Saint-Julien,? [?] [1649], LE PREMIER COVRRIER FRANÇOIS, TRADVIT FIDELLEMENT en Vers Burlesques. , françaisRéférence RIM : M0_2848. Cote locale : C_2_42_01.
LE PREMIER COVRIER FRANÇOIS EN VERS BVRLESQVES.
L’AN & le mois estoit, tout neuf De mil six cents quarante-neuf, C’estoit la cinquiesme iournée De Ianuier premier de l’année, La Reine auoit fort bien disné, Mazarin n’auoit pas ieuné Quand la Reine & son Eminence Menerent le grand Roy de France Hors la Ville dans le Faux-bourg A l’Hostel iadis Luxembourg, Et qu’à present masle & femelle Le Palais d’Orleans appelle. Là dans vne chambre ou gistoit Madame qui dolente estoit, Autrement Madame sa tante Qui dans son lit estoit dolente, Le Roy ne pensoit à nul mal ; Mais la Reine & le Cardinal Conferoient dedans vne salle Auec son Altesse Royalle Apres auoir bien conferé Et tous trois long-temps demeuré, Le bon soir dit de part & d’autre, Le Mazarin ce bon Apostre, Auec la Reine prit le Roy, Et chacun retourna chez soy.
Ce mesme soir souppa chez Guiche Vn braue qui fit tousiours niche A l’Espagnol ce rodomont, Où, Condé souppa chez Grammont,
Vnze heures de nuit enuiron (Vray temps d’amant ou de larron) Nuit que chacun passoit à boire Dont parlera long-temps l’Histoire, Tandis pauure peuple François Que tu faisois tant de faux Rois, Qui se deffont auec la table, On t’enleuoit le veritable : Helas chez sa femme arriua Le vaillant GASTON qui trouua Cette moitié chere endormie, Il luy dit, leuez-vous m’amie Il faut aller à S. Germain, Mais elle luy baissa la main Respondant cette chaste femme, Ie vous coniure ma chere ame De me vouloir laisser icy Et ie vous diray grand mercy : Surquoy MONSIEVR fit repartie A demain donc soit la partie, Mais aussi qu’auant iour demain L’on vous trouue sur le chemin : Lors ayant mis vn pied derriere, Il prit l’Abbé de la Riuiere, Et s’en vint au Palais Royal Auec ce confident loyal ; Palais où l’aurore leuée Sa Maiesté n’a plus trouuée, Car deux heures auant le iour Sans trompettes & sans tambour La Reine auec son Eminence Enleua le bon Roy de France, Estant en carrosse auec eux,
Ces nouuelles ne furent sçeuës Qu’aprés les sept heures venuës, Mais sept heures ayant sonné Le peuple fut bien estonné. C’estoit de Ianuier le sixiesme, Si ce n’est assez du quantiesme, C’estoit vn triste Mercredy, Que fut fait vn coup si hardy : Et que du Parlement les membres Dispercez par toutes les Chambres Ce iour s’assemblerent en vn Où d’vn consentement commun, Apres Audience Ciuille Donnée aux Escheuins de Ville, Comme aux Gens de sa Maiesté, Ils firent tous vn arresté. Qu’on feroit garde à chaque porte Iour & nuit de la mesme sorte. Afin de laisser dans Paris, Dormir en repos les maris : Deffences à tous personnages D’emporter armes ny bagages ; Que commandement seroit fait Aux Gens du Roy du Chastelet, De prendre garde à la Police, Que les Gouuerneurs, sans malice Laisseroient passer les Marchands Par les Villes & par les champs ; Qu’il leur seroit fait deffence De loger soldatesque engeance, Ny d’heberger en leurs maisons Ce qu’on appelle garnisons.
Ce mesme iour vne charette Où fut trouuée vne cassette Appartenante au Sieur Bonneau, Tres-pleine d’argent bon & beau, Parut au peuple trop chargée Dont elle fut fort soulagée, Et l’on traitta pareillement Quelqu’autre charitablement.
Dés ce mesme iour sont venuës, De cette Ville aux aduenuës, Gardes de nobles Habitans Qui se sont monstrez tres-constans A la deffence de nos portes, Et dont les nombreuses cohortes Ne laissent passer sans le mot Cheual, carosse, ou chariot.
