Anonyme [1649], APOLOGIE DES NORMANS AV ROY POVR LA IVSTIFICATION DE LEVRS ARMES. , françaisRéférence RIM : M0_113. Cote locale : A_2_20.
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APOLOGIE
DES NORMANS
AV ROY

SIRE,

Puisque pour vostre mal-heur & pour le nostres
la verité n’oze pas approcher de vostre throsne, parce qu’il est
inuesty par la tyrannie, qui n’a garde de souffrir les moyens
qui pouroient la destruire, en rendant à vostre Majesté le repos
& son authorité, que sa perfidie tasche soubs vostre nom d’vsurper
sur vous mesme, & pour soy, & pour vos autres ennemis.

Permettez, Sire, pour la iustification de nos armes, contre
vostre Tyran, & le nostre, que nous nous seruions des voyes,
que la violence de ses suppots, ne sçauroit plus nous empescher ;
& qu’en vous adressant nos vœux, toute l’Europe cognoisse,
que nostre nation n’a pas moins de iustice dans ses desseins,
que vostre Majesté d’innocence, dans la creance qu’on luy donne,
que nous sommes ses ennemis.

Sire, la protestation solemnelle que nous auons faicte à l’imitation
de nos freres de Paris, en prenant les armes à la face du
Dieu, qui prepare le Tonnerre, pour foudroyer l’Autheur de nos

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desordres ; de respandre nostre sang pour nous conseruer vostre
personne sacrée, & à vostre Majesté son Estat, contre l’inuasion
secrette de l’intendant de vostre ruïne, plustost que de
vostre education ; ne seroit que trop suffisante pour destruire cette
calomnie, quand l’inclination naturelle des Normands pour
leur Prince, ne vous asseureroit pas de leur fidelité.

 

C’a esté, Sire, pour ne l’auoir pas violée, qu’ils se sont quelques-fois
acquis la hayne des nations, & cette terreur dont la
France se souuient encore apres plus de sept siecles, n’est pas plus
vn effect de leur valeur, que de l’affection sincere, qui les a fait
soustenir les interests de leurs Souuerains auec tant de generosité.

Quand la tendresse de vostre âge vous l’aura permis, vous
apprendrez, Sire, que les Normands sont les plus anciens Aliez
de la tyge Royale, qui regne sur eux aujourd’huy, dont vous
estes le rejetton glorieux : Que la vertu de vostre Ayeul Hugues
Capet, n’eust point de plus puissant instrument, pour obtenir
les suffrages de tous les ordres du Royaume, & pour se
maintenir dans la possession de la Couronne, que les conseils,
le credit, & les forces du Prince des Normands Richard III.
que nos Histoires nomment, sans peur, son Beau-fiere, auquel
Hugues le Grand l’auoit, en mourant, si puissamment recõmandé ;
Et vostre Maiesté cognoistra encore que la querelle du pere de
Robert Comte d’An ou nommé Vuitichind de Saxe, vostre
premier Ayeul, vaincu par Charlemagne, a esté la premiere
cause qui ayt obligé nos peres de passer en ce Royaume.

Tant de bons offices rendus à vostre Maiesté en la personne
de vos Ayeulx, la vengeance de leur querelle, entreprise contre
vn vainqueur du monde ; soustenuë contre ses successeurs ; & terminée
contre le dernier, par vn accommodement, dont vostre
Couronne fait encore éclater l’aduantage par tout l’Vniuers. Le
restablissement de Henry I. dans son throsne vsurpé par son Cadet,
& beaucoup d’autres seruices signalez, rendus aux autres
Roys vos predecesseurs, lors que la France n’estoit pas encore si
florissante qu’elle est sous vostre regne, ne vous permettront pas,
ie m’asseure, de douter de la sincerité d’vne nation, qui à l’imitation
de ses Princes particuliers, n’ayant point eu d’interests plus

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chers que ceux de nostre Sang Royal, conserue encore iusques icy
les sentimens de ses grands hommes, comme les gages eternels de
son affection pour ses Souuerains.

