Boyer, Paul / sieur du Petit Puy (P. B. S. D. P. P. [signé]) [1652], L’HOROSCOPE DV ROY. DONNANT A CONNOISTRE le Gouuernement de l’Estat, sur les affaires presentes, & pour l’auenir. , français, latinRéférence RIM : M0_1666. Cote locale : B_2_28.
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L’HOROSCOPE
DV ROY.

DONNANT A CONNOISTRE
le Gouuernement de l’Estat, sur les affaires
presentes, & pour l’auenir.

A PARIS.

M. DC. LII.

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AV ROY.

SIRE,

Platon nous asseure que la faculté de prophetiser est si
esleuée au dessus de l’entendement des hommes, qu’il leur
est tout à fait impossible d’y pouuoir iamais atteindre, s’ils
n’y sont conduits par quelque rauissement celeste. Aussi
est-ce vn don de l’esprit de Dieu, conferé à qui bon luy
semble, sans consideration ny de parenté, ny de consanguinité
charnelle, selon que nous l’enseigne cét admirable
fils d’Helcana, premier Prophete apres Moyse. Il est vray
qu’il y a certains Prophetes, qui par leur parole mensongere,
presument d’anoncer au nom des faux Dieux, mille paroles
d’iniquité, pour satisfaire à leur gloire, & à leur auarice :
mais ce n’est pas des authoritez de ceux-là que nous
pretendons nous seruir, leur reprobation est trop manifeste,
& leur confusion trop euidente. Le plus excellent de
tous ceux qui furent iamais, ny en la Loy naturelle, ny en
la Loy escrite, nous apprend bien à connoistre quels sont
les veritables clers-voyans, & quels sont les Ministres de
l’esprit qui nous voudroient destourner de la confiance que
nous auons en Dieu par signes & par miracles. Quand le Prophete,
dit la Sagesse infinie, vous fera entendre quelque chose au
nom du Seigneur, & que sa prediction n’arriuera pas de la sorte
qu’il l’aura faite, asseurez-vous que c’est vne pure inuention du
Prince de la nuict, qui ne vise qu’à plonger les ames dans l’idolatrie
la plus abominable qui soit au monde.

Il faut donc inferer apres cela, genereux Oinct de sa

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Toute puissance, que tous ceux qui predisent les choses de
la mesme sorte qu’elles doiuent arriuer, sont vrays Prophetes,
& que c’est seulemẽt l’esprit de Dieu qui parle par leur
propre bouche : il est certain que luy seul peut deuiner ce
qui est de plus mysterieux, & mesmes ce qui n’est pas en la
mesme façon qu’il peut estre, par le moyen d’vne intelligence
anticipée. Parlant à Cyrus, ce Seigneur dit en Esaïe,
Ie te feray connoistre ce qui est le plus caché long-temps auant qu’il
arriue, afin que tu sçaches que ie suis, & que ie puis estre.

 

C’est bien nous faire entendre que les objets seulement
en puissance, ne luy sont pas moins presens, que ceux qui
sont réellement au nombre des estres, & que ces Annonciateurs
sacrez ne sont que les organes de sa verité permanente.

Il ne s’est iamais veu vn Prophete semblable à Moyse, il
receut les signes de sa vocation de Dieu, il expliqua la Loy
du Seigneur aux. Enfans d’Israël, il fut Mediateur entre le
Peuple & ce digne Souuerain, & ce fut luy qui predit la venuë
de Iesus Christ, & ce sera luy encores qui accusera vn
iour les Iuifs, de n’auoir pas voulu croire en sa saincte & sacrée
parole.

Nous trouuons en plusieurs endroits de l’Escriture, que
le Fils de Dieu fut promis à Adam, à Abraham, à Isaac, à
Iacob, à Dauid, & aux Iuifs, pour racheter tout le genre
humain, pour donner sa benediction à toutes les Nations
de l’Vniuers, & pour déliurer les pecheurs de la tyrannie
du Diable.

Les Sibyles & les Oracles ont celebré aux Gentils la venuë
de ce Redempteur de nos ames, long-temps auant
qu’elle fut, de la mesme sorte qu’elle est arriuée ; & tous
ces Truchemens celestes ensembles, bien qu’ils fussent nez
en diuers siecles, & en diuers en droits tres-éloignez les vns
des autres, ils n’ont pas laissé d’vn commun accord, & dés
le commencement du Monde, iusques à la naissance du
vray Messie, de publier la venuë du Fils de Dieu, auec des
circonstances tres-particulieres.

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Les signes de son Ambassade sur l’asnesse sont en Zacharie,
le nom qu’il deuoit auoir est nettement descrit par
Esaïe, ses parens sont nommez dans tous les sacrez cahiers
de l’Escriture, sa Naissance est predite par Ieremie, son Incarnation
le fut de Baruch, & le Prophete Esaïe publioit
hautement qu’il deuoit naistre d’vne Vierge. Les consequences
de sa mission sont expliquées en Amos & en la Genese ;
l’vn fait voir qu’il deuoit destruire le Temple de Ierusalem,
& l’autre nous apprend qu’il viendroit pour déliurer
les pecheurs qui croyroient en luy de la puissance infernale.

Voyez ie vous supplie tres-humblement, SIRE, apres
ce que ie viens d’alleguer, si tout cela ne nous apprend pas
qu’on peut aysément lire dans l’aduenir, principalement
lors qu’il y va de l’honneur & de la gloire de cét adorable
Sauueur de nos ames.

Non seulement tous les Astrologues, mais encore tous
les Philosophes & tous les Theologiens ensemble, tiennent
d’vn commun consentement, que les corps Celestes ont
vne domination tres-absoluë sur toutes les choses sublunaires.
Il est vray que l’homme seul peut par le moyen de sa libre
volonté resister à l’inclination des astres, ainsi que Prolomée
nous l’apprend en son Careparti. Aristote Prince de
la Secte Peripatetique, nous enseigne aussi que le sage peut
par vne excellente conduite fuir le peril où sa mauuaise
constellation le porte.

