P. M. D. C. [signé] / Camaldoli, Michel de (père) [1652], LE COMETE ROYAL PRONOSTIQVANT A LA Reine vn deluge des vengeances du Ciel, en punition, I. Des Incestes. II. Des Violements. III. Des Sacrileges. IV. Des Sodomies. V. Des Brutalités. Qui se cometent dans la guerre qu’elle fomente, pour soustenir l’Ennemy de la Chrestienté. , français, latinRéférence RIM : M1_66. Cote locale : B_4_2.
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LE
COMETE
ROYAL
PRONOSTIQVANT A LA
Reine vn deluge des vengeances
du Ciel, en punition,

I. Des Incestes.

II. Des Violements.

III. Des Sacrileges.

IV. Des Sodomies.

V. Des Brutalités.

Qui se cometent dans la guerre qu’elle fomente,
pour soustenir l’Ennemy de la
Chrestienté.

M. DC. LII.

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MONSEIGNEVR,

Dieu a quelquefois menacé son peuple d’animer des
pierres, & de leur donner la voix pour parler. Le silence
presque perpetuel que nostre regle nous enjoint, nous
rend semblables à ces pierres, & nous ne deuons parler
que par vne inspiration pressante, & par vn commendement
exprés du Ciel. Tous mes Confreres m’ont chargé
de vous écrire, puisque vostre absence de Grosbois
nous empesche d’aller tous en corps pour implorer la
charité de V A. enuers vn peuple qui ne reconnoist de
puissance & de grãdeur que la vostre, apres celle du Roy,
& qui a toujours esperé sa protection de vostre bonté
naturelle.

Les desordres de la guerre ciuile que vous auez veuë
en France, & où vous auez tant acquis de gloire, n’ont
esté en rien comparables aux mal heurs que nous auõs
veus, que nous voyons tous les iours, & que Dieu n’a
pas voulu que vous ayez pû veoir, parce que l’horreur
de la plus detestable rage, & du plus grãd embrasement,
dont nous ayons des exemples, eut rendu V. A. immobile,
comme la femme de Loth, & par consequent incapable
de soulager vn pauure pays que vous auez adopté
pour patrie, & où vous auez esleu vostre sepulture.

Les ruines d’vne petit prouince mise à sac, mise en cẽdres,
vous conuient & vous obligent par le rang que
vous tenez dans l’Estat, ou plustost par le rang que vous
allez perdre bien tost par vne mort naturelle, & par celuy

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que vous deuez esperer de la misericorde de Dieu
dans la region des bien-heureux, de ne pas negliger de
faire vne action de Prince veritablement Chrestien, &
de laquelle peut dépendre vostre gloire dans l’Eternité.
Ie croy que Dieu a prolongé vos iours pour cette occasion,
seule capable par son importance d expier toutes
vos fautes ; & nous le supplions iour & nuit qu’il vous
fasse la grace d’en bien vser pour vostre salut, & pour le
bien de la France, de laquelle vous pourrez aussi legitimement
estre appellé le veritable fils qu’aucun de nos
princes, & reparer par vostre vertu la tare de vostre
naissance. La branche veritablement Royale des Valois,
dont vous auez esté le dernier surgeon, à toujours
esté genereuse, bienfaisante & affectionnee au Royaume.
C’est elle qui la conserué, & qui l’a augmenté : c’est
d’elle que nous auons eu tant de Roys qui ont joint à
leurs qualitez celle de Peres du peuple. C’est dans cette
mesme source ou celle de Dunois a puisé cette generosité,
& cet amour du public, qui l’õt mise en paralelle auec
les principaux princes du Sang, & qui feroit dire auiourd’huy
que M. le Duc de Longueville les auroit surpassez,
si Dieu ne s’estoit seruy de la ieunesse d’vn prince
du nom des Bourbons, d’vn Prince iuste, non corrompu,
& non destiné aux armes, qu’il a choisy dans la vocation
Ecclesiastique pour chef d’vn party qu’il veut
rendre triomphant de la valeur furieuse des autres.

 

Si l’incommodité qu’ameine auec soy vne vieillesse
chenuë ne vous excusoit des fatigues & des soins assidus
de la guerre : Ie ne vous cõseillerois pas seulement ; mais
ie vous commãderois de la part de Dieu de prendre les

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armes, & d’exposer vostre vie pour vn Royaume
& pour vne Couronne, dont vous tirez vostre
auguste extraction Vostre experience & vostre
âge dans lequel Dieu choisissoit autresfois ses
Prophetes, ne vous dispensent pas de trauailler : il
faut que vous alliez trouuer la Reine, & que vous
paroissiez deuant sa Maiesté, auec celle qui decore
naturellement vostre caducité : Il faut que vous
luy parliez auec l’authorité qu’vne inspiration
diuine donne à des sages Vieillards, & comme
celui qui ne doit plus rien desirer de la Cour terrienne,
dont les fausses faueurs empoisonnent le
cœur des ieunes Princes, enfin comme celui qui
a l’ame sur les lévres.

 

Representez à cette Princesse abusee, qu’elle
est obligee d’apporter vn prompt remede aux
sanglans succez d’vne prompte fureur, que l’on
ne peut excuser, & que la lasche complaisance de
quelques casuites, impies & ambitieux, rẽd d’autant
plus condamnable qu’elle est dans leur approbation.
Ces faux Prophetes d’vn autre Sedecias,
ayment mieux perir dans la licence de la
Cour, & la suiure dans son exil, que d’écouter les
Oracles des Heremies : Audi Hanania, non misit de
Dominus, & tu confidere fecisti populum istum in
mendacio. Idcirco hæc dicit Dominus : ecce ego mittam
te à facie terrœ aduersum enim Dominum locutus
es, Ierem. cap. 28. Ils periront comme Hananias,

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& i’entends la voix le Dieu qui parle à la
conscience criminelle de ce Predicateur famelique,
qui a osé dire à sa Maiesté qu’elle ne pechoit
pas veniellement dans la poursuite d’vn dessein
si pernicieux à sa Religion, & à vn Estat tres-Chrestien :
Escoute miserable, le Seigneur ne t’æ
point enuoyé, cependant tu fais l’Apostre, & tu entretiens
ceux de ton audience dans leur aueuglement, &
dans la pensee d’vne iuste vengeance. C’est pourquoy
ie te dis de la part de Dieu, que tu ne iouyras pas heureusement
des dignitez que tu brigues par tes mensonges,
la terre ne te retiendra pas long temps, puis que
tu as parlé contre le seruice & contre la gloire de
Dieu.

 

Vostre Altesse doit dire à sa Maiesté qu’elle
rendra compte deuant Dieu de tous les malheurs
d’vne guerre iniuste qu’elle a commandee, & que
s’il prend tant de soin de ses creatures, que de cõpter
iusques à leurs cheueux, il ne s’en est perie
aucune, il n’y a point eu de femmes ny de vierges
violees, dont il n’ait remarqué le nom & comme
elle est la gardienne du troupeau qu’il a fait naistre
dans la France, ce sera à elle à luy respondre
de toutes ses oüailles, iusques à la derniere & iusques
au moindre brin de leur toison : c’est à dite
de leurs biens. Ie ne puis tenir mes larmes quand
ie considere auec quelle reputation de pieté elle
a vescu dans la condition de Reine, ou elle n’auoit

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aucune charge que de sa conduite, & d’autre
deuoir que l’exemple ; parce que les Reines ne regnent
point en France, que par le malheur de
l’enfance d’vn Roy leur fils, quand on les estime
capables de gouuerner l’Estat.

