M. B. I. V. D. R. D. L. P. P. T. [1652], L’EMBRAZEMENT DE LA PAILLE, ESTEINCT PAR LA Prudence des Parisiens. Par M. B. I. V. D. R. D. L. P. P. T. , françaisRéférence RIM : Mx. Cote locale : B_8_18.
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L’EMBRAZEMENT
DE LA
PAILLE,
ESTEINCT PAR LA
Prudence des Parisiens.

Par M. B. I. V. D. R. D. L. P. P. T.

A PARIS,
De l’IMPRIMERIE d’ANTOINE
CHRESTIEN, ruë des Sept-Voyes,
deuant le College de Forter.

M. DC. LII.

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L’EMBRAZEMENT
de la Paille, esteinct par la Prudence
des Parisiens.

L’EXPERIENCE rend vn chacun Philosophe
au mouuement des elemens, lors
qu’ils approchent de leurs centres : dautant
que le desir d’y estre comme au lieu
de conseruation & de repos, prend accroissement
à mesure qu’ils s’en approchent.

Le Soldat qui par sa valeur a acquis Charge en l’armée,
ne perd point les occasions de se rendre de plus
en plus officieux au seruice de son General, en esperance
d’estre aduancé à vne plus glorieuse : tellement
qu’il n’est point en repos iusques à tant qu’il se rende
souuerain pour commander.

Les Princes qui ont part à la Couronne, ont tant
plus d’emulation pour se rendre dignes, & se voir
preferez à tous, qu’ils sont de haute, independante, &
souueraine extraction : qui tant plus que leur rang en
approche, tant plus sont ils auides de se voir assis au
trosne par vne Philarchie bien souuent precipitée,
& qui leur fait dire par orgueil auec la superbe Babylone
au 4. liu. d’Esdras chap. 16. V. 6. Aucun chassera-t’il
le lion offamé en la forest, ou esteindra t’il le feu

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en la paille incontinent qu’il commencera à brusler ?

 

Les François auroient à se contenter de qualifier
cette Guerre intestine de folle, comme au commencement
du Regne de Charles VI. encore mineur, si
elle n’estoit à comparer à celle qui se fit sous la regence
du Dauphin Charles Cinq, bien nommé le Sage,
par la malheureuse fortune de son pere le Roy Iean,
lors que les peuples couroient çà & là comme bestes
errantes par les champs & mourans de faim. Ie ne
pretend point escrire, ce qui ne se peut dire des
maux, que toutes les Prouinces de France ont souffert
& souffrent encore à present, par rapines, violemens,
sacrileges, blasphemes, pauureté, famines,
maladies, morts, meurtres, incendies, extorsions
barbares, par tout genre de cruauté enuers hommes,
femmes, vieux & ieunes iusques au berceau. Mais
ie me contenteray d’aduoüer la Prouidence de
Dieu, laquelle prend son temps pour se faire adorer.
Le Prophete Ioel chap. 2. V. 2. parle ainsi, Vn peuple
grand & fort vient comme le matin. V. 3. Le feu est deuant
sa face, & derriere luy est la flamme bruslante, V. 5.
Ils viendront comme le son de la flamme (mais cachée
par leur prudence) deuorant la paille comme vn peuple
fort preparé à la bataille. C’est à vous, Bourgeois de
Paris tousiours bien intentionnez pour vostre Roy,
& pour vostre patrie, à qui i’addresse ce discours.
Mais vous auez eu besoin d’vn secours celeste pour
affermir vos courages, & rendre vostre fidelité constante
parmy les insolẽtes effronteries que vous auez
prudemmẽt dissimulé. Le Prophete se manifeste-veritable

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V. 11. aussi le Seigneur a donné sa voix deuant la face
de son armées. Vous lauez entendu & receu de vostre
Pasteur, Mr. le Cardinal de Retz que toute l’Eglise
vniuerselle ne peut pas moins cherir & honorer,
qu’il est incomparable en la conduite de ses Ouailles,
qu’il a si heureusement maintenu & gardé parmy
les plus puissans ennemis qu’vne Eglise puisse
auoir chez soy, & les plus effroyables perils qu’vn
Prelat puisse redouter.

 

Les extremes malheurs des Iuifs n’ont leurs source,
que du mespris qu’ils ont fait des Prophetes que
Dieu leur enuoyoit pour les euiter Esdras en son
4. Liure chap. I. V. 53. nous apprend cette verité,
vostre maison est deserte dit il, ie vous ietteray comme le vent
iette la Pialle, dit le Seigneur ; tes ennemis seront comme le
feu & te deuoreront chap. 15. V. 16.

