Anonyme [1649], LES SENTIMENS D’ARISTIDE, Sur les affaires Publiques. , françaisRéférence RIM : M0_3647. Cote locale : A_7_21.
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LES SENTIMENS
D’ARISTIDE,
Sur les affaires Publiques.

Les mouuemens fascheux qui trauaillent cét Estat, ont
émeu les Esprits, & produit vn nombre infiny de Pieces,
parmy lesquelles il y en a de bon aloy ; & tant d’autres si
ridicules & si impertinentes, que les Esprits lassez à peine
se peuuent arrester à ce qui est de meilleur & de plus
solide ; veu mesmement qu’il est bien difficile en vn mesme suiet de n’auoir
pas les mesmes pensées, & que la redite des meilleures choses fatigue
l’esprit & luy déplaist. Mais d’autant que personne, au moins
que ie sçache n’a examiné nos affaires dans le detail, & pour en faire
iugement dans les reigles de la vraye Politique ; ie suis plus hardy à
produire mes sentimens, protestant qu’ils sont sans preiugé, & que ie
n’ay autre passion ny interest, que de faire voir la verité toute pure &
sans desguisement.

Ie dis donc premierement qu’il ne faut pas tousiours iuger des affaires
par les euenemens ; car encores que les effets donnent le plus souuent la
connoissance des causes, il se rencontre quelquesfois de telles circonstances
& si differentes qu’elles forcent à s’éloigner de la reigle generale,
qu’il faut plier selon l’occurrence du temps. Et combien que cela
ait aussi lieu dans le gouuernement des Estats ; toutesfois il est bien
certain que les maximes de la Politique produisent des effets plus reglez
qu’ils ne sont pas dans les autres sciences. Et de fait celuy qui sera
versé dans l’Histoire, qui est la veritable experience de la Politique,
reconnoistra que presque tousiours vne mesme cause produit vn mesme
effet, & que dans la conduite d’vn Estat les euenemens ont vn rapport
necessaire à la façon de gouuerner.

Considerons le Royaume de France en l’estat auquel il estoit lors du
decés du deffunt Roy ; vn Ministre aussi absolu qu’il en fut iamais, l’auoit
gouuerné vn long temps. Il a tousiours entretenu la guerre ; comme
absolument necessaire à la conseruation de son authorité ; & ceste
maxime a tousiours esté pratiquée en tous Estats, ou quelque particulier
s’est emparé de l’authorité du Prince. Le peuple estoit accablé d’vn
nombre infiny d’imposts, les Prouinces & la campagne ruinees gemissoient

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sous la tyrannie insuportable des Partisans, & presteurs volontaires
ou vsuriers, qui sous pretexte du nom du Roy enuoyoiẽt par tout
leurs satellites & leurs bourreaux executer leurs brigandages auec des
cruautez épouuentables : le desordre venu à tel point ; que les Partisans
disposoient des Intendans ainsi que de leurs valets, les changeãt à leur
volonté, & dressant eux mesmes les Arrests tel qu’il leur plaisoit : &
pour ce que ces Partisans auoient esté les creatures d’vn nombre infini
d’officiers, ils ont creu qu’ils pouuoient destruire leur ouurage, & apres
auoir ruiné les anciens Officiers par les nouueaux, ils ont perdu les vns
& les autres, la violence & la fourbe, l’inuention de nouueaux imposts,
& le pretxete de tant de taxes, faire & defaire, a esté l’exercice de ces
bons personnages, & la matiere d’vne infinité d’Arrests du Conseil, si
contraires les vns aux autres, la Noblesse n’auoit pas mieux esté traitée ;
la Iustice estoit opprimée par vne violence sans exemple, & iusques
à l’infamie.