Il est vray que le libre arbitre se trouue par tout où l’intelligence
se rencontre. C’est par son moyen que nous pouuons
iouïr d’vne liberté exempte de toute sorte de contrainte :
& c’est par son moyen que les Souueraïns ont vn
pouuoir absolu sur tout ce qui est dans l’estenduë de leur
Empire. Aussi est-ce vn don de Dieu qui marque l’immortalité
de nostre ame, & le seul bien qui nous est demeuré
depuis la cheute de nostre premier pere, si nous l’employõs
selon l’intention de celuy qui nous l’a donné en nous donnant
l’estre : Car si nous nous en seruons au contraire, pour

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offenser vn objet infiny, nous nous rendons pareillement
aussi dignes d’vne peine infinie ; parce que l’offense se mesure
à la grandeur & à l’immensité de la personne offensée
Mais comme les Princes se laissent plus facilement vaincre
à leurs passions qu’à leurs ennemis, ainsi qu’Alexandre, qui
apres auoir deffait les Perses, passé dans les Indes, & sousmis
tous les Peuples de l’Orient à son obeïssance, se laissa
gouuerner aux siennes, nous pouuons aysement iuger de
leur sort, & lire sans difficulté dans la meilleure partie de
leur destinée.

 

C’est ce qui ma fait prendre la liberté, SIRE, de tracer
icy vostre Horoscope, & de faire voir à vostre Majesté dans
l’obscurité des choses futures, la plus noble & la plus illustre
vie de tous les Souuerains de la terre.

L’Horoscope n’est autre chose qu’vn recit des fortunes
qui doiuent arriuer à ceux qui se laissent conduire aux naturelles
inclinations où ils sont portez par le moyen de
l’ascendent que les influences celestes ont sur eux, ainsi
que sur toutes les choses sublunaires. L’homme souhaite
de s’en instruire à diuerses fins : les vnes sont plaisantes, les
autres sont curieuses, & les autres sont vtiles ou necessaires.
Les premiers desirent sçauoir quelles seront leurs aduentures
seulement pour se diuertir, sans y donner aucune creance.
Les suiuans le sont purement & simplement, pour s’instruire
des choses qui leur doiuent arriuer, sans passer plus
outre, les tenant pour indifferantes : Et les derniers s’y portent
auec beaucoup de passion, à dessein d’apprendre ce
qu’ils doiuent faire en la poursuite du bien qui leur doit
arriuer, ou en la fuite du mal dont ils peuuent estre menacez
durant le cours de cette vie mortelle, veu qu’il ne se
trouue personne qui ne soit quelquefois trauersé des insolences
de la fortune.

 


Nous sommes tous sujets à des loix inhumaines,
En sa condition chacun trouue ses peines,
Non moins que les petits, les grands portent leur faix :
La charge la plus belle en charges est feconde,

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Et les Astres commis au reglement du monde,
Pour les mettre en repos n’en esprouue iamais.

 

Pisistrate ne sçeut iamais vaincre les Atheniens, que par
l’aduis d’Amphilyte, Pronostiqueur de l’Acarnanie ? Merlin
ne predit il pas tout ce qui deuoit arriuer en Angleterre,
tant il estoit fameux en l’art de deuiner, & en la connoissance
des choses futures ? Spurina ne donna-t’il pas aduis
à Cesar de se garder des Ides de Mars : si bien que le iour
estant venu Cesar luy dit en se moquant ; Hé bien, Spurina,
ces Ides sont venus ? Ouy, dit-il, Seigneur, mais elles ne
sont pas passées. De sorte que le mesme iour il fut malheureusement
poignardé en plein Senat par Brutus, par Cassius,
& par quelques autres de leur caballe.

Mais sans puiser des exemples ailleurs que dans nostre
Histoire, Monsieur de Vendosme ne fut-il pas supplier
tres-humblement le Roy Henry IV. surnommé le Grand,
à cause de ses grands exploits, de ne pas sortir le iour qu’il
fut malheureusement assassiné par le plus abominable de
tous les hommes ; suiuant l’aduis que la Brosse, Medecin, &
tres-expert en la science Astronomique, luy en auoit donné,
& que ce genereux Prince mesprisa, comme vne chose
fabuleuse, ce qui fut cause de sa perte ?

Et cét illustre Nostradamus, de qui nous lisons encore
tous les iours ces merueilleuses Propheties, ne nous fait-il
pas voir continuellement dans l’obscurité de l’aduenir des
mysteres, qui n’estoient connus que de luy, & qu’il a predits
depuis longues années ? Nanius ne donna-t’il pas de
grandes asseurances de ses deuinations à Tarquin [1 mot ill.]
Acerat ne dit-il pas à Xerces tout ce qui luy arriueroit ?
Perycles n’estoit il pas visité de tout le monde, à cause de
l’excellence de ses Oracles ? Amphiarus ne préueut il pas
bien qu’il seroit englouty auec son chariot au siege de Thebes ?
Percose ne predit il pas qu’Adraste & qu’Amphise
mourroient en la guerre de Troye ? Sennon n’aduertit il pas
Achemon & Passal, de se donner garde de tomber entre
les mains d’Hercule ? Et Amphilyte ne dit il pas à Pisistrate,

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que s’il attaquoit les Atheniens de nuict, qu’il s’en rendroit
le maistre ? Ioseph mesme ne se vente-t’il pas de sçauoir
l’art d’Augurer, & d’interpreter les songes ? Les Astronomes
ne iugent ils pas de la reuolution des Estats en considerant
les Astres, par le moyen de leur Telescope ? Les
Genethliaques ne deuinent-ils pas ce qui doit arriuer aux
personnes, en sçachant le iour & l’heure de leur naissance ?
Les Hydromanciens ne nous aduertissent-ils pas de nostre
sort, par le moyen de l’eau ? Les Pyromanciens ne predisent-ils
pas l’aduenir, par le feu ? Les Chiromanciens ne
connoissent-ils pas nos aduantures, par les signes de la
main ? Et les Physiomanciens ne lisent ils pas dans la fortune
qui nous doit arriuer, en voyant nostre visage ?

 

Ie ne parle pas ny de l’Idolomancie, ny de la Geomantie,
ny de l’Aromantie, ny de la Ruspice, & moins encore
de la Negromantie, à cause que ce sont des sciences tres-dangereuses
& tres-abominables à toute sorte de personnes :
C’est pourquoy la saincte Eglise Catholique, Apostolique
& Romaine a raison de les refuter, & de les condamner
comme pernicieuses. Mais la connoissance qui se tire
des influences celestes, ne sçauroit estre que tres bonne &
tres-vtile, puis que Dieu n’a mis les Astres dans le Ciel que
pour nous esclairer, & pour nous aduertir de ce que nous
aurions à faire.