 

Ie croyois que Dieu nous vouloit deliurer des
calamitez qu’il répand ordinairement sur les sujets
d’vn Roy enfant ; tout le monde estoit dans
ce sentiment ; mais le mal vient asseurément de
nostre confiance. L’on ny a point apporté les ordres
necessaires, & quand sa Majesté receut cette
charge du ministere, ce deuoit estre auec des
conditions de Iustice, qu’elle ne pouuoit refuser.
Il falloit punir les crimes de l’autre regne, & purger
la Cour & le Conseil de ces monstres d’ambition
& d’auarice, qui ne respiroient que le feu
& le sang ; puis qu’ils auoient violé la sainteté de
la dignité Royale par des entreprises plus que tyranniques,
l’on deuoit preuoir qu’ils passeroient
au de là du pouuoir de la Regence, & que ce seroit
assez d’vn faux tiltre pour continuer leur exactions,
& leurs cruautez sur les Sujets du Roy.

Les exemples passez nous auoiẽt appris qu’encor
qu’vne Regence ne puisse rien introduire de
nouueau, ny abroger les Loix anciennes & fondamentales
de la Monarchie, qu’elle doit suiure,
elle ne laissoit pas neãtmoins de produire & d’esleuer
certaines gens comme des épines autour du

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Trosne Royal qu’ils offusquoient, & dont ils
déroboient la veuë. Comme nostre climat est
doux & temperé, sa terre nourrit & esleue toutes
sortes de plantes estrangeres, & nous mesme
sommes si curieux, que d’en decorer nos jardins,
& d’y entretenir auec plus de soin les arbres qui
croissent naturellement sur les rochers, & dans les
precipices de l’Italie ; quoy que nous n’en receuions
que des fruits imparfaits & ingrats.

 

Charles le Chauue Roy de France & Empereur,
choisit vn Medecin Iuif Italianisé qui l’empoisonna
Blanche de Castille Reine de France,
mere de S. Louis, se seruit d’vn Cardinal Italien,
qui brouilla les affaires pendant la minorité de
son fils, & dont le mauuais traittement enuers les
doctes, donna sujet à quelque critique enragé
d’écrire contre cette Princesse de vers sanglans,
qui ont duré plus que la memoire de ce qu’elle a
pû faire de bon : si bien que l’on pouroit dire
qu’elle n’auroit esté beatifiée qu’à la mode des
Empereurs Romains, bons & mauuais, sans le
seul tesmoignage de sa saincte education de ce
Roy Saint. Le Duc de Bourgongne esleua aupres
de sa personne le Comte de Campobasso Neapolitain,
qui le tua deuant Nancy. François I. mit
auprés du Dauphin son fils, le Comte de Montecuculo
Florentin, qui l’empoisonna. Catherine
de Medicis restablit en France l’vsure que les Lõbards

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y auoient exercee autrefois, & pour laquelle
ils en auoient esté chassee. Elle fauorisa les partis
mieux nommez maletotes, & Marie de Medicis
nous amena le Marquis d’Ancre, dont le nom est assez
noir, & l’insolence trop recente, & la fin trop
tragique pour en dire d’auantage.

 

Le Cardinal de Richelieu, l’vn de ses Ministres &
de ses Disciples, a esleué le Card. M. qui a receu son
Ame & son genie à son dernier souspir, à la mode
des Anciens qui expiroient dans la bouche de leurs
proches. Ce poison & cét air infecté est comme
rentré dans le centre de l’Italie, d’où il estoit party :
ce bouc emissaire chargé de toutes les maledictions
de l’Europe, heritier de l’esprit, des imprecations, &
du funeste employ de ce tyran, a continué ses violences
auec les mesmes Ministres du defunct : apres
que la Reine pour nostre malheur l’eut choisi pour
nous gouuerner sous l’authorité de sa Regence, &
que l’on l’eut permis par vne lasche condescendãce
au lieu de le renuoyer aussi viste qu’il estoit venu,
pour le mal heur de l’Estat, Il arriua en France comme
postillon, il falloit qu’il retournast en poste ; mais
ie ne sçay où, car il est criminel à Rome, il est traistre
à la Sicile sa patrie, & au Roy d’Espagne son Maistre
& son Prince naturel ; il le faloit exiler dans vne isle
deserte, comme vn autre Philochtete.

Nos sages fols, ce sont nos politiques humains, &
non Crétiens, ont creu qu’il n’estoit pas mal à propos

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qu’il se trouuast vn tiers pour balancer le party
de deux Princes à la Cour, dont il estoit plus authorisé
par sa naissance, l’autre autant considerable par
le credit qu’vne valeur extraordinaire, & vne perpetuelle
bonne fortune luy auoient acquis dans l’estime
de tous les François malheur inseparable des
minoritez des Roys, malheur qui a ruiné cét Estat
apres la mort du sage Roy Charles V, & qui a pensé
perdre la Religion apres celle de Henry II. ayeul de
V. A. quel fruit se pouuoit on promette d’vn si miserable
choix de la personne la plus infame qui se
pût rencontrer d’vne extremité de la terre à l’autre,
& de cét autre trium vitat.

 

L’habit que ie porte & la Religion que ie professe,
quoy que tous deux estrãgers, ne m’ont point
osté les sentimens d’vn veritable François. La nature
m’oblige de les conseruer, Dieu me le commande,
& m’ordonne encor de haïr les ennemis de
ma patrie Vostre Altesse m’a rendu à elle par la fõdation
d’vne maison de nostre Ordre dans ce Royaume.
Vous nous auez donné vn hermitage pour y
viure dans la retraite, & pour y attendre vne mort
naturelle : toutesfois nous sommes auiourd’huy en
plus grand danger dans le cœur de la France, à cinq
lieuës de Paris, & sous la protection de V. A. qu’au
milieu des Bandis d’Italie. Dieu nous a donné des
armes contre l’assaut du diable, & ces armes ne sont
que d’vne defence inutile cõtre des troupes estrangeres,

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choisies dans tout ce que toutes les nations
pouuoient auoir de gens detestables.

 

Nous sommes courus dans nos bois par ces tygres
plus cruels que ceux de la Lybie, qui n’ont iamais
fait de tort aux anciens peres Hermites. La couleur
innocente de nos habits leur inspire vne rage forcenée
contre tout ce qu’il y a de candeur, & nostre
pauureté qui nous a toûjours asseurée dans les passages
les plus infectez, fait que nostre sang est desiré
par ces gouffres insatiables, qui ne peuuent souffrir
que rien échappe à leur fureur, que ce qui peut satisfaire
leur auarice. Ils font toutes sortes de prophanations
autour des Abbayes d’Yerre & de Iarcy, & il
faut que ces saintes vierges espouses de Iesus Christ,
composent tous les iours pour la seureté de vingt-quatre
heures de leur honneur. Ces vestales sacrees
qui croyoient pouuoir garder ce feu eternel qu’ils
ont preferé à vne flame legitime qui leur eut donné
vn asseuré secours dans les villes, dãs les bras de leurs
maris, & en la Iuste valeur de leurs enfans & de leurs
proches, sont à tous momens dans la crainte de se
voir l’opprobre de cette nation maudite qui a fait
des débauches & des ordures qui se peuuent d’escrire,
dans les vaisseaux sacrez, & à qui il ne reste plus
que de commettre generalement ce sacrilege abominable,
que l’on nous dit auoir esté perpetré sur
quelques Religieuses particuliers.