 

Les choses estoient en cét estat lors que la Reine qui auoit eu
sa part des afflictions publiques, a esté faite Regente de ce Royaume :
si elle eust esté fidellement conseillée, elle n’eust iamais retenu pour Ministres
d’Estat, ceux pour lesquels on auoit tant d’auersion, & qui
auoient attiré la haine de tous les peuples. C’est vne maxime constante
qui ne changera iamais, qu’apres le decés d’vn Prince, il faut garder
les Ministres qui ont bien gouuerné, & qui sont aymez du peuple,
& au contraire il faut éloigner, non seulement ceux qui ont
mal reussi ; mais mesmes ceux qui sont odieux sans en auoir donné
sujet ; l’inobseruance de ceste regle a fait perir des Estats, & donné d’estranges
secousses à nostre Couronne. Galba perit, pource qu’il se
seruit de Halotus, & qu’il vouloit proteger Tigellinus qui auoient
esté Ministres des cruautez de Neron. Childeric fils de Meroüée,
Louys XI. Charles V. & Charles VI. ont éprouué la verité de ceste
maxime : mais l’exemple de Charles VII. est sur tout remarquable, il
auoit prés de soy pour principaux Ministres Tannegui du Chastel,
Iean Louuet President de Prouence, & l’Euesque de Clermont qui
luy auoient rendu de tres grands seruices : En ce temps là suruint vne
guerre contre les Ducs de Bourgongne & de Bretagne, qui offrirent
de faire la paix, pourueu qu’on chassast d’aupres du Roy ceux de son
Conseil. Ces trois bons personnages François, & bons François, pour
donner la paix à l’Estat conseillent au Roy d’y consentir, ils se retirẽt
en leurs maisons, & n’essayent point à se conseruer dans le Ministere
par le faux pretexte de l’authorité du Roy, c’estoient là de fidelles Ministres ;
mais ils sont morts, & beaucoup de ceux qui sont auiourd’huy
aymeroient mieux voir perir l’Estat, que de reculer d’vn pas. Ie ne
doute point que le Cardinal de Richelieu, s’il eust suruécu le deffunt
Roy, n’eust agy tout autrement pendant vne minorité, qu’il n’auoit
fait auparauant ; il estoit trop habile homme pour ne preuoir pas les
souslemens de tout vn Royaume ; & plusieurs sont persuadez qu’il eût

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essuyé toutes les larmes qu’il auoit fait répandre, & qu’vne paix glorieuse
eust esteint la haine des peuples, & couronné toutes ses actions.

 

Ceste premiere faute de n’auoir pas changé les principaux Ministres a esté
suiuie d’vne autre, qui n’est pas moins dangereuse, en retenant vn premier
Ministre, non seulement odieux, mais estranger : car ceste maxime est tousjours
vraye qu’il arriue de grands desordres quand on remet l’administration
d’vn Estat entre les mains d’vn Estranger. Toutes les histoires sont
pleines des malheurs qui sont arriuez aux peuples par des Estrãgers. En 558.
vn Chancelier Estranger dans le Royaume de Sicile fut cause que tous les
François y furent massacrez, & ie diray en passant que les historiens remarquent
que les Italiens ont tousiours esté fort enclins à massacrer les François,
tesmoin encores les Vespres Siciliennes qu’on n’oubliera iamais.
Apres la Paix faite entre Iean Roy de France, & Edoüard Roy d’Angleterre
pour auoir voulu mettre des Anglois dans les premieres charges de l’Aquitaine,
le Roy d’Angleterre perdit par ceste mauuaise conduite tout ce
qu’il auoit gagné en la iournée de Poitiers. Iean Duc de Bretagne perdit son
pays pour auoir preferé des Estrangers à ses suiets : Le Roy Charles VIII.
esprouua bien ceste verité au voyage de Naples, & perdit ce Royaume qu’il
pouuoit conseruer en France. En 607. vn Maire du Palais estranger introduit
par vne Reyne étrangere, fut la cause d’vne guerre ciuile : la mesme
chose arriua du temps de Louys le Debonnaire, à cause d’vn certain Espagnol
nommé Berard, & de tels exemples on pourroit faire de iustes volumes.
Tristes effets d’vne mesme cause, qu’on doit bien éuiter, puis qu’ils sont
tousiours funestes & malheureux.

Et combien que les affaires de cét Estat ne se puissent conduire par les maximes
de Machiauel, parce que les François ayment bien leurs Roys par
dessus toutes choses ; mais ils peuuent moins souffrir qu’aucune autre nation
vn Ministre Estranger & Tyran. Toutesfois le Cardinal Mazarin a obserué
ponctuellement ses maximes, seule cause de nos desordres, mais qui le seront
infailliblement de sa perte.