Sa diuine Prouidence ne fit elle pas arrester le cours du
Soleil, pour monstrer à Iosué qu’il deuoit poursuiure sa victoire
contre cinq Roys, qui auoient assiegé la ville des Gabaonites ?
Ezechias ne receut il pas le signe de sa santé, par
le moyen d’vne horloge. Moyse ne receut il pas les signes
de sa vocation de ce digne Souuerain, qui ne vise qu’à nous
illuminer de ses graces ? Et les trois Mages, qui furent adorer
Iesus Christ, comme tres-entendus en cette diuine
Science, ne furent ils pas conduits par vne Estoille au lieu
où ce nouuel Isaac auoit voulu naistre.

[illisible.]

Que peut-on dire dauantage en faueur d’vne doctrine
qui ne s’occupe qu’à nous instruire de ce que nous auons à

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faire pour nostre bien, pour nostre salut, & pour la gloire
de Dieu & des hommes. Cela fait bien voir que les plus
grands Princes ne se sont pas mal trouuez de s’estre seruis
des leçons qu’elle leur fait par les aspects & par les influences
de ces corps celestes. Les Cieux, dit Dauid, annoncent
la gloire du Seigneur, & l’estenduë d’en-haut montre quel est l’ouurage
de ses mains toutes-puissantes. C’est pourquoy i’ay pris
la hardiesse de trauailler à vostre Horoscope, SIRE, afin
que sçachant les choses où l’Astre qui predomine à vostre
naissance vous incline, que Vostre Majesté prenne le soin
d’embrasser les bonnes, & fuir les mauuaises, selon que
Dieu vous y oblige, par la liberté qu’il vous a donnée de
faire l’vn & non pas l’autre : Car si nous n’auions pas cette
franchise de cooperer aux graces que nostre Sauueur nous
communique, nous ne sçaurions iamais faire le salut de
nostre ame en façon quelconque. Outre que, Sapiens dominabitur
astris, ainsi que nous l’apprend fort bien Aristote.
Mais en nous portant à vne chose si curieuse, il faut que
nous prenions bien garde de ne point parler de vostre Majesté
qu’auec vne grande reuerence, selon que S. Pierre
nous le commande ; puis que Dieu vous a voulu eleuer luy-mesme
au plus haut faiste des dignitez terrestres, & vous
donner encore de plus, la qualité de Lieutenant de sa sainte
& sacrée personne. Marie fut frapée de ladrerie pour
auoir parlé mal de Moyse : C’est pourquoy nous allons
commencer auec tout le respect qu’il nous sera possible,
comme celuy qui est, & sera eternellement,

 

Psal 15.

Nombre 10.

De Vostre Majesté,

SIRE,

Le tres-humble, tres-obeïssant, & tres-fidele
Sujet & seruiteur,

P. B. S. D. P. P.

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HOROSCOPE DV ROY.

LE Roy nasquit à Sainct Germain en Laye, l’an de
grace mil six cens trente-huict, & le cinquiéme iour
du mois de Septembre, à onze heures du matin, sous
le Signe de Libra, lors que Mars & Venus estoient encore
logez en la maison du Lion, ayant pour ascendant la face
de Saturne, vingt-deux ans sept mois apres le mariage de
Louis le Iuste & d’Anne d’Austriche Infante d’Espagne.
C’est pour cela qu’il fut surnommé Dieu-donné, comme
qui diroit, Dieu nous l’a donné ; Car il vint au monde lors
qu’on y songeoit le moins, & qu’on croyoit que le Ciel ne
vouloit plus exaucer les prieres que toute la France luy
faisoit de nous donner ce ieune Alexandre.

Sa Majesté succeda à la Couronne le quatorziéme iour
du mois de May de l’année mil six cens quarante trois, âgé
de quatre ans & six mois, sous la Regence de la Reyne sa
Mere. Depuis sa naissance iusques au commencement de
son Regne, il ne peut pas auoir fait de grandes choses, veu
qu’il estoit si ieune : Mais les esperances qu’il donnoit de
ce qu’il est à present, & de ce qu’il sera quelque iour, causoient
vniuersellement de l’admiration à toute la Cour, &
faisoient voir qu’il n’auoit esté donné de Dieu que pour
faire adorer sa Diuine Majesté à toutes les Nations de la
terre. Et puis il n’est pas besoin de repeter icy des choses
que tout le monde sçait, & qui se sont passées deuant vn
nombre infiny de personnes.

Ce merueilleux Prince en l’âge que nous venons de dire
se chargea heureusement pour nous des affaires de l’Etat,
où il a fait voir que la conduite & la generosité se treuuoient
aussi bien chez les enfans, que dans les esprits les
plus auancez, & que dans les experiences les mieux consommées.

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Celuy qui s’est rendu admirable à tous, ne sçauroit
estre comparé à personne. Comme vainqueur de ses
ennemis il commença son Regne parmy les triomphes &
parmy les victoires. Cela n’est-il pas sans exemple de voir
vn Prince, en vn âge si tendre, eleué dans vn Thrône où
les yeux du plus asseuré des hommes s’ébloüiroient, ne rire
presque iamais, parler peu, mais tres à propos, ne se rauir
de quoy que ce soit, desirer de sçauoir beaucoup, &
ne se plaire en aucune façon qu’à oüyr reciter de grandes
choses. Il ne s’éxerce qu’à fauoriser ouuertement les bons,
qu’à reprendre doucement ceux qui ont failly, & qu’à boucher
les oreilles aux flateries & aux médisances, & dans ses
discours les plus ordinaires, il fait voir qu’il n’appartient
qu’aux grands Rois de bien faire, & que tout ce qui sert à
bien conseiller doit estre consideré de celuy qui regne.
Enfin il n’eust pas si tost la Couronne sur la teste qu’il fut
seant, tout petit comme il estoit, en son lict de Iustice auec
toute sa Cour, où toutes les Chambres assemblées en robes
& chaperons d’escarlate se trouuerent, declarer la
Reyne sa Mere Regente en France, conformément à la
volonté du defunct Roy son tres-honoré Seigneur & Pere,
de glorieuse memoire ; & Monsieur le Duc d’Orleans son
Oncle son Lieutenant general dans toutes les Prouinces
du Royaume. En vn mot, pour ne pas nous amuser dauantage
à deuiner les choses passées, nous pouuons dire
qu’en trois ans & cinq mois de temps, âgé seulement de
quatre ans & demy lors qu’il a commencé, que cet incomparable
Dieu-donné a conquis cinquante-trois Places dans
le Païs Ennemy, dont la plus part estoient estimées imprenables,
& gagné sept batailles aussi sanglãtes qui s’en soient
iamais veuës. Ce qui ternit l’éclat non seulement des actiõs
d’Alexandre & des trauaux d’Hercule, qu’on considere
comme des effets qu’on ne sçauroit imiter ; mais encore
tout ce que les plus grands Heros des Siecles passez ont
iamais sceu faire d’illustres & de genereux, pour eterniser
leur memoire iusques à la consommation de toutes les choses

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creées. De cela nous pouuons aisément former quelques
coniectures de ce que sa Majesté pourra faire à l’aduenir,
lors qu’elle sera dans vn estat plus auancé, & qu’elle
sçaura mieux employer les graces que Dieu luy communique
incessamment & pour son honneur & pour sa gloire.

