Anonyme [1649], LES VRAYS MOYENS DE FAIRE LA PAIX: OV, ADVIS AVX BONS FRANCOIS, SVR LES AFFAIRES PRESENTES. , françaisRéférence RIM : M0_4078. Cote locale : A_5_93.
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LES VRAYS
MOYENS
DE FAIRE
LA PAIX :
OV,
ADVIS
AVX
BONS FRANCOIS,
SVR
LES AFFAIRES PRESENTES.

A PARIS,
Chez DENYS LANGLOIS, au mont S. Hilaire,
à l’Enseigne du Pelican.

M. DC. XLIX.

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LES VRAYS MOYENS
de faire la Paix :
ov,
ADVIS AVX BONS FRANCOIS,
sur les Affaires presentes.

LA Cause du Peuple de Paris est deuenuë auiourd’huy
celle de toute la France ; c’est à luy
de répondre à la gloire que ses genereux efforts
luy ont acquise, & à ne pas démentir les
fermes resolutions qu’il a prises contre la Tyrannie
d’vn Estranger. On ne peut ignorer
qu’il est d’vn Pays où ceux qui offensent ne
pardonnent point ; dont les incendies, les violemens, les rauages,
qui ont tout desolé autour de Paris, ne sont que de trop
horribles témoins.

Les Enuieux du grand Gassion luy reprochoient à la Cour
que c’estoit vn General de Fortune, & vn Capitaine de Croates ;
Mais que sont auiourd’huy nos Conquerans sous l’empire
d’vn Sicilien, que des Chefs de Bandis, & quelque chose de
pire encore ? Ils semblent ignorer que la Guerre a ses iustes
bornes, au delà desquelles il ne luy est pas permis d’estre cruelles,
& qu’elle ases Ordonnances & ses Loix entre les Mahometans,
& les Payens ; quand ils exercent sur les prisonniers (quoy
que leurs Concitoyens, quoy que de mesme Religion) aux
yeux des Souuerains mesme, & en des lieux destinez aux diuertissemens
de la vie, des cruautez que dans Alger & dans Thunis
les plus barbares Corsaires n’exercent pas sur leurs esclaues,

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de quoy l’on n’allegue point d’autre raison, sinon que c’est
la Politique des Generaux de Pologne & d’Alemagne ; mais il
y deuroit bien auoir de la difference du procedé violent des fils
de Verriers & de Messagers eleuez par les voleries & les pillages,
tels que Bek & Iean de Verth, à des personnes de Maison
Royale, à qui l’on ne dispute point le rang que la naissance leur
donne, & auec qui la Cour & les Peuples ne combattent que
par soûmissions & par obeyssances.

 

Il est fâcheux à la France de voir que des Heros qui pourroient
marcher sur les Pas des Hercules & des Alexandres deuiennent
les Tragiques instruments de la fureur d’vn Estranger !
Tant que ce Monstre plus redoutable que les Scylles & les
Carybdes de sa Sicile tiendra le timon des affaires, il n’y a point
d’espoir de Salut, engageât-il cent fois la parole du Roy & des
Princes ; il l’a cent fois violée : En iurast-il sur l’Euangile, il n’y
croit point ; En fit-il la protestation par tout ce qu’il y a de saint
& d’inuiolable ; son impieté & son irreligion l’ont persuadé il y
a long temps, qu’on trompe les hommes par les sermens, comme
les enfans par les bagatelles, & qu’il n’y a rien que ne doiue
aisément promettre celuy qui ne veut rien tenir. Il fera mine
de se radoucir pour nous attirer, il reiettera la faute des desordres
sur la surprise & la violence d’autruy : Il s’excusera par le
peu de connoissance qu’il a du dedans, comme si son ignorance
n’estoit pas la conuiction de l’indignité de son ministere : Il parlera
des remises qu’il a fait faire de quatorze à quinze millions,
comme si aprés auoir chargé le peuple plus de la moitié qu’il
n’estoit auparauant, c’estoit vne grande grace de le décharger
du huictiéme : Il fera imprimer à S. Germain qu’il a esté le premier
Autheur du conseil donné à la Reyne de ramener le Roy
à Paris, & qu’il est bien malheureux si ses soins, & ce qu’il fait
pour nous, nous desoblige ; En fin qu’il dise ce qu’il voudra,
aprés l’enleuement de nostre ieune Monarque, aprés la guerre
& la famine qu’il a par tout déchaisnées, & la peste qui sera
peut-estre le dernier fleau de son Ministere, il faudroit estre insensez
pour écouter cette Syrene, qui chante pour nous enchanter,
& ne nous en chante que pour nous perdre.