Machiauel en plusieurs endroits de ses discours, particulierement au liu.
1. chap. 1 & au liu. 2. ch. 7. & au liu. 3. ch. 16. auance ceste maxime, Que
pour se maintenir en credit, il faut abbaisser le peuple, & le tenir pauure ; maxime
qui a dépoüillé plusieurs Roys de leurs Royaumes. Le fils de Salomon en
perdit les dix parts, & Chilperic fut chassé pour ce sujet. Certainement la
force du Prince consiste en la richesse de son pays, c’est ce qui rend vn Estat
fort & puissant, & pour se conseruer & pour s’accroistre. Le Thresor des
Roys est de conseruer leurs Richesses entre les mains, & dans la bourse de
leurs Sujets : Et il est si peu iuste qu’vn Ministre d’Estat, & vne centaine de
voleurs apres luy, Partisans, presteurs volontaires, ou vsuriers, emportent
toutes les Finances que la vraye Politique enseigne, que les Roys ne doiuent
pas mesme amasser dans leurs Espargnes de grands thresors, si ce n’est pour
quelque grand dessein. Le thresor de soixante millions d’or que laissa Tybere
perdit Caligula ; & celuy de Charles le Sage diuisa les freres, & fut cause
d’vne guerre ciuile. Le Cardinal Mazarin a suiuy Machiauel, non seulement
pour se maintenir en credit, mais pour auoir la dépoüille de tout vn

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Royaume : en sorte que sans la despense qui paroist, les Comptans de deux
années se montent à cent six millions, ce qui est presque incroyable, tant de
charges ; & de subsides ayant en fin accablé le peuple auiourdhuy reduit à
vne extréme necessité.

 

Au liu. 2. chap, 1. & au liu. 3. chap. 3. ce Politique Florentin, dit Qu’il
est bon de tenir les Peuples en diuision, & de faire mourir les amateurs du
bien Public, & remarque à ce propos pour vne grande faute en la Politique
de ce que Tarquin dernier Roy de Rome, ne fit pas tuer Brutus.

Cette maxime est toute tyrannique, & les Historiens remarquent que
lorsque Tarquin changea la domination Royale, en vne domination violente,
il vint à mespriser la Noblesse, les Patriciens & le peuple corrompit
la Iustice, osta l’authorité au Senat qu’il auoit tousiours euë, faisoit perir ceux
qui se plaignoient du desordre, & mourir plusieurs grands & notables personnages
seuerement & sans forme de Iustice, imposoit des tribus extraordinaires
sur le peuple, & ruïnoit tout ce qui estoit dans l’estenduë de l’Empire.

Nostre Cardinal n’a rien oublié de tout cela, les impositions de toutes sortes,
les proscriptions des plus gens de bien, & leur mort secrette, en fournissent
vne preuue bien authentique, il s’est mocqué des plaintes & des gemissemens
des pauures, de toutes les remonstrances qui ont esté faites, & semble
qu’il ait voulu rehausser l’esclat de sa pourpre du Sang du pauure peuple.

Ce fidelle imitateur de la doctrine de Machiauel, a suiuy encore ce precepte
qui se trouue au liu. 2. ch. 13. & 18. du Prince, & au liu. 1. chap. 42. des
discours : Qu’on doit s’estudier à manier les esprits pour les tromper, & qu’on ne
doit craindre pour cét effet de se pariurer & dissimuler ; ce que le Cardinal
a pratiqué, & practique encores auiourd’huy fort exactement.

