Baltasard, Christophle [1645], TRAITTÉ DES VSVRPATIONS DES ROYS D’ESPAGNE, SVR LA COVRONNE DE FRANCE, Depuis le Regne de Charles huictiesme. ENSEMBLE VN DISCOVRS SVR LE COMMENCEMENT, progrez, declin, & démembrement de la Monarchie Françoise, droicts, & pretentions des Roys Tres-Chrestiens sur l’Empire. AVGMENTÉ D’VN SOMMAIRE DES DROICTS de ceste Couronne, sur les Comtez de Bourgongne, Cambray, Haynault, de Genes & Luxembourg. ET LES VICTOIRES ET CONQVESTES DES ROYS LOVIS XIII. dit le IVSTE, & de LOVIS XIV. dit DIEV-DONNÉ, sur les Espagnols, & les Austrichiens, en Italie, Alsace, Flandres, Luxembourg, & Comté de Bourgongne, Catalogne & Roussillon. Par C. BALTASARD. , françaisRéférence RIM : Mx. Cote locale : D_1_6.
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TRAITTÉ DES
VSVRPATIONS
DES ROYS D’ESPAGNE, SVR LA
COVRONNE DE FRANCE.

Depuis le Regne de Charles huictiesme.

D’où procede le iuste sujet des Guerres encommencées du Regne de
LOVIS XIII. iusques à present.

LA Paix est vn bien incomparable. C’est le lien de la
societé humaine, les delices de la Nature, la nourrice
des Loix, de l’Ordre, de la Police : Mais la Guerre,
auec toutes ses calamitez, est beaucoup plus desirable
aux ames genereuses, qu’vne paix mandiée auec desaduantage.
Les Romains, lors que leur Republique
estoit encore en son berceau, voyans les redoutables
progrés que Pyrrhus faisoit en Italie, refuserent la paix qui leur estoit offerte
par ses Ambassadeurs, protestãs d’exposer plustost leur Estat au hazard
d’vne guerre immortelle, que de souffrir vne puissance estrangere en leur
païs. Braue & courageuse resolution, à la quelle si les descendans de Charles
le Grand eussent reglé leurs actions, l’Italie, l’Allemagne, la Pologne,
la Sclauonie, la Hongrie, & toutes les Gaules, autresfois tributaires de vostre
Couronne, SIRE, viendroient encore rendre aux pieds de vostre
Majesté les hõmages de leur seruitude. Et ceste grandeur superbe d’Espagne,
qui cõbat auiourd’huy pour le Sceptre de toute l’Europe, combattoit
seulement auec les autres Prouinces de vostre Empire pour l’honneur de
l’obeïssance : Mais ces Princes autant esloignez de la valeur de leurs ayeuls,

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qu’indignes d’vn Sceptre si puissant, laisserent leur bien en proye à l’ambition
de leurs voisins : & virent deschirer piece à piece ce grand Estat, acquis
en tant d’annees par le sang des François, pour auoir trop voulu gouster
des trompeuses douceurs du repos.

 

La suitte de ce discours fera voir auec quel courage leurs successeurs,
souz la troisiesme race, ont poursuiuy leurs droicts & pretentions, & maintenu
leur grandeur contre l’effort de leurs ennemis, & la rebellion de leurs
vassaux, tesmoin les guerres anciennes de Flandre, d’Angleterre, & de
Bourgongne : & de plus fraische memoire, les voyages faits à Naples, à
Milan, à Gennes, en Piedmont, à Perpignan, à Luxembourg, à Pampelonne,
& mille autres entreprises fameuses où la Iustice de nos armes
auoit rencontré de si heureux commencemens, que la fortune mesme n’en
pouuoit rendre l’issue infructueuse, si nous eussions esté aussi capables de
conseruer, que d’acquerir : Mais les fautes des François n’auctorisent pas
l’Vsurpation des Espagnols : Les droicts que vos deuanciers vous ont acquis
ne laissent pas de subsister apres la perte de leurs conquestes. Il suffit,
SIRE, il suffit à vn grand Roy, à qui l’integrité & la droicture ont donné
le nom de Iuste, & qui peut d’vn coup de pied tirer du ventre de la terre des
armees, capables de dompter tout le Monde, d’auoir de iustes pretentions :
Les voicy qui se presentent aux yeux de vostre Majesté toutes nuës,
& sans fard, chargees des plaintes de la Sicile, de la Poüille, de la Calabre,
du Milannois, de la Flandre, de la Nauarre, & de tant d’autres Prouinces
que l’ambition Espagnole a rauies du sein de vostre Couronne, pour
bastir ce redoutable Empire qui menace de seruitude le reste de l’Europe.

L’ordre des temps les fera commencer par l’Vsurpation des Royaumes
de Sicile & de Naples, long-temps disputez entre les Maisons d’Anjou &
d’Arragon, ausquelles celles de France & de Castille ont succedé.

Des Royaumes de Sicile & de Naples.

LE Roy Henry premier ayant inuesty Guillaume fils naturel de Robert
Duc de Normandie, Roger, Robert Guischard, & Guillaume de
Montrueil, Princes Normans, pretendans que le Duché leur appartenoit,
comme plus proches heritiers de Robert, prindrent les armes contre ce
ieune Duc, se seruans pour pretexte de leur rebellion du defaut de sa naissance ;
Mais Henry obligé de soustenir la querelle de son vassal, se mit en
campagne, défit ces rebelles, & les contraignit de vuider le païs. Ils s’embarquent
auec grand nombre de ieunesse Danoise, & apres mille aduantures
où ils signalerent leur courage, aborderent finalement les vns en Sicile,

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les autres en Calabre ; Prouinces lors sujettes aux Grecs & aux Sarrazins,
dont ces braues Argonautes les ayans chassez, ils y establirent
leurs fortunes, & prirent qualité de Ducs, iusques à Roger II. auquel le Pape
Honoré donna le tiltre de Roy. En recognoissance dequoy, du consentement
de ses Estats, il sousmit les Royaumes de Sicile & de Naples au
Sainct Siege, souz la redeuance de quelque cens annuel. Roger eust pour
successeur Guillaume, surnommé le Mauuais & Guillaume ; Roger qui
mourut auant son pere, laissant vne seule fille legitime, & vn bastard nommé
Tancrede, auquel le Pape Celestin III. refusa l’inuestiture pour le
defaut de sa naissance, & tira d’vn Monastere sa sœur Constance pour la
donner à Henry VI. Empereur, fils de Federie Barberousse, qui s’empara
des deux Royaumes, & fit chastrer Guillaume fils de Tancrede, delaissé
en bas âge. De Henry & de Constance nâquit Federie II. aussi Empereur,
que le Pape Innocent IV. priua de ses Estats, pour les grandes querelles
qu’il eut auec le Sainct Siege. Ce Federic laissa pour heritiers Conrad,
Federic & Conradin, fils de Henry son aisné, qu’il fit mourir en prison
pour auoir conspiré contre luy : eut aussi vn bastard appellé Mainsroy, la fille
duquel nommée Constance, espousa Pierre d’Arragon ; Vnique fondement
des pretentions de la Maison d’Espagne sur ces deux Royaumes.
Conrad fit mourir Federic son frere puisné, à que le pere auoit laissé par
testament partie de la Sicile. La peine suiuit de prés ce fratricide : car luy
estant malade Mainfroy l’empoisonna, & s’estant fait declarer tuteur de
Conradin son nepueu, occupa ses Estats, & donna charge à quelqu’vn de
ses plus confidens de le faire mourir : mais cela n’ayant reüssi, Conradin
s’enfuit secrettement en Allemagne, & cependant le Pape Vrbain interdit
Mainfroy, tant en execution de la sentence renduë par son predecesseur
contre Federic, & sa posterité, que pour ses actions tyranniques, dont
les Siciliens s’estoient plaints au Pape, comme à leur Souuerain. Pour
mettre cet interdit à execution, Charles d’Anjou, frere du Roy S. Louis
est appellé à Rome, & couronné Roy des deux Royaumes, aux charges &
redeuances anciennes enuers le Sainct Siege. Auec ce droict il attaque
Mainfroy, luy donne bataille, & le met en route. Conradin sur le bruit de
ceste disgrace, leue de grandes forces en Allemagne, & se jette dans la
Poüille, où Charles luy estant venu en rencontre le met en fuite : mais
estant pris comme il se sauuoit par mer, il luy sait trencher la teste, & par
ceste mort se rend paisible possesseur de tout le païs.

 

Ceste bonace ne dura pas long temps : car Pierre d’Arragon, competiteur
de Charles, qui estoit tousiours au guet, estant aduerty du mescontentement
que les Siciliens auoient desia conceu contre les François,

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pour les grandes priuautez dont ils vsoient enuers leurs femmes, il enuoye
en Sicile vn nommé Iean Prochyte, pour mesnager l’occasion qui
se presentoit. Ce boute-feu de sedition deguisé en Cordelier, s’en alla de
ville en ville, representant au peuple l’insolence des François, les droicts
pretendus de son maistre, le desir qu’il auoit de les deliurer de seruitude, &
le prompt secours qu’il leur donneroit si tost qu’il les verroit disposez à le
receuoir. Auec ces belles paroles il esmeut tellement les Siciliens, assez
changeans de leur naturel, & d’ailleurs, passionnez de jalousie contre les
François, qu’ils se sousleuerent par tout, taillerent en pieces leurs garnisons,
& tuerent en vn soir plus de trente mil hommes ; ce que nos peres
ont appellé les Vespres Siciliennes.

 

Par vn acte si perfide & si barbare, Pierre d’Arragon se rendit maistre
de la Sicile, & s’y maintint malgré les efforts de Charles, & de ses descendans,
qui eurent assez de peine à conseruer le Royaume de Naples. Apres
le deceds de Pierre, Iacques son fils, ayant pris possession du Royaume
d’Arragon, espousa la fille de Charles le Boiteux, fils de Charles premier,
& renonça aux droicts qu’il pouuoit pretendre aux deux Couronnes de
Sicile & de Naples. Mais la fraude Arragonoise parut aussi tost apres ce
traitté : Car comme Charles s’acheminoit en Sicile, Federic frere de Iacques,
par intelligence qu’il auoit auec luy, & les Siciliens, se saisit de toutes
les places, dont Charles s’estant plaint au Pape, Iacques, pour faire
croire qu’il n’auoit point trempe en ceste entreprise, promit à son beau-pere
de l’ayder contre Federic : mais quand il fut sommé d’accomplir sa
promesse il s’en excusa, & donna souz-main secours à son frere : ce qu’il
n’osoit faire ouuertement, plus retenu par le respect & la crainte du Pape,
que par aucune consideration de son honneur. Neantmoins Federic
voyant que Charles assisté des armes Françoises, s’opiniastroit au recouurement
de ce Royaume, & le tenoit serré de toutes parts ; il fait paix auec
luy, luy remettant, & à sa posterité la Sicile, à condition qu’il en iouïroit sa
vie durant ; & toutesfois si tost que Charles l’eut laissé en repos, il pratiqua
l’Empereur Henry VII. qui auec vne puissante armée jointe aux forces
des Siciliens, assaillit au despourueu Robert II. successeur de Charles, &
l’eust despoüillé de ses Estats si la mort ne l’eust preuenu en ce dessein,
Vostre Majesté, SIRE, remarquera (s’il luy plaist) ce traict de fidelité
Espagnole.

Sous Robert II. la Maison d’Anjou fut diuisée en deux branches, celle
de Charles Martel, fils aisné de Charles le Boiteux & Roy d’Hongrie, à
cause de Marie sa femme, fille & heritiere vnique du Roy Estienne, & celle
de Robert, auquel succeda Ieanne yssuë de Charles sans terre, decedé

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en son jeune âgẽ, Ceste Ieanne ayant espousé André, de la maison de
Hongrie, son cousin germain, le fit estrangler pour ne vouloir souffrir ses
adulteres. Louis frere de ce Prince (pour venger sa mort) entra à main armée
dans l’Estat de Ieanne, & la contraignit de s’enfuir en Prouence,
terre de son patrimoine, mais quelque tẽps apres s’estant laissé flechir aux
instantes prieres de Clement V. lors seant en Auignon, il restablit Ieanne
en son Royaume, en consideration dequoy elle donna au Pape le Comté
d’Auignon. Clement estant decedé, Ieanne se declara ennemie d’Vrbain,
l’vn de ses successeurs, & procura que Clement VI. fust esleu en sa
place, dont Vrbain pour se venger, suscita Charles de Duraz, yssu de la
premiere branche d’Anjou, & l’inuestit du Royaume de Naples. Ieanne
voyant le grand appareil qui se dressoit contre elle par mer & par terre, demanda
secours au Roy Iean, & pour l’y obliger plus estroittement, adopta
Louis Duc d’Anjou son fils, & le declara heritier de ses Royaumes. Louis
passe en Italie auec trente mil hommes : mais auant qu’il mist le pied dans
l’Estat de Naples, il apprit que Charles auoit fait prendre Ieanne pour la
punir, souz pretexte du meurtre du Prince André, mais en effet, pour iouïr
plus seurement de ses Estats. Sur la nouuelle de cette Tragedie, Louis s’auance,
& rencontrant Charles à l’entrée du Royaume, luy donne bataille,
où les François estans vaincus, Louis mourut peu de iours apres de playes
qu’il auoit receuës au combat, laissant vn fils nommé Louis II. qui se rendit
maistre de Naples, & en fut chassé peu apres. Bonisace IX. Pape Schismatique,
couronna Ladislas fils de Charles, pendant que Clement, seant
en Auignon, recogneu de la posterité pour Pape legitime, inuestit Louis
II. lequel repassa en Italie, vainquit Ladislas, mais pour n’auoir pour suiuy
chaudement la victoire, il donna loisir à son ennemy de reparer ses forces,
& retenir les villes en son obeïssance : ce qui rendit le voyage de Louis
inutile, & le contraignit de s’en retourner en France.

