Lemercier,? [?] [1649], LE TOMBEAV GENERAL DE TOVTES LES PIECES DV TEMPS. Ou la sepulture de toutes les fausses Nouuelles. , françaisRéférence RIM : M0_3786. Cote locale : A_7_47.
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LE
TOMBEAV
GENERAL
DE TOVTES LES
PIECES DV TEMPS.

Ou la sepulture de toutes les fausses
Nouuelles.

A PARIS,
Chez la vefue IEAN REMY, ruë S. Iacques, à
l’Image S. Remy, prés le College du Plessis.

M. DC. XLIX.

AVEC PERMISSION

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LE TOMBEAV GENERAL DE TOVTES
Les Pieces du Temps, ou la Sepulture de toutes les
fausses Nouuelles.

POVR moy ie suis de maxime à ne iamais
parler des premiers, & voir auparauant ce
que les autres auront dit, afin de porter
iugement de leurs parolles, & considerer
si elles ont esté fausses ou veritables, & en suitte de ce
y adiouster quelque creance, ou bien ne les point
croire du tout. La pluspart des Historiens disent toûjours
beaucoup plus de mensonges que de veritez, par
ce que ce sont pour l’ordinaire personnes interessées,
qui cherchent à faire leurs fortunes auprés des Princes
qu’ils flattẽt, ou desquels ils aprehẽdent la puissance,
& qui par consequent fauorisent le party le plus auãtageux,
ils font iustement comme cét excellent Peintre,
qui tirant le Poutraict d’vn grand personnage
qui estoit borgne, le tiroit tousiours en pour fil, &
auoit la dexterité de cacher auec le traict de son pinceau,
les déformitez de son visage. Les Historiens
en font de mesme, ils celent ce qui est defectueux
dans le party qu’ils espousent, & declarent les choses
qui luy donnent de l’eclat & de la reputation. Senec
qui estoit Precepteur de Neron, fit vn traitté de la
Clemence en faueur de ce Prince qui estoit tres-cruel.

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Et Homere dit que Crœsus estoit tres liberal, bien
qu’il fut tres auaritieux. Dina qui estoit Caluiniste
n’a iamais escrit qu’à la confusion des Catholiques.
Et du regne du Cardinal de Richelieu, ny Duplex,
ny Hernaudot ses Historiographes n’ont publié de
luy que des loüanges, que des actions heroïques, &
des entreprises genereuses. Il falloit aussi obliger ce
Cardinal qui estoit extrémement passionné de gloire,
pour meriter ses bonnes graces. Et ce fut luy mesme
sans doute qui par presens fit en sorte, qu’vn
nommé Auila Italien escriuit les Annales de France,
afin que c’est Autheur Estranger fut moins suspect.
Et que les merueilles qu’il publioit de luy, passassent
pour veritables dans vne plume que l’on croyoit n’étre
point interessée. Cela estant, n’écoutons ny les
Couriers Estrangers, ny les François : mais seulement
la verité.

 

Nouuelles veritables des Pays Estrangers.

On nous apprend par lettres secrettes enuoyées
de Rome, que sa Saincteté a témoigné & témoigne
tous les iours d’extrémes regrets, de voir la France
en trouble, & que par vne pieté digne d’elle, sçachant
les desordres qui se commettent en cette guerre,
particulierement enuers les choses sainctes, elle
desire dauantage la paix de la France auec la France,
que de la Frãce auec l’Espagne. On dit mesme qu’elle a
commandé pour ce suiet quelques prieres publiques,
& qu’elle a témoigné approuuer les desseins du Parlement,

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en ce qu’il s’oppose iustemenet aux mauuaises
intentions du Cardinal Mazarin. En effet, ce mal-heureux
qui n’a plus de retraitte, ny dans son propre
païs, ny parmy les Estrangers, iouë absolument de
son reste, & en se perdant perdre le Royaume, le plus
florissant & le plus Chrestien du monde.

