Les particularitez de tout ce
qui s’est fait & passé au Parlement.
La trahison de Mazarin
descouuerte, Auec la
Lettre de Cachet du Roy
aux Deputez, & celle du
President de Nesmond au
Parlement.

C’est vne chose estrange que
le ris se mesle quelquefois
parmy les pleurs, & que nous
sommes souuent incitez à
rire dans nos mal-heurs. C’est
ce qui fait fort bien representer
la tragedie de nos miseres,
que le Cardinal Mazarin fait ioüer par toute
la France. Ces façons de faire, quoy que funestes,
sont ridicules, & particulierement
dans la Cour, où il ne se ioüe que des farces. La
maniere auec laquelle il agit auec nos Deputez,
est non seulement pernicieuse, mais facecieuse.

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On leur a fait icy écrire des esperances de paix :
Il a mesme fait donner parole au Roy pour son
esloignement, En suitte fait demander d’autres
Deputez pour rafraichir ceux-cy : Et quand ils
persistoient pour auoir répõse, il leur faisoit dire :
Le Roy ne respond point auiourd’huy, la mort
inéuitable de Manchini l’afflige trop, attendez,
reuenez demain. Et en suite quand il desloge
sans faire donner response, il fait donner charge
ausdits Deputez d’attendre dans sainct Denis
la response du Roy, qui leur doit enuoyer
au plus tard le lendemain à midy, & cependant
tire tousiours ses chausses. A t’on iamais veu telles
pantalonades, telles intrigues de theatre :
pour moy ie ne m’en estonne pas, car c’est l’humeur
ordinaire des Tyrans, & tel estoit l’Empereur
Neron, de mesme pays, qui s’estimoit le
meilleur farceur de son temps. D’autre costé
pour mieux ioüer son rolle, il fit enuoyer vne
lettre, pour troubler à son ordinaire l’Assemblée.
Mais Messieurs les Princes sur la resolution
qu’ils prirent d’aller querir les Deputez, la
differerent à ce iourd’huy 18. les ayant laissez à
sainct Denis iusqu’à midy, pour attendre cette
parole promise, qui ne produira pas grand effet.

 

Cependant il n’ont pas laissé de s’assembler,
& tous les Presidens & Conseillers mandez, Son

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Altesse Royale, Messieurs les Princes, & Ducs
& Pairs, qui se sont trouuez en cette Ville, y
sont allez dés six heures du matin, où ayant mis
en deliberation ce nouueau enleuement du
Roy, & ceprocedé estrange du Cardinal Mazarin,
pour ne plus differer la guerison à nos
maux, est suruenu la Lettre de Monsieur le
President de Nesmond, addressante au Parlement,
dont voicy la teneur.

 

Lettre des Deputez au Parlement.

MESSIEVRS,

Ayant icy attendu la response du
Roy, suiuant le commandement qu’il nous en
auoit fait, Sa Majesté nous a enuoyé à minuit
vne Lettre de Cachet, par laquelle il nous mande
de la venir trouuer à Pontoise pour affaires
vrgentes, ausquelles il a besoin de nous, auec
escorte pour nous y conduire en seureté. Sur ce,
nous vous auons dépesché ce Courier, pour
vous en donner auis, afin de suiure vos ordres
dans vne conioincture d’affaire si pressante :
Nous nous en remettons à vos sages conduites,
comme estans,

MESSIEVRS,

Vos tres-humbles, &c.

La lettre de Monsieur le President de Nemond
contient la teneur de la Lettre de Cachet
du Roy, c’est pourquoy il auroit esté inutile

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de vous la donner à part.

 

Cette Lettre a rompu l’Assemblée comme
les autres, & aussi-tost Monsieur le Prince s’est
leué fort indigné, & apris resolution deuant
Son Altesse & Messieurs du Parlement, de retourner
à Sainct Denis, les querir auec vne partie
de son armée, & d’vn mesme temps est allé
monter à Cheual : beaucoup de Volontaires se
sont offerts à le suiure, lesquels il a receus auec
grande ioye & remerciment, leur ayant dit, que
tous ceux qui voudroient venir dans vne si genereuse
occasion, seroient les tres-bien venus.
Beaucoup se doutoient hier de cette trahison,
& mesmes Messieurs les Princes voulurent emmener
Messieurs les Deputez, leur representant
qu’il ne falloit point s’attendre à ceux qui ne
leur auoient iamais tenu parole, & qui faisoient
gloire de ne la pas tenir. Neantmoins
ils insisterent sur ce qu’ils auoient engagé leur
parole à Sa Majesté, à laquelle il ne vouloient
mãquer pour quoy que ce fut, ne voulant suiure
en ce rencontre l’exemple des Italiens, mais
plustost de veritables François. Toutesfois ie
croy qu’il est permis de combatre contre l’ennemy,
par les mesmes armes dont il nous attaque,
& s’il ne nous tient pas la foy, apres nous
auoir manqué le premier, nous ne sommes pas
obligez à luy tenir vne autre fois.

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Monsieur le Prince & Monsieur de Beaufort
sont allez auec mille ou douze cens Cheuaux,
& ie croy qu’il s’y trouuera bien du moins
autant de volontaires de Paris, car l’honneur,
l’interest de la patrie, le droict des gens, & la
foy publique, qui est violée en ce rencontre,
oblige tous ceux qui sont capables de porter
les armes, de les seconder dans vne si genereuse
entreprise. Enfin ie croy qu’il n’y a plus
d’aueugles dans Paris, & que ceux mesme qui
penchoient au party de Mazarin pour certaines
considerations, voyent clairement que le Roy
n’est plus à nous, & qu’il est au Cardinal seul,
qui en dispose selon sa volonté, c’est pourquoy
s’il nous reste du respect, de l’amour, & de la
tendresse pour nostre Roy, nous le deuons
tesmoigner en cette occasion, pour le deliurer
de cette captiuité, tant par nos biens que par
nos personnes.

Son Altesse Royale s’est resoluë d’y aller elle
mesme, c’est ce qui anime plusieurs Volontaires
à seconder la generosité de ce Prince, si
affectionné au bien de l’Estat. Monsieur le Prince
y laissa quatre ou cinq cens hommes pour empescher
quelque surprise, & y mene encore de
nouuelles troupes, de crainte qu’on ne s’oppose
à leur dessein.

FIN.

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