Grand Dieu qui auez protegé Paris, voulez-vous

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que les impies disent que vous ne regnez que dans
les villes fortes. Faudra-il que les Athées conçoiuẽt
ce blasphéme, de dite que vous auez esté deffendu
par les murailles, & par la multitude des Bourgeois
de cette grande ville. Elle est innocente, il est vray,
elle est plustost tres-iuste, mais elle est la cause de
tous nos maux, parce quelle est iniustement assiegée
La campagne n’est accusée d’aucun crime, soit
qui soit veritable, soit mesme d’Estat : pourquoy
faut il qu’elle soit pillée, brulée, pourquoy faut-il que
ceux qui esperent en vostre protection ne puissent
pas trouuer vn azile asseuré dedans vos maisons, &
en vostre presence. Les femmes & les filles sõt violées
au pied de vos Autels, l’ont dit mesme sur le Sãctuaire
L’on voit, Ah ! miserables yeux que l’õ vous
foule aux pieds. Ce ne sont plus les Normans qui
ayent pris terre en France par nos riuiéres, ce n’est
point le Payen Attila ; car il portoit respect aux Euesques
& aux Pasteurs, il croyoit vn Dieu, puisqu’il se
disoit luy mesme estre son fleau : ce sont des François,
des Alemans, des Italiens & des Polonnois ;
c’est à dire, des Scythes & des Gelons.

 

Il y a peu de François, il est vray, qui soient accusez
de ces impietez, il est vray que c’est pour vn Italien
qu’elles se commettent. & pour vn Cardinal, & que
la Reine qui le soustient contre la iuste indignation
des peuples n’est point Françoise non plus. Mais ce
sont des princes qui les ont introduits dans le centre

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de l’Estat : Et c’est vn Comte François qui les commande
en Brie, qui approuue toutes les abominations,
& qui partage tous les larcins : c’est le Comte
de Monseigneur, c’est ce Vulcan mal heureux,
& ce miserable boiteux qui a l’ame encor
moins droite que le corps, & que Dieu atteindra le
premier aussi tost que sa Iustice sera satisfaite de nostre
persecutiõ. Il a volé Lezigny & Panfou, il a couppé
iusques à des Tableaux dãs leur enchasseure pour
les emporter, & n’a pas emporté les Chasteaux & les
maisons, que parce qu’ils estoient attachez à la terre,
mais il les a desolez.

 

C’est vn homme dont les crimes ont fait connoistre
son nom, & qui n’a fait que des ennemis dans
son propre pays, où la bassesse de son extraction
le rend mesprisable par les Nobles, & où le
peuple deteste sa violence, & son humeur tyrannique.
Nous auons vn de nos Peres qui connoist
sa Race, & qui nous a asseuré que le nom qu’il
porte luy est commun, comme le sang & le cœur
auec la plus commune populace de... & qu’il
n’a point d’alliance recõmandable que par sa mere
seulement, fille d’vn Mareschal de France, qui estoit
vn Athee, & le principal de ces Ministres violens,
qui deprauérent les mœurs du Duc d’Alençon &
d’Anjou, frere de Henry III qu’ils portérent à vouloir
regner par force, & par citadelles sur les Flamẽs
& Brabançons qui l’auoient appellé, receu & declaré

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leur Prince legitime. I s’est donné à M. le Duc
d’Orleans qui la fait Mareschal de Camp, & Gouuerneur
de.... & ces bien faits sont des marques
qu’il a fort peu seruy son A. R. si [1 mot ill.] que
la iugeant capable de quelque ialousie des exploits
de M le Prince, il trauersa ses desseins au siege de
Thionville, en donnant passage à des trouppes qui
entrerent dans la ville pour la defendre.

 

Il est venu à cette guerre contre sa patrie, auec l’esperãce
d’vne proye infaillible, il a ruiné tous les lieux
où il a passé, il a assiegé Brie-Comte Robert, quia
esté defenduë par son Gouuerneur auec tous les témoignages
d’vne valeur & d’vne generosité singuliere :
Mais comme la place n’estoit pas tenable,
sans vn puissant & present secours, il falut la rendre
par cõposition. Il l’accorda pour éuiter la perte des
siens, & promit de laisser sortir les Soldats assiegez,
& de conseruer les biens des Bourgeois, & l’honneur
de leurs femmes & de leurs filles ; mais il faussa
cette fidelité, que les Turcs mesmes ne rompent
que rarement, & iamais sans pretexte : Les Soldats
Parisiens furent fouillez, puis battus, puis despoüillez,
puis tuez pour la pluspart, ou retenus captifs.

Diray ie le reste, & si ie le dis, ou pourray ie prendre
des couleurs assez noires, il en fut de mesme,
Monseigneur, de tout ce qui fut promis pour les
Bourgeois, mais il en fut pis, que dans vne ville
prise de force & emportee d’assaut, ou le general
pour peu qu’il soit homme, pour peu qu’il soit humain,

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& pour peu qu’il ne soit pas diable, ne donne
qu’vne ou deux, ou trois heures de temps au plus
pour le pillage : mais ce pillage dure encore, & i’apprehende
de dire le reste : mais il faut que ie dise
tout, afin que tout le monde sçache la cause du tonnerre
qui gronde, & qui va tomber sur ce chef criminel,
& sur celuy de tous ses complices : Comme
il est ordinaire quand il arriue quelque orage, ou
quelque lauasse que ceux qui se trouuent dans la
campagne cherchent l’abry de quelque arbre, &
que moins il s’en rencontre, plus il s’y trouue de
gens ; il en a esté de mesme dans la pauure ville de
Brie. Les nobles qui n’auoient point de maisons
fortes, les Laboureurs, & enfin tout ce qu’il y auoit
de familles éparses dans la cãpagne s’y estoit retiré.
La [1 mot ill.] renduë, les femmes & les filles, & parmy
eux plusieurs Damoiselles, ioignirent à la seureté de
la capitulation, & de la parole d’vn gentilhomme,
l’azile des Eglises cét azyle fut violé, comme si ce
n’eust pas esté assez pour ces troupes enragees d’auoit
violé l’article des biens qu’ils pillerent. Ils forcerent
les Pasteurs & les Prestres de leur ouurir la
porte de cette sacree Bergerie : Ces pillards & cea
paillards partagerent ces pauures brebis confusement,
sans espargner mesmes les aigneaux de laict
qu’ils ont fait mourir, & expirer sous des tourments
que la Nature deffend aux bestes feroces, & qu’elles
n’ont iamais pratiqué. Des Damoiselles de conditiõ

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sont écheuës par sort aux plus infames, qui leur ont
osté les moyens de se défaire, & d’aller porter iusques
au Ciel dans des mains sanglantes cette saincte
virginité, que les Loix de Dieu & de l’honneur les
obligent de garder plus cherement que leur vie,
qu’il ne leur est permis de perdre volontairement,
que pour la conseruation de ce thresor.

 

Vous y estiez, mon Dieu, vous qui estant homme
auez chassé du Temple les Marchands. Pourquoy
Dieu & homme tout ensemble, n’auez-vous point
exterminé cette race maudite, qui n’a point eu
d’horreur non plus qu’en ont les demons, ny d’honneur
pour vostre S. Sacrement exposé sur les Autels,
ils l’ont renuersé du Sanctuaire pour faire place à ces
miserables victimes, ils l’ont foulé aux pieds. Vous
faisiez descendre le feu du Ciel pour allumer les sacrifices
des Iuifs, que ne lanciez vous vostre foudre
pour consommer ces Hosties diuines & humaines,
pour brusler à mesme tẽps ces bourreaux, ces corps
encor purs, & le temple qui seruoit de theatre à cette
profanation, & que l’on ne peut aussi bien purger
que par ses cendres. Le viol d’vne Dame Romaine,
mais Payenne, & qui n’auoit de pudicité que par
vn respect mondain, a fait briser vn throsme legitime :
vous auez authorisé l’establissement d’vne Republique
par la iuste vengeance d’vn crime cõmis,
non par vn Roy, mais par son fils. Vn tyran estrãger,
& qui porte moins dignement la marque de Prince

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de l’Eglise, que ceux qui portent le Turban, sera il la
cause impunie de la plus horrible cruauté dont la
France ait des exemples, Ses ancestres vous ont crucifié,
n’est ce point assez de vostre sang & de ses crimes
particuliers, & peut il pis faire pour meriter vne
mort cruelle, puis que tous les tourments que la Sicile
ingenieuse en supplices, pourroit encor inuẽter
apres Phalaris, estoient encor trop doux, sans qu’il
prouoquast vostre colere par de si estranges out rages
contre vous, contre vos creatures & contre vos
épouses : falloit il que ce miserable Ixion ioignit en.
semble l’adultere & le meurtre dans vostre propre
maison, & dans vostre propre lict.