Et fut vne lettre restée Au Preuost des Marchands portée, Qui s’addressoit à tout son Corps Et qui monstroit les vains efforts De ceux qui cherchoient quelques voilles Pour ce vol commis aux estoilles, Portans sur l’aduertissement Qu’aucuns de nostre Parlement Ont eu secrette intelligence Auec l’Ennemy de la France, On a crû que sa Majesté Ne seroit plus en seureté : Et portoit aussi que ce crime Estoit la cause legitime. Qui la forçoit à s’écarter ; Ioint qu’on veut contre elle attenter.
Le Ieudy la Cour toute entiere Resoudoit sur cette matiere Mais comme elle estoit au parquet, Il luy vint vn autre paquet,
Le Vendredy iour qu’on fait maigro Messieurs, sur le traittement aigre Qu’on auoit fait aux Gens du Roy Voulurent que selon la Loy, Dans le plus beau papier de France La Reine receut Remonstrance : Et que veu que le Cardinal Est seul autheur de tout le mal, Et de la misere presente Dont on a preuue suffisante, Il est iugé mal à propos Auoir troublé nostre repos : Ennemy de nostre bon SIRE, Et de son Estat qu’il deschire : Enioint à luy que dans vn iour Il se retire de la Cour : Dans huict, de France il face gilles, A faute de ce faire, aux Villes
Le Samedy neuf dudit mois, Sortit force vaillants Bourgeois Pour faciliter les passages Aux hommes des prochains Villages, Qui trouuant libre le chemin Fournirent les Marchez de pain Qu’on receut auec allegresse. Excepté les pains de Gonesse Que quinze cens colintampons Asseurerent estre fort bons, Comme des gardes quelque bande, La pinte de S. Denis grande, Gardes qui parurent tres-fiers Aux pauures choux d’Auberuilliers.
Or ce iour-là fut restablie La taxe du temps de Corbie Et veut-on que chaque Habitant Donne vne fois encore autant : Que les Conseillers dont la charge Est enregistré à la marge De six cents trente-trois & deux, Suiuant les offres faits par eux, Payeront trois cent mille liures, Dont ils feront charger les liures ; Moyennant quoy comme anciens, Ceux qui succedent à leurs biens, Leurs enfans pourront, & leurs veufues, Disposer de leurs charges neufues, Ainsi que d’autres Conseillers : Veut la Cour qu’emprunt de deniers Soit fait, tant que la somme monte, A cent mille escus de bon conte, Et cent cinquante mille francs : Veut que Messieurs les Presidents Et Conseillers de toutes Chambres, Enquestes, Requestes, ses membres, Bref, chaque Chambre paye autant Afin que chacun soit content : Et que les Maistres des Requestes Tiennent cent mille liures prestes.
Ce iour il entra peu de bœufs, Mais les courtois Princes d’Elbeufs Et notamment le Duc leur pere Prenant part à nostre misere Se vint offrir au Parlement, Auec vn gentil compliment, Pour estre Chef de nostre armée, Où sa bonté fut estimée.
Cette nuit on fut aduerty Que le grand Prince de Conty
Nonsieur d’Elbeuf fit le serment De General au Parlement, Dimanche du mois le douziesme : Le vaillant Conty ce iour mesme Vint asseurer toute la Cour De son zele & de son amour, Et Messieurs firent mine bonne A ce fleuron de la Couronne. Quand leurs compliments furent faits, Messieurs rendirent deux Arrests : Le premier : Que son Eminence Obeira sans resistance A celuy que donna la Cour Contr’elle le huictiesme iour : Ordonné qu’au corps soit grippé Desormais la gent porte espée, Qu’on trouuera n’auoir pas mis Dix postes entr’elle & Paris Enioint aux Bourgeois des villages, D’en faire de cruels carnages, Et pour ce glorieux dessein De sonner sur eux le tocsin Aux Villes est faite deffence De fournir rien pour leur pitance : Tous les Gouuerneurs dirent non Si Mazarin veut leur canon : Dans toutes les Villes frontieres Les garnisons seront entieres : Et de ceux qui contreuiendront ; La vie & les biens respondront. Dans l’autre Arrest on donnoit ordre Aux Escheuins de ne démordre ; Ains d’exercer comme ils deuoient Les nobles charges qu’ils auoient, Au Preuost des Marchands de mesme,
Ce iour on enroolla soldats, Et des Canons gisants à bas Dans l’Arsenal, furent de terre Leuez sur leurs affuts de guerre.