 

Ladislas mourant sans enfans, Ieanne sa sœur occupa le Royaume, &
pour se mettre à couuert contre les efforts des François, & les censures du
Pape Martin qui l’auoit interdite, & couronné Louis III. Duc d’Anjou,
adopta Alphonse d’Arragon, sur la recherche qu’il en fit, encores qu’il fust
Cousin germain de Louis, & qu’il luy eust iuré de ne le trauerser en la conqueste
de Naples. Ceste Princesse entree en defiance contre Alphonse,
(comme de faict il se vouloit emparer de l’Estat, & la releguer en vn Cloistre)
elle jetta les yeux sur Louis, le fit sou heritier, & luy mort adopta derechef
René son frere, & peu apres ceste adoption deceda, laissant sa
succession à disputer entre René & Alphonse, qui demeura le plus fort,
ayant surpris René dans Naples par vn canal. Ainsi se voyant en pleine

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[1 lettre ill.]ouïssance, & sans enfans legitimes, il fit legitimer par le Pape Nicolas,
vn sien Bastard nommé Ferdinand, qui luy succeda, du consentement de
Pie II. ennemy des François, comme il paroist par les reproches qu’il fait
par ses lettres au Roy Louys XI. à cause du refus qu’il faisoit de supprimer
la Pragmatique Sanction. A Ferdinand succeda son fils Alphonse, qui
ne regna qu’vn an : Car voyant desia bransler les armes Françoises pour la
conqueste de Naples, il resigna ses Estats à Ferdinand son fils, pour les
mettre à couuert de cet eschec souz la fortune de ce ieune Prince. Ce fut
lors que Charles VIII. fondé sur la cession faite à Louis XI. son pere, par
René & Charles d’Anjou, entreprit ce fameux voyage de Naples, auquel
en moins de six mois il despoüilla Ferdinand, gaigna ceste memorable
iournee de Fornouë, & se fit voye par le fer, malgré les forces de toute l’Italie,
pour retourner en France : Où si tost qu’il eut mis le pied, le desordre,
& la dissolution s’estant glissee parmy les garnisons Françoises ; Ferdinand
qui n’espioit que l’occasion de restablir ses affaires, se jetta dans le
païs, assisté de ses partisans, & nous osta l’honneur & le fruict de ceste belle
conqueste, sur laquelle Charles bastissoit desia le dessein de la ruine des
Othomans. Ce grand Roy touché du regret de ceste perte, fit de grands
apprests pour repasser en Italie : Mais la mort le prit en ce dessein, n’ayant
presque atteint l’âge de vingt-sept ans : Bien qu’il eust égalé en ceste seule
entreprise la gloire des conquestes d’Alexandre. Louis XII. son successeur,
traitta pour le recouurement de ce Royaume auec Ferdinand Roy
d’Arragon, qui auoit aussi ses pretentions sur cet Estat, à telle condition,
que la guerre se feroit à communs fraiz, & les conquestes se partageroient
esgalement. De faict, l’entreprise ayant reüssi heureusement : Et Federic
oncle de Ferdinand, qui prenoit qualité de Roy de Naples, à cause
de son nepueu, estant pris & amené en France, où il eut toute sa vie entretien
honorable ; Louis & Ferdinand d’Arragon partagerent le Royaume,
comme il estoit conuenu. Quelque temps apres, les Espagnols dresserent
vne querelle apostee aux François, qui ne se défioient de ceste trahison : &
les ayans surpris auant qu’ils peussent mettre leurs forces en campagne,
leur osterent la pluspart des places, sans que la religion du traitté faict, &
iuré entre les deux Roys, peust empescher leur violence. Ferdinand, pour
authoriser cet acte frauduleux, obtint du Pape Iules II. grand ennemy des
François, l’inuestiture de ce Royaume. Louis resolu de tirer raison de
cet affront, & ayant fait de grandes leuees, Ferdinand pour destourner
l’orage qui deuoit fondre sur sa teste, rechercha Germanie de Foix, niepce
du Roy, & accorda qu’arriuant son decez sans hoirs de ce mariage, elle
succederoit à la Couronne de Naples, & apres elle, celuy qui seroit Roy

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de France. C’este conuention ratifiee par Ferdinand à l’entreueue qui se
fit à Sauonne entre les deux Roys, fut mise au neant par le traitté de
Noyon, que François premier passa auec les Espagnols, par lequel ils s’obligerent
de payer pour le Royaume de Naples trente mil ducats par an,
& restituer à Henry d’Albret le Royaume de Nauarre, mais toute tromperie :
Car la Nauarre ne fut point renduë, ny les trente mil ducats payez.
Ce qui obligea le Roy François d’enuoyer au recouure ment de Naples le
sieur de Lautrec, qui d’abord prit la ville de Melphes, & en suitte ayant assiegé
Naples, la contagion se mit en l’armee Françoise, & emporta ce braue
chef, par la perte duquel l’entreprise fut rompuë, & nos pretentions ont
tousiours demeuré sans effect, iusques à ce que le ressentiment de tant de
pertes allumant d’vne iuste fureur vostre courage, SIRE, porte vos armes
victorieuses dans les campagnes de Sicile & de Naples, pour sacrifier
les testes de vos ennemis aux Manes de tant de braues guerriers qui ont
sacrifié leurs vies pour adiouster ceste belle perle à vostre Couronne.

 

Il se voit par ce recit, qu’il ne s’agist point icy d’vn droict imaginaire,
ou d’vne pretention fondee sur le droict des armes, mais sur les
plus iustes regles de la Iustice mesmes : Car qui doute que les Papes,
comme souuerains des Royaumes de Sicile & de Naples (ainsi que
les Espagnols le recognoissent en leur payant le cens annuel) n’ayent peû
iustement interdire Federic & ses successeurs, pour les rebellions par luy
commises, & inuestir Charles d’Anjou à l’exclusion de Mainfroy & de
Conradin ? Et quand ils ne l’auroient peu faire legitimement, quel droict
y pouuoit pretendre Pierre d’Arragon, pour auoir espousé la fille d’vn Bastard
non legitime : & consequemment incapable de succeder à la Couronne,
veu que pour ceste raison le Pape Celestin III. refusa l’inuestiture
au Bastard Tancrede ? D’ailleurs, les renonciations faites au profit de
Charles le Boiteux par Iacques & Federic d’Arragon, l’adoption faite
par l’vne & l’autre Royne Ieanne, de Louis premier, second, troisiesme, &
René Ducs d’Anjou : Et du depuis encore l’accord passé entre Louis XII.
& Ferdinand de Castille ; sont-ce pas des tiltres legitimes pour valider nos
pretentions, & renuerser le fondement sur le quel les Espagnols veulent asseoir
leur vsurpation ? Que si on allegue la renonciation faite par le Roy
François au Traitté de Noyon, il faut monstrer premierement les acquits
des trente mil ducats qui se deuoient payer par chaque annee, depuis l’an
mil cinq cens seize, sans lesquels vostre Majesté peut rentrer pleinement
en ses droicts, puis que ceste pretenduë renonciation n’a esté que conditionnee.
Et d’autant que les Espagnols produisent pour piece fondamentale
le Traitté de Cambray conclud en l’an cinq cens vingt-neuf, entre

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l’Empereur & le Roy François, par lequel il renonça aux droicts du Royaume
de Naples, Duché de Milan, & Souueraineté de Flandres : Ie dis
que telle renonciation ne pouuoit preiudicier au Roy François, ny à ses
successeurs, d’autant que le Royaume de Naples, & le Duche de Milan
appartenoient à Messieurs ses enfans, comme heritiers de la Royne Claude
leur mere, fille du Roy Louis XII. de l’estoc de laquelle sont procedez
les droicts de ceste Couronne en Italie.

 

Du Duché de Milan.

L’Estat de Lombardie, auiourd’huy l’vn des principaux estançons de
la grãdeur d’Espagne, fut gouuerné par Lieutenans des Empereurs
qui estoiẽt de la Maison des Visconti, depuis l’an 1286. iusques au tẽps de
Iean Galeas, en faueur duquel l’Empereur Vencelas l’erigea en Duché,
souz la Souueraineté de l’Empire. Ce Duc laissa deux fils, Iean & Philippes,
auec vne fille nõmee Valentine, que Louis Duc d’Orleãs, fils du Roy
Charles V. espousa, ayãt apporté pour dot le païs d’Ast. Iean & Philippes
estans morts sans enfans legitimes, leur succession regardoit les enfans de
Valentine ; d’autant que par le contract de mariage de Louis & Valentine,
il estoit stipulé que la ligne masculine de Galeas defaillant, le Duché
de Milan seroit acquis à Valentine, ou à ses hoirs : mais François Sforce
qui auoit espousé Blanche, fille naturelle de Philippes, s’empara du Duché
pendant que la France estoit trauaillee par les armes Angloises, & les
diuisiõs des maisons d’Orleans & de Bourgongne. Louis XII. auparauant
Duc d’Orleans, estant paruenu à la Couronne, banda tous ses Esprits au
recouurement de ce beau Duché, patrimoine de son ayeule : ce qui luy
succeda heureusement, ayant pris Milan, & surpris Ludouic Sforce, en
s’enfuyant, qui du depuis mourut en France. Par ceste prise Louis s’estant
rendu maistre de tout le Milanois, il en demanda l’inuestiture à l’Empereur
Maximilian, & l’obtint, moyennant cent mil escus pour le droict de
relief, & neantmoins ce Prince, de mauuaise foy, s’efforca de l’oster au
successeur de Louis, comme nous toucherons cy apres.

Apres la bataille de Rauenne, où mourut ce valeureux Prince Gaston
de Foix, nepueu du Roy Louis : les François se voyans despourueuz de
Chef, & pressez de tous costez par les Suisses, Espagnols, Venitiens, &
autres nations que le Pape Iules auoit suscitees contr’eux, furent contraints
d’abandonner tout le Milanois, fors les chasteaux de Bresse & de
Milan, dans lesquels ils laisserent garnison. Louis pour recouurer ceste perte,
traitta auec les Roys d’Arragon & d’Angleterre, & ayant fait de grands

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apprests, mourut, & laissa François Comte d’Angoulesme, heritier de sa
Couronne, & de ses desseins. Ce ieune Roy prit qualité de Duc de Milan,
comme hereditaire à la maison d’Orleans, dont il estoit issu, & ayant passé
les Monts auec vne puissante armée, dessit les Suisses, que le Cardinal
de Sion, ennemy iuré de cet Estat, auoit distraits de nostre party, & en suitte
prit Milan, & contraignit Maximilian S force de renoncer à ses droicts,
à la charge de luy donner en France entretien de Prince : ce qui fut pleinement
executé. François son frere se retira vers l’Empereur Maximilian,
& luy fit tant de promesses, qu’il prit les armes en sa faueur, encore
qu’il eust inuesty Louis XII. & receu cent mil escus, comme nous auons
dit. Ainsi l’armée Imperiale vint assieger Milan, où commandoit pour le
Roy Charles de Bourbon, Connestable de France : mais la braue resistance
que les François firent durant ce siege, & la prudence de leur Chef à
descouurir les trahisons qui se brassoient au dedans, fit retirer l’Empereur
auec grande perte de son armee & de sa reputation, pour auoir entrepris
cette guerre contre sa foy, & contre le deuoir mutuel, auquel le Seigneur
souuerain est obligé enuers son vassal lige.

 

L’empereur Maximilian estant mort, Charles d’Autriche, son successeur,
réueilla cette vieille querelle, souz couleur de restablir François
Sforce, iniustement spolié mais en effect, pour se faire voye par la conqueste
de ce bel Estat à la conqueste de toute l’Italie. Ce fut lors que Charles
de Bourbon, pour quelques legers mescontentemens qu’il auoit receus de
François Premier, se retira vers l’Empereur, lequel pour l’obliger plus
estroittement, & le rendre irreconciliable auec son Prince, luy donna la
charge de son armee qui marchoit au siege de Milan. Le sieur de Lautrec,
qui y commandoit pour le Roy, ayant rencontré les ennemis à la Bicoque,
perdit la bataille, & en suitte, toutes les places qu’il tenoit au Milanois,
quelque effort que peust faire l’Admiral Bonniuet, enuoyé par le Roy, sur
ses intelligences qu’il auoit encore dans Milan. Ce qui obligea François
Premier à faire vn second voyage en Italie, où les François esclairez des
yeux de leur Prince, se porterent si courageusement, qu’à la veuë de l’armée
Imperiale, conduite par le Duc de Bourbon, & le Marquis de Pesquaire,
ils entrerent victorieux dans Milan ; & de là allerent assieger Pauie,
ville forte d’assiette, & lors munie de toutes choses necessaires pour la
guerre. Durant ce siege, le Roy fit vne faute notable, qui causa la ruine de
ses affaires : car il enuoye au Royaume de Naples le Duc d’Albanie, auec
quatre mil lances, & six mil hommes de pied. Ce qui affoiblit tellement
son armee, que comme il vouloit retrancher toutes commoditez aux assiegez,
& empescher l’entree d’vn notable secours que le Duc de Bourbon

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leur enuoyoit ; Les Espagnols voyant sa foiblesse, liurerent bataille, où son
cheual estãt terracé, il fut pris, & son armee taillee en pieces. Pour sortir de
prison, il quitta par le traitté de Madrid le Duché de Milan, auec le Royaume
de Naples, la souueraineté de Flandres, & la Bourgongne : Mais
cette renonciation ne pouuoit preiudicier à ses successeurs, pour les raisons
qui seront representees cy-apres.

 

Or quoy que ce grand Prince eust receu vn si rude eschec, il vouloit neantmoins
tenter encor vn coup la fortune. Le pretexte estoit, la deliurance
du Pape que l’armee Imperiale tenoit assiegé dans Rome. Il enuoye
doncques en Italie le sieur de Lautrec, qui pour tous exploits print Pauie
& Alexandrie : Mais l’Empereur les ayant reprises aussi tost, le Comte de
Sainct Paul les prit, & saccagea l’an suiuant : & comme il se retiroit en desordre,
l’armee Espagnole conduitte par Authoine de Leue, le surprit, &
mit en route.

Ainsi les affaires du Roy estans fort descousuës en Italie, l’Empereur
donna Chrestienne, sa niepce, fille du Roy de Dannemarc, auec le Duché
de Milan à François S force, lequel estant mort sans enfans, le Roy en demanda
l’inuestiture à l’Empereur, qui la luy refusa : Ce qui le fit resoudre à
la force. Pour l’acheminement de son entreprise, il semond le Duc de Sauoye,
son Oncle, de luy donner passage par ses terres : Et pour le refus qu’il
en fit, il entra en main armee en Piedmont, emporta de viue force les
meilleures places, & contraignit le Duc de s’enfuir, & mandier le secours
de l’Empereur, qui ne peust venir à temps pour garantir son partisan de
cet orage.

Le Roy, apres la conqueste du Piedmont, fit quelque progrez au Milanois :
Mais son entreueuë auec le Pape & l’Empereur moyenna vne suspension
d’armes pour dix ans : pendant lesquels, l’Empereur prenant occasion
de passer par la France, pour aller chastier la rebellion des Gamtois,
promit au Roy de luy faire raison du Duché de Milan. Et toutefois ayant
mis ordre aux affaires des païs Bas, il ne tint plus conte de sa promesse.
Au contraire, comme il se vit pressé par le Roy, dit que son Frere & son
Conseil n’estoient d’aduis qu’il quittast vne piece si importante pour la
conseruation des autres Prouinces qu’il tenoit en Italie : Que toutesfois
pour donner contentement au Roy, de son auctorité Imperiale, il erigeroit
la Flandre en Royaume, & la donneroit auec sa fille à Charles, Duc d’Orleans :
Mais le temps fit cognoistre que son intention n’estoit autre que
de repaistre le Roy de paroles. Exemple signalé, outre mil autres qui se tirent
de l’Histoire, que les Espagnols ne desmordent iamais, quelque iuste
sujet qui les y oblige, si ce n’est par la force.

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Ce sont les moyens, SIRE, par lesquels la Maison d’Austriche a rauy
si iniustement à vos predecesseurs ce beau Duché de Milan, qui vaut vn
grand Royaume, & qui est auiourd’huy l’vne des principales colomnes de
la Monarchie Espagnole. Par trois fois la France a tenu ces beaux Estats
d’Italie, Naples & Milan, & par trois fois la mauuaise fortune, ou plustost
nostre imprudence & nos desreglemens nous en ont chassez.

Vn grand Politique de nostre temps l’a touché grauement en ce peu
de mots, Que les Armées Françoises ont plusieurs fois forcé les portes pour
entrer dans Naples & dans Milan, & n’ont pas attendu qu’on les forçast
pour en sortir. Les Espagnols n’y ont fait qu’vn voyage, mais ils y sont
encores.

Il est vray que les Partisans d’Espagne colorent leur Vsurpation de
quelques raisons, ausquelles il est aise de respondre. La premiere est, La
renonciation faite aux Estats de Naples & Milan par le Roy François. La
seconde est, Le Testament de Philippes, Duc de Milan : par lequel il institua
son heritier Alphonse d’Arragon. La troisiesme est, Que la clause
portee par le mariage de Louis, Duc d’Orleans, & de Valentine, est nulle,
pour n’auoir esté authorisee par l’Empereur, seigneur souuerain de Milan.
Pour la premiere obiection, il y sera satisfait pleinement au Traitté
du Comté de Flandres. Pour la seconde, Suppose que la clause dudit mariage
aye lieu, comme elle doit ; Philippes, au preiudice d’icelle, ne pouuoit,
mourant sans hoirs legitime, frustrer les enfans de Valentine de la
succession, ny la donner à Alphonse d’Arragon. Or quoy que ceste clause
n’ait esté validee du consentement de l’Empereur, lors que le contract fut
passé ; neantmoins attendu que l’Empire, estoit lors vacant, & que les Papes,
pendant la vacance, pretendent auoir l’administration de l’Empire,
il suffisoit que le Pape ratifiast ceste clause. Et d’ailleurs, nous auons remarqué
cy deuant que l’Empereur Maximilian inuestit Louis XII. moyennant
cent mil escus pour le droict de relief : ce qui doit fermer la bouche
aux raisons Espagnoles.

