Anonyme [1652], LE TROISIESME COMBAT DONNÉ DEVANT ESTAMPES A L’ATTAQVE DE SES FAVX-BOVRGS, Où le Mareschal de Turenne a encore perdu plus de cinq cens hommes. Et l’entrée dans ladite Ville de cent Caualiers des Princes, chargez de munitions de guerre. Auec les noms des morts, blessez & prisonniers. La nuict du 30. au 31. May 1652. , françaisRéférence RIM : M0_3891. Cote locale : B_19_44.
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LE TROISIESME
COMBAT
DONNÉ
DEVANT ESTAMPES
A L’ATTAQVE DE SES FAVX-BOVRGS,
Où le Mareschal de Turenne a encore
perdu plus de cinq cens
hommes.

Et l’entrée dans ladite Ville de cent Caualiers des Princes,
chargez de munitions de guerre.

Auec les noms des morts, blessez & prisonniers.

La nuict du 30. au 31. May 1652.

A PARIS,
Chez IEAN BRVNET, ruë Sainte Anne.

M. DC. LII.

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Le troisiesme combat donné
deuant Estampes à l’attaque
de ses Faux-bourgs, où le
Mareschal de Turenne a encore
perdu plus de cinq cens
hommes : Et l’entrée dans ladite
Ville de cent Caualiers
des Princes, chargez de munitions
de guerre.

AVANT que de vous donner le contenu
en cette piece, i’ay creu qu’il n’estoit pas
hors de propos de vous donner vn petit
aduertissement sur toutes les deffaites
imaginaires que les Gazetiers ont fait ces iours passez
sur quelques faux bruits qu’on auoit fait courir,
afin de vous faire sçauoir que celle-cy n’est pas du
nombre des inuentées, mais tres-veritable, & suiuant
la lettre du Comte de Tauanes escrite à Monsieur
le Prince, & apportée par vn soldat déguisé en
Païsan. C’est veritablement faire tort à la valeur de
nos Princes & au courage de leurs soldats, que de
supposer des victoires qui leur sont inconnuës, veu

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qu’ils sont assez capables d’en remporter de veritables
quand le temps leur fournit des occasions, & ie
croy que ce sont des effets des Mazarins, pour faire
perdre le credit que Monsieur le Prince s’est aquis
depuis si long-temps dans toutes les armées qu’il a
commandées pour le Roy : ainsi que le bruit qui a
couru de la trahison d’Estampes, qui n’estoit inuentée
que pour ietter la deffiance parmy nos troupes,
qui sont si bien vnies, qu’elles ont fait ressentir aux
Mazarins des effets de leur force & de leur bonne intelligence
dans cette derniere occasion, ainsi que
vous allez apprendre par la suite de ce discours.

 

Vous auez leu deux Relations differentes du
combat qui s’estoit donné aux approches d’Estampes :
mais comme il n’est specifié dans aucune des
deux les veritables particularitez de ce qui s’y est passe,
ny la quantité au vray des morts & blessez. I’ay
creu qu’il ne seroit pas hors de propos, auant de vous
parler de ce qui s’est passé depuis, de vous en toucher
quelque chose par le menu.

Le Mareschal de Turenne, sur la resolution prise
par le Cardinal Mazarin d’attaquer Estampes, fit
aduancer l’auant-garde de son armée, où estoient
quatre Compagnies du Regiment des Gardes, le
Regiment de Picardie, Piedmont, & quatre autres
Regimens de Caualerie, & apres auoir pris leur
quartiers, furent deslogez par la sortie que nos
Estampois firent sur eux du costé de Paris, & par vn
autre encore plus chaude du costé d’Orleans, où les