Le Lundy (si ie n’ay menty) Monsieur le Prince de CONTY, D’vn consentement vnamime Fut receu generalissime Par Nosseigneurs du Parlement, Et la Cour en mesme moment Nomma trois Generaux en suitte, Pour les Trouppes & leur conduitte : Sçauoir le Duc D’ELBEVF pour vn Braue homme s’il en fut aucun, Le Duc de BOVILLON dont l’estime Vient fort à propos pour ma rime : Et le grand la MOTHE-HOVDANCOVRT Deuant qui tout le monde court : Pour Monseigneur de LONGVEVILLE Son humeur honneste & ciuille Et son zele à seruir le Roy Luy fit refuser de l’employ, Soit qu’il craignit que ialousie S’empara de la fantaisie (C’est comme en parle le Courrier) Du Duc D’ELBEVF fait le premier, General des Trouppes Royalles, Soit qu’il voulust fuir les scandalles De cette contestation, Il fit vne belle action. Car ce Seigneur prudent & sage Donna ses enfans en ostage
Ce iour Mars du party contraire De celuy de son petit frere Et du veritable party, D’où Dieu sçait comme il est sorty, Car nous ne deuons pas attendre Qu’aucun mortel puisse comprendre, Pourquoy de nous s’est débandé Vn Heros qu’on nomme Condé, Et comment Mazarin amuse Vn si bel esprit qu’il abuse. Mais soit qu’il soit charmé, dit-on, Ce Prince estoit à Charenton Auec les Trouppes Cardinalles Et non les Vertus Cardinalles ; Charenton, où ces animaux Firent aux Bourgeois force maux, Et dans les plus proches Villages Causerent d’estranges rauages. Le Comte D’HARCOVRT à S. Clou En fit moins, mais tousiours beaucoup.
Le Mardy du mois le douziesme De l’enleuement le huictiesme, Et qui finira mon Courrier, Vn des Presidents au Mortier Outre le deuoir de sa charge, Fut fait aide pour la charge, De Monsieur DESLANDES Payen Qui n’a que le nom de Payen Homme vtile en Paix comme en guerre Qui sçait ioüer du cimeterre,
Ce iour vn Arrest donné, porte Pour rendre la Ville plus forte Qu’on trauaillera tous les iours Aux retranchements des faux-bours, Et qu’à cette fin sera prise La terre qui sera de mise, Sauf d’indemniser par apres, Et de payer les interests A Messieurs les proprietaires, Quand on sera sorty d’affaires.
L’on deputa ce mesme iour Quelques Conseillers de la Cour Les vns pour voir si la Police S’exerçoit auec Iustice : Pour le commerce des Marchands Pour le supplice des meschants : Les autres pour d’autres affaires Et pour les choses necessaires Tant au dedans comme au dehors Quelques-vns pour les passeports.
Aussi ne fut pas inutille Ce Mardy, le Conseil de Ville Car on y rendit vn Arrest Qu’à rapporter ie suis toust prest, Sçauoir que pour leuer armée Tant à pied qu’à cheual montée, Et pour apres l’entretenir, Chaque porte deuoit fournir, Si le porte estoit à carosse, Vn cheual qui ne fut pas rosse.
Cependant le braue Condé Soit que la Reine l’eût mandé (Ie ne sçay pas s’il prit la poste) Mais il quitta son premier poste Qu’à Charenton il auoit pris Pour retourner à S. Denis, Lieu d’où nos espions rapportent Que les Mareschaux du Roy sortent Ayant marqué des logemens Pour nostre Sire & tous ses gens, Qui vouloient leur donner la baye, Restant à S. Germain en Laye.
Fin du premier Courrier.
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Saint-Julien,? [?] [1649], LE PREMIER COVRRIER FRANÇOIS, TRADVIT FIDELLEMENT en Vers Burlesques. , françaisRéférence RIM : M0_2848. Cote locale : C_2_42_01.