Boyer, Paul / sieur du Petit Puy (P. B. S. D. P. P. [signé]) [1652], L’HOROSCOPE DV ROY. DONNANT A CONNOISTRE le Gouuernement de l’Estat, sur les affaires presentes, & pour l’auenir. , français, latinRéférence RIM : M0_1666. Cote locale : B_2_28.
SubSect précédent(e)

SubSect suivant(e)

AV ROY.

SIRE,

Platon nous asseure que la faculté de prophetiser est si
esleuée au dessus de l’entendement des hommes, qu’il leur
est tout à fait impossible d’y pouuoir iamais atteindre, s’ils
n’y sont conduits par quelque rauissement celeste. Aussi
est-ce vn don de l’esprit de Dieu, conferé à qui bon luy
semble, sans consideration ny de parenté, ny de consanguinité
charnelle, selon que nous l’enseigne cét admirable
fils d’Helcana, premier Prophete apres Moyse. Il est vray
qu’il y a certains Prophetes, qui par leur parole mensongere,
presument d’anoncer au nom des faux Dieux, mille paroles
d’iniquité, pour satisfaire à leur gloire, & à leur auarice :
mais ce n’est pas des authoritez de ceux-là que nous
pretendons nous seruir, leur reprobation est trop manifeste,
& leur confusion trop euidente. Le plus excellent de
tous ceux qui furent iamais, ny en la Loy naturelle, ny en
la Loy escrite, nous apprend bien à connoistre quels sont
les veritables clers-voyans, & quels sont les Ministres de
l’esprit qui nous voudroient destourner de la confiance que
nous auons en Dieu par signes & par miracles. Quand le Prophete,
dit la Sagesse infinie, vous fera entendre quelque chose au
nom du Seigneur, & que sa prediction n’arriuera pas de la sorte
qu’il l’aura faite, asseurez-vous que c’est vne pure inuention du
Prince de la nuict, qui ne vise qu’à plonger les ames dans l’idolatrie
la plus abominable qui soit au monde.

Il faut donc inferer apres cela, genereux Oinct de sa

-- 4 --

Toute puissance, que tous ceux qui predisent les choses de
la mesme sorte qu’elles doiuent arriuer, sont vrays Prophetes,
& que c’est seulemẽt l’esprit de Dieu qui parle par leur
propre bouche : il est certain que luy seul peut deuiner ce
qui est de plus mysterieux, & mesmes ce qui n’est pas en la
mesme façon qu’il peut estre, par le moyen d’vne intelligence
anticipée. Parlant à Cyrus, ce Seigneur dit en Esaïe,
Ie te feray connoistre ce qui est le plus caché long-temps auant qu’il
arriue, afin que tu sçaches que ie suis, & que ie puis estre.

 

C’est bien nous faire entendre que les objets seulement
en puissance, ne luy sont pas moins presens, que ceux qui
sont réellement au nombre des estres, & que ces Annonciateurs
sacrez ne sont que les organes de sa verité permanente.

Il ne s’est iamais veu vn Prophete semblable à Moyse, il
receut les signes de sa vocation de Dieu, il expliqua la Loy
du Seigneur aux. Enfans d’Israël, il fut Mediateur entre le
Peuple & ce digne Souuerain, & ce fut luy qui predit la venuë
de Iesus Christ, & ce sera luy encores qui accusera vn
iour les Iuifs, de n’auoir pas voulu croire en sa saincte & sacrée
parole.

Nous trouuons en plusieurs endroits de l’Escriture, que
le Fils de Dieu fut promis à Adam, à Abraham, à Isaac, à
Iacob, à Dauid, & aux Iuifs, pour racheter tout le genre
humain, pour donner sa benediction à toutes les Nations
de l’Vniuers, & pour déliurer les pecheurs de la tyrannie
du Diable.