Ce qu’il n’a peu faire à force ouuerte, il tâche de le faire par
fourberie ; pour nous affoiblir il ne songe qu’à nous diuiser, &
se vanger mesme par les graces qu’il semble nous faire. Le Bâton

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de Maréchal de France qu’il offre à vn ieune Seigneur, &
la Charge de Connestable à vn grand Prince, n’est qu’vn piege
tendu à leur liberté, & à leur vie ; il faudroit venir à la Cour
pour en prendre possession, & la Cour nourrit des monstres
qui deuorent ceux qui s’y fient. C’est là que s’opere continuellement
le mystere d’iniquité, que la trahison & le pariure passent
pour des adresses de Politique, que les empoisonnemens
& les assassinats sont les coups d’vne prudence consommée, &
que le plus delicieux repas que puisse faire vn Fauory, est celuy
d’vne illustre teste abandonnée à sa vengeance ; Non, non, ô
Peuple de Paris, on ne te veut desarmer que pour te faire passer
par les armes.

 

Il n’y a donc nulle voye d’accommodement, ce dira-t’on ?
& ceux qui ont tant crié contre la Guerre ciuile, où tout aduantage
est funeste, & toute victoire est tragique, en seront
auiourd’huy les boutefeux ? à Dieu ne plaise, il ne faut pas eterniser
nos miseres qui n’ont desia que trop duré ; mais il faut aller
à la racine ; & l’arracher tellement, qu’elle ne reprenne lamais,
quand le venin a saisi les parties nobles, & qu’il attaque
le cœur, il faut des vomitifs & des cardiaques : Le plus present
preseruatif contre le poison qui nous tuë, c’est de faire rendre
gorge à ce monstre dont la rapacité effroyable a consommé
tant de Villes & tant de Prouinces ; apres on confortera
petit à petit les parties malades, & si la France n’en recouure
son embom-point, elle sera pour le moins hors de peril.

Chassez le Mazarin & le Mazarinisme, c’est à dire, cette
brutale & ignorante maniere de gouuerner toutes choses par
impetuosité & par fureur ; Appellez la verité & la foy aux Conseils
de Louys le Iuste ; Chastiez exemplairement les prophanes,
qui ont banny ces Vierges sacrées du cabinet ; & au lieu
de la voix de la violence & de l’iniustice, faites retentir par
tout celle de l’innocence & de la douceur ; alors ce ne sera plus
le fantosme & la fausse image de la paix, ce sera la Paix effectiue
& veritable auec vos Citoyens, auec le Prince, & auec
Dieu.

