Anonyme [1652], LES VISIONS EFFROYABLES APPARVES AV PERE SVPERIEVR DES THEATINS, CONFESSEVR ET PREDICATEVR DV CARDINAL MAZARIN. Auec les trois Centuries de Pallemont Menalcas & Damette aussi Theatins. , françaisRéférence RIM : M0_4041. Cote locale : B_12_44.
Section précédent(e)

LES
VISIONS EFFROYABLES
APPARVES AV PERE SVPERIEVR DES
THEATINS,
CONFESSEVR
ET PREDICATEVR DV CARDINAL
MAZARIN.

Auec les trois Centuries de Pallemont Menalcas & Damette
aussi Theatins.

A PARIS,
Chez IACQVES BELLAY au Mont saint Hilaire,

M. DC. LII.

-- 2 --

-- 3 --

LES VISIONS EFFROYABLES
apparues au Pere Superieur des Theatins, Confesseur
& Predicateur du Cardinal Mazarin.

Auec les trois Centuries de Pallemon Menalcas
& Damette aussi Theatins.

MON REVEREND PERE EN
NOSTRE SEIGNEVR,
à tous qu’il appartiendra : Si j’estois de feu, ou
que ma langue fust assez diserte ie vous ferois
voir les estranges reuolutions de ce temps : Mais
comme dit le prouerbe. Signor padrone Colendissime
che pielissime Consacro al glorioso nomé di vostra
excellenza, chereuerenza quelle poche primesie d’ella miapenna
mais n’estant qu’vn pauure Habitant de la
vallée de Misere, ie ne puis vous dire sans larmoyer,
leffroyabili del visione di nostro partrone paelimone.
Ie vous diray seulement ce qu’il m’a raconté
lors que nous estions tous deux aux paisle : il me
raconta que vne nuict estant au milieu de son
sommeil il luy sembloit qu’il alloit par la Campagne,
accompagné seulement du bon Frere

-- 4 --

Dio Christophoro Bonanentoura Lione, & que estant
desia tard il luy falut loger chez vn Gentilhomme.
Ce qu’il fit & demanda au Portier si Mr.
permettoir bien qu’il logeast c’este nuict, le Cerbere
le rembara fort rudement comme c’est l’ordinaire
à de telle sorte de gens si on ne leur graisse
les pattes, & luy dit que Monsieur estoit empeché :
mais apres quelques prieres il le fit parler,
& l’introduisit dans le Chasteau, & le presenta
au Seigneur qui le receut fort humainement,
& luy demanda le sujet de son voyage. Celuy cy
les yeux abaissez auec vne profonde humilité, il
luy dit que Do Iules l’enuoyoit pour traiter d’affaires :
le Gentilhomme l’entendant discourir de la
sorte promit de luy donner à soupper : mais que
pour le coucher il n’auoit point de lieu vuide
qu’vne Chambre où quelques esprits malins faisoient
leur demeur : que s’il la vouloit pour luy &
son Frere, il luy accordoit de bon cœur, ce que
fit nostre bon Pere qui apres auoir bien beu &
mangé prist congé du Seigneur pour le soir, le fit
conduire dans ladite Chambre par vne veille
hallebreda qui leur donna quantité de bois pour
se chauffer puis que la saison le permettoit : le
bon Pere & nostre cher frere ne se furent pas si
tost assis que voila vn phantosme qui frappe à la
porte pour entrer, le Pere luy demanda ce qu’il
vouloit l’autre luy reparten, entrant celuy qui
viẽdra apres moy te le dira & entra la dessus ayant

-- 5 --

vne chaise qu’il posa au bout de la Table auec vne
mine si affreuse qu’elle estoit capable de faire
trembler de peur les plus asseurez. Ce phantosme
ne fut pas si tost dans la chaise qu’en voicy
vn autre qui frappe à la porte, & demande la
mesme chose que l’autre, on luy ouure, il entre :
mais auec vn visage si effroyable & si hideux que
a peine peut on en conceuoir lidée sans fremir
d’horreur, il sa sied aupres de l’autre, en voicy
encorre vn troisiesme & vn quatriesme qui font
les mesmes chose que les deux premiers ils entrẽt
l’vn apres l’autre, & s’approchent tous deux au
bout de la table tous dans chacune vne chaise, il
y auoit aparence que c’estoit tous parens, puis
qu’ils se ressembloit tans d’humeurs d’actions
que de forme, estant de nature fort grands horrible
& espouuantable, large les espaule sur teste
faitte en pain de sucre : mais bien d’vn autre couleur
les crins noirs, les yeux si forts enfonssez
dans la teste que leur domicile eust esté fort propre
à faire des boutique de Frippiers où l’on ne
voit goute pour mieux tromper le monde. Ie
vous diré que le premier auoit vne grande barbe
sans nez qui trembloit non pas tant de vieillesse
que de peur, le second semblable au premier,
si non qu’il s’embloit auoir la barbe à l’Espagnol
auec vn gozier d’Austruche, & vn ventre
de Suisse : le troisiesme estoit vn peu approchant
de celuy-cy sinon qu’il auoit les yeux secs
les mains d’vn esquelette & quand il se remuoit