 

L’excez du iuste transport oû ie me vois reduit
m’oblige, Monseigneur, de ne plus supplier V. A.
mais de luy commander de la part de Dieu de faire
voir à la Reine vne peinture accomplie de cette
estrange barbarie : exhortez la de satisfaire à la iustice
Diuine & à la misere humaine, parlez luy auec
authorité, vous le pouuez par vostre qualité, vous le
deuez par vostre aage, & ne vous en excusez sur
quelque peril que ce soit ? Vous ne deuez plus craindre
la mort depuis le temps que vous la sentez en
vous par la force qu’elle vous oste : il ne vous reste
plus que la langue, & c’est auiourd’hui la seule partie
de vostre corps & de vostre ame ; c’est par elle que
vous pouuez auiourd’hui asseurer vostre salut. Faites
connoistre à sa Maiesté, que la Iustice humaine

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n’est pas moins le Ministre de Dieu, que celuy des
Rois, & que c’est vne grande honte d’employer
toutes les forces ; & la puissance de son fils pour
proteger vn criminel condamné ; mais non, il n’est
point condamné, ses Iuges sont trop doux, & trop
respectueux, puis qu’ils ne le punissoient que d’vn
exil. Dites lui, dis-ie, que c’estoit contre le Parlement
d’Angleterre qu’il falloit porter les armes du
Roy, pour arracher de la main du bourreau vn autre
Roy miserable, à qui elle a mis le cousteau dans la
gorge, & qu’elle a sacrifié à la fortune du Cardinal
Mazarin.

 

Il est vray, que ce Prince infortuné n’a pû attendre
vne mort indigne, que de la lacheté, pour ne
pas dite de l’opiniastreté & de l’impieté des Ministres
des deux Couronnes de France & d’Espagne.
Il estoit facile, il estoit honorable à tous les deux
Conseils de relascher quelque chose de l’interest
particulier pour l’interest general des Roys & des
Sceptres. Ils l’auroient fait, si l’honneur seulement
eut reglé leurs intentions, & si l’auarice seule, &
l’ambition du C. M. n’eut entretenu auec de l’huile
& auec des ossemens humains, ce feu qui embrase
l’Europe depuis tant d’annees. L’on a souffert que
des traistres Anglois se soient ioüez de leur Roy,
comme le chat de la souris : ils luy donnoient de la
griffe, & regardoient ce que l’on disoit de leur insolence
dans les autres Estats. Ils ont fait mesmes

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courir de faux bruits de sa condemnatiõ, pour voir
si ce regicide prest à commettre, n’armeroint point
toutes les Nations. Tout cela n’a pas tant fait de
bruit en France, qu’vn adiournement contre Tabouret,
fils d’vn Fripier des Halles, contre Catelan, &
contre la Ralliere. La presence, les prieres, ny les
larmes d’vne Reine, fille de France, tante du Roy,
moins dignement traittee dans la maison de son
pere, que des petites Bourgeoises de Rome, niepces
de Mazarin : La misere presente & future des cousins
germain du Roy & des petits fils de Henry le Grand
n’ont eu aucun pouuoir. Enfin dés que les Anglois
ont sceu que la France refusoit la paix à l’Espagne,
& que le C. Maz. auoit entrepris la guerre contre
Paris, & cõtre tout le Royaume, ils ont enfin executé
sans crainte cét Arrest horrible & execrable contre
leur Roy, & du mesme coup qu’ils ont abbatu vne
teste à trois diadémes, ils ont esbranlé toutes les
Couronnes de l’Vniuers. Le malheur de ce Roy luy
est venu par ses fauoris & ses Ministres : Le Grand
Seigneur, ce Prince de plus d’vne partie du monde,
vient de perir encore par la corde, pour auoir soustenu
son grand Vizir contre le ressentiment general
de tous ses sujets. Voicy à present la France exposee
à tous les perils de la guerre estrangere & ciuile,
malgré ces horribles exemples pour la querelle
d’vn homme estranger, que l’on veut faire regner
sur les sujets d’vn Roy mineur, qui ne le peut faire

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Ministre de son Estat, sans en oster l’administration
à la Reine, & aux Prince ; & cela encor par Arrest du
Parlemẽt de Paris, qui a dõné la Regence à la Reine
& non à ce gueux reuestu des despoüilles du Royaume,
duquel il a descouuert la honte, & à la hõte
duquel il veut commander én Roy malgré les Loix
saliques & fondamẽtales de la Courõne, qu’vn Roy
mesmes ne peut violer. Non, non, vn Roy ne les
peut ny violer ny enfraindre : elles sont plus anciennes
que la Monarchie, elles l’ont establie, & elles
l’ont entretenuë, & c’est par elles que ces Princes
mal conseillez, qui s’arment pour les destruire, sont
considerez comme Princes, qu’ils sont honorez, &
qu’il ne sont pas des petits Gentilshommes, aussi
naturellement sujets aux princes estrangers, & à ce
Roy mesme que les Anglois viennent d’immoler,
qui portoit le tiltre de Roy de France, qu’ils sont
seruilement soûmis aux fauoris.

 

Il m’est tantost échapé de dire que ce miserable
Cardinal, cet opprobre de l’Eglise, ce destructeur
d’Eglises, & cet ennemy de tous les Chrestiens, tiroit
sa naissance des ennemis & des bourreaux de
Iesus Christ. Il me sera bien aisé de le prouuer, quoy
que ie ne puisse pas donner tous les degrez de cette
sanguinaire extraction. Ie l’ay appris dans nos maisons
Religieuses d’Italie, où le bruit de sa fortune
prodigieuse rappella presque aussi soudainement la
memoire de ses ancestres, chez ceux qui estoiẽt de

-- 21 --

son pays, qui m’ont asseuré qu’il estoit né à Palerme
de Pierre Mazarin, marchand de Chappelets, qui
changea de pays par banqueroute, & par la force du
destin & de la malediction des Iuifs, qui portent la
peine de leur peché par toutes les Nations de la terre,
où ils seruent ; hormis en France, ou les bonnes
loix sont renuersees, & les meschans esleuez en fortune,
à proportion de leurs crimes & de l’esloignement
de leur pays. Les peres de ce Pierre estoient
de la Ville de Mazarini en Sicile, où ils abiurerent la
profession du Iudaïsme, & se voyans sans surnom
dans vne religion nouuelle, ils prirent celuy de la
ville de leur naissance, sous lequel ils furent baptisez.
Il y en a encor beaucoup qui portent ce nom
en Sicile, qui sont ou barqueroles, ou tauerniers, ou
bandis. Ie n’en connois point de banqueroutier
que le pere des deux Eminences, ausquelles se doit
esteindre cette branche masculine, seule noble de
leur maison l’vn des deux Cardinaux est mort, apres
s’estre fait railler en Italie & en France, oû il a monstré
que l’habit ne fait ny le Moine, ny le Cardinal,
& nous auoir rendus ridicules en Catalogne, où
l’on n’eut pas mesmes iugé ce Vice roy assez sage
pour n’estre pas enchaisne parmy les fols. L’autre
ne vit plus ciuilement, ou bien pour mieux dire, il
vit encor moins ciuilement que iamais. Il n’est
point mort naturellement, & ne doit perir que
d’vne fin tragique. L’on fait son inuentaire, l’on vẽd