Sur tout ne quittez point les armes, que les Troupes de
S. Germain n’ayent laissé les passages libres, que les Bourgeois
ne soient les Maistres de Corbeil, de Lagny, & des autres postes
qui ferment maintenant la Riuiere ; qu’on n’ait coniuré la

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tempeste du Nord, & renuoyé les Croates & les Polonnois à
l’extremité de leurs frontieres : qu’on n’ait vne Amnistie Generale
de tout le passé. Et pour les Parlements & les Seigneurs
qui ont pris le Party de la France en prenant celuy de Paris,
vne reconnoissance proportionnée à leurs grands seruices :
Vnissez vous, & le Tyran est vaincu ; diuisez vous, il est le Maistre :
Ce ne sont que rouës & que gibets qu’il traisne aprés son
char de Triomphe. Si vous receuez auec luy dans l’enceinte
de vos murailles, la perfidie, l’auarice, & la cruauté ; Autant
que vous auez de femmes & d’enfans, seront autant de victimes
immolées sur l’Autel de ses vengeances. Et qu’il ne vous
amuse point par des paroles de Paix, & ne reiette point sur vostre
Parlement le malheur de la Guerre, soubs qui toute l’Europe
gemit ; qu’il ne dise point qu’on ne peut forcer les Ennemis
par les armes, si l’on couppe les nerfs qui en font mouuoir
toutes les machines, & que l’on ne peut rien faire sans argent.
On sçait bien qu’il est necessaire à l’entretien des Armées, &
qu’il faut faire puissamment la Guerre, pour faire glorieusement
la Paix : Mais on sçait aussi qu’il n’a tenu qu’à Mazarin qu’elle
n’ait esté concluë il y a deux ans à l’aduantage de nos Alliez, à la
Gloire de la France, au bien de toute l’Europe, & au repos de
toute la Chrestienté. Rome en a iugé comme nous, laquelle
conserue encore vne haute indignation contre ce Ministre barbare,
qui seul en quarante six empescha la Paix des Princes
Chrestiens lors que Venise & l’Italie estoient le plus menacez
par les forces des Ottomans. On sçait que le Mazarin en a fait
gemir le S. Siege, lequel est sur le poinct de le dégrader, & de
faire fumer la foudre du Vatican sur cette teste detestable. On
n’a rien à nous dire à sa gloire, sinon qu’il a fait autrefois la paix
d’Italie & reconcilié la France & l’Espagne : mais outre qu’il y
a grande difference d’vn Courrier, & d’vn Ministre d’Estat, ne
sçait-on pas que déslors il fit son possible pour nous tromper,
que de plusieurs pouuoirs qu’il auoit de traitter, il ne montra
d’abord que les plus contraires à cét Estat, & ne fit voir ceux
qui nous pouuoient satisfaire qu’aprés auoir tout veu sous les
armes, qu’aprés qu’on eut desia pris le champ de bataille, fait la
priere, & receu le commandement de donner : Tellement que
ce fut le courage intrepide des François qui vint à bout des finesses
du Mazarin, & força ce rusé negociateur à demander la

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Paix pour l’Espagne, qui craignoit que le mauuais succez du
combat n’entraisnast auec soy l’entiere perte de l’Italie.

 