Mais il faut voir si dans son dessein mesmes il ne s’est point mesconté, lors
que le Parlement voulut arrester les desordres de l’Estat ; ce qui donna lieu
aux Barricades, fut qu’au preiudice d’vne Conference commencée, & au
iour d’vne Feste de reioüyssance publique, on enleua violemment deux des
principaux Senateurs, zelez au bien public, & encores au mesme tẽps qu’on
auoit enuoyé chez l’vn pour l’auertir de se trouuer au lieu assigné : ce qui
s’est passé iusques à la Declaration du mois d’Octobre dernier, a esté conduit
d’vn mesme Esprit, & comme il a veu qu’il ne pouuoit effectuer ce qu’il s’estoit
promis ny empescher l’effet de cette Declaration, qui en quelque sorte
arrestoit le cours du plus grãd mal : dans la plus rude saison, il enleua le Roy
de nuict, & accuse le Parlement de l’auoir voulu liurer aux Ennemis de l’Estat.
Paris est bloqué ; & on fait ce qu’on peut pour ruïner cette grande Ville.
Si le dessein eust reüssi Paris seroit bruslé, & tous les Habitans se seroient
massacrez les vns & les autres : ce qui s’est fait és enuirons de Paris, & à lesgard
de tant d’ames innocentes fait assez iuger quelle estoit l’intention pour
le dedans.

Encores que les Estats, & la societé humaine ne puissent subsister sans la
Foy, Machiauel enseigne le contraire. Tacite remarque, & l’Histoire nous
apprend combien l’obseruatiõ de la parole & les traitez de bõne foy ont seruy
aux Romains qui en estoient Religieux obseruateurs, & qui tenoient
pour vne maxime inuiolable, que la foy ne veut estre ny violée, ny suspecte,

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aussi ont ils tousiours reietté les moyens de fraude qui leur estoient
proposez, pour l’accroissement de leur Republique. Ces sages Politiques
sçauoient bien que la fourbe fait perdre toute creance, &
qu’ordinairement elle produit ses plus fascheux effets sur ses propres
autheurs : il y en a vne infinité d’exemples dans les Histoires,
particulierement en celle de France, & i’estime qu’auiourd’huy
le Cardinal Mazarin l’esprouue en sa personne, les choses passées
feront tousiours craindre l’aduenir, & maintenant qu’il se dit Seruiteur
& amy du Parlement & du peuple, ie ne pense pas qu’il y ait personne
qui le croye & qui ne se deffie tousiours d’vn Italien reconcilié :
toute sa procedure n’est qu’vn tissu de fourbes, les propositions les plus
specieuses ne sont qu’vn piege, & vn feu caché d’vn peu de cendre qui
se ralumera si-tost que les affaires seront au point qu’il les demande.

 

Ie ne le blasme pas d’auoir trouué son contrepoids entre les deux premiers
Princes, & c’est ce qui l’a empesché de tomber, & luy a esté encores
auantageux de rejetter sur vn autre autant qu’il a pû, tous les
crimes qui se sont commis & tout le mal qui s’est fait, & de s’estre voulu
descharger d’vne partie de la haine qu’on auoit pour luy sur vne
personne plus considerable : le Cardinal de Richelieu s’est seruy adroittement
de cet artifice en deux ou trois rencontres, mais il se seroit bien
donné garde de vouloir perdre Paris, il n’y a qu’vn Estranger qui puisse
auoir cette pensée ; mais quand le Cardinal de Richelieu auroit eu
ce dessein, il ne se seroit iamais seruy de la force ouuerte, car c’est tenter
l’impossible à moins que de risquer euidemment tout le Royaume.

C’est encores bien iustement que le Cardinal Mazarin craignoit que
les Barricades ne fussent immediatement suiuies de l’Arrest rendu le 8.
Ianuier, & qui fut preuenu par la Conference : vray-semblablement
il eust esté contraint de ceder, & n’eust pas eu le temps de se premunir
ainsi qu’il a fait & autant qu’il a pû contre cet orage, qui dés ce temps-là
s’estoit esleué pour le perdre. Il a abusé de la procedure sincere du
Parlement, & tout ce dont il se peut vanter, c’est d’auoir trompé des
gens de bien : que si leur retenuë & leur prudence à retardé l’auancement
des affaires, ils n’en sont point coupables, & c’est en cela qu’il ne
faut pas iuger par les Euenemens ; car i’aduouë que comme cette importante
affaire a donné à toute la France, l’Esperance d’vne prompte
reformation dans l’Estat, & la Paix Generale, d’abord tout sembloit
conspirer à ce dessein, & maintenant on iuge bien que si tous les
esprits n’eussent eu que la pensée du bien public, sans y mesler leurs interests
qu’il y auroit vne solide paix. Ce n’est pas mon dessein d’examiner
les raisons de tout ce qui s’est passé, si dans l’esperance d’vn accommodement,
on a bien fait de n’aigrir pas les affaires, & de n’enuoyer
pas si tost les Lettres circulaires, si l’on a deub mettre hors la ville,
les bouches inutiles ou non. Si dans le commencement on a pû empescher
le blocus de Paris, & conseruer les passages les plus importans,
si la leuée des gens de guerre a respondu à beaucoup pres à la leuée des