De la Flandre.

LE Comté de Flandre, souz lequel est compris l’Artois, saisoit partie
de l’ancien Royaume de Lorraine, & escheut à Charles le Chauue,
par partage fait auec Louis de Germanie son frere. Ce fut luy qui l’erigea
en Comté, & en inuestit Godefroy, surnommé Bras de fer, pour le
dot de sa fille Iudith, au lieu qu’auparauant ce pays estoit gouuerné par
Lieutenans, appellez grands Forestiers, du nom de Forest, qui [illisible]

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langage François signifie Eaux & Bois, dont ce pays estoit remply. Depuis
le regne de Charles le Chauue, vos predecesseurs ont ioüy plus de
sept cens ans durant de la Souueraineté de Flandre. Et lors que les Comtes
ou leurs subiects (peuple naturellement mutin & factieux) se sont voulu
emanciper & soustraire de l’obeïssance qu’ils leur deuoient, ils n’ont espargné
les forces que Dieu leur auoit mises en main pour les chastier, &
ranger à la raison, dont il n’y a que trop d’exemples. Le Comte Ferdinand
pour les rebellions commises contre Philippes Auguste, fut despoüillé de
ses Estats, apres ceste memorable iournee de Bouines, où l’Empereur Othon,
& Iean Roy d’Angleterre, partisans de Ferdinand, surent deffaits,
Guy ayant fiancé Philippes sa fille à Edouard le ieune, fils du Roy d’Angleterre,
le Roy Philippes le Bel, pour l’interest qu’il auoit que les filles
de ses vassaux ne fussent donnees aux ennemis de la Couronne, retint ceste
Princesse pour la marier à sa bien-seance. Le pere s’estant plaint à
l’Empereur Rodolphe, & au Roy d’Angleterre, ils se mirent en campagne
auec de grandes forces : contre lesquelles le Roy ayant assemblé celles
de son Royaume, & de ses alliez, le combat se donna à Furnes, où les
François demeurerent victorieux : Et le Roy, par l’aduis des Pairs, confisqua
le Comté de Flandre. Pour mettre cet Arrest à execution, Philippes
employa Charles, Comte de Valois, à l’arriuee duquel le pays s’estant
sousmis au Roy, Guy & ses enfans furent pris, & amenez en France : mais
apres quelque temps de prison le Roy leur pardonna, & les remit en leurs
biens.

 

Louis dernier, de l’estoc des anciens Comtes de Flandres, estant decedé
sans autres heritiers qu’vne seule fille ; Philippes de Valois, & Iean
son fils mespriserent ceste occasion de reünir vn si beau pays à la Couronne :
car au lieu de donner ceste riche heritiere à Charles leur fils, qui fut
Roy du depuis, ils luy donnerent en mariage Ieanne de Bourbon, preferee
à Marguerite de Flandres, pour son excellente beauté. Ceste preference
cousta cher à la France : car Philippes dernier, fils du Roy Iean (auquel
il laissa par testament le Duché de Bourgongne en appannage) ayant
espousé Marguerite, leurs successeurs s’esleuerent contre nos Roys, & se
rendirent si puissans, qu’ayans attiré les Anglois en France, & nourry les
horribles troubles qui la trauaillerent souz les regnes de Charles VI. &
VII. il n’y eust autre moyen de denicher les Anglois, & remedier aux ruines
de l’Estat, que de faire paix auec les Bourguignons. Et c’est pourquoy
Louis XI. disoit, qu’à tort la posterité auoit donné le surnom de Sage
à Charles V. son bisayeul, pour auoir commis vne si lourde faute, que
de donner l’heritiere de tant de pays à son frere, qui estoit desia partagé

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trop aduantageusement : mais il fit la mesme faute aprés la mort de Charles
dernier, Duc de Bourgongne, en laissant tomber les pays Bas en la Maison
d’Autriche, par le mariage de Marie, fille vnique de Charles, & de
l’Archiduc Maximilian : ce qu’il pouuoit empescher, en la donnant à son
fils, ou à quelque Prince de sa Maison, de l’affection duquel il eust peu
s’asseurer, & qui eust eu moins de puissance que Maximilian. A quoy il deuoit
pouruoir sur toutes choses, veu qu’il auoit assez esprouué par le passé
le danger qu’il y a d’auoir des vassaux si puissans.

 

Le Comté de Flandre estant ainsi escheu aux Archiducs d’Autriche,
ils en firent hommage aux deuanciers de vostre Majesté, iusques à ce que
le Roy François ayant esté pris à la Iournee de Pauie, fut contraint de
passer le Traitté de Madril, & quitter la Souueraineté des pays Bas pour sa
deliurance : ce qu’il accorda derechef par le Traitté de Cambray, pour la
deliurance de Messieurs ses enfans. Et c’est le seul fondement dont les Espagnols
se seruent pour asseoir leurs pretentions. Mais outre ce que nul
n’est obligé à l’accomplissement d’vne promesse faite par force ou par
crainte, chacun sçait que c’est vne des Loix fondamentales de cet Estat,
ou plustost l’vn des piuots sur lequel il est affermy, que le Domaine de la
Couronne est inalienable, & que nos Roys, quoy qu’absolument puissans,
n’en sçauroient disposer au preiudice de ceste Loy. Moyen tres-vtile pour
conseruer sa grandeur, puis qu’il a tousiours empesche la dissipation de ceste
Monarchie. Et c’est ce que les Estats de France assemblez aprés le retour
du Roy François, luy remonstrerent en presence de Charles de Lanoy,
Vice-Roy de Naples, enuoyé par l’Empereur Charles le Quint pour
l’execution du Traitté de Madrid : Sçauoir, Qu’ils ne pouuoient consentir
à ce Traitté, principalement en ce qui touchoit l’alienation du Domaine de
la Courone, dont sa Majesté n’auoit que la direction & l’vsufruict. Certes,
puis que ceste Loy est nee auec la Monarchie Françoise, & que nos Roys
s’obligent si solemnellement à leur sacre à l’entretien & conseruation d’icelle,
ils n’y peuuent legitimement contreuenir. Et pour monstrer que
ceste practique n’est pas nouuelle, aprés que le Roy Iean, pour se liberer
de prison, eut renoncé à la Souueraineté de Guyenne, le Prince de Galles
voulant leuer sur les Gascons vn certain impost extraordinaire, ils le
prierent de les en descharger. Mais voyant qu’il les y vouloit contraindre,
ils luy declarerent qu’ils auoient ressort en la Chambre du Roy de France,
(ce sont les propres termes de Froissard) & qu’il n’estoit mie en l’ordonnance
ny puissance d’iceluy Roy, n’oncques ne fut, qu’il les peust acquitter
du ressort, sans le consentement des Prelats, des Barons, des Citez, & bonnes
Villes de Gascongne, qui ne l’eussent iamais souffert, ny ne le souffriroient, si

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à faire estoit. Voila comme on s’est tousiours pourueu contre les alienations
du Domaine de la Couronne. C’est pourquoy sur l’aduis des plus
fameux Theologiens & Iurisconsultes de l’Europe, Que veu la Loy fondamentale
de ce Royaume, & l’opposition des Estats, telle renonciation portée
par les Traittez de Madrid & de Cambray ne portoit aucune obligation,
& que Charles d’Autriche demeuroit tousiours obligé aux deuoirs
de vasselage & fidelité enuers ceste Couronne. François I. seant en son lict
de Iustice, assisté des Roys d’Escosse & de Nauarre, des Princes du Sang,
Pairs & principaux Officiers de la Couronne, decreta adiournement personnel
contre Charles d’Austriche, pour respondre sur le crime de felonnie
par luy commis contre le Roy son souuerain seigneur : & pour reparation
d’iceluy, voir confisquer & reünir au Domaine de la Couronne les
Comtez de Flande, Artois, Charolois, & autres Terres d’icelles mouuantes,
dont il se trouueroit possesseur. Cet Arrest celebre fut rendu l’an
1536. & signifié és Frontieres des pays Bas, selon les formes anciennes.
Nous laisserons ce differend pour expedier celuy du Comté de Roussillon.

 

Du Comté de Roussilion.

CE pays fut erigé en Comté par l’Empereur Charlemagne, lors qu’il
donna à Louis son fils le Royaume d’Aquitaine. Sur le declin de la
race des Carliens les Ducs & Comtes qui n’estoient auparauant que Gouuerneurs,
s’estans rendus hereditaires, les Comtes de ce pays s’allierent
par succession de temps auec la Maison d’Arragon : & par ceste alliance
ce Comté fut vny à la Couronne d’Arragon, souz laquelle il demeura, iusques
à ce qu’il fut engagé au Roy Louis XI. pour la somme de trois cens
mil escus : Mais la pluspart des places ayant refusé leurs portes aux François,
le Roy les rangea à raison, & les contraignit à receuoir de grosses
Garnisons. Apres la mort de Louis, Ferdinand d’Arragon bien informé
de la trop grande facilité de Charles VIII. lors encore ieune, enuoya en
France vn Cordelier Espagnol, nommé Iean de Mauleon, pour moyenner
la restitution de ce Comté. Ce Religieux ayant corrompu par argent
Oliuier Maillard, Confesseur du Roy, obtint non seulement ce qu’il desiroit,
mais aussi il fit en sorte que Charles quitta les trois cens mil escus,
pour lesquels ce pays estoit engagé, à condition que Ferdinand ne l’empescheroit
point en la conqueste du Royaume de Naples. Ce que Ferdinand
confirma du depuis, & le promit auec de grands sermens, ainsi que
recite Philippes de Commines. Neantmoins il se ligua auec le Pape, &
les Potentats d’Italie, & les assista d’hommes & d’argent pour trauerser

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Charles, qui se repentit puis apres (mais trop tard) de s’estre si inconsiderement
dessaisi d’vne piece de telle importance.

 

Telles liberalitez ont autres fois appauury la France, tesmoin la remise
que fit le Roy S. Louis, contre l’aduis de son Conseil, au Roy Henry
d’Angleterre, des Prouinces de Quercy, Limosin, Perigord, & autres du
Duché de Guyenne, confisquez sur Iean sans Terre, pere de Henry, pour
le crime de felonnie par luy commis : Et ce pour viure en paix (disoit ce
bon Prince) auec son cousin germain. Philippes le Bel fit la mesme faute,
quand il restitua au Roy Edouard I. toutes les places qu’il auoit conquises
en Guyenne, en vertu de l’Arrest rendu contre luy pour pareil crime :
& cependant les successeurs de S. Louis & de Philippes ne furent pas si
fauorablement traittez par ceux d’Edouard, pour exemple aux Princes
souuerains de ne rien quitter de leurs interests qu’auec grande cognoissance
de cause. Pour retourner au Comté de Roussillon, les Roys Louis
XII. & François I. firent tous leurs efforts de le recouurer. L’Armee que
Louis y enuoya assiegea Saulses, & celle de François Perpignan : mais
les Espagnols qui mettent tousiours bon ordre à leurs affaires, y enuoyerent
du secours si à propos qu’il falut trousser bagage sans rien faire.

Adioustons pour dernier traict à ce Tableau des Vsurpations Espagnoles
l’iniuste despoüille du Royaume de Nauarre, patrimoine de Ieanne
d’Albret, illustre ayeule de vostre Majesté.

Du Royaume de Nauarre.

L’Histoire nous apprend que Charles III. Roy de Nauarre, eut vne
fille vnique nommee Blanche, qui espousa Iean, Roy d’Arragon, &
en eut vn fils nommé Charles, qui fut empoisonné par Ieanne de Castille
sa marastre, & deux filles, à sçauoir Blanche & Leonor. Blanche espousa
Henry IIII. Roy de Castille : & estant morte sans enfans, Leonor sa sœur
luy succeda, & apporta en la Maison de Foix la Couronne de Nauarre,
par le mariage d’elle & de Gaston, duquel elle eut Gaston II. & celuy-cy
eut Phœbus, qui mourut sans enfans, & Catherine, qui espousa Iean
d’Albret. De ce mariage nasquit Henry d’Albret, pere de Ieanne d’Albret.
C’est ceste Catherine, sur laquelle Ferdinand, fils de Iean d’Arragon,
occupa le Royaume de Nauarre, bien qu’elle fust sa niepce.

Antoine de Nebrisse, Historiographe & domestique de Ferdinand, recognoist
qu’Isabel sa femme, n’auoit dessein qui la touchast si viuement
que de ioindre la Couronne de Nauarre à celle d’Espagne, disant que
c’estoit vn membre separé du corps, auquel il deuoit estre reüny. Ferdinand

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poussé de la mesme ambition, rechercha tout moyen d’engloutir cet
Estat. Pour y paruenir, il s’aduisa de rompre l’alliance qu’il auoit contractee
auec Louis XII. voulant faire esclore d’vn seul coup deux grands desseins :
l’vn regardoit le Royaume de Naples, & l’autre celuy de Nauarre.
De faict, ayant enleué Naples aux François, comme nous auons deduit,
il se ligue auec le Pape Iules, le pousse à excommunier le Roy Louis, &
tous ses alliez & partisans, notamment Iean d’Albret, duquel il donne le
Royaume en proye au premier occupant. (Nouuelle practique d’oster les
Royaumes qui dependent de la seule disposition de Dieu.) Ferdinand ne
demandoit autre chose, mais il faloit trouuer vn meilleur sujet, pour empieter
auec quelque couleur de raison le bien de sa niepce. A ceste fin il
solicite le Roy d’Angleterre d’attaquer la France par la Guyenne ; luy
promet de l’assister auec vne puissante Armee ; fait courir par tout le bruit
de ce dessein : & pour le faire croire leue quelques troupes, auec lesquelles
il fait mine de se vouloir ruer sur la Guyenne, mais ce n’estoit pas là la
proye qu’il cherchoit : Car ayant demandé passage à Iean d’Albret son
nepueu, (dont il s’excusa, sur ce qu’il estoit vassal de ceste Couronne) il
ietta son Armee dans la Nauarre, souz la conduite du Duc d’Albe, se saisit
de Pampelonne, & des meilleures places, auant que Iean d’Albret
peust leuer des forces suffisantes pour luy resister. Voila, SIRE, l’Histoire
de ceste inique vsurpation. Voyons quels deuoirs fit Iean d’Albret pour
en tirer la raison.

 

Le Roy Louis, au premier bruit de ceste disgrace, enuoya en diligence
François, Duc d’Angoulesme, pour y mettre ordre. Ce ieune Prince
ayant rencontré en Bearn Iean d’Albret, luy conseilla d’assaillir promptement
Pampelonne, auant que le Duc d’Albe s’y fortifiast : Mais il tira tellement
les affaires en longueur, que tous les efforts qu’il fit du depuis demeurerent
inutils. Louis rebuté par vn si mauuais commencement, &
d’ailleurs poussé d’vn extreme desir de recouurer le Duché de Milan, fit
paix auec Ferdinand, à fin qu’il ne trauersast point son entreprise, & laissa
par ce moyen Iean d’Albret & son Estat en proye aux Espagnols. Quelque
temps apres, Louis estant mort, Philippes, Roy de Castille, passa le
Traitté de Noyon auec François I. & promit de rendre dans six mois le
Royaume de Nauarre : Mais ny Philippes, ny Charles son fils ne firent
conte d’executer ceste promesse. Ce qui contraignit François I. d’enuoyer
en faueur de Henry d’Albret son beau-frere des forces au Nauarrois,
souz la conduite d’André de Foix, seigneur d’Asparrault, qui força
d’abord Pampelonne, & quelques autres places d’importance. Neantmoins
son imprudence luy ayant fait hazarder vne bataille, il perdit en

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vne heure toutes ses conquestes, & demeura prisonnier. Le Roy outré de
cet affront, y renuoya l’Admiral Bonniuet, qui prit Fontarabie, sans faire
autre exploict. Charles le Quint, à son retour d’Allemagne, assiegea ceste
place, & la prit, par la lascheté du Gouuerneur nommé Franger, qui
en fut disgracie, & declaré roturier.