-- 6 --

tant soit peu ses os sonnoient cõme des Cliquettes
de corde, ce quatriesme estoit vn petit Forgeron
reparé les iours des Festes ou bien quelque
Charbonnier a qui on ne voit que les yeux. Ie
vous diray seulement que nostre bon Pere estoit
vn peu hardy : mais le petit Frere estoit si estonné
qu’il ny auoit pas moyen de l’asseurer, auec des
tremblemens horribles que les machoires faisoiẽt
plus de bruit que la Cliquette d’vn Moulin,
Ces deux fesses s’entrechoquoient si fort qu’elle
faisoient plus de bruit qu’vn Ministre frapant
des mains quand i fait son preche ou quand on
applaudit quelqu’vn, & que les petits escolliers
frappent des mains quand leur Camarade a dict
quelque bon ergo. Ce bon frere en vn mot faisoit
plus de signes de Croix qu’il n’y en a dans le Cimetiere
des Innocens, ou dans la Clauieule de
Salomon, sans vous tenir plus long temps ie vous
diray, que nostre bon Pere leur parla de la sorte,
& leur commanda de la part du grand Dieu viuant
de luy dire qui ils estoient, & qui les auoit amenez
icy & d’ou ils estoient venus, & le temps
qu’ils demeuroient en ce Chasteau. Le premier de
ces quatre se leua, respond & luy parle en ces termes,
Moy que tu vois & qui te parle, ie suis le bisayeul,
celuy d’apres moy est mon fils & grand
pere du dernier, & le troisiesme est pere du quatriesme
tous parens : En fin ie suis le pere du grand
pere & l’ayeul de ce Gentilhomme qui demeure
dans ce Chasteau qui eumon petit fils, Ie t’apprend

-- 7 --

que nous sommes tous quatre perdus, portans les
flammes auec nous, & pour te monstrer la verité,
mets ton baston contre ma chaise, ce que le pere
fit & son baston s’enflamma, ce qui redoubla
grandement l’apprehension de nostre petit frere,
Au reste ie te commande, dit ce Phantosme que
tu aye à dire à ce Gentilhomme, que ce Chasteau
dans lequel il demeure n’est point à luy & qu’il ne
luy appartient pas, & qu’il le rende à ce Paysant
qui bat de present à sa grange, & que s’il veut
nous suiure apres sa mort il na qu’a n’en rien faire,
Ie te diray encor de plus, que ie m’estois emparé
du Chasteau durant les guerres Ciuilles du sieur
Conesquin nostre bon amy, & ainsi mes dese ndans
en auoient iouy par succession comme faict
maintenant nostre petit fils. Ces Phantosmes disparurent
à mesme temps laissant vn odeur si puante
& infectee, que nostre pauure petit frere pensa
mourir de mal au cœur & ietter trippes & boyaux
Le Pere le prit par la main & allerent aussi tost
trouuer le Gentilhomme à qui il estoit, bien tard
qu’il u’apprenoit des nouuelles de cette action,
le Pere luy dit qu’il y auoit biẽ du mistere, & qu’il
failloit vn long temps pour raconter cette histoire,
& qu’elle estoit fort estrange, que nonobstant
il luy estoit commande de luy dire & de faire le cõtenu :
Il luy dit donc comme ce Chasteau ne luy
appartenoit pas, & qu’il le failloit rendre à ce Païsant,
& le Gentilhomme entendant prononcer
ces paroles tomba comme en pasmoison, reuenu

-- 8 --

qu’il fut le Pere le consola le mieux qu’il peut,
luy disant qu’il y auoit remede, disant qu’il feroit
si bien en sorte que cette maison luy demeureroit
auec toutes les terres qui en dependent. Il fut dõc
question de faire vn beau festin & d’y mander le
Paysant seigneur pretendu dudit chasteau, qui
s’estonna d’abord de la ciuilité extra ordinaire de
nostre Gentilhomme, apres bon vin & bonne
chere de part & d’autre, nostre Pere fit si bien en
sorte par ses intrigues, que ce chasteau demeura à
ce Gentilhomme, moyennant que ce Paysant seroit
defrayé le reste de ses iours aux despens du
Gentilhomme.

 

FIN.

LES CENTVRIES DE PALEMONT
Menalcas & Damete Theatins trouuées dans vn paquet
appartenant au Cardinal Mazarin.

Ie l’auois tousiours dit que trois petits Enfans deuorez par vn
Loup seroient tousiours la proye : mais ceux qui par malheur
alloient les estouffant les feront batailler dans la ville de Paris,
quand lors ie verray Paris, pris a trois ressors les puissans Ennemis
tireront de la gloire, ils assisteront les mortels & le tigre
adoucy marchera sur la Loire, il marcheront sur les Corps mors
sans en auoir pitié, ils verront souuent tourner la peau de la
beste morte apres cela viendra vn grand Monarque par
Mer, accompagnè de six Roys & quarante Princes, sa Cauallerie
sera vestuë d’or & son Infanterie d’argent, apres luy viendra
vn plus puissant Roy par terre qui le chassera par force & la
Bataille sera si sanglante que les plus puissants en seront rongez
& quantité d’Innocens y perdront la vie.

FIN.

Section précédent(e)


Anonyme [1652], LES VISIONS EFFROYABLES APPARVES AV PERE SVPERIEVR DES THEATINS, CONFESSEVR ET PREDICATEVR DV CARDINAL MAZARIN. Auec les trois Centuries de Pallemont Menalcas & Damette aussi Theatins. , françaisRéférence RIM : M0_4041. Cote locale : B_12_44.