Les Sibyles & les Oracles ont celebré aux Gentils la venuë
de ce Redempteur de nos ames, long-temps auant
qu’elle fut, de la mesme sorte qu’elle est arriuée ; & tous
ces Truchemens celestes ensembles, bien qu’ils fussent nez
en diuers siecles, & en diuers en droits tres-éloignez les vns
des autres, ils n’ont pas laissé d’vn commun accord, & dés
le commencement du Monde, iusques à la naissance du
vray Messie, de publier la venuë du Fils de Dieu, auec des
circonstances tres-particulieres.

-- 5 --

Les signes de son Ambassade sur l’asnesse sont en Zacharie,
le nom qu’il deuoit auoir est nettement descrit par
Esaïe, ses parens sont nommez dans tous les sacrez cahiers
de l’Escriture, sa Naissance est predite par Ieremie, son Incarnation
le fut de Baruch, & le Prophete Esaïe publioit
hautement qu’il deuoit naistre d’vne Vierge. Les consequences
de sa mission sont expliquées en Amos & en la Genese ;
l’vn fait voir qu’il deuoit destruire le Temple de Ierusalem,
& l’autre nous apprend qu’il viendroit pour déliurer
les pecheurs qui croyroient en luy de la puissance infernale.

Voyez ie vous supplie tres-humblement, SIRE, apres
ce que ie viens d’alleguer, si tout cela ne nous apprend pas
qu’on peut aysément lire dans l’aduenir, principalement
lors qu’il y va de l’honneur & de la gloire de cét adorable
Sauueur de nos ames.

Non seulement tous les Astrologues, mais encore tous
les Philosophes & tous les Theologiens ensemble, tiennent
d’vn commun consentement, que les corps Celestes ont
vne domination tres-absoluë sur toutes les choses sublunaires.
Il est vray que l’homme seul peut par le moyen de sa libre
volonté resister à l’inclination des astres, ainsi que Prolomée
nous l’apprend en son Careparti. Aristote Prince de
la Secte Peripatetique, nous enseigne aussi que le sage peut
par vne excellente conduite fuir le peril où sa mauuaise
constellation le porte.

Il est vray que le libre arbitre se trouue par tout où l’intelligence
se rencontre. C’est par son moyen que nous pouuons
iouïr d’vne liberté exempte de toute sorte de contrainte :
& c’est par son moyen que les Souueraïns ont vn
pouuoir absolu sur tout ce qui est dans l’estenduë de leur
Empire. Aussi est-ce vn don de Dieu qui marque l’immortalité
de nostre ame, & le seul bien qui nous est demeuré
depuis la cheute de nostre premier pere, si nous l’employõs
selon l’intention de celuy qui nous l’a donné en nous donnant
l’estre : Car si nous nous en seruons au contraire, pour

-- 6 --

offenser vn objet infiny, nous nous rendons pareillement
aussi dignes d’vne peine infinie ; parce que l’offense se mesure
à la grandeur & à l’immensité de la personne offensée
Mais comme les Princes se laissent plus facilement vaincre
à leurs passions qu’à leurs ennemis, ainsi qu’Alexandre, qui
apres auoir deffait les Perses, passé dans les Indes, & sousmis
tous les Peuples de l’Orient à son obeïssance, se laissa
gouuerner aux siennes, nous pouuons aysement iuger de
leur sort, & lire sans difficulté dans la meilleure partie de
leur destinée.

 

C’est ce qui ma fait prendre la liberté, SIRE, de tracer
icy vostre Horoscope, & de faire voir à vostre Majesté dans
l’obscurité des choses futures, la plus noble & la plus illustre
vie de tous les Souuerains de la terre.

L’Horoscope n’est autre chose qu’vn recit des fortunes
qui doiuent arriuer à ceux qui se laissent conduire aux naturelles
inclinations où ils sont portez par le moyen de
l’ascendent que les influences celestes ont sur eux, ainsi
que sur toutes les choses sublunaires. L’homme souhaite
de s’en instruire à diuerses fins : les vnes sont plaisantes, les
autres sont curieuses, & les autres sont vtiles ou necessaires.
Les premiers desirent sçauoir quelles seront leurs aduentures
seulement pour se diuertir, sans y donner aucune creance.
Les suiuans le sont purement & simplement, pour s’instruire
des choses qui leur doiuent arriuer, sans passer plus
outre, les tenant pour indifferantes : Et les derniers s’y portent
auec beaucoup de passion, à dessein d’apprendre ce
qu’ils doiuent faire en la poursuite du bien qui leur doit
arriuer, ou en la fuite du mal dont ils peuuent estre menacez
durant le cours de cette vie mortelle, veu qu’il ne se
trouue personne qui ne soit quelquefois trauersé des insolences
de la fortune.