 

Le temps qui corrompt toutes choses, ne l’a point alterée, par vne
si longue suite d’années, & c’est le mesme zele, SIRE, qui porta les
Normands à s’offrir au Roy Philippes de Valois d’entreprendre
auec quatre mil hommes de pied, & quatre mil Cheuaux, la guerre
contre les Anglois, qu’ils appeloient leurs subiets reuoltez, qui venoient
pour vsurper la France sous la conduite d’Edoüard troisiesme
leur Roy, qui resueille aujourd’huy leur fidelité, que l’auarice
sanguinaire des Fauoris croyoit auoir estouffée dans leurs miseres,
pour deliurer V. M. & ses Estats de l’oppression d’vn Tyran, que
nous ne connoissons que par ses crimes : mais qui sous le nom de
Mazarin & le tiltre de Cardinal, si fatal à nostre ruine, & qui deuient
si odieux à tous vos peuples, a exercé sur nous tout ce que la rage
ambitieuse & auare du Cardinal de Richelieu n’auoit osé entreprendre.

Non, Sire, ce Pere des Monstres de la France, si hay dans vos
Estats par ses cruautez : si connu chez les Nations, par le trouble qu’il
a ietté dãs toute l’Europe ; si fameux chez les Souuerains par ses perfidies ;
& si horrible à l’Eglise par ses impietez politiques, qui l’ont
conduite presque au panchant de sa ruine, n’auoit encore osé tenter
nostre desespoir, il se contentoit de nous abattre sans nous exterminer ;
& parce que dans nostre misere il n’auoit pour obiet que l’affermissement
de sa Tyrannie, il luy restoit encore assez de probité
pour ne viser qu’à nous faire ses esclaues.

Mais, Sire, vostre Tyran a iuré nostre perte dés le ventre de sa
mere ; il est vostre ennemy naturel & le nostre ; & sa conduite monstre
que l’Espagne luy a fait faire serment pour nostre extermination
sur les Autels.

Nous n’allegons point pour la preuue de cette verité ses intelligences
particulieres auec vos ennemis, depuis, comme l’on dit, qu’il
en a receu sa grace, pour vous trahir, & pour nous perdre ; ni qu’il suit
les brisées du Cardinal Caietan, pensionnaire du Roy Catholique,
pour lui liurer Henry le Grand, l’amour & le bon heur des peuples,
comme vous en estes l’esperance. Nous ne penettrons point encore
dans la delegation de Galarety, ni dans les secrets de son Audience,

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bien qu’elle ait desia produit des effects plus funestes, que ne fit iamais
l’Ambassade de Dom Bernardin de Mendoze, auec la puissance
de tous les Partisans d’Espagne, alors que dans Paris ils s’apprestoient
pour mettre vostre Couronne sur la teste de leur Maistre.

 

Enfin, Sire, nous sermons les yeux à la haute politique, pour les
faire ouurir à nos malheurs : & nous contentans de faire voir sa perfidie
par nos propres desastres, ie m’asseure apres cela, qu’il n’y a personne
si grossier qui ne iuge que le Cardinal Mazarin n’a trauaillé
iusques icy qu’à perdre le Roy & le Royaume.

L’Historien de l’ancienne Rome dit, que l’auarice & la luxure
sont les deux pestes qui ont exterminé les grands Empires du monde.
Si le Cardinal Mazarin se sert de la derniere pour nous perdre
nous ne pouuons en rien examiner ; encore vn peu de respect pour
le caractere qu’il porte, ou qu’il feint de porter, nous ferme la bouche,
& l’impureté des Italiens (nous en exceptons les bons) n’a pas
encore tellement infecté la France, qu’il ne nous reste assez de pudeur
pour supprimer des crimes, dont la reprehension ne seroit pas
plus vtile, que l’exemple en pourroit estre infame & dangereux.

S’il s’est seruy de l’auarice ; ô doute criminel ! mais plus sanglant
souuenir ! qui nous fait verser des larmes de sang : C’est sur ce piuot
qu’ont roulé tous nos desastres : pardonnez, Sire, si nous alterons l’innocence
qu’on deuroit voir en vostre regne dessous vn Roy si innocent,
par le recit des cruautez que l’on voit dans le ministere, sous
des Ministres si cruels.

Depuis cinq ans on ne connoist de dans la France que l’horreur &
la desolation dont l’auarice de Mazarin est la cause : c’est elle qui a
produit la corruption des mœurs dans tout vostre Royaume ; l’impieté
triomphante iusques sur les Autels : les applaudissemens aux
sacrileges, aux cimonies, aux blasphemes, aux vols mesmes publics :
la fourbe & l’infidelité entre les Courtisans : l’hypocrisie dedans la
Cour, où la deuotion à la mode est detenir vn chapelet en vne main,
& vn poignard dans l’autre ; la consternation de tous les gens de
bien ; les souspirs & les sanglots des veufues ; les cris & les gemissemens
des orphelins ; mais plustost de tous ces grands Estats, qui ne
sont plus qu’vn hospital de miserables. Qui croira que l’auarice d’vn
Estranger nous ait fait tant de maux ?

