Dubosc-Montandré, Claude [?] [1652], LE SCEPTRE DE FRANCE EN QVENOVILLE Par les Regences des Reynes, faisant voir par de naifues representations d’Histoires. I. Les desordres du pouuoir absolu des femmes en France, par. II. La mauuaise Education des Roys. III. La pernicieuse conduitte de l’Estat. IV. Les horribles factions qui s’y sont esleuées, & qui ont souuent mis cette Monarchie à deux doigts de sa ruine. V. Et le moyen infaillible de remedier à tous ces desordres, si l’on veut s’en seruir efficacement & dans l’vsage des Loix Fondamentales. , français, latin, italienRéférence RIM : M0_3598. Cote locale : B_4_8.
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AVERTISSEMENT AV LECTEVR.

L’INFRACTION de la premiere & de la plus saincte
loy de cette Monarchie, ne seroit que
trop suffisante pour nous decouurir l’insatiable
ambition des femmes, si cette Passion,
trop fatale à la France ne se faisoit beaucoup
mieux sentir, que reconnoistre par les viues ; mais
trop deplorables impressions quelle a fait si souuent,
iusques dans le cœur de ce miserable Royaume,
par les ruines epouuantables quelle y a causées,
& par les epanchements trop funestes du
sang de tant de milliers d’hommes, qui fument
encor des meurtres recents Exercez impitoyablement
sur toute sorte de personnes.

En vain Pharamond le plus sage & le plus moderé
de nos Souuerains, s’est efforcer par vne loy
fondamentale d’arrester cette furieuse passion des
femmes pour la domination, s’il n’a point donné
de moyens assez forts pour en establir l’execution,
& pour seruir de bride aux auiditez effrenées du
sexe le plus ambitieux, & le plus obstiné dans ses
dereglements : il nous a bien dit qu’il ne falloit
point souffrir de femmes pour Superieures, mais
il ne nous a point apris ce qu’il falloit opposer
au violent desir qu’elles ont de regner, mesme par
les voyes les plus illicites.

Ie sçay bien que les loix fondamentales d’vn
Estat si bien policé qu’il auoit heureusement
transmis à ses Successeurs, deuoient estre inuiolables,
& qu’il ne se deuoit point trouuer de personnes
assez hardies ny assez insolentes pour en

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venir à ce point de rompre le lien le plus sacré entre
les Rois & les peuples, & quand bien il s’en seroit
trouué, il n’y a point de supplice assez rigoureux
pour la punition de ce crime.

 

Mais que ne peut point vne femme furieusement
ambitieuse, puisqu’elle a pû sans crainte
violer vne loy, pour laquelle les hommes les plus
effrontez n’ont eu que du respect & de la soumission,
il n’est rien de si sainct qu’elle ne profane, rien
de si Sacré quelle ne foule au pieds, rien de si iuste
qu’elle n’outrepasse, rien de si iudicieux & de si raisonnable
qu’elle ne méprise, ainsi toute la vigueur
de la Loy Salique, s’est aneantie en France, & la
quantité de femmes qui ont insolemmẽt passé par
dessus, ont fait voir que les plus Sages ne sçauroient
tant establir de bonnes loix, que les femmes ambitieuses
& folles sont capables d’en detruire, &
d’en enfraindre, ainsi qu’on le peut voir en plusieurs
endroits de nostre Histoire, que ie r’apporte
sans passion & auec toute exactitude dans ce volume.

Furenz
quid sœmina
possit.
v. Æncid.

La raison qui donna lieu à l’etablissement de
cette Loy, à l’égard des femmes est si forte, qu’il
ne faut que consulter les maux que nous souffrons
presentement par son infraction, pour nous conuaincre
entierement sur ce suiet, & nous faire dire
en souspirant, ô qu’il eut bien mieux valu que
nous eussions employé de tout temps, les plus
rudes supplices pour maintenir en sa vigueur,
vne Loy qui nous eust esté si profitable, en nous
procurant vn bien, dont nous ne pouuions assez

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reconnoistre tous les aduantages, que par les defauts
que nous en auons, à nostre plus grand
mal-heur.

 

Et ce n’a point esté seulement en France, que
ce desordre effroyable est arriué, par l’ambition
des femmes, l’impuissance de commander à ses
passions, a tousiours esté naturelle à toutes celles
qui ont eu de l’Empire ; mais pour les exercer auec
plus d’impunité, elles se sont tousiours premieremẽt
renduës maistre esses des Souuerains, soit en surprnãt
l’esprit des plus censés, par vne infinité d’artifices,
ou par l’education honteuse qu’elles ont
données aux Mineurs, desquels ils ont fait tant de
faineants, de débauchez, & de Tyrans, dont les
mœurs ont esté pleines d’infamies & de cruautez,
qu’il vaudroit mieux, au dire d’vn celebre Historien,
en effacer la memoire, pour les ignorer,
que de la produire au iour auec danger, qu’il ne
s’en fasse de semblables à leur imitation.

Il est pourtant necessaire à mon aduis de faire
voir quelque fois de notables défauts qui se rencontrent
dans le Gouuernement, afin d’en donner
de l’horreur aux meilleurs naturels, & afin
que les autres, se donnent mieux garde d’y estre
sujets par la crainte qu’ils auront d’en estre entachez
à leur mal-heur, & pour leur ruine inéuitable.