 

Reste à examiner les raisons sur lesquelles les Espagnols fondent leur
iniuste possession. Leurs Historiens en touchent deux principales. L’vne
est, l’excommunication de Iean d’Albret, & le pouuoir donné par le Pape
Iules d’enuahir son Estat. L’autre est, le refus qu’il fit aux troupes Espagnoles
de leur donner passage par ses terres.

Pour la premiere raison, Ie dis que l’excommunication du Pape Iules
est vn pretexte, duquel les Espagnols se seruent contre leur conscience,
n’ignorans pas que la puissance Ecclesiastique ne s’estend pas iusques là
que de pouuoir deposer les Roys, qui ne releuent que de Dieu. Que s’il arriuoit
quelque differend entre le S. Siege & les Roys d’Espagne, qui portast
les Papes à les excommunier, & mettre leur Estat en interdit, ils se
garderoient bien d’ouurir leurs portes à ceux qui les voudroient enuahir auec
ce tiltre. C’est pourquoy l’interdit du Pape Iules, & tout ce qui s’en est
ensuiuy, n’a aucun fondement en raison, suiuant mesme la determination
du Concile de l’Eglise Gallicane, que le Roy Louis fit assembler à ceste
fin : & les oppositions qu’on a fait de tout temps aux Papes, quand ils ont
voulu desployer le glaiue spirituel à la ruine des Estats & Principautez.

Pour la seconde raison, Ie dis que Iean d’Albret, comme vassal de ceste
Couronne, n’estoit pas seulement obligé de fermer la porte à ses ennemis,
mais aussi de les repousser par la force. Et d’ailleurs, si les Princes sont
tenus de fauoriser les iustes querelles, & se roidir contre la violence des oppresseurs ;
Qui est-ce qui blasmera Iean d’Albret de s’estre opposé aux efforts
d’vn Prince qui auoit tant de fois abusé de la foy publique, & frustré
doleusement nos Roys de leurs droicts. C’est pourquoy tant plus les Espagnols
alleguent de raisons pour fortifier ceste cause, plus ils en descouurent
l’iniustice : & quelque couleur qu’ils luy donnent, ils ne sçauroient
effacer les marques d’ambition & de conuoitise qui paroissent sur le front
d’vne entreprise si inique.

Voila, SIRE, en peu de lignes l’Histoire des Vsurpations de la Maison
d’Austriche, auec lesquelles elle s’est acquis vn pouuoir si redoutable,
que si vostre pere, ce grand Monarque, n’eust paru au plus fort de nos ciuiles
bourasques, comme vn feu sacré, durant la tempeste, toute l’Europe
ne seroit plus qu’vne grande Monarchie, que la Couronne d’Espagne
couuriroit de son ombre.

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Considerez, SIRE, s’il vous plaist, quel progrez ont fait les Espagnols
sur vos alliez, pendant vostre bas aage, qu’ils deuoient respecter.
Y a-il Prince en Allemagne qui ne gemisse souz leur oppression ? Y a-il
aucune Prouince où ils n’ayent empieté quelque place d’importance ?
N’ont-ils pas occupé en cinq ou six ans les Duchez de Berg & de Iulliers,
le Comté de la Marc, la pluspart du Duché de Cleues, du Landgrauiat
de Hessen, des Ligues Grises, le haut & bas Palatinat, auec la Valteline,
le sujet des Armes qui brillent par toute l’Europe ? A quoy tendent tant
d’intelligences, de menees, de practiques, d’Armees en campagne, de
Sieges de Villes, sinon pour aduancer pied à pied le dessein qu’ils ont
conceu de si longue main d’engloutir vostre Couronne ? Mais si le Ciel
donne longuement à nos vœux l’heur de vostre regne, nous verrons vn
iour ceste puissance sourcilleuse qui nous menace terrassée à vos pieds, &
la fortune des François, qui sembloit estre enseuelie auec ce braue Guerrier,
esleuee par son fils, l’Image de ses vertus, au plus haut estage de
grandeur & de gloire.

DISCOVRS SVR LE COMMENCEMENT, PROGREZ
& declin de l’ancienne Monarchie Françoise, droicts & pretentions
des Roys Tres-chrestiens sur l’Empire.

Les François habitoient sur le riuage du Sal, qui arrose la Franconie,
lors qu’ils ietterent les fondemens de ceste grande Monarchie souz
l’heureuse conduite de Pharamond & Claudion leurs premiers Roys. Ces
grands Princes appris par l’exemple des plus florissantes Republiques du
monde, que toute Principauté naissante doit son affermissement au calme
d’vne longue & profonde paix, modererent auec la douceur du repos l’ardeur
de ce peuple guerrier : & souz l’appuy de leurs voisins, dont ils cultiuerent
l’alliance, conseruerent heureusement leurs conquestes. Ainsi la
valeur & la prudence partagerent l’honneur de l’establissement de cet
Estat. Meroüee, successeur de Claudion, Prince ambitieux & remuant,
passa auec de grandes forces le Rhin, qui seruoit de barriere à ses deuanciers ;
combatit les Romains qui tenoient la Gaule Belgique ; prit d’assaut
Cambray, Paris, Sens & Orleans, & planta sur les bords de Loire les bornes
de ses victoires. Ces fauorables succez porterent les François à quitter
leur ancienne demeure, pour establir leur fortune au plus beau païs de
l’Europe, où ils firent en peu de temps de si grands progrez, qu’ils se virent

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la porte ouuerte à l’entiere Monarchie des Gaules : Mais le mauuais
gouuernement de Childeric, suiuy d’vne reuolte generale de ses sujets,
arresta le cours de leurs armes victorieuses, ou pour mieux dire,
Dieu, qui reseruoit à leur posterité la cognoissance de sa verité leur auoit
aussi destiné la gloire d’vn si bel exploict.

 

Apres la mort de Childeric, Clouis, Prince valeureux & fortuné, conquist
la Lorraine, les Suisses, & grande partie de la Gaule Celtique, le reste
des Gaules estoit tenu par les Bourguignõs & les Vvisigoths, que l’heur
& la valeur des descendans de Clouis rangea souz la domination Françoise.
Clouis mourant, plus charge de trophees, que d’annees, laissa quatre
fils, qui diuiserent l’Estat en quatre parts, souz le tiltre de Royaumes sans
aucune reseruation d’hommage enuers l’aisné, suiuant la coustume de ce
siecle grossier, & ignorant au maniement des affaires d’Estat, coustume
qui dura iusques à la troisiesme race de nos Roys. Ainsi le Royaume de Paris
escheut à Childebert, aisné des quatre freres, celuy d’Orleans à Clodomire,
Theodoric, celuy de Metz, & celuy de Soissons à Clotaire.

Ce démembrement de la Couronne, auec le peu d’vnion qui se trouuoit
entre ces jeunes Princes, pouuoit esbranler l’Estat chancelant entre
tant d’ennemis qui l’enuironnoient de toutes parts : Mais le soin & la prudence
que chacun apporta à la conseruation de son partage, & le desir
d’en accroistre les limites, seruirent d’eschelons pour faire monter la puissance
des François presque au plus haut poinct de sa grandeur. Ce sut
alors que la Bourgongne se vid vnie à la France par la valeur de Clotaire,
& les Vvisigoths forcez d’habandonner le Languedoc & la Guyenne, se
retirerent en Espagne : Mais apres tant de victoires acquises par la vertu
des enfans de Clouis, les François descheurent fort de leur ancienne gloire,
par l’imbecilité de leurs Roys, qualifiez de nos peres du nom de Fayneans
pour leur nonchalance, Ces Princes degenerans de la vertu de
leurs ayeuls, secoüerent le soin des affaires publiques pour en laisser le
maniement absolu aux Maires du Palais, pendant qu’ils croupissoient dans
l’oysiueté & les delices de la Cour, n’ayans que la qualité de Roys, qui
leur fut ostee par leurs subjets, comme ils s’estoient volontairement despouïllez
de l’authorité Royale : Exemple aux souuerains de ne communiquer
leur puissance que bien à propos, & ne donner à leurs plaisirs le
temps qu’ils doiuent à l’expedition de leurs affaires, puis que la perfection
du regne consiste en l’action, & qu’à peine le Roy, le plus actif du
Monde, peut, en toute sa vie apprendre à regner.

Or quoy que les François gardassent inuiolablement l’amour & fidelité
qu’ils deuoient à leurs Roys, & qu’ils honorassent grandement la memoire

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de Clouis, dont ces Princes fayneans estoient yssus, Neantmoins
l’excez de tant de desordres esclos dans l’Estat par leur fetardise, alluma
dans le cœur de ce peuple genereux le desir d’vn nouueau regne, & luy
fit jetter les yeux sur Pepin, fils de Charles Martel, Prince que la fortune
s’accordant auec la vertu, éleua sur le theatre de la Royauté pour la restau
ration de cet Estat, penchant & ruineux : Changement rare & de mauuais
exemple en vn Estat Monarchique, bien qu’authorisé du consentement
general des Estats : Aussi Dieu vengea-il cet iniuste attentat sur les descendans
de Pepin, en les despoüillant par les mains de leurs propres subjets
de la plus grande partie de leurs Estats : & en fin de la Couronne comme
ils l’auoient rauie à leur Maistre.

 

Pepin ayant donc pris place au thróne Royal, restablit l’ordre, la Iustice,
& l’authorité souueraine, employa la douceur & la crainte pour contenir
ses subjets en leur deuoir, & obligea grands & petits par bien faits & courtoisies :
Cependant la fortune luy offrit vne belle occasion d’accroistre ses
limites, dont voicy les particularitez.

Les Lombards, peuples originaires d’Allemagne, depuis leur establissement
en Italie, s’estoient tellement agrandis, que les Romains commencerent
à redouter leur puissance, & penser aux moyens de les affoiblir.
Astolphe, Roy des Lombards, qui aspiroit à la souueraineté de toute l’Italie,
ayant desia conquis l’Exarchat de Rauenne, & vne partie des villes du
Duché de Rome, voyant que les Papes s’opposoient à son dessein, les trauersa
tellement, qu’il les contraignit de se mettre sur la defensiue, & mandier
pour leur seureté le secours estranger : l’obligation que Pepin auoit au
Sainct Siege, dont l’authorité estoit interuenuë à la degradation de Chilperic,
& le zele singulier que les François auoient tousiours tesmoigné enuers
la Religion, pour auoir souuentesfois combatu les infidelles, fit resoudre
le Pape Estienne à se jetter entre leurs bras : Il vint à cet effet en France
auec les plus notables de Rome, & s’estant jetté aux pieds du Roy Pepin,
& representé l’oppression à laquelle il estoit reduit, le supplia de le
deliurer de cette misere. Pepin fléchy par les prieres d’Estienne, met ses
forces sur pied, passe promptement en Italie, & contraint Astolphe de laisser
les Romains, & les autres peuples d’Italie en leurs libertez & franchises.
Comme il est de retour en France, il apprend que les Lombards exerçoient
de plus grandes violences qu’auparauant. Ceste nouuelle le faict
repasser les Alpes, où il poursuit si viuement son ennemy, qu’il le despoüille
en peu de temps de la plus grande partie de son Estat : Mais à la requeste
du Pape & des Romains, qui vouloient auoir les François pour
amis, & non pour voisins, Ille remet en son Royaume, ne retenant de toutes

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ses conquestes que Rome & l’Exarchat de Rauenne, dont il fit present
au Sainct Siege, ou par deuotion, ou par ressentiment des saueurs qu’il en
auoit receuës, reseruant toutesfois à soy & à ses successeurs le droict de
souueraineté sur icelles. Souueraineté que les Empereurs d’Allemagne
ont tousiours du depuis exercce dans Rome, ou en personne, ou par leurs
Lieutenans, plus de quatre cents ans apres Pepin.

 

Astolphe estant decedé, Didier, son successeur, recouure vne partie de
l’Exarchat, & trauaille les Romains plus rudement que son deuancier : le
Pape Adrian pressé par vn si puissant ennemy, enuoye secrettement vers
Charles, fils de Pepin, le conjure de secourir l’Eglise en si vrgente necessité,
& pour l’obliger à ce charitable office, luy donne la qualité de Patrice,
qui estoit vn degré pour monter à celle d’Empereur. Charles entreprend
ce voyage, poussé de deuotion, & du desir qu’il auoit d’employer son
courage & ses armes. Estant doncques en Italie, d’abord il sait tourner
visage à son ennemy, & l’ayant poursuiuy chaudement, le contraint de se
renfermer dans Pauie, où apres vn long siege, Charles le prend prisonnier
auec sa femme & ses enfans, restituë au Pape l’Exarchat, y adioustant
beaucoup d’autres païs, que le Sainct Siege possede encores auiourd’huy.
Tant de bien-faits dignes d’vne singuliere recognoissance, obligerent le
Pape & les Romains à rechercher toutes sortes de gratifications pour honorer
Charles, & n’en trouuant point d’autre digne de ses merites, ils luy
donnerent le pouuoir de créer les Papes, tant pour luy, que pour ses successeurs
Roys de France, quoy qu’apres la mort de l’Empereur Louis
III. ils en furent priuez par les successeurs d’Adrian, lors que les Italiens
esleurent des Empereurs de leur nation : & long-temps apres, les Princes
Allemans ayans vsurpé la Couronne Imperiale, le Pape Leon VIII. donna
ce priuilege à Othon Premier, & à ses successeurs, qu’ils perdirent par
succession de temps, les Papes l’ayant transferé au College des Cardinaux,
pour les grands differends qu’ils eurent auec les Empereurs.

Charles estant de retour en France, Leon qui auoit succedé à Adrian,
vint en personne demander Iustice des outrages que les Romains luy
auoient faits. Pour luy en faire raison, il s’achemine à Rome, & apres auoir
oüy leurs plaintes contre Leon, procede publiquement à la discution de
la cause : Mais ne se trouuant aucune preuue valable pour conuaincre l’accusé,
il se purgea par serment, suiuant les formes lors accoustumées, & par
sentence du Clergé fut renuoyé quitte & absouz, & remis en son Siege.
En consideration de ce bon office, & d’autres que Charles, & ses deuanciers
auoient rendu au Sainct Siege, Leon s’accordant au desir des Romains,
& de tous les peuples d’Italie, qui admiroient les vertus de ce Prince,

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& la valeur des François, luy mit la Couronne Imperiale sur la teste,
comme il faisoit ses prieres en l’Eglise Sainct Pierre, pendant que le peuple
accourut de toutes parts pour participer au contentement d’vne
action si celebre, crioit à haute voix, Viue Charles Empereur Auguste, couronné
de Dieu. Ceste action celebre arriua le iour de la Natiuité de Iesus-Christ,
l’an huict cens vn.