 

Les Holandois sont en peine sçauoir de quel costé
ils pancheront, & quel party ils tiendront, s’ils demeureront
neutres ou non, s’ils ne remueront point
pendant tous ces troubles icy, & s’ils auront assez de
resolution pour se maintenir en paix, neantmoins il
est à presumé qu’estant extremement fatiguez de la
guerre qui a duré si long-temps dans leur païs, ils
ioüiront vn peu des douceurs de la paix, & attendront
quelque autre occasion de prendre les armes.

On allarme tous les iours la ville de Paris & ses habitans
de la venuë du Duc Charles auec vne armée
de dix mille hommes, & dit-on mesme que la Reine
luy a enuoyé de l’argent pour la payer ; mais quelle
apparence qu’elle se voulut fier à vn ennemy de la
France, à vn homme inconstant & meschant qui
n’eut iamais gueres de foy, & durant le regne du feu
Roy trompa la France par trois diuerses fois.

Il y a aussi peu d’apparence qu’il voulut prendre les
armes contre vn Parlement qui ne luy est point ennemy,
qui n’a pas enuahy son païs, & auec lequel il
n’a iamais rien eu à desmeler : quand mesme il le voudroit
ses trouppes ne pourroient passer qu’auec grand
hazard, & l’Espagnol ne permettroit pas qu’il desgarnit
les lieux où il est, crainte que tout cecy ne fut

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vne surprise : non non il verra le ieu sans estre de la
partie & s’efforcera de r’auoir son Duché. Et tout ce
que l’on en dit n’est à autre dessein que de nous donner
de la crainte dans la creance que nous serons plus
foibles que nos ennemis, & par ce moyen nous reduire
à des soumissions honteuses.

 

Nouuelles veritables de la France.

Nous attendons certainement vne armée considerable
de Monsieur de Longueville, laquelle arriuera
bien tost, mais pour luy il demeurera dans son
Gouuernement, pour maintenir les peuples en leur
deuoir, & conseruer vne Prouince au seruice du Roy,
qui est tres-puissante & de tres-grandes consideration,
comme vn excellent Medecin ne doit pas seulement
donner des remedes à la maladie presente,
mais aussi des preseruatifs pour empescher les maladies
qui pourroient arriuer. De mesme vn sage Gouuerneur
ne se contente pas que sa Prouince demeure
dans sa fidelité ; mais aussi que les factieux, comme
il s’en rencontre assez, ne puissent remuer &
broüiller les cartes, il est donc necessaire d’auoir toûjours
l’œil sur les bons comme sur les mauuais, afin
de supporter les bons & punir les méchans.

On dit que Madame de Chevreuse vient au seruice
des Princes & du Parlement auec vne armée de quatre
mille hommes, & que cette genereuse Amazone
marche à la teste auec vn courage digne de sa personne.
Ce n’est pas d’auiourd’huy qu’il s’est trouué des
femmes genereuses & experimentées au mestier de
la guerre, puisque l’Histoire nous apprend que la

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Reine Thomiris dressoit vne armée en bataille, aussi
parfaitement que le plus grand Capitaine du monde.

 

Voila les veritables nouuelles, & nous ne deuons
plus écouter tous ces Courriers, & François & Estrangers,
qui nous apportent mille nouuelles fausses, &
qui disent plus de mensonges que de verité.

Vn Confesseur homme de vertu, de probité & de
sagesse, m’a protesté secrettement qu’vne Ame d’vne
eminente saincteté luy auoit assuré de la part de son
Ange Gardien, accompagné de saincte Margueritte,
de qui elle porte le nom, que bien-tost la Reine
changeroit de dessein, & qu’aprés ce grand orage le
peuple de Paris éprouueroit vne parfaite tranquillité
par les sages conseils, & la prudente conduitte
de Messieurs du Parlement.

Il est permis au Sieur le Mercier de faire imprimer la
piece cy-dessus. Faict à la Chambre des Dépesches, le
quatriéme Mars 1649.

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