C’est elle, Sire, qui est l’ouuriere des tortures qui demembrent

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depuis si long-temps les peuples de vos Prouinces ; des chaines qui
les accablent ; & de la barbarie de ses supposts impitoyables, qui ont
fait mourir dans les prisons iusques au nombre de quatre à cinq
mille innocens pour vne année.

 

C’est elle qui nous a fourny l’exemple de celuy, auquel (apres
s’estre veu rauir par des satellites le pain que la charité des bons luy
fournissoit pour sustenter sa famille) le desespoir a mis le poignard
en la main pour se l’enfoncer dans le seing, apres auoir massacré ses
enfans, qui expirans dedans leur sang, faisoient tous quelques efforts
pour prononcer le Cardinal.

C’est, Sire, dans ce sang, que sa pourpre a rehaussé son éclat, & que
celle du Cardinal de Saincte Cicile son frere a esté teinte : ce nombre
de millions, dont on a gaigné les vsurpateurs de la Iustice aupres
du Pape, pour luy soustraire son chapeau, viennent tous de ces
horreurs sang lantes, ils sont les expressions de ses fureurs, & la France
espuisée, en iette encore de nouueau des sanglots & des larmes.

C’est cette mesme auarice qui a forgé l’insolente impieté, auec
laquelle Mazarin a tiré, ce Moine sanguinaire, ce Torlakis empourpré
de sa cellule & de la mandicité, pour l’esleuer dessus le
Throsne de Catalogne, pour estre Viceroy sous son empire, afin
de nous piller auec plus d’esclat, apres auoir enueloppé la Religion
Catholique dans la derision, où il a ietté la France chez tous
les peuples du monde.

Combien nostre Prouince a souffert de violence ? Combien de
gesnes on a donné à vostre peuple ? Combien de questionnez pour
leur faire soustenir, la cruelle dignité de ce gueux defroqué nouuellement
Monarque ; aussi bien comme pour enseuelir l’infamie
du reste de sa famille ! On a, Sire, esgalé toutes les inuentions abominables,
que par tradition Siciliene Phalaris a laissez à Palerme,
dont Pierre Mazarin son pere fut habitant deuant sa banqueroute.

Nous auons senty la rage desployée de certains Mabojarts
valets de la Monopole sous le tiltre d’Intendans de Iustice, qui escortez
de Fuzeliers, pour ne pas dire de Demons, & pretextez du
seau & de caractere du Prince, prostitué par l’approbateur de la
Tyrannie, ont exercé sur les plus miserables d’entre nous, tout ce
que l’inhumanité des plus Barbares auroit eu honte d’entreprendre ;
les viols, les prophanations des Temples, les meurtres & les

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brigandages ont tous esté les instrumens de leur auarice, dont,
Sire, nous eussions fait il y a long-temps des punitions exemplaires,
si vostre figure qu’ils nous presentoient, ne les eust mis à couuert
de nos ressentimens ; & si nostre respect pour vostre image ne
nous eust encore force, de baiser les mains qui nous donnoient les
coups de la mort.

 

Cependant vos Estats sont piliez, tous vos peuples reduits à
la mendicité, nostre Prouince la plus abondante de la France
ne se soustient non plus que les autres, que par le desespoir que
le plus auare des hommes, le Partisan des bouës de Paris, à depuis
peu tenté d’aduancer, en rauissant aux pauures par donation
de Mazarin, quelques marests & communes qui leurs restoient
pour les empescher de perir.

Ce Chef de l’iniquité, que Salomon vit assis dessus le Throsne
de la Iustice ; ces Arc-boutans de sa caballe, ces Antropofages
des Normands, les Intendants de l’injustice en nostre Prouince
qui par les ordres des Tyrans, ont entrepris nostre ruïne, nous
ont fait leur proye ; ils ont rendu nos campagnes desertes & la
face de la terre hideuse, ils ont desesperé nos peuples & plusieurs
fois reduits à la reuolte, si la prudence des gens de bien
ne les eust arrestez ; pardon Sire, si nous confessons que nous
auons eu la pensée de desirer vne domination moins inhumaine,
& si nous auons douté que l’Empire des Turcs ou celuy
des Barbares ne fust preferable au vostre.