O Peuple ! n’escoute donc point ceux qui te disent que celuy
qui a donné vne fois la paix à l’Europe, ne peut auoir dessein
de la troubler ; ne te laisse point non plus persuader, que
quand il faudroit reformer le desordre du Royaume, & l’administration
d’vn Fauory, on deuroit remettre à vn autre temps,
& qu’il ne faut pas purger le malade quand le mal est en sa crise.
Il y a dix ans que les mesmes Empyriques qui nous traittent, &
ne font que paslier nos maux au lieu de les guerir, se seruent du
pretexte de la Guerre, quoy qu’ils ayent coniuré entr’eux de ne
faire iamais la Paix ; Ne sçait-on pas qu’ils n’ont point voulu
pacifier les troubles de la Chrestienté quand ils l’ont peu, &
que le sang de tant de Chrestiens versé par les mains Ottomanes,
le demandoient au Ciel & à la Terre. Quelle plus grande
vtilité aux Princes Chrestiens, que celle de transferer leurs armes
de leurs propres entrailles contre le Turc ? Quelle plus
grande gloire à vn Ministre de la France, & à vn Ministre Cardinal,
que d’estre l’Arbitre de tous les Potentats de l’Europe en
vn si auguste dessein ? Quel triomphe à la Regence de la Reyne,
à qui cét ingrat Ministre est tant obligé, que d’estre la Reconciliatrice
de la France & de l’Espagne, & d’auoir si chrestiennement
donné le repos à son frere & à son fils. C’est donc vne
abomination sans exemple que celle de ces horribles sang-suës
du peuple, qui pour ne rendre iamais compte de leurs concussions
& de leurs brigandages, font publier par leurs confidents
dans les plus illustres Assemblées, que la Guerre est vn temps
mal propre à reformer les Estats ; Eux qui ont horreur de la
Paix, quelque seure, vtile, & honorable qu’elle soit, aussi tost
qu’elle se presente. Deliurons deliurons la France du scandale
public qui la deshonore ; Reparons hautement l’iniure qu’elle
s’est faite à elle mesme, d’auoir souffert si long temps vn si lâche,
si ignorant, & si barbare Ministre ; Purgeons la Religion & l’Estat
de ce qui doit raisonnablement faire horreur à l’vn & à l’autre.
Quand ce Monstre sera exterminé par la Iustice du Parlement ;
Quand cét Auguste Senat, qui a desia fulminé l’Arrest,
l’aura publiquement fait executer, nous pourrons iouyr du repos
que tout le monde souhaitte, & rendre graces au Ciel sans
auoir plus aucune crainte de ce qu’il nous aura deliuré. Par ce

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moyen cét Illustre Corps fera voir qu’il n’est point de la lâche
conspiration de ces infames, lesquels abusans du caractere de
la Iustice, ont voulu si honteusement trahir les interests de leur
Patrie, & abandonner leur propre cause.

 

La Reyne mesme qu’on a creu nous estre contraire iusques
icy, si-tost que le charme sera rompu, en remerciera le Ciel la
premiere : car on ne peut croire autre chose de sa bonté, laquelle
aprés la mort du feu Roy, ayant pardonné à des ames
ambitieuses qui auoient affecté la couche Royalle, & protegé
l’honneur & la dignité de ceux qui l’estoient venu executer iusques
dans le Temple de Dieu, les Autels n’ayans point pour
eux de priuilege. Cette Reyne, dis-ie, ne doit pas s’offenser
contre vn Peuple soûmis, qui n’a pris les armes que pour s’empescher
de mourir de faim ; pour repousser la violence & l’infamie
qui eussent deshonoré lours familles, & sauuer leurs femmes
& leurs enfans. Cette Princesse qui a fait plus que le
Christianisme ne demande, éleuant aux principales charges
ses Ennemis, a qui c’estoit desia trop que de pardonner, puis
que ceste pitié la rendoit cruelle enuers son peuple, ne gardera
pas long-temps son indignation contre des Iuges equitables,
qui n’agissent que par Remonstrances ; & qui ne luy demandent
qu’vne seule grace, c’est de leur permettre de s’opposer à
des Prodiges, qui veulent en desolant la France ruiner vn
Royaume que Louys le Iuste en mourant a confié à sa garde, &
qui est l’heritage de ses enfans.

Car il faut dire à la gloire de la fidelité de Paris, & que toute
l’Europe l’entende. Si cette Ville, à qui on a fait connoistre
ses forces, & qui peut mettre trois cents mille hommes sous les
armes, n’eut voulu se tenir simplement sur la defensiue, on eut
veu dés la pointe du iour qui suiuit l’effroyable nuict où l’on
enleua son ieune Monarque, des Chefs genereux à la teste de
tout le Peuple, qui eussent esté auec cent mille Soldais redemander
leur Roy à son Rauisseur, pour ne point parler de ce
qu’on a peu faire depuis durant les autres expeditions militaires,
où les Generaux du bon party pouuoient faire du costé de
S. Germain vne puissante diuersion, lors que le mauuais Ministre
n’auoit plus de Bouclier pour le defendre.

FIN.

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