 

Aussi tost qu’il se vit si hault esleué, l’excés de ceste nouuelle grandeur
le transporta hors de soy : Et comme l’on dit, qu’Alexandre le Grand,
apres auoir conquis toute l’Asie, bannit de ses affections son propre païs,
& se rendit partisan des Perses : Ainsi Charles mit à part le soing de sa
Couronne, & employa toutes ses forces pour l’agrandissement de l’Empire :
Il commanda, par vn Edict general à ses subiets, d’obeïr aux Loix
des Empereurs Romains, & donna charge aux plus celebres Iurisconsultes
de son temps d’en dresser vn abregé ; Mais comme il vit que son peuple
ne pouuoit digerer ce changement, & mesmes qu’vn Seigneur de sa
Cour luy dist franchement, Qu’il vouloit faire de la France vne Prouince
de l’Empire, Il quitta ce dessein, & laissa viure vn chacun selon ses Loix &
Coustumes anciennes. Ce grand Prince qui auoit adiousté aux conquestes
de ses predecesseurs, l’Italie, la Saxe, la Sclauonie, & grande partie
d’Espagne, qui en vn mot seigneurioit la plus grande partie de l’Europe,
se persuada que la qualité de Roy de France n’estoit pas assez illustre, ny
assez maiestueuse pour conseruer longuement ceste grande puissance, &
contenir en crainte tant de peuples differents en Loix, & en Gouuernemens :
Et ceste consideration luy fit rechercher ce tiltre d’Empereur, souz
lequel toutes les Nations de la terre auoient esté subiettes : Mais certes, s’il
eust meurement consideré l’estat de ses affaires, & le desordre que ceste
fatale Couronne y deuoit apporter, il ne l’eust si ambicieusement recherchee
comme il fit : Car que pouuoit-il, auec ceste grandeur imaginaire,
adiouster à sa puissance, ou au respect que luy rendoient ses subiets, ou à
la crainte que les Estrangers auoient de sa valeur, ou à l’estenduë de la
Monarchie Françoise ? quel plus grand aduantage eust-il peu souhaiter
que de s’asseoir en qualité de Roy de France, au trône des Empereurs, &
commander dans la ville capitale de l’Empire, & de tout le Monde ? Ne
iugeoit-il pas que ceste dignité n’estoit qu’vn ombre sans corps, vne puissance
vague, glissante & difficile à retenir, pour auoir passé des Italiens
aux Grecs, & des Grecs aux François ? Et que tombant en main Estrangere
elle tireroit apres soy les plus belles pieces de la Couronne de France,
comme le premier mobile emporte par sa rapidité la pluspart des
Cieux. Ou bien si l’esclat d’vne telle dignité estoit plus fort que toutes ces

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considerations, il falloit luy donner vne bride pour l’arrester, Ie veux dire
qu’il falloit faire vne Loy fondamentale pour l’vnir & annexer à la Couronne,
propre ciment pour tenir toutes les pieces de ce grand edifice solidement
iointes & liées.

 

Mais comme il s’oublia grandement en cet endroit, aussi fit-il de notables
fautes au partage de ses Estats. Pepin, son aisné, estant mort ieune, il
ne luy restoit que Louis, surnommé le Debonnaire, Et Bernard, fils de ce
Pepin, qui deuoit representer son pere au droict d’aisnesse : Mais Charles
en disposa autrement ; car il donna la France, auec le tiltre d’Empereur, à
Louis, & l’Italie à Bernard, souz l’hommage de son oncle, qui se voyant
lezé par ceste preference de l’Oncle au Nepueu, & l’inegalité du partage,
se sousleua contre Louis : Mais son party estant demeuré le plus foible, il
tomba en la puissance de son oncle, qui le fit mourir, luy ayant fait creuer
les yeux auparauant. Charles fit vne seconde faute, en démembrant l’Italie
de l’Empire, dont elle estoit le principal membre, aussi les enfans de
Louis le Debonnaire, en partageant sa succession, corrigerent ceste faute :
Car ils donnerent l’Italie, & le nom d’Empereur à Lotaire, leur aisné,
bien que la France en fust separée, qui fut vne autre faute signalée : Car
puis que la Couronne Imperiale auoit esté comme antee en celle de
France, il falloit, pour faire vn estat ferme & asseuré, rendre ces deux pieces
inseparables, la Frãce & l’Italie, & les tenir souz le tiltre de l’Empire : &
puis que c’estoit la coustume de donner partage aux puisnez, il leur falloit
assigner sur quelque partie d’Alemagne, à la charge de releuer de l’aisné :
Mais ceste sorte d’appointer les Cadets souz la souueraineté de la Couronne,
n’a esté mise en vsage que souz la troisiesime race : Ce quia cause la
dissipation de ceste grande Monarchie. Quelques Historiens de ce temps
là escriuent que Louis le Debonnaire, pour obuier au debris de cet Estat,
eut dessein de le consigner entierement entre les mains de Lothaire, son
fils aisné, & de laisser aux deux puisnez quelques Prouinces en appennage :
Mais l’Imperatrice Iudith voulant agrandir Charles son fils, persuada
ledit Empereur de partager esgalement ses trois enfans : Ce qu’il fit, donnant
seulement comme par preciput, la qualité d’Empereur audit Lothaire.

Apres la mort de Lotaire, Louis son aisné, qui luy succeda à l’Empire,
estant mort en peu d’annees, & n’ayant laissé qu’vne seule fille, Charles le
Chauue, dernier fils de Louis le Debonnaire, à qui le Royaume de France,
quoy que troncqué, & démembré, estoit escheu en partage, passa en
Italie pour se faire declarer Empereur, auant que Louis, Roy de Germanie,
son frere, y peust arriuer. Et quoy que Louis fust son aisné, neant

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moins le Pape Iean, & les grands d’Italie, adiugerent l’Empire à la Couronne
de France. Charles fit tout ce qu’il peust pour conseruer ce beau tiltre
à sa posterité, ayant pour suspecte l’ambition de son frere, & l’inconstance
des Italiens. Et preuoyant qu’au premier degoust de la domination
Françoise, ils voudroient disposer de l’Empire, comme subjet à leur Eslection,
Il pratique la Noblesse Italienne, entr’autres, Guy, & Beranger,
dont il fait l’vn Duc de Spolette, & l’autre de Beneuent ; Il donne en mariage
Ermingarde, sa niepce, à Bozon, Prince valeureux, & le crée Duc
de Pauie : Il caresse, il cherit, il oblige toutes personnes de consideration,
& sur tous, le Pape Iean, l’authorité duquel luy pouuoit beaucoup seruir
pour la conseruation de son nouuel acquest, & la seureté de ses affaires par
toute l’Europe : Mais c’estoit conceuoir des montagnes pour enfanter des
souris : Car Charles estant decedé auant qu’il pût faire vn fondement solide ;
Et Louis III. son fils, surnommé le Begue, Prince peu habile au
Gouuernement de l’Estat, n’ayant regné que deux ans, & ayant laissé
l’Estat diuisé en diuerses factions ; les Princes Allemans esleuerent à l’Empire
Charles le Gros fils de Louis, Roy de Germanie : Et quelque temps
apres, souz pretexte qu’il estoit deuenu pesant, & incapable de grande
action, ils luy subrogerent, auant qu’il mourut, Arnoul, Bastard de Carloman,
son frere : Ce qu’ils firent, non tant pour son insuffisance, que pour
frustrer Charles le [1 mot ill.], fils de Louis III. vray heritier de la Couronne
Imperiale. Et de faict, apres le deceds de Louis, fils d’Arnoul, la race de
Charles le Grand ayant pris fin en Allemagne, pendant qu’elle continuoit
en la maison de France, les Allemans ne laisserent pas de creer vn
Empereur de leur Nation : Ce que les Italiens auoient desia fait apres
la mort de Charles le Gros, si bien qu’il y eut plusieurs Roys ou Empereurs
Italiens originaires, iusques au temps de l’Empereur Othon, qui
conquit l’Italie, & apporta la Couronne Imperiale en la maison de Saxe.

 

Conrad, Duc de Franconie, fut le premier de ces Empereurs estrangers,
& eut pour successeur Henry de Saxe, & les trois Othons, le dernier
desquels, pour esgarer les droicts de ceste Couronne sur l’Empire, & en
forclore nos Roys, par l’aduis du Pape Gregoire V. qui estoit de la maison
de Saxe, rendit l’Empire electif, bien qu’il fust hereditaire ; comme il se
peut verifier par la suite des Empereurs qui precederent cet Othon. Or
depuis ceste institution, les Allemans se sont maintenus en la possession de
l’Empire, & en ont interdit l’entree à nos Roys, craignans, peut-estre, d’auoir
des Empereurs trop puissans. C’est pourquoy ils ont souuent esleu des
Empereurs de maison mediocre, tels qu’estoient Raoul, Comte de Haspurg,
& Adolphe Comte de Nassau. De fraische datte, l’Empereur Maximilian

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estant mort ; & le Roy François ayant enuoyé l’Admiral Bonniue :
pour sonder l’inclination des Electeurs, l’Archeuesque de Treues parla
fort à son aduantage, & essaya de pratiquer les voix de ses Collegues : mais
l’Archeuesque de Mayence, & le Duc de Saxe, se roidirent contre ce Prelat,
soustenant que les estrangers ne pouuoient paruenir à ce degré : &
neantmoins chacun sçait que Guillaume ; Comte de Hollande, Alphonse,
Roy de Castille, & Richard, de la maison d’Angleterre, y furent autresfois
appellez : le credit de cet Archeuesque, & Duc de Saxe, preualut sur celuy
de Treues, & rendit la poursuite de François Premier inutile : ainsi Charles
d’Austriche fut declaré Empereur, quoy que les Electeurs luy eussent
donné leurs voix à contre-cœur, pour le grand pouuoir que ses predecesseurs
s’estoient acquis en Allemagne, depuis cent ans qu’ils tenoient
l’Empire, comme hereditaire en leur maison ; mais la crainte qu’ils eurent
qu’vn Roy de France, fait Empereur, reunist l’Empire à la Couronne, &
retirast ce que leurs deuanciers auoient vsurpé sur le Domaine de l’Empire,
les fit, sousmettre à la discretion d’vn Prince de leur Nation, quoy
qu’ambitieux, & enrichy de deux grandes successions, dressans par ce
moyen l’eschelle à la maison d’Austriche, pour monter à ceste Grandeur
redoutable, qui les a non seulement despouillez de leurs droicts & franchises,
mais aussi les menace d’vn second naufrage de ce peu qui leur reste
de liberté.

 

Par là, SIRE, vous pouuez voir que l’Empire vous appartient priuatiuement
à tous autres Princes, & que la Couronne Imperiale ayant esté
vnie à celle de France, du consentement des Romains, & de toute l’Italie,
de laquelle le nom d’Empire a tiré son origine, elle n’en a peu estre separée,
& moins transferée en Germanie, qui n’auoit rien de commun
uec l’Empire : & d’ailleurs, que Charles le Gros estant mort sans autres
heritiers legitimes, que Charles le Simple, son cousin issu de Germain,
Arnoul, & Louis son fils, ne pouuoient tenir l’Empire qu’à tiltre de precaire,
& iusques à la majorité de ce ieune Prince. Mais supposé qu’ils fussent
appellez à ceste dignité legitimement, la race de Charles le Grand
ayant finy en leur branche, l’Empire deuoit retourner en la branche directe
& legitime, qui duroit encore en France, au preiudice de laquelle
les Allemans, ny les Italiens, ne pouuoient rendre ceste dignité electiue,
ayant esté donnee hereditaire à Charles le Grand, & à ses successeurs
Roys de France. C’est pourquoy plusieurs de vos deuanciers, SIRE,
sçachans que les droicts des Empires & Souuerainetez, ne se peuuent prescrire
par la longueur du temps, prirent qualité d’Empereurs, entr’autres,
Philippes Premier, Louis le Gros, & Louis le Ieune, comme il se remarque

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en plusieurs chartres anciennes : Et du temps de nos peres, Charles
VIII. au voyage qu’il fit pour la conqueste de Naples, fit dresser des piloris
par les carrefours de Rome, & exercer la Iustice par ses Officiers, pour
conseruer les droicts que luy auoient acquis ses predecesseurs.

 

Ayans fait voir par quels degrez cet Estat accreut si puissamment souz
la premiere & seconde race de nos Roys, reste à deduire, selon nostre dessein,
les moyens qui le firent decliner. Les Sages ont remarque que les Monarchies
tombent en ruine, ou par l’insuffisance, & mauuaise conduite des
Souuerains, ou par l’infidelité de ses Officiers & ministres, ou par vne puissance
estrangere plus forte : Car trois choses se trouueront concurrentes
au faict que nous traittons.

Il a esté represente que Louis le Debonnaire eut trois fils, qui partagerent
l’Estat en trois Royaumes, Lothaire qui estoit l’aisné, eut le tiltre
d’Empereur, l’Italie, & la Gaule Belgique, la Prouẽce, la Suisse, la Sauoye,
le Dauphine, & la ville de Lyon ; à Louis escheut la Germanie, qui comprenoit
la Turinge, la Saxe, la Bauiere, & toutes les Prouinces qui sont au
delà du Rhin, iusques en Hongrie. Charles, surnommé le Chauue, eust
ce qui est compris à present souz la Couronne de France.

Lothaire eust trois enfans, lesquels estans morts sans hoirs masles,
Charles le Chauue partagea leur succession auec Louis de Germanie,
son frere, & eut pour son lot vne grande partie de la Gaule Belgique,
& s’appelle Lorraine, du Nom de Lothaire, l’vn des fils dudit Empereur
Lothaire : A sçauoir, ce que nous appellons le Duché, la Holande, la
Flandre, le reste qui comprenoit les pais de Luxembourg, Gueldres, Iulliers,
Cleues, Strasbourg, Cologne, & Majence, fut laissé à Louis, comme
estant à sa bien-seance. Peu de temps apres, Louis, Roy de Germanie, decedant,
laissa trois enfans, Louis, Carloman, & Charles, qui moururent
sans hoirs legitimes, & sans autre heritier que Charles le Simple, leur
Cousin yssu de germain : Mais cet Arnoul, bastard de Carloman, duquel
nous auons parle, s’empara de ceste grande succession, suiuant la
coustume obseruée souz la premiere & seconde race, qui égaloit les bastards
aux enfans legitimes, ainsi que Thierry, bastard de Clouis, partagea
auec Clotaire, Clodomire, & Childebert : Louis & Carloman, bastards
de Louis III. que les François esleuerent sur le trône Royal pendant
le bas âge de Charles le Simple. Souz la troisiesme race on s’aduisa
de corriger ceste faute, mais ce fut trop tard : Car si Arnoul n’eust
point succedé à Charles le Gros, son Oncle, tous les membres de ceste
grande Monarchie espars çà & là, se fussent reünis à la Couronne de
France, comme à leur chef.

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Apres la mort de Louis III. les François se voyans trois pupilles sur les
bras auec la guerre des Normands, appellerent l’Empereur Charles le
Gros à la Regence du Royaume souz le tiltre de Roy : Mais les vns cognoissans
la faute qu’ils auoient faite de confier la Couronne entre les
mains d’vn Prince estranger & si puissant, les autres voulans regner souz
le nom & l’authorité de ces mineurs, & faire ce que les Maires du Palais
firent aux descendans de Clouis, couronnerent Louis & Carloman pour
estre plus âgez que Charles le Simple leur frere. Et afin que Charles
le Gros ne donnait aucun empeschement à leurs desseins, ils luy laisserent
la part de la Lorraine, qui estoit escheuë à Charles le Chauue. Lascheté
& perfidie que Dieu punit en la personne de ce mauuais Tuteur, l’ayant
reduit à telle extremité qu’il n’auoit pas presque du pain. Bel exemple aux
Princes de n’empieter le bien de ceux desquels ils doiuent estre protecteurs.
Louis & Carloman estans morts, en peu de temps les Estats de
France r’appellerent Charles le Gros pour gouuerner pendant la minorité
de Charles le Simple, ce qu’il fit par l’espace de cinq ans, mais ayant
esté deposé par ces Allemands, & Arnoul ayant esté mis en sa place, les
François offrirent audit Arnoul la regence de ce Royaume, souz le tiltre
de Roy, ce qu’il refusa, à cause des irruptions des Normands qui rauagerent,
non seulement la Gaule, mais aussi l’Allemagne, ledit Arnoul retint
la Lorraine qui auoit esté laissée à Charles le Gros, & la donna à Zuende
Bold, son fils naturel, en tiltre de Royaume, puis il mourut mangé de
poulx, comme il auoit deuoré le bien d’autruy. Les François eurent derechef
recours à l’eslection, à cause du bas âge dudit Charles le Simple, &
donnerent la Couronne à Eudes, ou Hugues, Comte d’Anjou, lequel
mourut l’an sixiesme de sa Regence : à sa mort, touché d’vn remors de
conscience, il declara que l’Estat appartenoit à Charles, & qu’il n’en
auoit pris le gouuernement que pour remedier aux troubles d’iceluy, & le
garentir des mains estrangeres : Mais Robert son frere, Prince ambitieux,
ne laissa pas de quereller la Couronne contre Charles, & fut sa faction si
puissante, qu’il fut couronné à Soissons. Finalement le party le plus iuste
ayant le dessus, Robert fut tué en bataille auec ses principaux partisans.