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ses meubles, & tout cela luy est vn prognostic infaillible
de la mesme fortune du Marquis d’Ancre
son compatriote, & l’vn de ses predecesseurs, qui
gousta plusieurs mois vne mort qui oste la douleur
aux autres en vn moment : sa fille mourante peu auparauant,
lui emporta la moitié de sa vie : & de mesme,
partie l’ambition de Mazarin, & de ses esperances,
s’esteignit dans le couchant de ce bel astre le
Cardinal de saincte Cecile son frere ; auquel il meditoit
d’achepter la thyare Papale, & de rendre le mõde
spirituel soumis à vn insensé, comme la France
l’estoit à vn stupide furieux, & à vn fripon.

 

Il a remarié son pere auec vne Dame de la maison
des Vrsins, pour tascher à tirer de cette aliance des
heritiers qui fussent plus considerables par leurs
parens ; mais il en est arriué comme de l’accouple.
ment des animaux de diuerses especes, qui n’engendrent
point, ou qui n’enfantent que des monstres.
Toute cette ample succession & cette partie
de la Couronne du feu Roy, dont il s’est veu l’vn des
principaux heritiers : ces deniers transportez par diuerses
flottes en Italie, & mis aux banques & mõts
de Pieté, doiuent passer pour la plus grande partie
apres luy à Manzini, Voyer, & l’vn des moindres
Citadins de Rome, son beau frere ; duquel il esleuoit
le fils à Paris, dans vn éclat pareil à celuy des enfans
de France : il auoit la chambre de Monsieur le Prince
de Conty, au College de Clermont, sa chaire

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dans les Classes, & rien ne faisoit la difference de
ce Prince phantastique à cét autre effectif, sinon
qu’il receuoit plus d’hõneurs, & qu’il estoit tout autrement
suiui, serui & meublé. Ses sœurs au mesme
temps estoient sous le gouuernement d’vne Dame
de condition, qui auoit esté gouuernante du Roy,
comparable en fortune à Denys le Tyran de Sicile,
& plus digne que luy, d’estre mocquee de ceux qui
l’ont veuë dans des dignitez plus eminentes : S’il est
vray qu’elle ait brigué cette conduite aussi honteuse
à la memoire du Cardinal de la Rochefoucaut sõ
oncle, qu’il y auoit de difference entre la naissance &
les mœurs de ce grãd homme, & celles du Cardinal
Mazarin. L’on dit que la Comtesse de Fleix sa fille en
a esté recompensee du tabouret chez la Reine, honneur
qui m’est inconnu, & dont ma condition m’ẽpesche,
de m’informer, pour en sçauoir l’importance
V. A. sçait tout cela ; mais ie vous le repete, afin
de reprocher à tous les Princes en mesme temps leur
mal heureuse lascheté enuers tous les fauoris, & à
ces Princes là particulierement, qui veulent soustenir
celuy cy, qui veulent que leurs indignes respects
soient suiuis de toute vne nation genereuse, & qui
le veulent tirer du peril où il est : comme ces esclaues
criminels des galeres, qui portent leurs Comites sur
leurs épaules pour les mettre à bord, quand il veulẽt
prendre terre en quelque plage, & en quelque lieu
où il n’y a point de port pour les grands vaisseaux,

 

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La modestie religieuse m’empesche de vous donner
le destail de ses crimes ; mais quelques grands
& horribles qu’ils ayẽt esté, c’est assez de maux qu’il
a fais à la France, pour le rendre detestable à toute
la posterité : quand mesmes il seroit iniustement
poursuiuy, ce que l’on ne peut dire apres la ruine &
la subuersion de cét Estat, qu’il a épuisé de biens par
ses cõcussions publiques, qu’il a tary de sang par vne
guerre éstrangere qu’il entretient malicieusement
& cruellement pour le soustien & la duree de sa fortune,
& qu’il veut cõsommer entierement dans vne
discorde ciuile. L’histoire nous apprend bue l’auguste
Roy de France Philippe Dieu donné, autremẽt
surnommé le Conquerant, estant sur le point de dõner
vne bataille decisiue à Bouines cõtre l’Empereur
Othon IV. Iean Roy d’Angleterre, & Ferrand Cõte
de Flandre vnis & alliez contre luy. Il assembla ses
Barons, il leur fit veoir la Iustice de sa cause, & l’iniustice
de la haine que ces Princes auoient conceuë
contre luy : Il voulut distinguer & discerner son interest
d’auec celuy de son Estat, & pour leur faire cõnoistre
que c’estoit contre la Nation que toutes ces
puissances estrangeres avoient coniuré, il leur offrit
de quitter sa Courõne à celuy d’entr’eux qu’ils estimeroient
plus digne de la defendre & de combattre
sous ses ordres, comme vn Gentil-homme priué,
comme vn simple François, & non plus cõme Prince.
Codius Roy d’Athenes ayant eu reuelation que

-- 25 --

son armee ne pouuoit vaincre que par sa mort, il resolut
de dõner sa vie au salut de son pays, & ne choisit
pas de la perdre à la teste de ses Suiets par vn effort
temairaire & Royal. II. s’alla faire tuer par vne
sentinelle, sous vn habit déguisé, afin que son sang
tout seul satisfist à la rigueur de cette destinée, &
c’est par cette mort qu’il vit encor, & qu’il viura eternellement.

 

Equidē sitotum exercitum meum mortẽ mibi optasse
crederem, hicstatim ante oculos vestros morerer : nec me
vita iuuaret inuisa ciuibus & militibus meis. Titus Liuius
lib. 28. Scipion l’Africain dist à son armee mutinée
qu’il feroit peu d’estat d’vne vie qui lui seroit
enviée par ses Citoyens ou par ses soldats, & que s’il
sçauoir que ce fut veritablement leur sentiment &
leur desir le plus general, il estoit prest de mourir
deuant les yeux. Moyse suplioit & conjuroit Dieu
qu’il dechargeast sur lui toute la vẽgeãce des crimes
& de l’infidelité de son peuple, il vouloit bien estre
rayé du liure de vie, pour y laisser les noms des coupables :
& S Paul s’offroit courageusement d’estre
anathéme pour tous les Chrestiẽs. Ce mal-heureux
que sa condition d’Eclesiastique deuroit entretenir
dans des sentimens aussi Religieux ; ce tyran veut regner
malgré tous les ordres, & tout le peuple d’vn
Royaume : il deuroit offrir le sacrifice de sa vie & son
sang, pour l’expiation du scandale qu’il a causé, &
pour appaiser vn desordre capable de perdre la Couronne :

-- 26 --

& tout au contraire, il a veu d’vn œil sec perir
des Seigneurs de condition, il a veu les Princes au
mesme danger : mais il a veu Dieu en propre personne
outragé pour sa querelle, & il demeure encor
pour attendre la nouuelle de la defaite des Princes,
ou de la ruine de la capitale du Royaume, & de l’extirpation
de nostre religion.