Zozime
lib. I. Hist,
nou.

L’Estat de Syrie qui est des premiers en l’ordre
du temps, fut aussi le premier troublé par
l’ambition prodigieuse d’vne femme. Iustin nous
asseure, qu’elle se trauestit en homme, pour regner
plus absolument, qu’elle souleua tout l’Orient

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à sa desolation pour se satisfaire, & que
pour retenir plus tyranniquement cette authorité
Souueraine, qui appartenoit au ieune Ninus
son fils, elle le fit esleuer dans toute sorte de mollesse
& de corruption, luy ostant ainsi la connoissance
de son pouuoir qu’elle vsurpa l’espace de
quarante deux ans, & enfin pour se l’asseurer tout
à fait, ayant bien eu cette horrible resolution depouser
son propre fils, il eut tant d’horreur de cét
inceste qu’il la tua de sa propre main, & ne fit iamais
de plus genereuse action ayant esté, esleué
dans l’oysiueté & dans la bassesse, à la honte de
sa mere, qui l’auoit rendu incapable de gouuerner
par luy mesme.

 

Instin. lib.
I. Epist.

Les Estats des Perses & des Grecs se virent tout
en feu rauagez par les armes de huit cent mille
hommes, dont le sang remplit les riuieres qu’ils
auoient desechées en leurs passages. L’orgueilleuse
femme de Xerxes alluma ce grand Incendie
par ses funestes suggestions, persuadant follement
à son mary qu’vn si grand Empereur, comme il
estoit, ne deuoit rien voir dans le monde qui ne
luy fust soûmis, il y perdit pourtant la plus
nombreuse armée qui se soit iamais veu sur pied,
& fut contraint de se sauuer tout seul & tout
tremblant dans vne meschante barque de Pescheur,
luy qui s’estoit veu peu de temps auparauant
enuironné de tant de milliers de Satellites,
l’ambition de sa femme le ietta dans ce destroit
qu’il ne put passer qu’au despens de son honneur,
de son Empire, & de sa vie, qui ne luy demeura pas

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beaucoup de temps, apres son desastre.

 

L’Histoire Romaine nous fournit vne suitte
horrible de ces Megeres affamées des vanitez
que l’Authorité Souueraine leur fait esperer : Il
me semble voir encor vne Tullia qui fait passer
impitoyablement son Chariot par dessus le
corps de son propre pere, pour aller saluer son
mary Tarquin le superbe qui le venoit de tuer, &
courir au partage de cette Souueraineté, par la
voye du parricide, aussi bien que ce perfide, dont
le crime luy estoit si agreable, à cause qu’il la faisoit
Souueraine.

Il n’est pas trop inutile de rapporter icy vne
Liuie, qui fit mourir le vieil Auguste son mary :
Fabius son confident, Germanicus le plus grand
Prince, & le plus accompli qui fut iamais, le gendre
d’Auguste & tous les Cesars ses nepueux, vne
quantité de Senateurs, tant de ceux qui auoient
esté les instruments de ses crimes, que ceux qui les
auoient improuuez, & en fin fit egorger Agrippa
le veritable Successeur de l’Empire, qu’elle auoit
fait releguer dans l’Isle de Planase, tant qu’Auguste
auoit vescu, pour affermir d’autant plus le pouuoir
absolu, qu’elle auoit pris sur l’esprit de ce
bon vieillard, & la domination tyrannique qu’elle
vsurpa pour soy, & pour son fils sur toute cette
Republique, qu’elle ne se cõtenta pas de renuerser
tout à fait, elle luy voulut donner vn maistre instruit
de toutes ses meschancetez, pour les reduire
dans vne espouuantable seruitude.

Messaline & Agrippine, ne sont que trop connues
par leurs espouuantables meschancetez, l’vne

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pour ses prostitutions abominables, & l’empoisonnement
de l’Empereur son mary ; & l’autre
par l’horrible auidité de regner, à laquelle elle
prefera sa vie & n’obmit point d’artifices, quelque
criminel & illicite qu’il fust, afin de retenir
cette Souueraineté, elle ne se souuenoit pas qu’elle
auoit produit vn monstre, qui luy deuoit oster,
auec la vie : Ce fut vn effet de sa mal-heureuse
éducation.

 

Mais cette loy qui deuoit apporter vn remede
à tant de desordres dans l’Estat François, n’a seruy
que de suiet pour les augmenter, & en faire
naistre de nouueaux, ainsi qu’on peut voir dans
tout cét ouurage, les factions, les guerres ciuiles,
les diuisions, les rauages, les incendies, les pillages,
les violements, les horribles seignées, & la perte
de tant de millions d’ames, en ont esté les funestes
suittes, qui ne sont que trop connuës
de nostre temps, par nostre propre experience : à
quoy pourtant on n’apporte point de remede, soit
par de faux respects, où par diuerses considerations
d’Estat, qui ne sont guere legitime, n’y de
saison pendant vne desolation generale de la pauure
France, on en verra les moyens sur la fin du
gouuernement d’Anne d’Autriche, & l’on les reconnoistra
si efficaces, qu’il n’y aura plus aucune
consideration du bien public en France, si l’on
ne les employe point pour le retablissement de
cette Monarchie delabrée, & pour le repos des
miserables peuples, qui languissent sous le poids
insupportable d’vne quenoüille.

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