L’Estat estoit reduit en telle extremité, que l’Allemagne, la Lorraine,
& l’Italie, estoient eclypsees, les Duchez & Comtez démembrez du Domaine,
la France diuisee en deux factions, le Roy enuironné de tous costez
de seigneurs aussi puissans que luy : Hugues, Comte de Paris, frere de
Robert, & ceux de son party, prenoient indifferemment le reuenu des
biens Ecclesia stiques, & en faisoient la guerre à Charles. Les Normans
auoient forcé Charles le Gros, pendant sa regence, à leur donner la Neustrie,

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souz l’hommage de la Couronne. Point de moyens de remedier à ces
desordres pour l’insuffisance du chef, la desobeïssance des Grands, & l’infidelité
du tiers Estat, corrompu par leur exemple ; Neantmoins Charles
pensant que toutes ces confusions procedoient de la diuersité des partis,
recherche l’amitié de Hugues son competiteur, & pour l’attirer luy offre
de grands aduãtages. (Miserable regne où le Souuerain demande la paix
à ses subjets.) Hebert, Comte de Vermandois, & beau-frere de Hugues,
informé de l’inclination du Roy à la paix, le fait venir à Perõne, ville de ses
appartenances, souz couleur de le reconcilier auec son ennemy, l’arreste
prisonnier, & le mene à Soissons, où la pluspart des Seigneurs François,
pour comble de perfidie, le contraignirent en l’assemblee des Estats, de resigner
sa Couronne entre les mains de Raoul, fils de Richard, que Charles
le Chauue auoit fait Duc de Bourgõgue. (Raoul doncques est couronné
à Soislons, & regne douze ans.) Pendant ces troubles, Louis appellé
d’Outremer, fils de Charles le Simple, demeura refugié à la Cour du Roy
d’Angleterre, son Oncle. Mais finalement les François touchez du ressentiment
de leur faute, r’appellerent le fils de celuy qu’ils auoient si indignement
traitté. A son retour, Raoul luy ayant disputé la Royauté, leur
querelle prist fin par la mort de cet vsurpateur : Ainsi Louis estant paisible,
& chery de tous ses subiets, il sembloit qu’il deust tourner ses desseins au
recouurement des droicts anciens de la Couronne, comme de faict, il fit
quelques efforts sur la Lorraine, que l’Empereur Othon auoit donnée à vn
nommé Gilbert, pour le dot de sa sœur Gerberge : Mais Gilbert estant
mort, Louis fit paix auec l’Empereur, espousa sa sœur. Et pour l’obliger
plus estroitement, luy ceda tout ce qu’il pouuoit pretendre sur la Lorraine.
Cession qui ne pouuoit preiudicier à ses successeurs, suiuant les Loix
fondamentales de ce Royaume. La crainte qu’il auoit de Hugues, Comte
de Paris, & les ligues qui se faisoient contre luy dedans & dehors le Royaume,
le contraignirent à achepter si cherement ceste alliance estrangere.

 

Or cependant il s’offrit vne tres-belle occasion de reünir l’Empire à la
France, si Louis y eust voulu entendre, c’estoit le voyage d’Italie, auquel le
Pape & les Romains l’inuitoient pour chastier l’insolence de Beranger,
qui abusant de la puissance qui luy auoit esté donnee souz le nom d’Empereur,
trauersoit les Papes, & se rendoit odieux à tout le monde par ses
actions tyranniques, mais Louis méprisa ceste occasion pour le desir qu’il
auoit, de retirer la Normandie des mains du jeune Duc Richard. Dessein
qui toutesfois luy succeda fort mal, ayant esté arresté prisonnier par ceux
qu’il vouloit despoüiller de leur seigneurie : Cependant l’Empereur

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Othon, qui n’espioit que l’heure d’vnir l’Italie à l’Allemagne, leue vne
puissante armée, auec laquelle ayant défait Beranger, il tire droict à Rome,
& là reçoit par les mains du Pape Iean la Couronne Imperiale, auec
le pouuoir de creer les Papes, comme il a esté desia remarqué.

 

Vila doncques l’Italie asseuree aux Allemans, par la nonchalance de
Louis. Voyons quels deuoirs firent ses successeurs pour recouurer la Lorraine.
Lothaire, son fils, dés le commencement de son regne, poussé à ceste
entreprise par les Estats de son Royaume, se resolut à la disputer, & pour
faciliter l’affaire, conclud la paix auec les Normands. Othon voyant les
grands apprests qui se faisoient contre luy, preuint le coup, & donna à
Charles, puisné de Lothaire, la Lorraine, à la charge de luy en faire hommage :
par ce bien-faict il vouloit desunir Charles d’auec son frere, & contenter
aucunement les François, en remettant ceste piece en la maison de
Charles le Grand d’où elle estoit sortie. Lothaire, irrité de ce qu’Othon
luy auoit preferé son Cadet, haste son voyage, & entre en Lorraine auec
de si puissantes forces, qu’en peu de jours il s’en rendit maistre, & passant
plus outre, surprend Othon auprés de la ville d’Aix, & taille en pieces tout
ce qu’il rencontra : neantmoins ce Prince mal conseillé traitta auec l’Empereur,
& rendit la Lorraine à son frere, qui en fit hommage à l’Empire,
dont les François furent si mescontans, qu’aprés la mort de Louis IV. fils
de Lothaire, decedé sans enfans, ils exclurent Charles son Oncle de sa
successiõ, & esleurent pour Roy Hugues Capet, fils de Hugues, Comte de
Paris, yssu de Charles le Grand, du costé maternel, tige de vostre Illustre
Maison, SIRE, dont les branches genereuses ont peuplé d’Empereurs
& de Roys, la Grece, la France, la Palestine, l’Isle de Cipre, la Sicile, la
Hongrie, la Nauarre, & le Portugal.

En ce changement de lignee, la France dit le dernier Adieu à ses anciennes
conquestes ; car Hugues ne pensant qu’à l’affermissement de sa
Couronne, n’entreprist rien sur ses voisins : il est vray que Robert, son fils,
fit mine de vouloir assaillir la Lorraine, mais la mesme consideration qui
auoit retenu son pere, le porta à la paix, qui fut concluë auec l’Empereur,
auec renonciation expresse aux droicts qu’il pouuoit pretendre sur la Lorraine.
Pour conseruer ce qui restoit de ceste grande Monarchie, on commença
souz ceste troisiesme race d’appanager les puisnez, à la discretion
des Roys, & à la charge de retour à la Couronne au default d’hoirs mâles.
Sage, & vtile instituiton, à laquelle nous deuons la reünion de beaucoup
de Prouinces & Seigneuries, assez inconsiderément démembrees, il
y a quatre, cinq, & six cens ans : & si nos Roys de la premiere & seconde
lignee se fussent aduisez d’inserer en l’erection des [1 mot ill.] de la Couronne,

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ceste clause si necessaire, la Flandre, la Normandie, & la Guyenne, n’eussent
seruy d’allumettes aux guerres sanglantes que nos peres ont veuës,
entre les Maisons de France, de Bourgongne, & d’Angleterre. Guerres
qui mirent les François en chemise, & rendirent ce Royaume le theatre
de toutes les horreurs & desolations, que la fureur de Mars peut produire.

 

SOMMAIRE DES DROICTS DES ROYS
de France, sur le Comté de Bourgongne, Cambresis,
Hainault, Luxemboug, & Genes.

Du Comté de Bourgongne.

LE Comté de Bourgongne faisoit partie du Duché, lors que Charles
le Chauue en inuestit Richard, frere de Bozon : Car il se voit par le
partage que ledit Charles fit auec son frere Louis, Roy de Germanie,
en l’an huict cens soixante & dix, des estats de leurs nepueux, decedez sans
enfans, que la ville de Bezançon, & le Comté de Bourgongne escheurent
audit Charles.

L’Empereur Arnoul estant appellé à la Regence du Royaume, pendant
le bas âge de Charles le Simple, démembra ceste partie de Bourgongne
pour la joindre au Dauphiné, aux Suisses, & à la Sauoye, & en criger le
Royaume de Bourgongne, qui dura enuiron cent quarante deux ans, iusques
à ce que Raoul mourãt sans enfans, laissa pour heriter de sa Cõronne
l’Empereur Henry III. son nepueu. Depuis ce temps là, les Empereurs
ont fait de ce Comté vn fief de l’Empire, s’estans reseruez la ville de Besançon,
capitale du païs.

De la ville de Cambray.

LA ville de Cambray est l’vne des premieres que les François possederent
en la Gaule Belgique, apres auoir passé le Rhin : aussi fut elle
comprise en l’inuestiture du Comté de Flandre, faite à Godefroy, surnommé
Bras de Fer, par l’Empereur Charles le Chauue. Elle estoit escheuë
à Lothaire, fils aisné de Louis le Pie, par le partage qu’il fit auec
ses freres, & escheut-aussi à Lothaire son fils : mais ledit Lotaire estant mort
sans enfans, & Charles le Chauue ayant partagé auec son frere Louis,

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de Germaine : les estats dudit Lothaire, Cambray fut compris au lot dudit
Charles. Souz le regne de Hues Capet, les Empereurs commencerent
d’en receuoir les hommages, comme ils auoient fait auparauant de la
Lorraine, ancien membre de ceste Couronne. Toutesfois ceste Ville,
auec ses appartenances, est retournee plusieurs fois à ses anciens Seigneurs :
Sçauoir, souz les regnes de Philippes de Valois, Louis XI. &
nouuellement Henry III. le Duc d’Alençon s’en estant saisi à son retour
de Flandre : Mais en l’an mil cinq cens quatre vingts quinze, le Comte de
Fuente l’emporta par composition sur les Sieurs de Balagny & de Vic,
pour quelque mescontentement que les habitans auoient receu d’eux.

 

Du pays de Hainault.

LE païs de Hainault est des anciennes dependances de ceste Couronne.
Le Roy Charles le Grand le donna en tiltre de Comté à vn
nommé Albo (comme le recognoist Guicciardin en son Histoire des
Païs-Bas.) Et l’on trouuera par le partage cy-dessus mentionné entre ledit
Charles le Chauue & Louis Roy de Germanie son frere, que le Comté
de Hainault, Hanoïum, demeura audit Charles, auec quatre Comtez
au pays de Brabant : & la troisiesme partie de la Frize, ensemble le
pays de Liege. Cet Albo eut pour successeur Manassier, & cestuy-cy
Regnier au Long-col, les enfans duquel, par la tolerance de nos Roys,
de la troisiesme race, prirent l’inuestiture de l’Empereur Othon, & leur
posterité en a tousiours fait hommage à l’Empire. Il est vray qu’il ne [1 mot ill.]
trouue point de Traitté par lequel nos Roys ayent renoncé aux droicts &
pretentions de ceste Prouince.

Du pays de Luxembourg.

LE Duché de Luxembourg appartient auec plus iuste tiltre à la Maison
de France, qu’à celle d’Espagne. Les Espagnols ne peuuent produire
que la pretenduë cession faite au Duc Philippes de Bourgongne,
par Ieanne de Greuich, Duchesse de Luxembourg, en vertu de laquelle,
il s’empara de ce pays, l’an mil quatre cens quarante trois, selon le recit
d’Oliuier de la Marche, domestique des Ducs de Bourgongne, qui ne parle
ny prés, ny loin d’aucune cession, Mais dit seulement que ceste Princesse
ayant esté chassee par ses subjets, vint demander secours
au Duc Philippes, ce qu’elle obtint : Et fut l’appointement
tel entre le Duc, & la Duchesse sa tante, qu’il entreprendroit

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la conqueste de la Duché de Luxembourg, souz tiltre & querelle
d’elle, & se diroit Mambour, & Gouuerneur de la dite Duché, & ordonna,
& assigna pour ladite Duchesse, & pour son Estat, dix mil liures par
an, à prendre sur les meilleurs & plus clairs deniers de son païs ; ce sont les
propres termes du sieur de la Marche, qui tesmoignent que le Traitté faict
entre le Duc de Bourgongne & la Duchesse de Luxembourg, n’estoit
point vne vraye cession, & ne luy donnoit autre droict que la garde, & gouuernement
de ce Duché, souz le nom, & l’authorité de la Duchesse, sa
Tante. Les droicts de nos Roys trouuerront plus de fondement entre des
Iuges equitables, & non passionnez. Le premier est, l’acquisition qu’en fit
Louis Duc d’Orleans, souz le Roy Charles VI. Le second est, la cession
que les Seigneurs de la Mark firent au Roy François I. de leurs droicts
& pretentions audit Duché. Le troisiesme est, le mariage de Marie de Luxembourg,
heritiere de ce Duché, auec Charles de Vendosme, predecesseur
de sa Majesté : en vertu desquels le Roy François, en l’an mil cinq
cens quarante deux, enuoya le Duc d’Orleans, son fils, auec vne puissante
armee, qui s’empara d’Yuoy, Arlou, d’Anuiliers, Montmedy, & Luxembourg :
Mais le depart de ce ieune Prince, qui brusloit d’ardeur de se
trouuer au siege de Perpignan que son pere tenoit assiegé, donna loisir à
l’Empereur Charles le Quint de reprendre la ville de Luxembourg, auec
quelques autres places que le mesme Duc d’Orleans reprist l’annee suiuante,
& y establit pour Gouuerneur le sieur de Longueual. L’an mil cinq
cens quarante quatre, l’Empereur ayant pris en Champagne Sainct Didier,
Ligny, & Commercy : La paix se fit à Soissons, par la quelle il fut dit
que les places que les François tenoient au Duché de Luxembourg seroient
renduës. Mais en l’an mil cinq cens cinquante deux ceste paix estant
rompuë entre l’Empereur, & le Roy Henry II. la guerre commença par le
païs de Luxembourg, où les François reprirent Yuoy, Montmedy, d’Auilliers,
& Thionuille, & eussent forcé Luxembourg de se rendre, si la defaite
de l’armee du Mareschal de Termes par les Espagnols, n’eust r’appellé
en Picardie les forces que le Roy auoit audit Duché. En l’an mil cinq
cens cinquante, la paix de Cambresis se faisant entre les Roys Henry II.
& Philippes II. les François rendirent ce qu’ils tenoient en Luxembourg,
auec plus de quatre cens places, tant en Italie, qu’en Piedmont, Isle de
Corse, & Pays-Bas : Paix honteuse à la France, dont nous ressentons encores
les effects preiudiciables. Il est vray que pour le regard du païs de
Luxembourg les Espagnols ne s’en peuuent beaucoup preualoir, d’autant
que le Roy Henry II. I’ayant conquis, tant pour luy, que pour le Duc

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de Vendôme, il ne pouuoit quitter, par les traittez de Soissons
& Cambresis, les droicts & pretentions d’autruy.

 

Oliuier de la Marche,
és chap. 8. &
10. du liure de [1 mot ill.]
Memoires.

De la Seigneurie de Genes.