 


Nous sommes tous sujets à des loix inhumaines,
En sa condition chacun trouue ses peines,
Non moins que les petits, les grands portent leur faix :
La charge la plus belle en charges est feconde,

-- 7 --


Et les Astres commis au reglement du monde,
Pour les mettre en repos n’en esprouue iamais.

 

Pisistrate ne sçeut iamais vaincre les Atheniens, que par
l’aduis d’Amphilyte, Pronostiqueur de l’Acarnanie ? Merlin
ne predit il pas tout ce qui deuoit arriuer en Angleterre,
tant il estoit fameux en l’art de deuiner, & en la connoissance
des choses futures ? Spurina ne donna-t’il pas aduis
à Cesar de se garder des Ides de Mars : si bien que le iour
estant venu Cesar luy dit en se moquant ; Hé bien, Spurina,
ces Ides sont venus ? Ouy, dit-il, Seigneur, mais elles ne
sont pas passées. De sorte que le mesme iour il fut malheureusement
poignardé en plein Senat par Brutus, par Cassius,
& par quelques autres de leur caballe.

Mais sans puiser des exemples ailleurs que dans nostre
Histoire, Monsieur de Vendosme ne fut-il pas supplier
tres-humblement le Roy Henry IV. surnommé le Grand,
à cause de ses grands exploits, de ne pas sortir le iour qu’il
fut malheureusement assassiné par le plus abominable de
tous les hommes ; suiuant l’aduis que la Brosse, Medecin, &
tres-expert en la science Astronomique, luy en auoit donné,
& que ce genereux Prince mesprisa, comme vne chose
fabuleuse, ce qui fut cause de sa perte ?

Et cét illustre Nostradamus, de qui nous lisons encore
tous les iours ces merueilleuses Propheties, ne nous fait-il
pas voir continuellement dans l’obscurité de l’aduenir des
mysteres, qui n’estoient connus que de luy, & qu’il a predits
depuis longues années ? Nanius ne donna-t’il pas de
grandes asseurances de ses deuinations à Tarquin [1 mot ill.]
Acerat ne dit-il pas à Xerces tout ce qui luy arriueroit ?
Perycles n’estoit il pas visité de tout le monde, à cause de
l’excellence de ses Oracles ? Amphiarus ne préueut il pas
bien qu’il seroit englouty auec son chariot au siege de Thebes ?
Percose ne predit il pas qu’Adraste & qu’Amphise
mourroient en la guerre de Troye ? Sennon n’aduertit il pas
Achemon & Passal, de se donner garde de tomber entre
les mains d’Hercule ? Et Amphilyte ne dit il pas à Pisistrate,

-- 8 --

que s’il attaquoit les Atheniens de nuict, qu’il s’en rendroit
le maistre ? Ioseph mesme ne se vente-t’il pas de sçauoir
l’art d’Augurer, & d’interpreter les songes ? Les Astronomes
ne iugent ils pas de la reuolution des Estats en considerant
les Astres, par le moyen de leur Telescope ? Les
Genethliaques ne deuinent-ils pas ce qui doit arriuer aux
personnes, en sçachant le iour & l’heure de leur naissance ?
Les Hydromanciens ne nous aduertissent-ils pas de nostre
sort, par le moyen de l’eau ? Les Pyromanciens ne predisent-ils
pas l’aduenir, par le feu ? Les Chiromanciens ne
connoissent-ils pas nos aduantures, par les signes de la
main ? Et les Physiomanciens ne lisent ils pas dans la fortune
qui nous doit arriuer, en voyant nostre visage ?