 

Ie vous conjure, Monseigneur, de dire librement
vos sentimens à M. le Duc d’Orleãs, & à M. le Prince.
Faites voir à l’vn que son insensibilité pour la Frãce,
fera que l’on luy attribuëra iniustement la cause
de tous les mal-heurs : Il a esté le suiet innocent de
tous les maux de l’Europe : c’est luy seul qui a allumé
la guerre, puis qu’elle s’est commencee par le
flambeau de ses nopces, & cõtinuee iusques auiourd’huy
par d’autres nouueaux pretexte, fauorisez de
son consentement. Il n’a point eu iusqu’à present
les fruits qu’il desiroit, & que tout le mõde souhaittoit
à son mariage, dont i’oserois esperer qu’il auroit
vne plus heureuse suite, s’il changeoit la face des affaires
Madame a desia merité cette grace du ciel, qui
n’atend que ce bon œuure & ce bien fait general de
la Paix, pour donner vne si heureuse recõpense à son
A. R. ces ames masculines sont desia crées dãs le ciel,
& cette fille de Dieu les amenera auec elle en la terre.
C’est vne chose estrange qu’vn prince si bon & si
genereux, songe moins à sa reputation, au bien public,
& au bonheur de sa maison, qu’a la fortune

-- 27 --

d’vn ambitieux qui le gouuerne, & qui l’a enleué de
son lict, à mesme temps que le C. M. son veritable
Maistre rauissoit vn Roy enfant. Qu’il songe au nom
de Dieu qu’il est vn Soleil dans l’Estat, qui doit sa
lumiere & ses biens faits également à tous les François,
& qu’il lui sera reproché qu’il aura vtilement
employé tous ses rayons à purifier des bourbiers &
des marets pleins de venin & d’ordure L’on le comparera
à cette figure de Iupiter, qu’Homere nous
represente endormy au mont Ida par l’artifice de
Iunon, sur vne couche de lotos, de saffran & d’hyacinthe ;
afin que pendant ce sommeil les Troyens
fussent priuez de son assistance contre les Grecs. S’il
ne se réveille bien tost, il se trouuera dans vn embrasement
qu’il ne pourra plus esteindre, & dont les
cendres cacheront le feu d’vne haine vniuerselle
dans le cœur de tous les François.

 

Les peuples qui ne sont point soulagez ny protegez,
perdent insensiblement le respect & l’amour
qu’ils doiuent à la maison de leurs Princes Dieu l’a
permis dans celle mesme de Salomon. Roboam son
fils gouuerné par vn mauuais conseil, respondit imprudemment
à la iuste requeste de ses Sujets, qu’au
lieu de les soulager, il appesantiroit leur ioug, que
loin de les fouetter de verges communes cõme son
pere, il y ioindroit les chaisnes & les aiguillons. La
Sainte Escriture remarque en termes expres, qu’il
ne fit cette rude & cruelle réponce, que parce qu’il

-- 28 --

estoit dans l’auersion du Seigneur qui l’auoit endurcy,
& qui permettoit son aueuglement, & ce fut
le mesme Dieu qui donna vne si funeste suite à cette
parole espouuantable des Tribus desia sousleuez
en leur cœur, Que nous importe de prendre tant d’interest,
& d auoir tant de respect pour la posterité de Dauid ?
Qu’est il besoin de nous attacher si fort à la Race
d’isaj. C’est son Altesse Royale, c’est le fils de Henry
le Grand, que regarde à present ce lieu des Saintes
Lettres ; Ce n’est point au Roy qui est ieune, c’est à
Monsieur le Duc d’Orleans à dire pourquoy hazarder
nostre heritage, pour proteger vn mauuais Ministre,
& pour luy conseruer vne authorité inseparable
de nostre sang ? est ce l’affaire d’vn fils de France,
& du premier Prince du Sang Royal, d’exposer la
Couronne pour defendre le fils de Pierre Mazarin,
homme estranger, hay des François, condamné par
la Iustice du Royaume, & par la voix generale des
peuples.

 

Seroit il bien possible que son Altesse Royale
n’eut pas en horreur l’orgueil de ce nouuel Aman
successeur du cruel Armand qui l’a si indignement
traittee. Il vit auec vn fast inimitable aux Roys, & il
a reduit la France au point de voir ieusner son Roy,
de voir, comme l’on dit, sa table renuersee cét hyuer
dernier, & sa cuisine deserte, pendant que la sienne
fumoit, non pas mesmes dans sa maison ; mais dans
le Palais Royal, à la veuë des Officiers du Roy, qui

-- 29 --

ont esté contraints d’aller viure à credit. N’estoit-ce
pas vne vision du ciel qui nous aduertissoit, que
la France épuisee, ne pouuoit plus fournir à la table,
& à la maison d’vn Roy legitime & d’vn Tyran.
Ie l’ay veu monter & descendre en chaire, &
sur les espaules des François l’escalier du Roy : ie
l’ay veu conduite dans ce triomphe Papal & Pontifical,
par la plus illustre & la plus lasche Noblesse
de France, qui se pressoit pour estre veuë, & ie vous
confesse, Monseigneur, que ie craignois d’auoir la
honte d’estre veu moy mesme, quoy que sous vn
habit de Religion & d’humilité. Nous estions
deux de nostre Ordre que l’on auoit demandez à
la Cour, pour la nouueauté de nostre Regle : nous
venions tous deux d’Italie, tous deux connoissiõs
le merite & la naissance du personnage : Enfin
tous deux à mesme temps nous rencontrasmes
dans ce sentiment de lui reprocher en nostre interieur
cette humilité de Dauid, qui disoit en admirant
sa fortune, Quis ego sum aut qua est vita mea,
aut cognatio patris mei in Israël, vt fiam gener Regis.
Reg l 1. Qui suis je, quel est l’honneur de ma vie, de
quelle consideration peut estre la parente de mon pere
parmy les Tribus, pour me rendre digne d’estre gendre
du Roy ?

 

Est il possible que le Cardinal Mazarin ne soit
pas mille fois rentré dans l’admiration de sa fortune,
& qu’il ne se soit pas écrié : Que suis je deuenu ;

-- 30 --

du dernier homme que i’estois d’vne terre si
esloignee & si odieuse, quelle vie ay je menee,
quelle est la gloire de mes actions, quelle est la
Noblesse de mon pere, pour estre deuenu Parain
du Roy regnant, à la veuë de tous les Princes ? est-ce
la suite d’vne vie infame, & d’vne si incroyable
extraction. Il n’auoit pas vne seule bonne qualité :
le vulgaire mesme sçauoit que c’estoit le plus
ignorant, & le plus ingrat de tous les hommes : il
le méprisoit, & les Princes, quoy qu’indignement
traittez l’honoroient. Ce Prince de Condé, qui
faisoit lascher pied aux plus formidables Armées,
qui faisoit trembler les Prouinces, les Rois, &
mesmes les Empereurs, venoit fléchir le genoüil
deuant cette Idole de verre, & lui faire hommage
de ses triomphes ; quoy qu’il les eust gaignez
par vne valeur singuliere ; quoy qu’il sceut que
l’autre en empeschast les fruicts, & qu’il trauersast
sa fortune & sa reputation par vne malice inconceuable.