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Regimens de Son Altesse Royale, de Languedoc
& Valois les chargerent si vertement, qu’ils deffirent
presque tout le Regiment de Picardie, s’estant auancé
du costé de l’Eminence, d’où ils furent chassez
fort promptement. Neantmoins quelque ardeur
que nos gens tesmoignassent à se deffendre, les ennemis
ne laissoient pas de s’opiniastrer, & firent vne
nouuelle attaque du costé du Moulin, d’où ils furent
pareillement repoussez auec grande perte dés leurs :
Bref le combat ayant duré plus de quatre heures, il
y fut tué selon la lettre mesme de Monsieur de Tauanes
quatre à cinq cens hommes, cent prisonniers
& autant de blessez, entre lesquels sont les sieurs
Marquis de Vardes au poignet, & le Comte de
Grand-Pré d’vn coup de mousquet à la cuisse, le
Cheualier de la Vieuuille de deux coups de mousquet,
vn à la cuisse, & l’autre qui luy casse la cheuille
du pied, dont il est en danger de perdre la
jambe : le Marquis de Renel a aussi esté blessé, & le
sieur de Genlis Capitaine aux Gardes, on nous a
aussi asseuré que le sieur de Manciny y a esté blessé
au bras, dont il espere d’estre bien mieux recompensé
que les autres, car le Cardinal Mazarin fera
bien valoir cette blesseure au Roy. Messieurs le
Comte de Tauanes & le Baron de Clinchamp, font
bien voir tous les iours par leurs sorties aux Mazarins,
qu’ils ne sont pas gens à se donner à si bon
marché qu’ils pensent, ils y font paroistre toute la
diligence & la valeur que l’on peut esperer de deux

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grands Chefs experimentez au fait de la guerre tels
qu’ils sont.

 

La nuict du trente au trente-vn, ils receurent encore
trois attaques de la part des ennemis fort
rudes, du costé du Faux-bourg de Paris, & de
l’autre de la porte d’Orleans, qu’ils soustinrent
courageusement ; il y eut encore de braues gens
tuez de part & d’autre, dont on ne scait pas encore
les noms ; mais ils y perdirent encore plus de quatre
à cinq cens hommes, ayant d’esia fait vn logement
à l’entrée du Faux-bourg, qui leur fut enleué
au mesme instant. Il y a eu dans cette derniere attaque
outre le nombre cy dessus, quantité de gens de
marques, dont on compte quatre Mareschaux de
Camp tuez ou blessez, & Broglio qui s’est sauué
à pied, son Regiment ayant esté deffait. Monsieur
le Comte de Tauanes n’a sceu en mander les noms
attendu qu’il n’estoit pas encore iour quand il a
enuoyé son Courrier à Son Altesse Royalle. Pendant
ce rude choc cent Caualiers commandez des trouppes
de Monsieur de Prince entrerent dans la Ville,
ayant chacun vn sacq de poudre sur la crouppe
de leurs cheuaux, nos Commandans ne voulant
point l’espargner à nos ennemis.

Ie ne scay pas qui a mis ce haut dessein dans
la teste de nostre Cardinal, mais il semble à beaucoup
de bonne ceruelles, fort ridiculle, car leur
armée n’est pas composée de plus de dix à douze
mille hommes, & de croire que ce petit nombre

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pût forcer sept à huict mille hommes bien retranchez
dans vne Ville, il n’y a nulle apparance,
à moins qu’il ny pratique quelque intelligence
secrette, dont pourtant on se donnera bien de
garde, mais il est accoustumé à de semblables
Mazarinades. Cependant comme Monsieur le
Prince ne dort jamais, il taille des croupieres d’vn
autre costé, car il est constant qu’il a fait d’estacher
trois mil Cheuaux de l’armée du Duc de Lorraine,
auec quelques trouppes d’Infanterie qui estoient icy
pour aller blocquer Corbeil, & ainsi les prendre
à dos, ou au moins pour faire vne diuersion d’armes,
tellement qu’il faudra que le Cardinal Mazarin
hazarde encore beaucoup de testes de ses
amis pour se parer de ce dernier coup icy : & veritablement
il auoit bien dit, quand il sceut que sa
teste estoit proscripte, qu’auparauant qu’on eust la
sienne, il en feroit tomber plus de trente mille de
celles des François ; c’est pourquoy ceux qui luy
consacrent la leur semblent bien sots ; s’il auoit le
don de resusciter, ou de les garantir de blessures,
ie leur pardonnerois tres volontiers, mais il aura
prou de peine luy mesme à se sauuer.

 

Les Mazarins n’ont plus de sujet de crier apres
nous, sablon d’Estampes, il leur en est entré dans
les yeux qui leur cuira long-temps.

FIN.

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