Du Pelletier, Pierre [1649], LE TRIOMPHE DE LA VERITE SANS MASQVE. Par le SR. DVPELLETIER. , françaisRéférence RIM : M0_3878. Cote locale : A_7_52.
SubSect précédent(e)

Le Triomphe de la verité sans Maspar
le sieur Dupelletier.

IE pense qu’il me sera permis de
paroistre sans crainte, puis que les
choses que ie pretens vous descouurir
n’ont rien de ces inuectiues
honteuses, où il y a beaucoup
d’aigreur & de pointes. Pour moi
i’ay tousiours crû que les veritez de cette nature
deuoient estre aussi soigneusement cachées que
ces vieilles vlceres qui font bondir le cœur à ceux
qui les cõsiderent. Ie n’ay point esté nourrie dans
les Palais, à la suitte de ces demy Dieux d’icy bas,
ie suis toute champestre alors que i’ose me produire,
figurez vous que c’est vne paysane qui sort de
sa hutte pour se monstrer vne seule fois sur ce grãd
Theatre du monde. Il m’importe fort peu de plaire
à tous, c’est assez si ie suis au gré des sages & des
sçauans, puis que c’est estre en quelque façon criminelle,
lors qu’on est approuué par les ignorans

-- 4 --

ou par les lasches. Ie me condamnerois moy mesme
si i’auois quelque chose qui pût flatter les sentimens
des fous,ou des meschans, pour qui i’ay
conçeu vne haine plus que mortelle. Pour peu
qu’on iette les yeux sur moy, où qu’on preste l’oreille
à mes discours, on reconnoistra sans difficulté
que ie suis de l’humeur de ce Hippias, qui ne
pouuoit souffrir que dans les Republiques bien
Policées, il n’y eut point de Loix contre les calomniateurs,
où il y a des supplices de cernez cõtre les
autres criminels & certes i’ay tousiours beaucoup
estimé cet ancien Orateur qui veut qu’on fasse vn
sacrifice du calomniateur, de la mesme façon qu’õ
preuient le serpent que l’on tuë auant qu’il ait ietté
son venin. De sorte qu’auec ces bonnes qualitez
dont ie me puis vanter sans crimes, ie crois qu’il
me sera loisible d’exprimer icy mes sentimẽs auec
ma franchise ordinaire. La declaration que ie viens
de faire, de n’auoir point frequenté les demeures
des grands, & de n’auoir point approché du Trosne
des Roys, est vne preuue manifeste de mon
ignorance en l’art de gouuerner, & partant que
ce n’est pas aux meschans Politiques que i’en veux
qui sont auiourd’huy le but des médisans, ces atroces

-- 5 --

& artificielles. Au lieu de declamer auec les
autres, & de mesler ma voix parmy ceux qui iniurient,
ie veux employer la mienne à rendre graces
à Dieu, à louer mon Roy, & conduitte merueilleuse
du plus auguste de tous les Parlemens, c’est
ce que ie me puis vanter d’auoir desia fait auec
quelque sorte de succez, & d’auoir acquis par vne
action, ie diray si sainte & si religieuse, la reputation
qui est deue aux Panegyristes de la vertu &
des Heros. Ie ne me lasseray iamais d’offrir des encens
aux vertueux, & de couronner les hauts faits
de nos Anges tutelaires, & de nos Dieux domestiques,
on pourra dire qu’il en est de moy comme
de ceux dont vn bel esprit de nos iours a dit que
ceux mesme qui suiuent les vices estiment heureux
ceux qui ont embrassé la vertu, & qu’ils ne
les regardent iamais qu’ils ne sentent en eux vn
reproche, & vne secrette accusation. Au moins
ie diray hautement que ie ne fus iamais du nombre
de ceux qui esleuent des autels aux perfides,
que ie ne me connois point à faire des Apologies
pour les Nerons, & pour les Heliogabales. Ce sõt
des laschetez honteuses quãt la flatterie va si auãt
qu’elle met au rang des choses sainctes celles qui

-- 6 --

sõt abominables, & qu’elle deifie ce que tous les
honnestes gens condamnent. C’est par vne infamie
digne du feu imiter les Astrologues qui ont
logé des animaux dans le Zodiaque & des monstres
parmy les Astres. Mon bon heur veut que
ie puisse loüer des personnes illustres, qui n’ont
pour ennemis que ceux qui le sont de la France,
& toutefois i’en dois attendre vne insigne disgrace,
puis que mes eloges seront bien au dessous
des merites de mes heros. Mais certes i’aime
mieux faire paroistre ma gratitu de auec des paroles
mal ajancées que tenir sous le silence. Vne
reconnoissance si iuste, & vn tribut si legitime.
La bonté de ceux dont ie parleray sera mon
azile, & sans doute ils considereront plustost l’integrité,
& la chaleur de mon cœur, que les deffauts
& le peu d’eloquence de ma langue. S’il
est vray que sous l’Empire de Theodose & de
Gratian c’estoit vn crime de douter si ceux qu’ils
auoient fait monter aux plus eminentes dignitez,
en estoient dignes, ce n’en seroit pas vn
moindre auiourd’huy de croire que ce fameux
Parlement qui n’est composé que de personnes
illustre eust quelque partie en son vaste & noble

-- 7 --

corps qui pût estre corrompuë. Ie pourrois dire
que ce Senat n’est remply que de Catons qui ont
deffendu leur Patrie auec succez poussez par
cette mesme passion qui fut la noble cause de la
mort du celebre Caton. Aussi nous sçauons que
Dieu par les soins merueilleux d’vne amour sans
egàlle a secondé ces genereux Atletes, ou plustost
que c’est luy qui leur a inspiré ces genereux
mouuemens pour conseruer la couronne d’vn
Prince pupille. Oüy mon Prince, c’est vne marque
auguste du soin que le Ciel prend de vostre
sacrée personne, puis qu’apres vous auoir fait asseoir
sur le Trône de vos Ayeux il suscite ces belles
ames pour empescher qu’il ne chancelle. C’est
qu’il prend plaisir à conseruer son ouurage, & à
maintenir les vertus qu’il a toutes courõnées en
vous, mon cher Prince, en qui ie voy la grandeur
des Cesars, & celle des Bourbons parmy
les graces qui sont vos compagnes, inseparables.
Oüy ie puis dire hautement que vous ressemblez
à ces Tableaux d’Optique representez dans des
miroirs faits en Cylindres qui ne sont formez
que des plus excellentes parties d’vne infinité de
Roys & de conquerans le prie Dieu, mon Prince,

-- 8 --

qu’apres auoir imité parfaitement icy bas les
Saincts Louis & les Charlesmagnes vous alliez
prendre apres de longues années possession de
leur heritage dans les Cieux, ayant ioüy du leur
de sur la Terre, & que le Thrône des François
vous soit vn magnifique degré pour vous éleuer
dedans les Cieux.

 

FIN.

SubSect précédent(e)


Du Pelletier, Pierre [1649], LE TRIOMPHE DE LA VERITE SANS MASQVE. Par le SR. DVPELLETIER. , françaisRéférence RIM : M0_3878. Cote locale : A_7_52.