 

 


Puis qu’elle a desia fait en vn âge si tendre
Ce que l’esprit humain a peine de comprendre.

 

En ce commencement il nous a esté bien aisé de predire
des actions qui se sont passées à la veuë de toute la terre
habitable. Mais ce n’est pas encore icy la seule foiblesse
qui se trouue en la plus part de ceux qui se meslent de penetrer
dans l’aduenir, & de lire dans l’obscurité des veritez
futures. Ils nous font voir d’ordinaire au commencement
de leur Horoscope vne grande description de la Physionomie
de celuy pour qui leur Art pretend faire des miracles.
Ils disent que l’homme qui naist au mois de Septembre
aura la barbe fort belle, le nez bien proportionné,
les yeux passables, les cheueux rauissans, le corps blanc,
l’aspect aymable, la stature charmante, l’humeur fort douce,
l’esprit laborieux & disciplinable. Qu’il aura vn signal
au front où en la levre, ou bien en la teste. Qu’il semblera
estre en colere, bien qu’il n’y soit point, & qu’il sera grandement
accort enuers toute forte de personnes. Qu’il sera
sage & de grande reputation, & qu’on le pourra iustement
mettre au rang des plus vertueux hommes de son siecle.
Qu’il aura de grandes passions pour l’honneur, & qu’il n’aymera
que les choses iustes, licites & honnestes, & les femmes
vn peu parmy tout cela. Qu’il sera grandement Royal
en tous ses faits, & fort fidelle en ses affaires. Qu’il aura vn
zele extréme pour la verité, & pour les belles & bonnes
actions ; & sa seule bonté le fera vniuersellement honorer
de toute sorte de personnes : mais tout cela n’empeschera
pas qu’il ne se doiue garder de certains esprits qu’il y a, s’il
ne veut estre grandement troublé dans ses affaires. Il fera
quelques voyages en des lieux esloignez & perilleux, auec
assez de bonne fortune. Il sera fort prompt à conseiller ceux

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qui se trouueront accablez de quelque disgrace. Outre
tout cela il est menacé d’auoir deux femmes, Dieu vueille
qu’il soit vn peu plus satisfait de l’vne que de l’autre. Il viura
si long temps, graces à Iesus-Christ, qu’il pourra voir,
à son grand regret, la mort de la plus part de ses parens, &
de ses intimes. Depuis l’âge de quinze ans, iusques à l’âge
de dix-huict il est menacé de deux maladies, sa bonté infinie
luy fasse la grace de l’en preseruer, & de rendre ma Prophetie
manteuse. Il sera sujet à quelques douleurs corporelles.
Il aura plus d’enfans masles, que de femelles, & il
courra risque d’estre mordu de quelque beste ou sauuage,
ou domestique ; ce que sa Majesté pourra fort bien éuiter,
si elle y veut prendre garde. Il doit craindre encore la soixante
septiesme année de son âge, & s’il la passe, il ira iusques
à quatre-vingts sept, selon les Predictions ordinaires
de l’art Astronomique : Mais toutes ces auantures ne sont
rien en comparaison de celles que j’augure de ses actions, &
de ses façons de faire dés-ja passées. On peut bien mieux
asseoir ses iugemens sur ce qui est dés-ja euident, que sur
des constellations qui n’ont autre ascendent sur nous, que
celuy que nous leur cedons, par l’entremise de nostre foiblesse.
Et certes ie les trouue encore beaucoup plus asseurez
par ce moyen là, que tous ceux qu’on sçauroit tirer de
l’Astrologie la mieux concertée. Nous ne sçaurions iamais
bien iuger de ce qu’vn grand Prince doit faire à l’aduenir,
que par celles qu’il a solemnellement faites à la veuë de tous
ses peuples.

 

Le Prince de toute la secte Scholastique dit, qu’on ne
connoist les causes que par les effets, & le Prophete Royal
Dauid dit, qu’il ne faut que regarder ce que Dieu a fait
pour nous, pour bien iuger de ce qu’il peut faire encore.
Le Cieux, dit ce Frondeur celeste, racontent la gloire du
Seigneur, & chaque iour l’vn apres l’autre declare sa force,
& le fait connoistre : Mais pour prouuer nostre proposition
à la façon de l’Escolle, il me semble que nous pouuons
augmenter de la sorte, & dire, si le Roy à l’âge de quatre

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ans & demy a battu les Allemans, les Espagnols, les Italiens
& les Flamans, & conquis ce grand nombre de places que
nous venons de nommer, il pourra bien à plus forte raison à
l’âge de vingt ou de vingt-cinq battre les peuples qui sont en
la terre de Promission, & conquerir toute la Palestine, qui
n’est rien en comparaison du reste. I’espere bien, moyennant
l’ayde de Dieu, de le voir vn iour, à l’imitation de ce grand
sainct Louys, dont il porte le nom, glorieux & triomphant
dans la Syrie, passer au fil de l’espée tous ces ennemis de la
Foy, & planter la Croix dans toute l’estenduë de ses terres.
Son entendement, à ce que ie puis connoistre, sera si sublime,
que toutes ses vertus naturelles & acquises surpasserẽt celles
du reste des hommes. La viuacité de son esprit, la subtilité
de ses conceptions, la docilité auec laquelle il se laisse persuader
la verité ; & la bonté de son iugement, feront des miracles
pour nostre Salut & pour sa gloire. Par le moyen de ses
facultez celestes il se rendra tres-expert en l’art de deliberer
sur les conclusions les plus espineuses, merueilleusement
bien, assisté des autres vertus intellectuelles, qui sont l’art,
la prudence, la science, la sapience, & l’intelligence, dont
les vnes s’occupent en l’action, & les autres en la connoissance.