C’est à vous, ô Incendiaires de vos Magistrats, de
vos Chefs & Capitaines & des plus nobles & notables
Bourgeois de Paris en l’Hostel de Ville, c’est à
vous à qui s’addresse le Prophete Ezaye chap. 33. V. 11.
vous conceurez l’ardeur & engendrerez la Paille & vostre esprit
vous deuorera comme le feu. Car vostre furieuse passion
a forcé les gens de bien à porter sa marque :
mais ce n’à esté que Paille. Ce n’est point ce qu’il falloit
bastir sur le fondement qu’auoient posé les Princes
de l’Estat, comma admoneste l’Apostre escriuant
aux Corinthiens chap. 3. V. 12. 13. si aucun bastit Pailles
l’œuure d’vn chacun sera manifeste par le feu. La violence
est odieuse : & c’est elle qui les à rendu odieux

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par vostre rage, & qui a plus affoibly leur party, que
les Armées de leurs aduersaires. Ainsi vostre esprit
vous a deuoré comme le feu par la Paille que vous
auez fait porter par violence, qui vous sert à present
de matiere pour la voir ignominieusement brusler
par vn plus iuste feu que celuy qui a consommé
la Paille de vos boutes feux. Car où sont apresent vos
desseins ? Où estes vous reduits ? ces Allumettes de
Papier ne doiuent pas moins estre iettées au feu,
que vostre Paille, puis que les vns comme les autres,
auez tentez vn massacre vniuersel des bons & des
mauuais, des innocents, comme des coupables dans
la ville de Paris.

 

Mais l’on ne iustifie point le fait de l’autre. Que
reste il donc aux vns plus quaux autres de telles efforcenees
entreprises ? Le Prophete dit bien chap.
47. V. 14. ils sont faits comme la Paille, parlant de vous,
le feu les bruslera : ils ne deliureront point leurs ames de la
main de la flamme il n’y a pas de charbon pour les eschauffer.
Le bois consommé par le feu rend du charbon qui
profite & eschauffe, mais la Paille bruslée n’a rien de
reste, que le vent n’emporte. Tel est le feu de la passion
humaine, laquelle n’engendre autre chose que
le repentir. Attendu que le reuers de Fortune fait porter
la peine à ceux qui la fomentent, qu’ils ont voulu
faire porter aux autres. C’est pourquoy le bon
Patriache Iob se retire de leur conseil, à cause, dit-il, chap.
21. V. 16. que leurs biens ne sont point en leurs mains, & qu’ils
seront comme la paille deuaut les vents & comme la cendre,

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que le tourbillon espart V. 18. Ce qui est tant plus à craindre
que les crimes des perturbateurs du repos public
ne sont point moindres que ceux de leze Majesté.
Or ce genre de maluersation ne requiert
pas moindre punition, qu’vne entiere ruïne de
ceux qui les ont commis tant en leurs corps qu’en
leurs biens, & encore ceux qui pour couurir leurs
pernicieux desseins, ont corrompu par presens les
plus prompts à la sedition, gens que le Prophete
Esaye condamne chap. I. V. 24. Ainsi que la langue du
feu deuore la paille & la chaleur de la flamme la brusle : Ainsi
sera la racine des meschants, & de ceux qui iustisient les meschants
pur presens, & ostent la iustice des Iustes.

 

Mais, ô Tout-puissant, quand vous aurez estouffé
les feux & les flammes de nos fougers, qui consomment
nos biens & nos maisons, ne ferez vous point
fondre les nuës de vos misericordes en eauës pour
esteindre le feu de l’Estranger, pour nous donner vne
paix & vn repos sans crainte ? Nous reconnoissons
nos deffauts auec douleur : Faites donc ce que vous
nous promettez par vostre Prophete Esaye chap. 25.
V. 5. Tu abbaisseras le tumulte de l’Estranger, comme les
chaleurs au lieu sec, & feras languir le bourgeon des forts
comme sous la nuée, quand la chaleur brusle, V. 10. La main
du Seigneur reposera sur cette montagne, & Moab sera froissé
dessous luy ; Ainsi que les pailles sont froissées du chariot.

Faites, ô Dieu, car il est temps, ce que vous faites
dire par le Precurseur de vostre Fils nostre Sauueur
en S. Matthieu chap. 3. V. 11. 12. Qu’il a son van en

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main & nettoyera son aire, & assemblera son froment au
grenier, mais il bruslera entierement la paille au feu, qui iamais
n’esteint. Mais que ce feu soit vne perseuerante
charité & vnion entre les François qui ne soit iamais
esteinte par la diuision. Ce sera alors que nous chanterons
actions de graces auec la netteté de cœur que
vous desirez, auec Moyse, & nostre bon Roy, apres
que vous aurez retiré vostre peuple de la seruitude des
Egyptiens, pour le faire iouyr de la terre promise, &
d’vn calme asseuré apres tant de tempestes, Exod. 15.
v. 8. Par la multitude de ta gloire, tu as ruiné mes aduersaires,
tu as enuoyé tonire, qui les a consommé comme la paille.

 

FIN.

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