Non, Sire, les cruautez n’y sont point si frequentes mesme
contre leurs ennemis, il n’y a point chez eux de miserable, à
qui on ne permette au moins d’auoir vn lict pour se coucher,
la pluspart de nos peuples à peine ozent-ils auoir seulement de
la paille, quelle horreur d’estre pires que les bestes ! Il n’y a point
d’esclaues ausquels on ne donne du pain autant qu’il leur en faut
pour se nourrir, & nos Tyrans sont eux mesmes tesmoings que
dans tous nos villages, il y en a peu qui n’en manquent & presque
personne, qui en aye suffisamment ; Encore que l’infidelité
de ces nations deteste nostre Religion & la persecute, elle souffre
pourtant la liberté des Ames, mesme dans ses esclaues, & ne
leur deffend point d’entrer dedans les Temples consacrez au
Dieu qu’ils adorent alors qu’ils en rencontrent, Sire, sous vostre

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Regne on ne le permet pas, l’impieté de nos demons auares
(pour s’attaquer à Dieu mesme, aux iours que sans crime vn
Chrestien n’ozeroit manquer de signaler sa foy par l’assistance
qu’il doit à la celebration de nos diuins & redoutables mysteres)
a souuent empesché que vos subjects ne s’en soient acquitez
en ces iours de repos, parce que suiuant l’humeur de Iules Mazarin,
ses detestables supports se seruoient de nos Temples pour
sacrifier les victimes innocentes, qui les autres iournées se soubsbrayoient
à leur fureur.

 

Que peut-on, S. attendre de toutes ces desolations dont l’auarice
du Cardinal Mazarin est la cause ; laquelle n’est pas assouuie
par le pillage de vostre Royaume, nostre extermination
est necessaire pour donner quelques bornes à sa conuoitise,
& il ne receura pas ce qu’il espere de nos ennemis, s’il ne fait
que la France deuienne Prouince d’Espagne.

Personne ne s’estonnera plus apres toutes ces horreurs du desordre
particulier des affaires de vostre Majesté ; de la Catalongne
abandonnée qui faisoit trembler la Castille ; du Royaume
de Naples non secouru, de la reuolte duquel on a si frauduleusement
mesprisé les adois ? de la perte de nos alliez qui se
plaignent si hautement de la perfidie du Ministere ; du desaduantage
de nos victoires dont la poursuitte nous eust esté si aduantageuse ;
de la guerre en Italie si peu necessaite, si le Cardinal
Mazarin eust peu trouuer d’autres pretextes pour y transporter
les millions pour lesquels le Sieur de *** ne pût trouuer
assez de remises, ce qui est cause que son Eminence n’est
pas encore en possession de la principauté quel à tant marchandée,
auec nostre argent & nos armes ; de la rupture de la paix
qui eust fermé le chemin à toutes ses rapines laquelle par sa propre
Confession il a tenuë tant de fois entre ses mains, & qu’il
eust pû conclure auec tant d’aduantage pour vostre gloire, si
son confident n’eust eu le secret de continuer nos miseres, &
dont le Duc de Longueuille nostre gouuerneur & le Seigneur
d’Auaux ont eu tant de fois les larmes aux yeux ; de la protection
des impies qu’il a soubstraicts à la iustice, & dont les crimes
ont attiré l’ire de Dieu sur nous ; de la persecution du Sainct
Pere, dont ie tais les sanglantes raisons ; du mespris de son Nonce,

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parce que sa probité, ne s’accorde pas auec la peruersité de
ses desseins ; de l’obscession de Monseigneur le Duc d’Orleans
Oncle de V. M. trahy par vn blasphemateur, fils d’vn mouleur
de bois, Ministre neantmoins de vostre Estat, qui tendant
à la Tyrannie de Iules, fauorise ses desseins pour affermir sa fortune,
soubs l’esperance de s’establir sur sa ruine ; ny finallement
de l’enleuement des Seigneurs du Parlement de Paris ; en sortant
de deuant la face du Dieu viuant, où il les auoit conuiez
pour les perdre, afin d’empescher ce Senat Auguste de le punir
de ses forfaicts.

 

Mais, Sire, on ne peut conceuoir son audace sacrilege dans
l’attentat commis en vostre personne sacrée, affin de faire vostre
nom coulpable de toutes les cruautez dont on nous rapporte
tous les iours que l’on espouuente autour de Paris toute la
nature ; on ne parle que d’incendies de bourgs, & de villages,
que de viols au milieu des Temples, que d’assassins de Prestres
qu’on despoüille aux Autels sans trembler à l’aspect du Dieu
qui tient le foudre, que de pillage des vases sacrez, que d’infidelitez,
que de manques de foy, que de lascherez, enfin que
d’impietez, que nous n’ozons escrire ne les ozants prononcer.
Veu mesme qu’elles partent de la bouche, Dieu veille que ce
ne soit pas du cœur de personne pour lesquelles nous voudrions
nous sacrifier s’ils auoient d’autre object de leurs armes que la
ruine de la patrie.