 

L’intelligence, qui n’est qu’vne simple connoissance,
mais pourtant qui est la plus noble operation de l’entendement
humain, le doit éleuer vn iour à des notions toutes
Diuines. La Science, qui est vne connoissance habituelle,
euidente, & certaine d’vne chose necessaire par sa propre
cause, le rendra le plus vniuersel des hommes en toutes ses
entreprises. La Sapience, ou pour mieux dire la Sagesse, luy
sera conceuoir les choses auec tant de modestie, qu’il ne
manquera iamais en toutes ses entreprises. La Prudence,
qui semble estre l’vne des plus importantes vertus en la conduite
des affaires du monde, sera si sublime & si extraordinaire
en ce digne Souuerain, qu à l’âge de vingt cinq ans il
se pourra conduire par son propre Genie. Et l’Art, qui est
vne habitude de la mesme faculté, le rendra tres-expert à

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l’execution de toutes choses. Et quoy que l’entendement
n’ay esté donné de Dieu aux hommes que pour contempler
les choses inuisibles, comme estant de leur direction, ce digne
Souuerain ne laissera pas de s’en seruir heureusement
pour ses affaires & pour les nostres ; La volonté qui est le
motif, par lequel l’ame raisonnable se determine au choix
des choses qui luy ont esté découuertes, le portera tellement
au bien, qu’il n’y aura pas vne de toutes les vertus que
ce merueilleux Prince ne mette parfaictement bien en pratique.
Ce sera par cette digne inclination que sa pieuse Majesté
s’occupera franchement & librement à glorifier, & à
faire le Salut de son peuple. Elle commandera, elle defendera,
elle permettra, elle conseillera, & si elle trauaillera
pour l’honneur du Souuerain de l’Vniuers, & pour l’vtilité
de ses creatures. Elle sera executer ses sainctes volontez
dans tous ses Estats, elle defendra absolument le vice à tous
ses Sujets, elle permettra que la Iustice s’exerce par tout,
elle persuadera la vertu aux esprits qui en sont despourueus,
& si elle s’exercera à donner des exemples de valeur & de
pieté à toutes les Nations de la terre.

 

Sa memoire sera si heureuse pour nous, & si funeste à ses
ennemis, qu’il n’oubliera iamais les seruices qu’on luy aura
rendus, ny les injures qu’on luy aura faites. C’est ce qui l’obligera
de rendre à chacun ce qui luy appartient, auec autant
d’amour que de iustice. La raison luy donnera de si
grands auantages, qu’elle l’éleuera autant pardessus le reste
des hommes, que cette digne faculté nous éleue nous mesmes
pardessus le reste des animaux les plus indomptables.
Ce sera par son moyen que sa Majesté persuadera l’esprit de
ses auditeurs auec tant d’appas, qu’il leur sera comme impossible
de s’en pouuoir defendre. Si bien qu’on defferera
autant ou plus à ses discours, qu’à sa grandeur ny qu’à sa
puissance. De sorte que toutes ses actions se trouuant appuyées
d’vne persuasion toute Diuine, & d’vne valeur qui
n’en eut iamais de pareille, ne sçauroient moins faire que de
porter sa renommée au delà des Siecles. Ouy, c’est cette

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Vertu heroïque, qui le fait dés-ja exposer aux hazards pour
le bien de l’Estat & de la Patrie, qui doit combler les derniers
viuans d’estonnement, & tous ses bons seruiteurs d’vne
ioye incroyable. Il sera si heureux au conseil & en la deliberation,
que toutes choses reüssiront à sa fantaisie, & selon
qu’il les aura premeditées. C’est ce qui fera que la Prudence
estrangere, se trouuera bien empeschée à destourner
ses coups, & à parer ses disgraces.

 

Mais passons de ces facultez intellectuelles, raisonnables
& naturelles, aux passions, & des passions nous irons apres
aux vertus Morales & Chrestiennes, afin d’obseruer l’ordre
selon qu’il est requis en des presages de cette importance.
Les passions bien ménagées, font les Saincts, & portent l’esprit
de l’homme au dessus des Anges. C’est ainsi que nostre
ieune Prince leur apprendra bien tost l’obeïssance qu’elles
doiuent à sa raison, aussi bien que l’art de reuerer toute la
nature humaine en sa personne. Il en vsera auec tant de prudence
& auec tant de conduite, qu’il les éleuera hautement
à la condition des vertus, & par vn miracle aussi illustre que
glorieux, il leur fera changer de nature.

Par les passions de l’ame, on iuge de l’estat où cette essence
immortelle se trouue. L’amour qui ne suscite la plus part
des hommes qu’à leur perte, doit faire son salut, & le bien
de toute cette Monarchie. Cette imperieuse maistresse des
cœurs luy fera dire vn iour à l’imitation du Prophete
Royal Dauid, que le zele qu’il a conçeu de la maison de
Dieu, qui n’est autre chose que d’obeir à ses loix, & de faire
ses saincts Commandemens, luy a consommé le cœur, &
mesme deuoré les entrailles. Ce sera cette diuine Cyprinienne,
qui en consideration de l’amour auec laquelle Iesus-Christ
a tant souffert icy bas pour luy & pour nous, l’obligera
à mourir plustost pour son Createur, que pour aucune de
ses creatures, quoy qu’il ne sera pas ennemy mortel de la
plus belle & de la plus amoureuse partie du monde, au rapport
de l’ascendent qui predominoit à sa naissance : Et c’est
par l’amour precedente, & non pas par celle-cy, qu’il doit

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obtenir de sa diuine Bonté, les biens, la santé, la gloire, la
beatitude, & toutes les autres benedictions que ie luy presage,
& que ie prie Iesus-Christ de luy donner liberalement
auec vn zelle incroyable. Le desir qui nous pousse auec tant
de violence à la recherche de ce que nous souhaitons quelque
fois auec plus de passion que de conduite, portera son
esprit bien auant dans l’aduenir pour y trouuer nostre repos,
& la gloire qu’il s’en sera promise.

 

Mais pour ne pas esperer inutilement, il ne desirera iamais
rien qui ne soit aussi possible que raisonnable, afin d’obliger
la fortune par vne humilité si Chrestienne à suiure
toutes ses volontez, & mesme à se consacrer à toutes ses
esperances : Quoy que ce soient des passions qui logent en
l’appetit irascible, par le moyen desquelles l’ame se porte
sous l’apparence du bien à l’entreprise des choses les plus
hautes & les plus difficiles. Il est vray qu’il y aura souuent
des choses qui seront possibles à ce genereux Prince, qui seront
neantmoins tout à fait impossibles au reste des hommes.
Ce sera par l’entremise de cette Déesse, iadis si honorée
des Romains, qu’il moissonnera comme par auance dans
l’aduenir, & qu’il y pourra compter vne partie de l’Vniuers
pour vne partie de ses conquestes, ne se pouuant iamais abuser
sur la conduite d’vne nature si clair-voyante que la sienne.

