuse, & que
cette mort ait esté executée par la main d’vn
bourreau : C’est, SIRE, ce que nous confessons
ingenüment ne s’estre jamais veu dans
aucune Histoire, non pas mesme des peuples
les plus barbares, nourris comme des bestes
dans le sang des hommes. Cependant, SIRE,
c’est ce que nous auons veu de nos jours, dans
nostre pays, au milieu de nous : Nous n’auons,
SIRE, aucune excuse pour adoucir ce parricide
commis contre la personne du pere du

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peuple, & pour attenuer ce crime de leze. Majesté
au premier chef, commis contre nostre
Souuerain, que les loix diuines & humaines
nous auoient donné pour l’objet de nos honneurs
& venerations.

 

Si bien que n’ayans aucune parole, aucune
raison, ny aucun pretexte pour faire donner le
moindre suffrage d’approbation à cette tragedie
sanglante : Nous n’auons, SIRE, autre recours
qu’aux pieds de Vostre Majesté, pour obtenir
pardon de ce forfait si execrable.

Nous esperons, SIRE, que Vostre Majesté
sera assez genereuse de pardonner cette action
si detestable, non seulement à vostre Noblesse,
qui n’y a pas trempé, mais aussi au pauure
peuple qui a esté seduit. Que si le Fils de Dieu
en l’arbre de la Croix demandoit pardon pour
ceux qui le faisoient mourir par la main des
bourreaux : qui n’esperera que Vostre Majesté
ne pardonnera volontiers à ses sujets, qui ont
ensanglanté leurs mains dans le sang de leur
propre Prince, pere tres aimable de vostre Majesté :
Le fils de dieu pour toute raison dit à son
Pere, que ce peuple meritoit pardon, par ce qu’il
ne sçauoit pas ce qu’il faisoit : Nous disons le
mesme, SIRE, à Vostre Majesté, pardonnez à
ce menu peuple, qui n’a pas sçeu ce qu’il a fait

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quand il a condamné à mort son Prince, & l’a
fait executer par la main des bourreaux.

 

Il commence à connoistre sa faute, quoy que
trop tard : c’est toûjours beaucoup, SIRE, qu’il
veüille reparer en la personne de Vostre Majesté,
l’horrible & detestable, & non jamais assez deplorable
forfait, commis contre le pere de Vostre
Majesté nostre tres-honoré Seigneur & Roy ;
Partant, SIRE, venez prendre possession des
Royaumes escheus à Vostre Majesté par droit
de succession : Les couronnes d’Angleterre, Escosse,
& Hybernie, regardent Vostre Majesté
comme l’Vnique Heritier auquel elles sont deuoluës
comme fils d’vn si bon, mais si mal-heureux
Roy.

Ne croyez pas, SIRE, le bruit commun qui
veut persuader aux étrangers que nous voulons
supprimer la Monarchie pour établir vne Republique :
Vostre Majesté sçait bien que nous ne
pouuons jamais consentir à ce changement, dautant
que la Noblesse ne peut subsister qu’auec
la Souueraineté d’vn Prince, & non pas auec la
democratie d’vn peuple ennemy juré de tous
les Gentilhommes. Nous auons, SIRE, cette verité
emprainte dans nostre cœur, nous voulons la
deffendre auec nostre épée, & nous nous estimerons
tres-heureux d’épandre jusques à la derniere

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goute de nostre sang, pour maintenir l’honneur
& la dignité que nostre rang maintient :
Pour faire reüssir ce genereux dessein nous auons
besoin d’vn Chef, & nous n’en voulons pas,
SIRE, d’autre que Vostre Majesté. Venez
donc, SIRE, prendre possession de vos Royaumes,
venez à la teste de la Chambre d’Enhaut
de vostre Parlement, qui ne veut obeïr qu’à vn
Roy, & non pas à vne populace ; & Vostre
Majesté verra par experience, que pour satisfaction
du crime perpetré contre Charles premier
d’heureuse memoire, pere de Vostre Majesté, &
nostre tres-honoré Seigneur & Roy ; & pour
nous acquiter du deuoir auquel Dieu, la nature,
& nostre rang nous oblige, nous demeurerons
inuiolablement ;

 

SIRE,

De V. M.

Les tres-humbles tres-obeïssans & tres fideles
sujets & seruiteurs, les Milords d’Angleterre,
composans la Chambre haute de
vostre Parlement.

De Londres ce 12. Fevrier 1649.

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Anonyme [1649], LETTRE DES MILORDS D’ANGLETERREA LEVR NOVVEAV ROY, CYDEUANT Prince de Galles, à present dans la ville de Bredan en Holande, & le desaueu de l’execrable meurtre commis en la personne du Feu Roy son Pere. Traduit d’Anglois en François. , françaisRéférence RIM : M0_2074. Cote locale : A_5_49.