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deniers. Si on deuoit secourir Charenton, ou non ; & si on n’auoit pas
ce dessein, pourquoy on n’a pas conserué la Garnison : s’il est vray que
sans mettre les Habitans de Paris au hazard, il y auoit moyen au retour
de l’armée de monsieur le Prince en ses postes, de luy donner vn notable
echec. Si on a deub abandonner Brie-Comte-Robert, &c. Ie n’entreprens
pas de raisonner là dessus, cela demande plus de cognoissance
que ie n’en ay, mais ie pense que sans me tromper, ie puis veritablement
& iustement m’escrier, O interest particulier ! fausse diuinité,
mais pourtant toute puissante icy bas, & plus suiuie que le vray Dieu,
que tu persuade, aisément ce qu’il te plaist : qu’on appaise vn mescontent,
qu’on satisface à l’ambition d’vn autre, qu’on recompense vn
frere, & qu’on distribuë des Benefices, qu’on donne vn gouuernemẽt,
vne charge, vne suruiuance, vne pẽsion, &c. le pauure Public se verra
bien-tost abandonné d’vne partie de ses Zelateurs plus ardans, qui se
prennent dans ces pieges, & qui payent tousiours la peine de leur
lascheté. Ce n’est pas que le changement d’aduis procede tousiours de
cette cause, vn Medecin expert, proposera vn remede, pour chasser le
mal qui luy est present ; Que si la fiebure suruient, & qu’elle predomine,
on change les remedes, & on ne pense plus qu’à ce qui est le
plus à craindre. Vn bon Politique en fait ainsi : on quitte le soin d’vn
moindre mal, pour en éuiter vn plus grand, & qui presse ; mais cet interest
particulier, remuë si puissamment, toutes les facultez de l’ame,
qu’en offusquant la pureté de la raison, il arriue que ceux qui sont si attachez
à eux-mesmes, quittent des moyens faciles qui leur pourroient
donner ce qu’ils demandent, pour suiure vne fausse prudence, qui les
trompe & qui les punit iustement. Mais entre tous ceux qui sont possedez
par ce Demon d’interest, il n’y en a point qui soient plus extrauagans,
que les Partisans & ces presteurs volontaires ; si on les veut
croire, l’authorité du Roy ne peut estre conseruée, que dans leur protection ;
& ils font cõsister cette authorité absoluë, à ruïner tous les sujets
du Roy, & à perdre le Royaume : certainement cela est digne de
commiseration d’en voir quelques-vns d’entreux personnes d’honneur,
en toute autre chose, si aueugles en ce point, & si sensible, à leur
interest, qu’ayant le Iugement entierement peruerty, ils s’emportent
à des extrauagances pitoyables, à des souhaits criminels, & à des pensées
execrables à l’esgard de Dieu, & à l’esgard des hommes semblables
à ces fols, qui ne s’esloignẽt du sens commun, & de la raison que
lors qu’ils viennent à leur foible, & à parler des choses qui ont quelque
rapport à la cause de leur mal. De tant de passions si differẽtes, & de
tant de sorte d’Interests, il ny a que Dieu seul, qui en puisse tirer la paix
que nous luy demandons, que chacun cherche son Interest tant qu’il
voudra & qu’il suiue son sens, & ses appetits, on fera tousiours la volonté
de Dieu, quand on ne le voudroit pas, & lequel sçaura bien faire
reüssir toutes choses, selon son Conseil secret, & sa Sagesse eternelle.

 

FIN.

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