Anonyme [1649 [?]], LES REGRETS DE L’ABSENCE DV ROY. , françaisRéférence RIM : M0_3079. Cote locale : C_8_45.
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LES REGRETS
DE L’ABSENCE
DV ROY.

 


Les prez n’ont point tant de brins d’herbes,
Les granges n’ont point tant de gerbes,
La mer n’a point tant de poissons,
Ny la fiévre tant de frissons.
Les [1 mot ill.] n’ont point tant de marbres,
Ny les forests tant de pieds d’arbres ;
Vn crible n’a point tant de trous,
Vn esclaue n’a point tant de coups,
La Holande n’a tant de toilles,
Et le Ciel n’a point tant d’estoilles ;
Bocan n’a point tant de fredons,
Vn Iubilé tant de pardons,
Ny la Beausse tant d’aloüettes,
Paris n’a point tant de coquettes.
Le iour de l’An tant de presens,
La pluye n’a point tant de gouttes,
La campagne tant de routtes,
Les Villes n’out point tant de maisons,
Ny les Docteurs tant de raisons ;
Vn renard n’a tant de finesses,
Ny les Cesars tant de prouesses ;

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La faueur tant d’adorateurs,
Ny les theatres tant d’Acteurs ;
Desprez n’a fait tant de lexiues,
Et Lucques chez luy n’a tant d’oliues,
L’hyuer n’a point tant de glaçons,
L’Esté n’a point tant de moissons,
L’Affrique n’a point tans de Mores,
Ny Balsac tant de metaphores,
Les Iuifs n’ont point tant d’vsuriers,
Bellonne n’a tant de guerriers ;
Marseille n’a point tant de figues,
Vn Banquier n’a point tant d’intriques :
Bisserre n’a tant de lutins,
Ny chez Cormier tant de festins :
Les Normãds n’ont pas tant de põmes.
La Neueu n’a tant cogneu d’hommes ;
La febve n’a tant fait de Roys,
Le Digeste n’a tant de loix,
Bagnolet n’a point tant de fraizes,
Au Sermon n’y a tant de chaises ;
Le bal n’a point tant de mignons,
Ny la Gascogne tant d’oignons ;
Les Payens n’ont point tant d’Idoles,
Les Orateurs tant de paroles ;
La vieillesse tant de poils blancs,
Les familles n’ont tant d’enfans,
Montpellier n’a point tant de poudres,
Iupiter n’a point tant de foudres ;
Le Berry n’a tant de moutons,
Le mois d’Auril tant de boutons ;
Le Cours n’a point tant de carosses,
Les Cimetieres tant de bosses.
La Brie n’a point tant d’angelots,
Le Havre tant de Matelots ;
Les oïseaux n’ont point tant de plumes,

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Ny les peuples tant de Coustumes :
Les chãps n’ont point tant de buissons,
Les Escoliers tant de leçons,
Les hostes n’ont point tant d’enseignes,
Le Limosin tant de chastaignes,
Baccus n’a point tant de supposts,
La France n’a point tant d’imposts,
Le grand Turc tant de concubines,
Les roses n’ont point tant d’espines ;
L’Automne n’a point tant de fruicts,
Les Caues n’ont point tant de muids :
Vn barbet tant de banbeloques,
Vn Iesuite tant d’equiuoques ;
Les ioüeurs n’ont tant de sermens.
La Flandre tant de passement ;
Nevers n’a point tant fait de verres
Le froid n’émeut tant de catherres,
Moulins n’a point tant de cizeaux,
Et Chastelleraut tant de cousteaux ;
L’Arrestin n’a tant de postures,
Les Harangeres tant d’iniures ;
Gennes n’a point tant de satin,
Les Escholiers tant de Latin :
Les flateurs n’ont point tãt de loüãges,
Ny la Prouence tant d’oranges :
La Chine n’a point tant de thresors,
La peste n’abat tant de corps ;
Les Poëtes n’ont point tant de rimes,
Les meschans n’ont p. tant de crimes ;
L’Enfer n’a point tant de tourmens,
La Logique tant d’argumens,
Les Dieux n’ont point tant de prieres,
Ny le Sabat tant de sorcieres ;
Les poules ne font point tant d’œufs,
Poissi ne vend point tant de bœufs :

 

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Les foux n’ont point tant de chimeres
Ny le Poictou tant de viperes.
Vienne n’a point tant de lames,
Charon ne passe point tant de Dames
Les liures n’ont point tant de feuillets,
Ny les blanques tant de billets.
Les trompeurs n’ont tant de feintes,
Les ialoux n’ont tant de craintes.
Cupidon n’a point tant de traits,
Et Venus n’a point tant d’attraits :
Caën ne fit iamais tant de bources,
La terre n’a point tant de sources,
Les garennes tant de lapins,
Ny les Alpes tant de sapins.
Vn Arsenac n’a point tant d’armes
La mort n’attire tant de larmes ;
L’Hospital n’a point tant de gueux,
La Saint Iean n’a point tant de feux.
Les Conuents n’ont tant de Moynes,
Les Euesques tant de Chanoines ;
L’Espagne tant de Rodomonts,
Le Caresme tant de Sermons,
Les balets n’ont tant de figures,
Les voyageurs tant d’auentures :
Les prisons n’ont tant de verroux,
Aubervilliers n’a tant de choux ;
Les Princes n’ont point tant de pages
Les navires tant de cordages,
L’Anjou n’a point tant de melons,
Fontainebleau tant de sablons :
Reims n’a point tant de pain despices,
Les peintres tant de caprices,
La fripperie n’a tant d’habits,
Les yurognes tant de rubits.
Vn hydre n’a point tant de testes,