La Hardiesse, qui est vne passion par laquelle le Prince se
resout d’essayer tous les dangers, & de surmonter tous les
hazards qui se rencontrent aux entreprises les plus difficiles
& les plus épineuses, luy fera tenter des actions qu’on pourra
mettre iustement au rang des miracles. Cette grandeur de
courage se seruant des organes de l’esperance, ne l’entretiendra
iamais que d’honneur, de lauriers, de victoires, &
de trophées : Bref cette entreprenente mettra continuellement
le feu aux poudres, & le fera pareillement agir, comme
vn foudre de guerre. Et quoy qu’elle ne soit bien souuent
qu’vne malheureuse temerité dans l’esprit de la plus
part des hommes, elle ne laissera pourtant pas d’estre en ce

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digne Souuerain qu’vne magnanimité incomprehensible.
Ce sera par son moyen que tous les autres Estats releueront
du sien, & que toute la terre habitable se sousmettra à sa
puissance.

 

La Colere, qui est si familiere à toute sorte de personnes,
& qui n’est qu’vn mouuement enflammé, par lequel l’homme
se porte à vanger les injures qu’on luy a faites, ne sera en
l’ame de ce genereux Prince qu’vn legitime ressentiment
meslé de iustice & de clemence. Tout le monde tremblera
quand cette fureur passagere l’obligera à s’armer de tonnerres
& de carreaux, pour venger ses outrages. Sa raison pourtant
ne laissera pas d’imposer silence à toutes ses plus turbulentes
agitations, en faueur des cœurs contricts & des humiliées
repentantes. Les vertus de quelque nature qu’elles
puissent estre, luy seront assez familieres.

La Iustice, qui est selon sainct Thomas, vne ferme, constante,
& perpetuelle volonté de rendre a chacun ce qui luy
appartient, le mettra au rang des Esleus, aussi bien qu’au
nombre des Hommes illustres. Ce sera par son moyen que
les Loix diuines & humaines se remettront dans vne parfaite
vigueur, & que tout son peuple subsistera dans vne parfaite
harmonie : & ce sera encore par le ministere de cette fille du
Ciel qu’il se fera reuerer icy bas parmy nous comme vn Prince
bien-faisant, ou comme vn Souuerain incomparable.

La Force sera tousiours de son party, & la main du Tout-puissant
ne l’abandonnera iamais en toutes ses entreprises.
Aussi n’est-il predestine de Dieu que pour combatre sous ses
estandards, & que pour vaincre sous sa conduite.

La Temperance, qui est vne habitude de la volonté, qui
ne s’exerce qu’à mettre tous les mouuemens & tous les desirs
de l’appetit concupiscible à son obeïssance, luy fera tellement
moderer ses voluptez, qu’on le pourra prendre pour
le vray exemple de toutes les inclinatiõs les plus temperées,
afin de former les nostres sur celles d’vn si grand Prince.
Aussi n’en y aura t’il iamais vn dans le monde qui soit plus
sobre, plus retenu, & plus pudique que le nostre : Il ne le

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sera pas seulement du corps, mais aussi de cœur, de la langue,
des yeux, & des oreilles. Enfin il le sera en vn poinct
que pas vne de toutes ses facultez n’en sera aucunement alterée,
veu qu’il reprimera toutes ses conuoitises par vne merueilleuse
continence.

 

La Clemence, par laquelle les Souuerains remettent facilement
le tort qui leur est fait, sera la vertu qu’il mettra le
plus en vsage, comme estant toute Royale. Ses Loix ne seront
iamais escrites d’vn deluge de sang, comme celles de
Dracon Legislateur d’Athenes, ville de Grece. Il donnera
souuent la vie aux criminels, qui ne la voudront pas, pour
les mieux punir de leur offense, n’ayant point de foudre digne
de leur bassesse. Par cette vertu il asseurera les innocens,
& il metamorphosera les coupables. Ce genereux Alcide se
trouuera assez vengé, en faisant connoistre qu’il se peut
venger quand bon luy semble ; Alexandre se moquoit de
ceux qui l’auoient offensé, Auguste les recompensoit, Tybere
dissimuloit leur action, & Tite les mesprisoit, comme
indignes de sa colere. Il n’appartient qu’aux grands Roys
d’estre clemens, & de remettre toute sorte de crimes.

Theodose, Arcadius & Honorius firent publier par toute
l’estenduë de leur Empire, que si quelqu’vn par deffaut
de modestie, ou par quelque exceds d’impudence croyoit
qu’il luy fut permis d’attaquer leur reputation par des traits
de médisance, & qu’enyuré de sa passion il se rendit detracteur
de leur gouuernement ou de leur conduite, ils vouloient
pour cela qu’il ne fut point su jet à pas vne punition,
ny qu’il souffrit chose quelconque : car s’il l’auoit fait par
legereté d’esprit, il le falloit pardonner ; s’il l’auoit fait par
quelque espece de fureur, il y auoit de la pitié ; & s’il l’auoit
fait pour faire injure, on la deuoit remettre : & par ainsi ils
s’en vouloient reseruer l’entiere connoissance, afin qu’en
considerant la qualité des paroles, & la qualité des personnes,
ils fussent en estat de iuger s’ils deuoient plustost faire
des actions de Souuerain, que des actions d’esclaue.

Sa magnificence n’esclatera iamais icy bas parmy nous,

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que pour la gloire de Dieu, de son Eglise, & de sou peuple.
Si elle s’estend quelquefois sur des sujets de moindre importance,
ce sera auec tant de moderation, que les Elides
& les Curules ne furent pas plus retenus en des dépenses
inutiles. Aussi n’est-ce qu’vne vanité insupportable à tout
l’estre creé, lors qu’elle n’a que des objets d’vne nature
moins pieuse & moins celeste.

 

La Religion, par laquelle nous rendons à Dieu le culte
que nous luy deuons, luy sera en plus grande veneration
que toutes les honneurs de la terre. Aussi est-ce le seul
moyen par lequel nous pouuons aller à Dieu en toute asseurance.
Si bien que de la maniere de prier & de seruir ce diuin
Sauueur de nos ames, il passera iusques à se faire considerer
pour vn de ceux que l’Eglise met au nombre des estres
canonisez, & des ames qui sont dés-ja comme asseurées de
la beatitude eternelle.

