Anonyme [1649], LETTRE DERNIERE, ENVOYEÉ A LA REYNE, PAR LES BOVRGEOIS DE PARIS. , françaisRéférence RIM : M0_2068. Cote locale : A_5_72.
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LETTRE
DERNIERE,
ENVOYEÉ A LA
REYNE,
PAR LES
BOVRGEOIS
DE
PARIS.

Ce ving-iesme Mars

M. DC. XLIX.

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LETTRE DES
Bourgeois de Paris,
à la Reyne
Regente.

MADAME,

Les Citoyens de la Ville de Paris, qui autrefois
considerée pour la plus florissante
de toutes les autres est à present la plus infortunée,
ne pouuant auoir le bon-heur
de voir vostre Maiesté ny de luy parler au
suiet de son absẽnce causée ainsi qu’on leur
fait entendre par vn motif d’indignation,
dont ils auroient bien de la peine de s’accuser
apres les vœux qu’ils ont fait autrefois
pour V. M. auec tant de ferueur & apres

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tant de prieres continuelles qu’ils ont addressées
à Dieu, qui les a exaucées en vous
donnant vn Fils & â eux vn Roy, dont la
naissance miraculeuse â esté si fauorable à
la France, qu’on a veu les plus valeureux
de ses ennemis trembler d’effroy à la seule
veue de ses armes, seroit-il bien possible
(Madame) que V. M. en voulust perdre
maintenant le bon-heur & le fruict, les
tournans contre ses pauures seruiteurs &
sujets ? Quelle esperance aués vous du triõphe
& de la victoire que vous pouuez obtenir
sur eux puis qu’ils sont entierement à
vous & sousmis, comme ils ont tousiours
esté sous la puissance de vostre Maiesté, y
estant d’ailleurs tres estroittement obligez
pas diuerses considerations puisque vous
estes espouse d’vn Roy qui a mis la Iustice
au plus haut point de sa gloire, &
qui nous a fait ressentir les effets de ses
bontés auec tant de profusion que son souuenir
ne s’effacera iamais de nostre memoire,
De plus vous estes la Mere de nostre
Roy que nous pouuons appeler auec
iuste raison Dieu donné par ce qu’au temps
de sa naissance nous estions comme descheus

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de nos esperances, nous rẽconnoissons
aussi outre la grandeur de vostre naissance,
vos vertus esclatantes qui seruent
d’exemple à tous vos peuples : Voila les sujets
(Madame) que nous auons de rendre
en toute humilité nos deuoirs à vostre
Maiesté, vous assurant que nous serons
tousiours disposez à vous donner des
preuues & des tesmoignages de nostre
obeyssance pour ne point iamais douter
de nostre fidelité. Si nous auons ce malheur
d’auoir encouru vostre indignation,
nous sommes à pleindre en ce que nous
ne pouuons trouuer la cause de nos disgraces
ny le suiet de nos afflictions. Mais
(Madame) si vous estes encore dans la
creance que nous ayons esté si temeraires
que nous ayons dépleu à vostre Maiesté en
quelqu’vnes de nos actions, des à present
nous sommes preparez à luy faire de si profondes
satisfactions que nous croyons
que sa bonté mettra dans vn entier oubli
toutes nos offenses ; vous sçauez que
le pardon est le plus beau fleuron
de la Couronne des Roys aussi est il
le plus bel obiet de la puissance souueraine

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qui est en Dieu. C’est pour cela qu’vn
ancien à dit fort à propos, que quand les
Roys punissent c’est vne chose humaine,
mais qu’elle deuient toute diuine lors qu’ils
pardonnent. Que ces sentimens (Madame)
flechissent vostre cœur & que vos
oreiles ne soient point fermées pour enten-les
cris que nous poussons vers vostre Maiesté
afin de luy faire oüir le deplorable estat
ou nous sommes dans cette ville, ou la Iustice
n’est plus renduë, les pauures trouuent
a grand peine leur soulagement, les
richent perdent leur qualité, & ou enfin le
commerce ordinaire est interrompu. Nous
souffrons auec la plus grande patience que
nous pouuons toutes ces miseres, mais ce
qui nous touche plus viuement & ce qui
nous est le plus sensible c’est la priuation
de vostre presence & de celle du Roy vostre
Fils, que nous souhaitons auec vne extreme
impatience : Les membles separez
de leur chef sont sans vigueur & mouuemens
cest ce qui fait que nous ne pouuons
plus continuer nostre discours nos esprits
diminuent & nos corps s’affoiblissent & le
peu de force qui nous reste, nous l’employons

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a redoubler nos humbles prieres
enuers vostre Maiesté que nous supplions
encore de tout nostre cœur par la ferueur
de son zele, par la consideration de son
Estat, & par les prieres frequentes de tant
d’ames Religieuses qui retirées dans leurs
cellules, que vous auez si souuent visitées
n’ont recours qu’à l’Oraison en pensant au
temps present, de vous laisser vaincre &
adoucir vostre rigueur par la reflexion de
toutes ces considerations, & de nous honorer
de vostre retour si fort desiré & de
celuy de nostre Roy, protestant à V. M.
que nous prierons sans intermissian le Roy
des Roys de combler vos Maiestez de
prosperité, & de parfaite sancté. C’est le
souhait que font

 

MADAME.

Vos tres humbles fidels &
obeissans seruiteurs & sujets
les Bourgeois de Paris.

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