 

C’est à ce Prince, Monseigneur, à qui vous
deuez parler comme à vostre pupille, qu’il faut
que vous appreniez le tort qu’il s’est fait d’auoir
mesprisé l’adoration d’vne Nation entiere, &
d’auoir fait comme à l’enuy tout ce qu’vn Roy
pourroit attenter pour perdre l’affection & l’amour
de tous ses Sujets, par le feu, par le fer, par
les viols & les sacrileges. Nous n’auons rien de

-- 31 --

semblable dans l’histoire de tous les Tyrans : Le
soupçon ou la crainte les a portez à des meurtres
infinis ; mais ils n’ont iamais voulu destruire que
leurs ennemis. Demandez lui que lui a fait Paris,
à qui Henry le Grand a pardonné le crime de la
Ligue ? que lui ont fait Sainct Denys, Charenton,
Lagny, Corbeil, &c. Que lui a fait toute l’Isle de
France, & la pauure Brie. Tous les Princes les deuoient
haïr par ialousie des loüanges qu’elles lui
donnoient, il y regnoit par amour auec autant
d’authorité que nostre Roy par sa puissance legitime :
la mesme Iustice qui lui aqueroit tous les
hommes les esloignoit du Cardinal Mazarin enuieux
de sa gloire & de son credit, & voila vn crime
qu’il falloit donc venger sur toute la France
qui se plaignoit de ce berger Estranger, comme
le Menalcas de Virgile en sa troisiesme Eclogue.

 

 


Hic alienus oues cu stos bis mulget in horæ,
Et succus pecori & lac subaucitur agnis.

 

Ce nouueau venu, choisy mal à propos pour
garder le trouppeau de France, le trait deux fois en
vne heure, il le tarit, il luy oste le suc & le laict, il
sévre nos deux aigneaux, il s’ẽgraisse de leur nourriture,
& les met à la paille, & à l’herbe. Ce mauuais
seruiteur a corrompu l’innocence des enfans
de la maison, ils les exhorte à la chasse du loup, &
luy mesme est la veritable beste carnaciere qui

-- 32 --

deuore les brebis, & de cent qu’il égorge, il n’en
mange auec eux que la plus maigre.

 

Hé ! Monseigneur, demandez à M. le Prince
qu’elle rage le porte à détruire vne si inconceuable
reputation, gagnée en si peu de temps si iustemẽt
meritée, & qui met à ses pieds, tout ce que l’Vniuers
a eu de heros ? valoit il mieux qu’il ne fut inuincible
qu’à soy mesme, & que luy seul de ses
propres mains, comme Penelope, défit en vne
nuit l’ouurage de tant de iournées ? & qu’il retrogradât
de Flandre & d’Allemagne, dans le cœur
de sa patrie pour loger la terreur, l’effroy & la haïne
à la place de l’amour & de l’admiration. Donnez
luy le conseil de Darius & Alexandre, faites
luy voir qu’il doit d’autant plus craindre les disgraces
qu’il a esté heureux & victorieux deuant l’âge,
& qu’il est impossible qu’il puisse plus longs tẽps
posseder la fortune. Quã feliciter in acie occidissem
potius hostis præda, quam ciuis victima ? nũc seruatus
ex periculis, qua sola timui in hæc incidi, qua timere
non debui. Ibid lib. 6. I’apprehende qu’il ne dise vn
iour comme le mesme Alexandre le Grand. Qu’il
m’eust esté plus heureux de mourir au combat contre les
ennemis du Roy, que contre ses suiets, sous pretexte de
maintenir par mon credit vn homme de neant contre
tout vn Royaume. Il m’estoit plus glorieux de tomber
entre les mains des ennemis, & d’estre la proye des
estrangers, que la victime de mes Citoyens. N’ay ie eu

-- 33 --

le bon heur de sortir si auantageusement des seuls dangers
que i’auois à craindre, pour tomber dans vn peril
que ie deuois aussi peu preuoir qu aprehender.

 

Puisque ie me suis engage dans la citation d’Alexandre
& de son Autheur. Ie ne puis en sortir
sans appliquer a ce victorieux, ce que Philotas : recite
de l’orgueil de l’autre, qui aymoit mieux posseder
par vsurpation que par heredité la Couronne
de Macedoine, & se dire fils de Iupiter, que de
Philippes, Amisimus Alexandrum amisimus Regem :
incidimus in superbiam nec & iis quibus se exequat nec
hominibus quibus se eximit, tolerabilem. Nostro ne
sanguine Deum fecum qui nos fasti diat Ibid. Nous
auons perdu Louys de Bourbon, il n’y a plus pour
nous de Prince de Condé nous l’auons perdu, nous sommes
tombez sous le ioug d’vne superbe, insupportable
à Dieu, qu’il mesprise & qu’il veut égaler, & intolerable
aux François qu’il dedaigne, qu’il renie pour cõpatriotes,
& qu’il traitte plus mal que les Alemans, les
Espagnols & les Flamans. Nous auons fait vn Dieu
par le sacrifice de nostre sang, qui se ioüe de nos respects
& de nostre affection, qui ne veut plus regner humainement,
& qui descend auec terreur & le foudre a la
main dans la maison de ses amis, comme Iupiter chez
Semele.

Il est dans vn employ qui doit cesser vn iour, &
ainsi il sera desarmé lors qu’il aura plus d’ennemis,
peut estre mesme que le Roy maieur se ressentira

-- 34 --

de l’authorité qu’il aura prise de se faire chef de
party dans son Estat, cõtre la Iustice & contre son
seruice, & qu’il ne trouuera pas vn seul amy pour
plaider sa cause deuant sa M. Ie ne sçay comme il
est possible qu’il n’y pense pas ? puisque Nerua
tout Empereus qu’il estoit, se ventoit principalemẽt
de n’auoir fait tort à personne, & de ne craindre
aucun particulier qui se pust resentir de luy
dans vne vie priuee s’il quittoit l’Empire Beatus
est nemo, qui ea lege viuit, vt non mode impune, sed
etiam cum summa interfectoris gloria interfici possit.
Quare flecte te quæso, & maiores tuos respice, atque
ita guberna Rempublicam, vt natum esse, te ciues tui
gaudeant ? sine quo nec Darus quisquam esse potest.
Cic. Philip. I. Celuy là ne peut estre que tres mal heureux,
dit Ciceron, qui vit de la sorte, que non seulement
on ne le puisse pas tuer impunement, mais dont la
mort doit couronner de gloire celuy qui aura triomphé
de sa vie. Nous n’auons rien de plus cher que le
Sang Royal, nous n’auons rien de plus cher que ce
Prince, & il nous met dans le terme mal heureux,
& dãs vne fatale necessité de ne pouuoir receuoir
de nouuelle plus heureuse, que celle de sa defaite,
que celle de sa mort, & de donner tous les Eloges
du plus vaillant homme du monde, & du meilleur
de tous les François, à celuy qui nous apportera
comme vn Dauid, non pas vn lambeau de les habits,
comme de Saül, mais sa teste comme d’vn

-- 35 --

Goliath, s’il peut auoir cette auantage dans vne
bataille, si cette guerre dure.

 

Maudite reuolution ! nous ne pouuions iamais
reconnoistre assez dignement ses grands seruices,
& ses memorables exploits. Sous le nom de conseruateur,
& de pere de la Patrie, il estoit nostre
Manlius François : le Manlius Romain fut honoré
de la qualité de Tite-Liue, appellé en Latin inter
Rex, que nous ne pouuons autrement expliquer
en François, que par le nouueau mot d’autre Roy,
nous le considerions comme tel, & comme il ne
pouuoit autrement regner en France que par estime,
nous lui desirions les couronnes electiues de
l’Europe, nõ sans regret d’auouer nôtre insoluabilité
enuers vn si grãd merite, & non sans vne generosité
singuliere, de nous resoudre à le perdre :
mais tout à coup le voila forcené contre nous, ce
Mars que nous voulions embrasser est deuenu serpent
ou beste feroce comme les Dieux de l’ancienne
Egypte, que le Royaume de Senega adore
encor, & nous veut reduire à nous armer pour
nostre defense, & pour sa mort, & à dire comme
Caracallus de son frere Geta fit Diuus dum non fit
viuus. Apres auoir fait en sa faueur l’aplication de
cette extase amoureuse de l’Eglise enuers Iesus-Christ
son Epoux, Dilectus meus, mihi & ego illi, qui
pascitur inter lilia.

