J. B. D. L. R. [1649], LE BOVQVET PRESENTÉ AV ROY LE IOVR DE SA FESTE. Par le Sieur I. B. D. L. R. , françaisRéférence RIM : M0_600. Cote locale : C_2_21.
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LE BOVQVET PRESENTE
au Roy le iour de sa Feste.

Par le Sieur I. B. D. L. R.

 


VISIBLE Image du grand Dieu
Miroir de sa gloire supreme,
Et qui reluis en ce bas lieu
Des feux du premier diadesme :
La seule Muse qui reserre,
Le tresor d’vn las precieux
Comme fille du Roy des Cieux
Vous donne des fleurs de la terre.

 

 


Ie sçay que la temerité
Preste à quelque plumes ses Ailles,
Apollon en est yrité,
Et ne parla iamais par elles
Les graces souuent inconnuës :
Ont ce desplaisir nom pareil
Que la beauté de leur Soleil
Soit couuerte de tant de nuës.

 

 


O Roy qui portez dignement
Le iour d’vne double Couronne,
Il faut que vostre entendement
N’ait point de nuits qui l’enuironne :
Grand Louïs puisque vostre naissance
Vous fait vn Dieu deuant nos yeux
Vous deüez estre comme les Dieux

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Qui ne sont tous qu’intelligences.

 

 


Athlas pour l’esprit qu’il l’ornoit
Gaigna sur tous cette creance
Que le Ciel mesme il soustenoit
Sur la hauteur de sa puissance :
Grand Roy, que ce Roy soit ta mire,
Acquiers ces graces seulement
Et tu soustiendras puissamment
Le large Ciel de ton Empire.

 

 


O Roy nostre soin precieux
Par la clarté tous nous prospere,
Mais afin d’auoir de bons yeux
Faits que Phebus en soit le pere
Et que sa lumiere t’inspire
Le vouloir & le mouuement
Celuy là doit voir clairement
Qui doit voir sur tout vn Empire.

 

 


Tout ce qu’on trouue de parfait
Dedans les basses creatures
L’autheur de Nature l’a fait
Esclater aux superieures
Aux Mixtes sa sagesse assemble
La vertu de chasque Eslement
Et ces fleurs ont pareillement
Ce que les Mixtes ont ensemble.

 

 


Grand Roy pour qui la passion
Est dedans nos ames extremes
Tousiours plus de perfection
Se rencontre en lange suspreme :
Et le premier cœur illumine

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Les esprits qui sont aux plus bas
Ainsi luis nous de tes esclats
Puis que ta belle ame domine.

 

 


Minerue assura les Troyens
Qu’ils ne feroient iamais naufrage
Ny leurs Ville, ny leurs moyens,
Tant qu’ils garderoient son image :
Nostre assurance est bien supreme
Car nous te garderons grand Roy
Et ne garderons pas en toy
L’image : mais Minerue mesme.

 

 


Loüis t’a laissé grand Loüis
Tu montes quand il vient de scendre
Et nous sommes tous réjoüis
D’auoir tes feux apres sa cendre :
Te voir éternissant l’vsage
De sa prudente volonté
C’est voir la constance & bonté
Dans vn changement de visage.

 

 


Mon Roy si puissant & si doux
Ce seroit vn crime de taire
Que tu tiens des ames de tous
A vne chaisne hereditaire :
Tes sujets ont l’heur en partage
Et peuuent bien tout depiter
Car il voyent leur Iupiter
Dedans le Ciel de ton visage.

 

 


Les vertus puissantes d’appas
Auec leurs faces de Deesses
Vn moment n’abandonne pas
Tes faits, tes propos, tes caresses :

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Cet object saintement extreme
Imprime dans le cœur de tous
Que tu n’est pas plus Roy sur nous
Que tu seras Roy sur toy mesme.

 

 


Soleil repand égallement
Les beaux Rayons de ta Iustice,
Et ne sois au pauure inclement
Pour estre à Cresus trop propice :
Resemble au Soleil qui desserre
Tous les esclats qu’il a receus
Sans voir plus long-temps le dessus
Qu’il voit le dessous de la terre.

 

 


Mon Roy prend garde à ce discours
Pour estre le plus salutaire
Les deux Poles sont veus tousiours
Du peuple de la droicte Sphere :
Et ta doctrine manifeste
Te fera voir, ô mon grand Roy
Ton Royaume tousiours à toy
Et l’assurance du Celeste.

 

 


Tiens souuent ces propos à Dieu
Ie dois mon Sceptre à ta grace,
Ie suis bien grand en ce bas lieu
Mais sort petit deuant ta face :
En balançant ma conscience
Ie dois bien m’abatre à tes yeux
Si l’Astre le plus net des Cieux
S’abaisse dedans ta balance.

 

 


Fonde en toy la belle Vertu
Qui n’oste point ce que Dieu donne
Et sçache que l’homme abbatu

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Est vn Cipres à ta Couronne :
C’est bien le plus sensible outrage
Qu’on pouroit iamais faire aux Dieux
Que de presenter à leurs yeux
La defaite de leurs ouurage.

 

 


Mais garde que l’impunité
Ne deborde tant la licence,
Qu’à la fin ton humanité
Ne soit cruelle à l’innocence :
Ne fais voir les graces suiuies
De ce miserable remors
D’auoir donné beaucoup de morts
Pour auoir sauué peu de vies.

 

 


Aime la liberalité
Des vertus clairement l’aisnée,
Puis qu’il n’est point de liberté
Qui n’en voulut estre enchaisnée :
Encor voit l’heur qui l’enuironne
Car auec ces dons vainqueurs
Cette belle prenans les cœurs
Prẽd beaucoup plus quelle ne donne.

 

 


Mais i’ay tort de te demander
Le soin de ces Vertus si belles,
C’est autant que recommander
L’Egypte au Nil amoureux d’elle :
Ie vais donc blamant mes parolles,
Car aussi bien tant discourir
C’est te proposer de courir
A l’heure mesme que tu volle.

 

FIN.

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