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Les poissons n’ont point tant d’arrestes,
La Bourgogne tant de raisins,
La Noblesse tant de cousins,
Les cocus n’ont point tant de cornes,
Les heritages tant de bornes,
La Lune tant de changemens,
Les iours n’ont point tant de momens ;
Les hayes n’ont tant de prunelles,
La Gazette tant de Nouuelles.
Le Mans n’a point tant de chappons,
Les Colleges tant de frippons,
L’Espargne n’a tant de finances,
Les Roys n’ont fait tant d’ordonnances.
Les lacquais ne font tant de pas,
Les fanfarons tant de combats,
Ny les Prestres tant de Seruices,
Estampes n’a tant d’escreuisses.
Saint Iacques n’a tant de bourdons,
Les Rotisseurs tant de lardons,
Les zelez n’ont point tant d’extases,
Les Pedans n’ont point tant de phrases.
Tabarin n’a point tant d’onguents,
Et Vendosme n’a tant de gands :
Rome n’a point tant de merueilles,
Et les banquets tant de bouteilles,
Margot n’a tant fait d’eschaudez,
Gallet n’a tant poussé de dez.
Le Monde n’a point tant d’années,
Et cent mil ans tant de iournées,
Les greniers n’ont point tant de rats,
Les galeres tant de forçats,
Les Parpaillots tant de rebelles,
Ny les filoux tant de querelles :
Les belles n’ont tant de poullets,
Liesse tant de Chappelets.

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Les espics n’ont point tant de grains,
Lorette tant de pelerins,
Saint Michel n’a tant de coquilles,
Ny Melun n’a point tant d’anguilles,
Les vergers n’ont point tant de plants,
Cormier n’a tant tiré de dents.
Les chevres n’ont point tant de crottes,
Ny la Musique tant de nottes,
Breda n’a point tant de chappeaux,
Saint Cloud n’a point tant de gasteaux.
Les Marais n’ont tant de grenoüilles,
Et Troyes n’a point tant d’andouilles.
Lyon n’a point tant de marrons,
Les forests n’ont tant de larrons :
Vn Courier n’a tant de dépeches,
Et Corbeil n’a point tant de pesches.
Dumonstier n’a tant de crayons,
L’Italie tant de coyons,
Les Courtisans tant de maistresses,
L’amour n’a point tant de caresses,
Les Indes n’ont tant de tabac,
Orleans tant de cotignac.
Pont-leuesque tant de frommages,
Ny les Eglises tant d’Images,
La guerre n’a tant de hazards,
Vn gausseur n’a tant de brocards.
Vn chasseur n’a point tant de ruzes,
Vn menteur n’a point tant d’excuses.
Saint Mathurin n’a tant de foux,
Vn Regiment n’a tant de poux,
Les iours gras tant de mascarades,
Les maistresses n’ont tant d’aubades,
Les Monarques tant de subiets,
Et Mazarin tant de projets,
Les heures n’ont tant de minuttes,

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Les armées n’ont tant de huttes,
Les cabarets n’ont tant de pots,
La Picardie tant de sots,
Les possedez tant de grimaces,
Venise n’a point tant de glaces,
Les Iuges n’ont tant de placets,
Les chicaneurs tant de procez,
Le port au foing tant de canailles,
Ny les Cagouts tant de medailles,
Sedan n’a point tant de pistolets,
L’Auuergne n’a tant de mulets,
Le feu n’a point tant d’estincelles,
Et les Cloistres tant de pucelles,
Le siecle n’a tant d’esprits forts,
Et les luts n’ont point tant d’accords.
Les charlatans n’ont tant de drogues
Et l’Angleterre tant de dogues,
Mayence n’a tant de iambons,
Les forges n’ont tant de charbons,
Les pantalons tant de sonnettes,
Ny les bouffons tant de sornettes,
Les rentes n’ont tant d’interests,
La Cour n’a tant donné d’Arrests.
Apollon n’a tant rendu d’oracles,
Ny les Saints tant fait de miracles.
La vigne n’a tant de bourgeons,
Les colombiers tant de pigeons,
Vn Notaire tant de paraffes,
Ny Saint Denis tant d’Epitaphes.
Les bordels n’ont tant de putains,
Vn four aban tant cuit de pains,
L’Hostel-Dieu n’a tant de malades,
Ny les iardins tant de salades :
Les palais n’ont tant de plaideurs,
Ny l’Arabie tant d’odeurs.

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Monsieur Iuif n’a tant fait d’emplastres,
Ny l’or n’a point tant d’idolatres,
Flores n’a point tant de bouquets,
Les Messagers tant de paquets.
Morphee n’a point tant de songes,
Les Almanachs tant de mensonges,
Vn dedale tant de destours,
Vne espousée tant d’attours,
Vn bigeare n’a tant de quintes,
Vn affligé n’a tant de plaintes,
Les estangs n’ont tant de rozeaux,
Les voyeries tant de corbeaux.
Les ruches n’ont point tãt de mouches,
La Renommée tant de bouches.
Vn amant n’a tant de souspirs,
Et l’air n’a point tant de sephirs.
Le Perou n’a point tant de mines,
L’Orient tant de perles fines,
Le printemps n’a point tant de fleurs.
L’Aurore n’estend tant de pleurs.
La nuit n’a point de phantosmes,
Le Soleil n’a point tant d’atosmes.
Enfin l’eau, la Terre & les Cieux
Font moins voir d’obiets à nos yeux,
Que i’ay d’enuie que la Reyne,
Tost à paris le Roy ramené.

 

FIN.

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