Il n’y a point de plus grande faute dans la politique,

-- 36 --

ny dans la Morale, que de mépriser l’amour
des peuples, & de vouloir regner par force, quand
on le peut auec douceur. Ie vous coniure & vous
exhorte, Monseigneur, de presser la Reyne, &c
presser les deux Princes d’accourir en diligence,
pour estouffer vn embrasement, dont la fumee
ira iusques à eux, desabusez les de ce foible pretexte
d’authorite Royale, qui va perdre le Royaume.
Il n’y a plus d’expedient plus present pour restablir
cette authorité, ny pour leur soumettre les
cœurs, que de les regagner par des maximes contraires
à celles que le Machiaueliste Mazarin leur
a suggerees, Illud magis vereor ne ignorans verum
iter gloriæ gloriosum plus te vnum puies, posse quam
omneis, & metui à ciuibus tuis, quam diligi malis,
quod si ita putas totam ignoras viam gloriæ, earum esse
ciuem bene de Republica mereri l’audari, coli, diligi,
gloriosum est, meiui vero & in odio esse, inuidio sum,
detestabile, imbecillum, caducum, quod videmus etiam
in fabulis ipsi illi, qui, oderint dum metuant, dixerit,
pernicio sum fuisse. Vtinam Antoni, auum tuum meminisses :
de quo tamen multa audisti à me sæpissime.
Putasne illum immortalitatem mereri voluisse, vt
propter armorum habendorum licentiam metueretur :
illa erat vita, illa erat secunda fortuna, libertate esse
pacem cum cæteris, principem dignitate. Philip. I.
Opposez aux conseils violens de ce tiran, celui de
Ciceron à Marc. Antoine, & dites particulierement

-- 37 --

à Monsieur le Prince que vous apprehendez
pour lui qu’il ne se soit égaré du veritable chemin
de la gloire par vne mal heureuse trauerse ; qu’il
n’y a, ny honneur, ny seureté, de vouloir montrer
que tout seul on peut plus que tous, & que l’on
aime mieux estre craint & hay qu’aimé & cheri
de ses Concitoyens. Rien ne nous doit estre plus
cher que les seruices que nous auons rendus à nostre
patrie : il n’y a point de gloire plus legitime,
que celle d’en estre estimé, loüé & honoré : comme
au contraire, c’est vne chose odieuse, detestable,
ridicule & de peu de durée, pour quelque
puissãce que ce soit, de l’apuyer sur ces deux principes
de crainte & de haine. Nos Histoires nous
apprennent comme il en prist mal à celui à qui
cette mauuaise parole échappa, que m’importe
d’estre hay du peuple, pourueu qu’il me craigne.

 

Pleut à Dieu qu’il fist reflexion sur la conduitte
du Prince de Condé son pere ; ie dirois mesme
qu’il prist exemple sur son Cadet, l’incomparable
Prince de Conty, ou sa sœur Madame de Longueville.
Est-ce leur qualité, ou leur puissance qui force
tous les François à mettre tous leurs interests à
les voir comblez des prosperitez de la terre, & des
benedictions du Ciel ? Ils ont suiui la force & le
genie du bon Prince de Condé leur pere, comme
François ils prennent part, mais vne part égale
auec les moins cõsiderables à la liberté publique,

-- 38 --

& par cette generosité sans exemple, ils conseruẽt
dans sa splendeur cette dignité de Prince du Sang
preste à déchoir par la continuelle suite des fauoris,
& preste à se rendre odieuse & méprisable par
le peu d’affection de ceux qui la partagent auec
eux. Imitez les vous mesme, Monseigneur, puis
que la necessité presente de l’Estat vous offre vne
occasion de témoigner vostre affection au bien
public, & de vostre propre mouuement sans le
consentement de l’infame Estranger qui vous en
a exclus au preiudice de vostre naissance & de vostre
merite. Vous pouuez aller à la Cour sans soupçon,
comme vous estes hors d’âge de seruir autrement
que de vostre conseil.

 

Quid si pœr am remittimus vobis, qualem nos pacem
vobiscum habituros speremus ? si bonam inquit, & fidam
& perpetuam, si malam, baud diuturnam tum
vero minari nec id ambiguẽ priuernatem quidam &
illis vocibus ad Rebellandum incitari pacatos populos,
pars melior Senatus ad meliora Responsa trahere &
dicere, viri, & liberi vocem auditam : an credi posse
vllum populum, aut hominem denique in ea conditione
cuius eum pœniteat, diutius quam necesse fit mansurum ?
ibi pacem esse fidam vbi voluntarij pacati sunt :
neque eo loco vbi seruitutem esse velint fidem sperandam
esse. Liu. lib. 8.

Vous y estes dautant plus necessaire que l’on y
parle de Paix, & que vous en connoissez mieux

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l’importance que ces ieunes courages impetueux
& temeraires, qui veulent donner à la France les
mesmes passions qui les dominent. Faites que les
conditions soient aduantageuses à la partie offencée,
qui est le peuple, & que la Reine satisface
d’elle mesme à tant de meurtres, de vols, de viols,
de sacrileges & de prophanations, si elle veut éuiter
la Iustice de Dieu, de Dieu, dis je, viuant,
voyant & vangeur, qui se plaist à la punition des
Souuerains, & qui ne monstre sa puissance accomplie,
que sur les puissances parfaites. Puis que l’on
a fait cette faute, que l’on ne doit iamais pardonner
à ces petits luges de Police, deuenus Politiques,
qui l’ont osé conseiller, que de forcer & de
contraindre les Parisiens à s’armer pour defendre
vne vie que l’on leur vouloit oster par la famine,
& sur laquelle Dieu seul a le droict : Il faut apprehender
que tous les mouuements qui deriueront
de cét aguerrissement forcé des Sujets du Roy ne
soient fauorisez du Ciel. Il n’y a point de remede,
que de faire vne bonne, franche & auantageuse
Paix, telle que les Priuernates la demandoient
aux Romains, afin qu’elle soir de duree : L’on ne la
peut esperer que fausse & plastree ; si l’on ne voit
des marques d’vne reconciliation & d’vne generosité
parfaite de la part de la Reine, & si les conditions
ne mettent ce Peuple en plus heureux
estat qu’il n’estoit deuant cette guerre, dont Dieu

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veut tirer vn fruict qui égale les malheurs qui se
sont prouenus, & qui extirpe les desordres qui
l’ont causee. Plaise à sa Maiesté diuine de vous
dõner quelque part en cette restauration d’Estat
prenez auec passion le personnage de l’Ambassadeur
des Priuernates montrez vous digne Prince
de Valois, digne descendant de S. Louis, & de plus
encor, digne d’auoir eu pour quart ayeul S. Iean
Comte d’Engoulesme, auquel ie prie Dieu qu’il
vous rejoigne à la gloire du Ciel, que nos Peres
& tout nostre Ordre vous desire auec toutes les
passions imaginables, & moy particulierement
qui suis, De V. A.

 

MONSEIGNEVR,

Le tres-humble & tres-fidel
Religieux, P. M. D. C.

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P. M. D. C. [signé] / Camaldoli, Michel de (père) [1652], LE COMETE ROYAL PRONOSTIQVANT A LA Reine vn deluge des vengeances du Ciel, en punition, I. Des Incestes. II. Des Violements. III. Des Sacrileges. IV. Des Sodomies. V. Des Brutalités. Qui se cometent dans la guerre qu’elle fomente, pour soustenir l’Ennemy de la Chrestienté. , français, latinRéférence RIM : M1_66. Cote locale : B_4_2.