L’An 1390. le Roy Charles VI. ayant secouru les Genois
contre les infidelles d’Affrique, ils le supplierent de les
prendre en sa protection : ce qu’il fit. Et en l’an 1438. Charles
septiesme ayant purgé ce Royaume des Anglois, les Genois
craignans de tomber en la subiection des Ducs de Milan, qui se
seruoient de leurs diuisions pour les enuahir, enuoyer ent en
France Pierre Fregose, qui au nom de la Seigneurie ceda au
Roy & à ses successeurs la souueraineté de Genes, auec ses dependances
& appartenances, à condition de les maintenir en
leurs priuileges & franchises : ce qui leur fut accordé. Et à l’instant
Iean, fils de René, Roy de Naples, & Duc de Lorraine,
fut enuoyé pour prendre le serment des habitans, & pour les gouuerner
en qualité de Lieutenant du Roy. Trois ans aprés les Genois
se reuolterent, & chasserent les François : mais la crainte
d’estre punis les fit ietter entre les bras du Duc de Milan, qui leur
promit d’employer ses forces pour leur defense. Sur cela Charles
septiesme decéde, sans en auoir la raison : Et François Sforce,
Prince grandement rusé, pour empescher le Roy Louis vnziesme
d’assister le Duc d’Orleans au recouurement du Duché
de Milan, & de penser à l’affaire de Genes, moyenna le mariage
de Galeas, & marie son fils auec Bonne de Sauoye, sœur de la
Royne de France. D’ailleurs, Louis estant occupé en diuers
temps aux guerres du bien public, & de Bourgongne, & preuenu
par l’hommage que luy fit du Duché de Genes Iean Marie,
fils de Galeas & de Bonne, ne fit aucun effort pour le recouurer :
au contraire, les Genois se lassans de la dominat on Milanoise,
& se voulans assubiettir à ceste Couronne, & receuoir vn Gouuerneur
de la part de Louis, il mesprisa ceste occasion, & se contenta
de l’hommage que le ieune Duc luy en auoit fait. Louis
estant mort, Ludouic Sforce qui auoit vsurpé le Duché de Milan
sur Iean Galeas son nepueu, obtint du Roy Charles huictiesme,
en consideration du secours qu’il luy donnoit pour la conqueste
de Naples, le Duché de Genes, souz l’hommage enuers ceste

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Couronne, le Traitté en fut fait à Verceil l’an mil quatre cens
quatre vingts quinze : par lequel il fut dit que le Duc de Milan
seruiroit le Roy, de Genes, comme de son fief, & pour asseurance
donneroit deux ostages, & mettroit le Chastelet es mains
du Duc de Ferrare pour le donner au Roy, en cas de forfaicture.

 

L’an 1478
le sieur
d’Argenton
alla en
Italie pour
receuoir ces
hommage.

En l’an mil cinq cens les Genois voyans les heureux progrez
que Louis douziesme faisoit en Italie, ils se redonnerent à luy, &
obtindrent abolition du passé, receuans pour Gouuerneur Philippes
de Rauasteins, parent du Roy. Mais en l’an mil cinq cens
sept vn Teinturier nommé Paul de Noüis, ayant crié liberté par
la ville de Genes, les seditieux, conduits par ce tribun, chasserent
la garnison françoise : ce qui cousta la vie à Paul, & aux
principaux chefs de la rebellion, aprés que la ville se fut volontairement
remise en son deuoir.

Depuis ce temps-là Genes demeura tousiours en l’obeïssance
françoise, mesmes enuoya des troupes souz la conduite du
Seigneur de Prie, pour se ioindre à l’Armee du Roy François
premier, lors qu’il passa en Italie pour la conqueste du Duché
de Milan. Mais André Dorie ayant quitté le party du Roy pour
seruir Charles le Quint, il fut suiuy de la reuolte des Genois, qui
assiegerent la garnison françoise qui tenoit le Fort de la Lanterne,
& aprés deux ans de siege ils le receurent à composition,
par faute de munitions. Les Genois prirent pour pretexte de
leur rebellion que le Roy, pour les tenir en bride, auoit transporté
à Sauonne la Gabelle du sel. C’est pourquoy ayans repris Sauonne
ils demolirent la forteresse, & comblerent le port de pierres
pour la mieux tenir en subiection : & pour leur seureté ils se
mirent en la protection de Charles le Quint, & sont tousiours
demeurez en celle de ses successeurs Roys d’Espagne, qui se sont
vtilement seruis pour la conseruation de leurs Estats en Italie, &
l’affoiblissement des Estats voisins, tant des Galeres & Vaisseaux
de Genes, que de ses tresors & richesses, souz tiltre d’emprunt,
mais en effect pour ne rendre qu’à discretion, tesmoin la reduction
que fit le Roy Philippes II. des dix huict millions qu’il leur
deuoit, au nombre de douze.

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VICTOIRES ET CONQVESTES DV ROY
LOVIS LE IVSTE.

LE Prince qui est admiré de tous, ne peut estre en ceste marque
de gloire comparé à nul autre ; Il faut estre bien monté
pour atteindre à des qualitez si releuees, de se voir éleué
au plus haut degré de l’admiration à estre inuité de tous
verité peu recogneuë aux siecles passez ; aussi se retrouue-elle
elle par eminence aux actions Royales de LOVIS LE
IVSTE, qui estant né à choses grandes, a fait voir en l’Auril de ses
ans vn Regne de morueilles par vne longue suitte de victoires & de triomphes,
que le bon-heur de ses armes, la Iustice de sa cause, & la grandeur de
son courage luy ont glorieusement acquis.

Car en suitte des troubles qui s’éleuerent en France, à qui par sa presence
& sa resolution, se virent esteint presque dans leur naissance. L’Europe
auec estonnement le vis entreprendre vne guerre si difficile, que souz le
secours qu’il devoit attendre de Dieu dans la Iustice de son dessein, le succez
en sembloit sans apparence : Il fallut auec partie des forces de son
Estat aller combattre le reste, attaquer vn party formé depuis soixante ans,
éleué parmy les combats, accreu dans ses victoires, fortifié de deux cens
soixante & dixsept places par luy occupees dans les Prouinces comprises
entre les riuieres de Loire, Garonne, Dordonne, le Rhosne, & autres qui y
descendent.

Le bon-heur de ses armes deliura la Prouince de Normandie d’vne faction
qui tendoit à vne reuolte generale, & à la desolation de tout le pays ;
Sa presence à Rouën deliura cette ville capitale de la rude seruitude où elle
s’alloit voir reduite souz plusieurs commandemens, & la reprise du
Chastean de Caën mit les affaires des factieux en tel estat, que ne se pouuant
plus fortifier en Normandie, leur dernier recours fut d’attendre les
armes du Roy en Anjou ; le party fait sur le pretexte du mescontentement
de la Reyne, Mere de sa Majesté, auoit engagé quantité de Princes, &
Grands du Royaume, qui sans vne particuliere faueur de Dieu, [illisible]
deschiré en la pluspart de ses membres. Mais la seule journee [illisible]
Cé ruïna cet effroyable party, rendit le Roy glorieux, tira la [illisible]
de la seruitude où elle estoit, parmy les ennemis de [illisible]

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les Chefs aux pieds de sa Majesté implorer sa grace & le pardon de leur
temerité.

 

Le Roy ayant donné tout contentement à la Reyne, & leué tout sujet de
crainte à la France, sa pieté naturelle luy fait penser à faire exempter ses
Edicts donnez en faueur des Ecclesiastiques & Catholiques de Bearn, portant
main-leuce de leurs biens saisis, & occupez depuis soixante ans par
ceux de la Religion Pretenduë Reformee du païs, & pour faire executer sa
pieuse & saincte intention, contre le refus que les Bearnois faisoient d’obeïr
à ses Edicts : Il entreprit le voyage de Bordeaux, & alla iusques en
Bearn, où en cinq iours il remit Dieu en sa Maison, les Euesques, & les Ecclesiastiques
en la iouissance de leurs biens, restablit dans le pays l’exercice
de la Religion Catholique, osta aux Bearnois Nauarrins leur forteresse
& leur ilion, cassa la milice du pays, & en sortit plein de gloire & de benedictiõ
du Ciel, qui en ceste occasion fauorisa sa saincte & Royale entreprise.

Ce changement seruit de pretexte à ceux de la Religion pretenduë reformee
de France, pour former vn party contre le Roy. Et afin de l’authoriser,
ils choisirent la Rochelle pour y tenir vne assemblee generale de leurs
Eglises, où trenchant du Souuerain, ils partagerent les Prouinces entre
leurs Chefs pour y leuer des gẽs de guerre, & faire subsister leur rebellion
contre sa Majesté, qui ayant. Dieu de son costé entreprit la defense de sa
cause auec celle de son authorité : Il arme derechef, & sort pour la deuxiesme
fois en cãpagne, & prend le glaiue vigoureux de sa Iustice pour chastier
ses subjets rebelles : Il commence par la ville de Saumur, qu’il oste à celuy
qui estoit de la Religion pretenduë reformee, quoy que le moins factieux
du party, se saisit principalement de son Chasteau, & y laisse garnison
pour y entretenir son seruice.

Sa Majesté entre en Poictou, où tout obeit, les portes de toutes les villes
de la Prouince luy sont ouuertes, & on luy apporte toutes les clefs des
cœurs & des forteresses, sans qu’il eust besoin d’vser de commandement &
de force pour estre obey.

Il sçait que S. Iean d’Angely, fortifié par vne garnison de seize cens
hommes, souz le commandement de Monsieur de Soubise, veut voir le
canon. Sa Majesté la fait assieger, se trouue en personne au siege, qui fut
rude, mais en fin serree, battuë & pressee. Il fallut ouurir ses portes, & souffrir
la demolition de ses murailles, pour n’osans penser à se defendre contre
les armes victorieuses du Roy, trouue sa seureté en son obeïssance : se
sousmet à sa Majesté, qui ne l’a voulu quitter sans ordre de faire démolir
ses murailles.

La prise de ces places estonna l’assemblee de la Rochelle, autour de laquelle

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le Roy enuoya quelques trouppes pour occuper ses aduenuës.

 

La Guyenne surprise d’estonnement, par la reduction de S. Iean, ne pense
plus qu’à rechercher son repos dans l’obeïssance, le Roy y estant entré,
la pluspart des places qui tenoient le party rebelle enuoyent protester de
leur fidelité à sa Majesté : Il n’y eut que Clerac qui voulut sentir la peine
deuë à sa rebellion : le Roy s’y achemine auec son armee, l’assiege, la force,
la prend, & fait punir de mort ceux qui auoient porté cette place à la desobeïssance.
Restoit Montauban, qui alloit receuoir pareil chastiment, sans
la saison voisine de l’Hyuer, & les maladies : Mais Monheur en ressentit
le contre-coup. Le Roy l’enuoya assieger, la prit, & obligea les rebelles de
luy venir demander pardon, la corde au col, & voir la place rasee. Tonneins
qui s’estoit fortifiee de nouuelles fortifications, & de gens de guerre ; fut
aussi assiegee par le Duc d’Elbeuf, qui la mit à raison.

L’an 1622. le Roy fit le voyage de Nantes, sur l’aduis que monsieur de
Soubise, auec quelques forces de la Rochelle, s’estoit jetté en quelques Isles
du bas Poictou, pour de là courir & piller la Prouince. Sa Majesté prit
la resolution de le chasser de là, comme elle fit, & le contraignit de s’enfuir
à la Rochelle, laissant la pluspart de son armee à la misericorde des soldats,
qui en tuërent bon nombre, le reste fut enuoyé aux galeres.

Sa Majesté passe de Poictou en Xaintonge, reprend par force Royan ;
entre en Guyenne, reçoit Saincte Foy, chastie la perfidie de ceux de Negrepelisse,
assiege & prend Sainct Antonin ; de là elle s’achemine au bas
Languedoc, se fait rendre Maxiliargue, Sommieres, Lunel, passe à Montpellier,
y met le siege, & contraint le Duc de Rohan, & tout le party rebelle
à luy demander la paix, que sa Majesté leur donne.

Mais ce qui restoit pour combler la gloire du Roy, & le rendre absolu en
son Royaume, estoit la Rochelle, qui chercha, & trouua sa ruine en cherchant
celle de sa liberté : Car sa Majesté ayant chassé les Anglois qui s’estoient
emparez de l’Isle de Ré, apres en auoir deffait la pluspart ; fait bloquer
ceste forter esse, azile des rebelles de son Royaume, par vne quãtité de
sorts & d’vne Digue admirable au milieu du grand canal, qu’il rendit inutiles
les deux flottes Angloises, venans à son secours, & mit la Rochelle en
tel estat, que la famine plus que canine les obligea d’implorer la clemence
du Roy, en luy apportant les clefs de leur ville : gloire grande à sa Majesté
d’auoir ainsi ruiné le bouleuard d’vn puissant party formé dans son Estat,
que n’auoient iamais peu faire les Roys, ses predecesseurs. Cela la rendit
tellement redoutable aux ennemis de sa Couronne, & de ses alliez, que du
depuis ils n’eurent pas l’asseurance d’attendre les efforts de son bras victorieux,
lors qu’apres la prise de la Rochelle elle se porta en personne contre

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son Oncle le Duc de Sauoye, ligué auec l’Espagnol, pour despoüiller
Monsieur de Mantouë de ses Estats : le Roy prit le Pas de Suse, ruïna les
Barrieres des Alpes, & se fit iour parmy ces passages affreux pour aller secourir
Casal.

 

Puis repassant en France, où sa presence estoit necessaire pour couronner
sa gloire : car sçachant que les rebelles de Languedoc, souz le Duc de
Rohan, s’imaginant que sa Majesté se verroit obligée à vne longue guerre
contre l’Espagnol & le Sauoyard, pendant quoy ils auroient moyen
de reprendre par les armes ce qu’ils auoient perdu, tenoient la campagne,
fortifioient leurs places en intention de maintenir leur liberté : mais il en
arriua autrement ; car elle se resolut de mettre la derniere main aux armes,
& de les reduire en tel estat qu’ils ne peussent à l’aduenir se releuer. Pour
cet effet elle fit assieger Priuas, la força, chastia ceux de dedans, & reduisit
la place en cendres : puis marchant auec son armee en Languedoc, entra
aux Seuenes, d’où les rebelles tiroient leurs meilleurs soldats, & s’imaginoient
qu’à cause des forteresses, & chaste aux bastis entre des rochers inaccessibles,
l’armee du Roy n’y pourroit subsister : mais ils se trouuerent deceuz :
car sa Majesté y estant entree, rien ne fut capable de luy resister, ses
soldats grimpans les plus hautes roches en denichoient les rebelles. Anduse
& Alés, les deux meilleures places du pays, ne voulurent attendre le
siege : ce qui obligea le Duc de Rohan à toutes les places rebelles, demanderent
humblement la paix, que sa Majesté leur donna, à la charge de souffrir
la demolition des nouuelles fortifications de toutes leurs places.

Et apres auoir ainsi redonné le calme au Royaume, le Roy porta sa pensee
à faire iouïr ses alliez d’vne pareille felicité, se porta pour la deuxiesme
fois en Piedmont, afin d’obliger le Duc de Sauoie de lui tenir parole. Il
conquit sur lui Pinerol, & que Brigeras, qui craignãt la perte entiere de ses
Estats, & voiant son Duché de Sauoie pris par les François, se trouua
trop heureux d’estre derechef receu en la grace de sa Majesté : car apres
auoir veu Veillane, Carignan, & Saluces emportees par les Generaux, ce
fut lors qu’il pensa auoir besoin de conseruer ce qu’il lui restoit de places,
en abandonnant le parti des Imperiaux & Espagnols, pour entrer en celui
du Roi.

C’estoit au temps que l’Espagnol tenoit Casal assiegé par le Marquis de
Spinola, qui en apparence eust esté prise sans le puissant secours que le Roi
y enuoia, lequel en passant au Montferrat força les barricades que l’Espagnol
auoit faites au passage du Po, prés Saluces, défit les ennemis, & s’aduança
vers Casal ; ce que voiant les Espagnols, aimerent mieux quitter le
siege, & iouir de la paix, que hazarder par vne bataille la perte euidente de
leur armee.