Et de tant d’horreurs, Sire, Mazarin est la cause ; Ce traistre
pourroit-il esperer misericorde ; & toutes ces abominations ioinctes
à ses cimonies execrables ; à ses entassements de benefices,
à son trafic infame du bien des pauures, ne forceroient-elles
pas la iustice de Dieu d’en prendre la vengeance ; sans doute
elle la prepare & nous en sommes les iustes instruments.

C’est donc, Sire, apres la cause de la conseruation de vostre
Majesté, pour l’extermination du Cardinal Mazarin, que nous
sommes sous les armes : commandez qu’on nous le liure, nous
en ferons part aux autres Le Roy vostre Pere asseura sa puissance
par la mort de Conchiny Marquis d’Ancre son semblable ;
quoy qu’il fut moins coulpable, & vous deuez asseurer
V. M. & le salut de la France, par le supplice de son compatriotte.

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Il faut, Sire, que ce bouc Emissaire porte la malediction des
Peuples : tout le sang respandu dont il est le supresme coulpable
qui a monté iusques au Throsne de Dieu pour en poursuiure
la punirion, inuite vostre Maiesté a ne la differer pas.

Quoy que vous soyez au milieu de la tyrannie, vos ordres
n’auront pas moins leurs effects, desabusez vous seulement, Sire,
& souhaittez ; parmy les lasches Parasites de sa fureur il y a des
fidelles à V. M qui peuuent rompre vos chaines : C’est pour les
soustenir que Paris a pris les armes & que son Peuple le plus constant
de la France dans son affection pour ses Rois fait esclatter la
generosité a l’imitation de laquelle nous nous preparons.

Il y a long temps que nous demandions au Ciel cette occasion
pour exterminer les Tyrans ; Paris n’auroit pas l’honneur que
nous luy enuions d’auoir le premier trauaillé pour leur ruine, si
nous auions eu l’approbation de nostre Parlement pour l’entreprendre,
& la valeur du Duc de Longueuille pour nous commander.

Maintenant nous auons l’vne & l’autre, & il ne nous reste que
quelques voleurs à faire pendre puis nous sommes à vous pour
poursuiure leur Chef : Nous auons, Sire, tous iuré son extermination ;
nous la iurons encore, & protestons par la fidelité que
nous deuons à vostre Majesté, par nostre sang que nous voulons
respandre pour abattre la Tyrannie, & releuer nos priuileges accordez,
& si religieusement conseruez par vos predecesseurs Rois,
que son auarice a violez en tous les ordres ; par nostre vie que nous
auons desuoüée pour mettre fin à nos miseres ; par nos femmes,
par nos enfans qui nous pressent de venger le sang de leurs parens,
morts, peris, ou miserable : Enfin par tout ce qui nous est plus
cher, que nous voulons tous cesser de viure, auant que de cesser la
poursuite du plus meschant de tous les persecuteurs qui nous
ayent opprimez.

C’est, Sire, la resolution de vos peuples, que nous ne doutons
point que vostre Majesté n’approuue, estant si pleinement instruite
de la iustice de nos desseins assez iustifiez, puis qu’ils ne tendent
qu’à la conseruation de sa personne & de son authorité ; & que nostre
salut que nous y cherchons n’en est l’obiet que pour sa gloire.

Puissions nous, Sire, auec l’aide du Ciel, nous monstrer par cette

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action dignes successeurs de nos Peres ; puissions nous restablir
vostre Maiesté sur son Throsne, qu’on medite, peut-estre, de luy
rauir ; puissions nous vous deliurer de la captiuité où Mazarin
vous tient depuis vostre enleuement de vostre bonne ville de
Paris ; puissions nous le liurer à nos peuples, pour estre vn exemple
eternel à la posterité. Puissions nous enfin vous tesmoigner
par vne execution proportionnée à ses forfaits, qu’en quelque
Estat que la Tyrannie nous reduise, il nous restera tousiours assez
de forces, de moyens, & d’affection pour exterminer vos ennemis,
puis que nous sommes.

 

Vos tres-humbles, tres-obeyssans, &
tres-fideles Subjets, Les Peuples de Normandie.

A Caën, le 23. Fevrier 1649.

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