 

Ie ne parle pas ny de l’Idolomancie, ny de la Geomantie,
ny de l’Aromantie, ny de la Ruspice, & moins encore
de la Negromantie, à cause que ce sont des sciences tres-dangereuses
& tres-abominables à toute sorte de personnes :
C’est pourquoy la saincte Eglise Catholique, Apostolique
& Romaine a raison de les refuter, & de les condamner
comme pernicieuses. Mais la connoissance qui se tire
des influences celestes, ne sçauroit estre que tres bonne &
tres-vtile, puis que Dieu n’a mis les Astres dans le Ciel que
pour nous esclairer, & pour nous aduertir de ce que nous
aurions à faire.

Sa diuine Prouidence ne fit elle pas arrester le cours du
Soleil, pour monstrer à Iosué qu’il deuoit poursuiure sa victoire
contre cinq Roys, qui auoient assiegé la ville des Gabaonites ?
Ezechias ne receut il pas le signe de sa santé, par
le moyen d’vne horloge. Moyse ne receut il pas les signes
de sa vocation de ce digne Souuerain, qui ne vise qu’à nous
illuminer de ses graces ? Et les trois Mages, qui furent adorer
Iesus Christ, comme tres-entendus en cette diuine
Science, ne furent ils pas conduits par vne Estoille au lieu
où ce nouuel Isaac auoit voulu naistre.

[illisible.]

Que peut-on dire dauantage en faueur d’vne doctrine
qui ne s’occupe qu’à nous instruire de ce que nous auons à

-- 9 --

faire pour nostre bien, pour nostre salut, & pour la gloire
de Dieu & des hommes. Cela fait bien voir que les plus
grands Princes ne se sont pas mal trouuez de s’estre seruis
des leçons qu’elle leur fait par les aspects & par les influences
de ces corps celestes. Les Cieux, dit Dauid, annoncent
la gloire du Seigneur, & l’estenduë d’en-haut montre quel est l’ouurage
de ses mains toutes-puissantes. C’est pourquoy i’ay pris
la hardiesse de trauailler à vostre Horoscope, SIRE, afin
que sçachant les choses où l’Astre qui predomine à vostre
naissance vous incline, que Vostre Majesté prenne le soin
d’embrasser les bonnes, & fuir les mauuaises, selon que
Dieu vous y oblige, par la liberté qu’il vous a donnée de
faire l’vn & non pas l’autre : Car si nous n’auions pas cette
franchise de cooperer aux graces que nostre Sauueur nous
communique, nous ne sçaurions iamais faire le salut de
nostre ame en façon quelconque. Outre que, Sapiens dominabitur
astris, ainsi que nous l’apprend fort bien Aristote.
Mais en nous portant à vne chose si curieuse, il faut que
nous prenions bien garde de ne point parler de vostre Majesté
qu’auec vne grande reuerence, selon que S. Pierre
nous le commande ; puis que Dieu vous a voulu eleuer luy-mesme
au plus haut faiste des dignitez terrestres, & vous
donner encore de plus, la qualité de Lieutenant de sa sainte
& sacrée personne. Marie fut frapée de ladrerie pour
auoir parlé mal de Moyse : C’est pourquoy nous allons
commencer auec tout le respect qu’il nous sera possible,
comme celuy qui est, & sera eternellement,

 

Psal 15.

Nombre 10.

De Vostre Majesté,

SIRE,

Le tres-humble, tres-obeïssant, & tres-fidele
Sujet & seruiteur,

P. B. S. D. P. P.

-- 10 --

SubSect précédent(e)

SubSect suivant(e)


Boyer, Paul / sieur du Petit Puy (P. B. S. D. P. P. [signé]) [1652], L’HOROSCOPE DV ROY. DONNANT A CONNOISTRE le Gouuernement de l’Estat, sur les affaires presentes, & pour l’auenir. , français, latinRéférence RIM : M0_1666. Cote locale : B_2_28.