La Pieté, qui exprime le zele & l’affection auec laquelle
nous accompagnons les offrandes que nous faisons à Dieu,
rendra tellement ses actions agreables à ce diuin Sauueur de
nos ames, que toute la Cour celeste en chantera des Cantiques
de joye. La deuotion, qui est vn acte de la volonté,
par lequel l’homme se consacre tout au bon plaisir de son
Createur, luy fera trouuer de la douceur au plus sort de ses
infortunes : Elle luy fera embrasser toutes les vertus auec
vne ioye incroyable. Ce sera par le moyen de cette inclination
simulée qu’il se formera des aisles pour voler au Ciel,
auec vne agilité toute spirituelle.

Si la Charité est vn baume precieux, la deuotion en est
l’odeur de suauité, qui conforte les hommes, & qui réjouït
les Anges. L’Oraison, qui est vne humble priere, par laquelle
nous demandons à sa diuine Majesté tout ce qui nous
est necessaire à Salut, attirera sur luy & sur cét Estat vn
nombre infiny de Benedictions celestes. C’est par le moyen
de cette insigne qu’il obligera ce Souuerain Sauueur de toute
la nature humaine à le regarder d’vn œil d’amour & de
charité, & qu’il se portera continuellement à l’adorer de

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tout son cœur & de toute son ame, qui sont les parties les
plus considerables d’vn tout, & dont il luy fera vn eternel
sacrifice en reconnoissance de l’infiny pouuoir qu’il a sur
luy, comme sur le reste de ses creatures. Aussi est-il dés-ja
naturellement tout sousmis à sa saincte & sacrée obeïssance,
puis qu’il aymeroit mille fois mieux mourir en l’âge où il est,
que de manquer à certaines deuotions où il s’est franchement
& librement assujetty de sa propre volonté tous les
iours de sa vie. Ce qu’il fait auec vne humilité si abaissée,
que tous les Chrestiens de l’Vniuers n’ont iamais veu rien
de semblable. Et Dieu vueille qu’il puisse dire vn iour auec
le Prophete Royal Dauid : I’ay choisy d’estre object en la maison
du Seigneur, plustost que d’habiter és tabernacles des ames pecheresses.
La modestie, qui est vne certaine retenuë tresconsiderable
par tout où elle se rencontre le fera parler de
la sorte.

 

Mais pour ce qui regarde les honneurs du monde, sa magnanimité
les mesprisera auec tant de generosité, qu’elle ne
pourra iamais estre soupçonnée ny de vanité, ny d’orgueil,
ny de presomption, ny de gloire, Il sera plus touché de compassion
pour la misere d’autruy, que de ces sentimens fondez
sur vn peu de fumée. La mansuetude l’empeschera toûjours
de se porter à des exceds, qui soient dignes de reproche.
Il sera si affable, que la douceur dont il traitera ses Sujets,
le sera aymer des grands & des petits, auec pes passions
incroyables. Si bien qu’il n’y en aura pas vn qui ne soit contraint
par là de reconnoistre ses Royales faueurs du mieux
qu’il luy sera possible.

Le Destin auec toutes ses fatalitez ne pourra rien ny sur
sa prudence, ny sur sa conduite. Sa sagesse prédominera sur
toutes les influences celestes. Son ame n’ayant point d’autres
passions que celles de son Sauueur, se trouuera toute
transformée par la vertu d’vne association amoureuse & volontaire
en la chose aymée. Son tẽperemment sera merueilleux,
& sa santé tres-excellente. Sa vie sera longue, belle,
& glorieuse. Ses sens tres-parfaits, & ses objets tous celestes.

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Sa veuë sera subtile, mais elle ne se plaira point du
tout à voir faire du mal à personne. Son ouye sera tres-bonne,
mais il n’aymera pas à entendre mal parler de qui que ce
puisse estre, ny à ouyr dire que de grandes choses. Sa voix
sera fort nette, son odorat incomparable. Son goust sera fort
delicat, & son attouchement sans exemple : Enfin tous ses
sens seront si vifs & si purs, qu’il n’y aura rien à redire. Son
veiller & son dormir seront assez moderez, à cause de la bonne
constitution de sa nature. Ses songes seront quelquefois
veritables, mais la plus part du temps ils ne luy fourniront
que des images & des crotesques sans effect, sans suite, &
sans ordre. Presentement il ne peut guere songer qu’à ses diuertissemens
ordinaires, mais d’ors en auant il commencera
à songer à quelques amourettes, apres à des combats, & à
du sang respandu, & sur la fin, à des objets tristes, fascheux
& deplaisans, à cause de la diuersité des humeurs qui prédominent
en la personne, selon la diuersité des âges : car la
fantaisie forme ses objets & ses idées selon qu’elle se trouue
émeuë par la qualité des vapeurs qui l’enuironnent. Si ces
vapeurs sont meslées de melancolie noire, elles forment des
spectres, des funerailles, & des idées tristes & affreuses. Si
elles sont bilieuses, elles ne nous font voir que des guerres,
que meurtres, & que du carnage. Si elles sont pituiteuses,
nous ne voyons que des riuieres, des eaux, & de nauigations :
Et si elles sont sanguines, ce ne sont que jeux, que
ris, que dances, que comedies, & que bonne chere. Outre,
que la qualité des viandes que nous prenons pour nostre
nourriture y cõtribuée beaucoup, lors que la coction se fait,
& que ses exhalaisons se communiquent à l’imagination, ou
bien à la fantaisie.

 

 


Mais n’est ce pas errer de croire à l’imposture,
D’vn chimere exhalé de quelque nourriture ?
N’est-ce pas s’abuser sous de tristes appas,
D’attendre vn bon aduis de ce qui n’en a pas ?
Quel sens peut-on tirer d’vne chose insensible,

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Ces corps ne parlent point, il leur est impossible ?
Et ces diuers obiets qui nous forment ces peurs,
N’ayans esté produits que de quelques vapeurs
Ne sçauroient par l’effort d’aucune coniecture,
Penetrer dans la nuict d’vne chose future.
Il est bien vray qu’vn art que le Ciel nous apprit,
Ne s’exerça iamais que par vn grand esprit :
Car pretendre de voir aux tenebres d’vn songe,
Chercher des veritez au centre du mensonge,
Croire estre scrutateur d’vn sombre éuenement,
Ne sont que les pechez d’vn subtil iugement.

 

Ses conceptions formelles & objectiues seront d’vne nature
si sublime & si vniuerselle, qu’il n’y aura chose quelconque
qui puisse tomber sous les sens des hommes que cette
digne faculté n’en fasse des apprehensions merueilleuses. Ce
sera par l’effort de cette transcendante operation de son entendement
que sa Majesté se portera à la connoissance & à
la descouuerte des objets autant qu’il est possible à la creature
de le pouuoir faire. Et i’espere bien que ce grand
Prince n’en aura iamais pas vne, qui ne soit tousiours conforme
à la chose que cette intellectuelle vertu luy aura representée.

La Préuoyance, qui n’est qu’vne faculté où la plus part
des hommes se trouuent deçeus, sera si grande & si clairvoyante
en l’esprit de ce Monarque, qu’il pourra lire dans
les Mysteres plus cachez de l’aduenir aussi facilement, que
dans les choses presentes. Et par ainsi il verra ce qu’il doit
faire pour se mettre à couuert des traits de la fortune, &
pour reüssir à toutes ses entreprises. C’est par elle qu’il s’instruira
de tous les projets de ses ennemis, & qu’il iugera des
moyens qu’il doit tenir pour mettre des bornes à leur puissance.
Alors sa conduite se trouuant esclairée de cette diuine
penetrante, fera des merueilles pour la gloire de son
nom, & des miracles pour le bien de son peuple. Apres cela
sa generosité venant de donner la derniere main à des ouurages

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d’vne nature si sanglante & si funeste, elle ne s’occupera
plus qu’à remettre la Religion en sa plus haute splendeur, &
la Iustice en son premier lustre : Enfin Dieu sera tousiours
l’vnique objet de ses plus sublimes notions, & de ses plus dignes
idées.

 

Dauid, ce Royal Prophete, nonobstant ce nombre infiny
d’affaires estrangeres & domestiques qui l’occupoient iour
& nuict, ne laissoit pas de donner la plus grande partie de ses
loisirs à l’honneur & à la gloire de cét Estre incomprehensible.
Sainct Louys, quoy qu’il fut perpetuellement occupé
à la ruine & à la perte des infidelles, ne laissoit pas pour cela
d’ouyr deux Messes, de dire Vespres & Complies auec son
Chapellain, de se confesser, de visiter les Hospitaux, d’entendre
les Predications, de se donner la discipline, de mediter,
& de se liurer apres cela tout entierement aux affaires.

Les loix diuines, & mesmes les loix humaines, quoy
qu’elles soient au dessous de luy, ainsi que l’effet au dessous
de sa cause, & pour lesquelles les plus sages des hommes ont
tousiours eu de si honorables sentimens, qu’ils ont crû qu’elle
tenoit le mesme rang dans l’estat Politique, que la raison
dans la nature humaine, luy seront tousiours en tres-grande
veneration. Suiuant la loy diuine, qui est proprement vn
Decret, par lequel Dieu prescrit aux hommes ce qu’ils doiuent
faire pour obeir à sa diuine volonté, & pour obtenir la
beatitude qu’il leur a promise, il s’efforcera de viure icy bas
parmy nous de la mesme façon que les Saincts viuent la haut
parmy les Anges. Et suiuant la loy humaine, qui n’est autre
chose que la volonté du Prince. sur laquelle tous ceux qui
viuent dans l’estenduë de ses terres doiuent regler toutes
leurs actions, comme sujets aux puissances superieures, il
fera voir son humilité en les obseruant ponctuellement ainsi
que le moindre des hommes. Aussi est ce vne vertu sans laquelle
toutes les autres sont inutiles. De sorte qu’en agissant
auec des dons si particuliers, le peché qui est si abominable
deuant Dieu, & mesmes deuant quelques hommes,

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n’aura iamais de grandes prises sur son esprit, & moins encore
sur son ame.

 

Sa Majeste sçait bien, quoy qu’elle soit fort peu auancée
dans l’âge, que ceux qui transgressent les Commandemens
que le Createur de l’Vniuers fait à ses creatures, sont
eternellement maudits de cét adorable Sauueur de nos
ames, & qu’il est impossible apres cela d’arriuer iamais à la
Beatitude qu’il nous a promise, si nous ny sommes conduits
par l’entremise de sa saincte & sacrée Misericorde.
Malediction soit donnée à ceux qui ne gardent pas mes Commandemens,
dit la Sapience infinie au Chapitre vnziesme du
Deuteronome.

La Grace que Dieu luy fait, & qu’il luy fera, si ma Prophetie
n’est extraordinairement trompeuse, sera si grande
& si vniuerselle, qu’elle comprendra toutes les autres ensemble.
Par la Grace gratuite, il trauaillera continuellement
au bien de ses sujets ; par la Grace operante, il se portera
sans marchander a faire son Salut ; par la Grace cooperante,
il se gardera d’offenser Dieu en aucune façon ; par
la Grace suffisante, il aura vne continuelle volonté de bien
faire ; par la Grace efficace, il taschera de s’acquiter dignement
de ce qu’il doit à son Sauueur ; & par la Grace habituelle,
il se rendra si agreable à sa diuine Majesté, qu’elle
s’en seruira pour faire adorer son sainct Nom par toute la terre
habitable.

Par la Patience, il supportera genereusement toute sorte
de tribulations ; par l’humilité, il s’eleuera au plus haut
degré de la grace, & puis apres de la gloire. Par la douceur,
il se fera amoureusement cherir de tous ses sujet
par l’obeissance, il consacrera son cœur à Dieu ; par la chasteté,
il ne receura aucune passion qui ne vienne du Ciel ;
par la conuersation, il gaignera le cœur de tous ceux qui
auront affaire à luy. Ses recreations seront honnestes, son
merite vniuersel, sa foy inuulnerable, son esperance ferme
& constante, & sa charité, comme estant la Reyne de toutes

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les autres vertus, luy sera aymer Dieu de tout son cœur,
& son prochain comme soy mesme.

 

Soli Deo honor & gloria.

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Boyer, Paul / sieur du Petit Puy (P. B. S. D. P. P. [signé]) [1652], L’HOROSCOPE DV ROY. DONNANT A CONNOISTRE le Gouuernement de l’Estat, sur les affaires presentes, & pour l’auenir. , français, latinRéférence RIM : M0_1666. Cote locale : B_2_28.