-- 41 --

L’Italie iouïssant du repos tant desiré, par les glorieux progrés des armes
du Roy, sa Majesté voulut en mesme temps tendre la main aux Princes
& Estats de l’Empire, oppressez par la Maison d’Austriche. Pour cet effet
elle fit vne conjonction d’armes auec le Roy de Suede, afin que par
leurs communes forces ils fussent restablis en leurs biens, estats & dignitez,
& la guerre continuee contre les Imperiaux.

Charles, Duc de Lorraine, violant sa foy donnee au Roy, de demeurer
neutre en ses Estats, s’estant declaré ennemy de nos Alliez, pour espouser
les interests de la maison d’Austriche, sa Maiesté se trouua obligee d’entrer
auec armes en son païs, lequel considerant sa faute & sa foiblesse contre
vne armee victorieuse, traitta derechef auec le Roy, & luy mit entre les
mains sa ville de Nancy, pour plus grande asseurance de sa fidelité.

L’Archeuesque de Treues voyant les Suedois prests d’entrer en ses
Estats, & n’ayãt forces capables pour s’y opposer, fit supplier le Roy le prẽdre,
& ses Estats à sa protection : ce que sa Majesté luy accorda Il permit
qu’elle mist garnison Françoise dans sa ville de Treues. Mais quelque
temps aprés l’Espagnol la surprend, & par vn acte barbare enleua ledit
sieur Electeur, & l’emmena prisonnier. Le Roy offensé en la personne de
cet Electeur, qui estoit en sa protection, prit suiet de rompre la paix auec
l’Espagnol pour se venger de tant d’attentats qu’il auoit faits.

La guerre ainsi ouuerte deuint obstinee, les partis estant ainsi puissamment
animez, qu’elle fut suiuie de plusieurs combats, sieges, & prises de
places. L’Espagnol entre en Picardie, prend la Capelle, le Catelet & Corbie,
& commet mille impietez en la Prouince : Cependant le Roy de son
costé, fait entrer monsieur le Prince de Condé au Comté de Bourgongne
auec armee, & par son ordre assiegea Dol, sa Capitale : En mesme temps le
Roy composa auec le Duc de Vvixtemberg, pour son Comté de Montbelliard,
qu’il mit entre les mains de sa Majesté. Ce qui n’empescha pas que le
Roy ne mist bien tost vne puissante armee sur pied, auec laquelle il va en
Picardie, contraint les ennemis de se retirer. Assiege Corbie, & au bout de
quelques trois sepmaines oblige l’Espagnol de la quitter. En suitte sa Maiesté
renouuelle l’alliance auec les Estats d’Hollande, pour auec leurs communes
armes entrer aux Estats des Païs-bas, obeissans au Roy d’Espagne.
L’armee de sa Maiesté rencontre celle de l’Espagnol, commandee par le
Prince Thomas, la combat, & la defait au village d’Aueyn : la victoire se
poursuit : l’armee du Roy, & celle du Prince d’Orange se ioignent à Mastric,
entrent en Brabtã, prennent Tillemont, Deist, Arschot, & mettent le
siege à Louuains : les nostres courent iusques aux portes de Bruxelles, & y
tirent le pistolet, & causent vne grande consternation en tout le pais. [1 mot ill.]

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apres Galas, auec vne puissante armee, ayant fait vne irruption en Bourgongne,
fut repoussé au delà du Rhin par les nostres : en suitte la guerre
se continue en Alsace. L’armee du Roy se rend maistre de Sauerne & Haguenau.
Le Duc Bernard Vvimard, auec ses trouppes grossies des nostres,
prend les villes forestieres, appartenantes à la maison d’Austriche, combat
le Duc de Sauelly, & Iean de Vvert, qu’il prend prisonnier, & l’enuoya au
Roy. Au deçà du Rhin les nostres s’emparerent des villes de Colmar, de
Scelestad, & le Duc de Vveimart, de Nieubourg. Ce qui facilita le siege
de Brisac par luy entrepris, auec le Comte de Guebriant, General de l’armee
du Roi en Allemagne. La place assiegee, les secours battus & repoussez,
se rendit audit Duc de Vveimar, qui tost apres mourut à Nieubourg ; &
ainsi Brisac demeura en la puissance de sa Maiesté, qui y laissa pour Gouuerneur
le Colonel Erlach. D’autre costé le Roi entre en Artois, assiege, &
prend Hesdin, Renty, & Sainct Paul, puis Landreci, en suitte Arras, & Bapaume.

 

Et pour faire diuersion à l’Espagnol en Italie, sa Maiesté y enuoia le
Duc de Longueuille, qui entra au Montferrat, & au Milanois, & y prit plusieurs
places. Puis sadite Maiesté y enuoia vne autrefois le Comte de Harcourt,
qui comme General deffit l’armee Espagnole, retrenchee deuant
Casal, assiege Turin, repousse le secours du Marquis de Leganez, & contraint
le Prince Thomas d’en sortir. Il y remet son Altesse Roiale Madame
la Duchesse, & enuoie nouueau renfort dans la Citadelle, dont le Roi est
protecteur : En suitte il prend Coni, & autres places en Piedmont, desquelles
il chasse les Espagnols.

Ce fut en mesme temps que le Roi prit les Catalans en sa protection. Le
peuple se voyant dans l’oppression souz la domination Espagnole, pour s’en
deliurer, enuoye vers sa Maiesté la prier d’accepter la Principauté, & leur
leur faire l’honneur de les tenir pour loyaux & fidelles subiets : Sadite Maiesté,
qui ne refusa iamais le secours de ses armes à ceux qui auoiẽt recours
à elle en leurs pressantes affaires, eut leurs offres agreables, auec asseurance
de les assister contre les Espagnols, comme elle fit par les armees qu’elles
y enuoya à diuerses fois : Et pour diuertir les forces d’Espagne, elle fit
assaillir le Comté de Roussillon, apres auoir defait les Espagnols entrez en
Languedoc, à dessein de prendre Leucate, & tenir toute la Prouince en
subiection : reprit les Isles saincte Marguerite & Sainct Honorat, que l’Espagnol
auoit surprises.

La guerre se fait donc en Roussillon, premieremẽt par monsieur le Prince
de Condé, qui y prit la forte place de Salce, & autres lieux dudit Comté :
en suitte le Roi y alla en personne, ayant auec luy les Mareschaux de la

-- 43 --

Meillẽraiẽ, & de Schomberg, où elle fit assieger Coliourẽ, qui resista quelque
temps, puis se rendit : ce qui fit resoudre sa Maiesté de faire assieger Perpignan,
comme elle le fut vn assez long temps : en fin, faute de secours & de
viures elle se rendit, & par la prise de ceste ville, la conqueste entiere du
Comte de Roussillon fut asseuree au Roi.

 

VICTOIRES ET CONQVESTES DV ROY
LOVIS XIV. Dit Dieu donné.

Aprés la mort regretable du Roy Louis le Iuste, d’heureuse
memoire, le Roi present, son fils, commença à vaincre, &
regner tout ensemble : Car le 14. de May 1643. qui fut le
premier de son Auguste regne, & le 17. en suitte du mesme
mois, fut l’orient de ses triomphes, par la signalee Victoire
que son armée, commandee par le Duc d’Enguien remporta sur l’Espagnol
pres de Rocroy, où l’ennemi perdit plus de six mil hommes, grand
nombre de blessez, & cinq à six mille prisonniers, deux cens drappeaux,
cornettes & guidons : auec toutes leurs munitions & bagages : Perte signalee,
qui diminua d’autant plus les forces de l’ennemi, qu’il y laissa la meilleure
partie de toute son infanterie.

Le Duc d’Euguien voulant poursuiure sa victoire, par ordre de leurs
Maiestez, fit prendre à son armee le chemin de Luxembourg pour aller assaillir
la forte place de Thionuille, tenue pour imprenable à vn autre General,
qu’à ce genereux Prince. Il s’y porte de courage, auec vne armee victorieuse,
& prit tellement son temps, qu’asseuré qu’il estoit impossible à
l’Espagnol de la secourir, apres la perte d’vne bataille si importante, il en
fit les approches sans aucune apprehension de dehors, & par luy le Roi y
fut grandement ben serui, chacun se portant auec grande resolution
de faire à qui mieux, sans craindre le peril de l’entreprise, le courage
leur redoublant à la veuë d’vn General de tel sang, & de telle naissance, &
merite : en sorte que nonobstant toute la grande resistance des assiegez, ils
aimerent mieux prendre vne honorable composition, que se voir forcez
à perdre la vie en defendant vne place desesperee de tout secours.

La conqueste de Thionuille fut suiuie de celle de Sircq, petite ville pres
la Mozelle, du costé de Lorraine, que le Duc d’Enguien enuoya assieger :
mais l’apprehension qu’eut la garnison de ne pouuoir garder vne place

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bien inferieure à celle de Thionuille, la fit resoudre de n’attendre l’extremité,
mais d’accepter vne honneste composition : ce qu’elle fit.

 

L’annee precedente, le Mareschal de Guebriant ayant esté tué deuant
Rotvvil qu’il assiegeoit, & que les siens prirent, les Imperiaux & Bauarois
croyans profiter de la mort de ce grand Capitaine, & croyoient auoir bon
marché de l’armee du Roy, qu’ils assaillirent auec quelque auantage, non
pourtant tel, qu’il ne restast tout le meilleur de la caualerie, qui repassa le
Rhin, & furent les Chefs visitez par le Duc d’Enguien, & au lieu dudit
feu Mareschal de Guebriant, leurs Majestez éleurent le Vicomte de Turene,
auquel elles donnerent le Baston de Mareschal de France : en laquelle
qualité il fut General de ceste armee là, qui par apres fut plus
belle qu’auparauant.

L’annee derniere 1644. ne fut pas moins heureuse au Roy que la precedente :
car Monsieur le Duc d’Orleans voulut commander en personne
l’armee de sa Majesté, leuee pour entrer en Flandre, & assiegea la place de
Grauelingue, nonobstãt tous les efforts que firent les ennemis, pour empescher
le campement, en laschant les eaux, & perçant les digues : ce qui ne
fit point perdre courage aux Mareschaux de Camp, ny aux soldats, de
continuer leurs trauaux ; en quoy son Altesse Royale fit paroistre ses soins à
visiter tous les quartiers, donner les ordres necessaires, & animer les Capitaines
& soldats à se signaler en ceste occasion, comme ils firent : car ils
rompirent les secours que les ennemis y vouloient faire entrer, gaignerent
les Forts & les dehors, reduisirent les assiegez à rendre la place à son
Altesse : conqueste glorieuse, qui se fit à la veuë du Duc Picolomini, & de
Dom Francisco de Melos, qui n’oserent iamais attaquer nos lignes.

Ce fut en ce mesme temps que le Duc d’Enguien commandant vne autre
armee du Roy, se rendit en Champagne : & ayant aduis que le General
Mercy, Chef de l’armee Bauaroise, assiegeoit Fribourg, & que le Mareschal
de Turenne estant à Brisac, n’auoit forces suffisantes pour secourir
ceste place, s’aduança à grandes iournees pour le joindre : mais à cause de
la grande distance des lieux, le Duc d’Enguien ne peust arriuer à Brisac
auec son armee auant la reddition de Fribourg : neantmoins sa generosité
ordinaire ne luy fit point changer la resolution qu’il prit d’aller attaquer
les ennemis dans leurs retranchemẽs : & de fait, il y alla auec grand
desir de se voir aux mains auec eux, lesquels sans l’attendre, apres auoir
muny Fribourg, se retirerent sur des eminẽces auãtageuses où, ils croyoiẽt
n’estre point contraints à combatre en quoy ils furent trompez : car le Duc
d’Enguien les enuoya assaillir par diuers endroits, auec tant de courage
& de resolution, qu’apres vn grand & long combat, leurs postes furent emportez,

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portez, & plus de quatre mil des ennemis tuez sur le champ.

 

Le Duc se voyant ainsi Maistre de la campagne, sceut addroictement
vser de sa victoire : car ayãt donné ainsi la chasse à ses ennemis, commanda
son armee de s’aduancer vers Philisbourg, & enuoya le Mareschal de Turenne
qui l’inuestit : & peu de temps apres, le Duc d’Enguien & ses Lieutenans,
& autres Officiers de son armee, y estans arriuez, la force des soldats
François à faire feu, & poursuiure leurs trauaux, reduisit les assiegez
aux extremitez, quelques fortes resistances qu’ils firent. Alors le Gouuerneur
voyant qu’il ne pouuoit plus defendre la place auec si peu de gens
qu’il auoit, demanda à traitter, à quoy il fut receu : le traitté fait, la place se
rendit au Duc d’Enguien le dixiesme Septembre 1644.

La prise de Philisbourg donna telle espouuante aux autres villes prochaines,
qu’il ne fut pas difficile de les faire recognoistre le Roy Tres-Chrestien
pour protecteur & defenseur de leur liberté, comme firent celle
de Spire, & autres places.

Dés le lendemain de la prise de Philisbourg le Duc d’Enguien resolut de
porter plus auant les armes du Roy & ses victoires, qui marchent d’vn mesme
pied, donna ordre au Mareschal de Turenne de s’acheminer à Vvormes,
auec quatre mil cheuaux, mil pietons, & quatre pieces de canon : le
Mareschal ayant passé le Rhin, attaqua les trouppes que le General Bek
enuoyoit à Frankendal, en prit, ou tailla en pieces six cens cheuaux destinez
à ce secours, & fit trente Chefs prisonniers tous les soldats restez prirent
party dans les trouppes du Roy.

Cette deffaite surprit tellement le Gouuerneur, & les habitans de Vvormes,
qu’ils prirent resolution de preuenir l’effort des armes dudit sieur
Mareschal, & luy enuoyerent les clefs de la ville, en laquelle il laissa bonne
garnison.

Puis passant outre, fit auancer le General Major Roze, auec mille cheuaux
pour inuestir Mayence : Mais auparauant le dit General Maior s’empara
d’Oppenhein, qui se rencontroit au passage de l’armee : ce qu’il fit
sans resistance, l’espouuante luy ayant seruy de Fourriers.

Le Mareschal de Turenne qui le suiuoit de prés, auec le reste de son armee,
fit entendre à la ville de Mayence qu’il s’approchoit afin de l’assieger,
suiuant les ordres du Roy, & du Duc d’Enguien ; alors les habitans assemblez
en Corps, prirent resolution de receuoir le secours que le General
Mercy leur enuoyit, & delibererent de se rendre à l’obeïssance du
Roy, comme ils firent, auec sa Citadelle, & le Chasteau de Binguen, le dix-septiesme
Septembre.

Le Duc d’Enguien donna en mesme temps ordre au Marquis d’Aumont,

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Lieutenant General du Mareschal de Turenne d’assieger Landa[illisible]
ce qu’il fit, & la fit resoudre à receuoir garnison Françoise.

 

Ainsi tout le Rhin est retourné à ses anciens Maistres, qui depuis la seconde
race de nos Roys, l’auoient perdu par diuisions, & guerres ciuiles : &
maintenant le recouurent par les armes de leurs Maiestez Tres-Chrestiennes.

Les principales forces du Duc d’Enguien demeurerent campees à la
veuë de Philisbourg, où elles croissoient de iour à autre, autant que celles
des ennemis diminuoient ; qui souz la charge du General Mercy estoient
retrenchez auprés de Hailbron, au nombre de dix mil hommes, tant de
pied que de cheual, Mais tellement espouuentez, que depuis le grand combat
de Fribourg, l’on ne vid aucun de l’armée dudit General qu’vne seule
partie de trente Maistres qui parut deux iours apres la prise de Philisbourg,
mais qui s’en retourna à l’heure mesme, sans rien faire.

Reste maintenant de raconter la suitte des Conquestes du Roy en Catalogne,
de ceste année mil six cens quarante cinq.

Le Comte de Harcour ayant esté choisi par leurs Maiestez pour commander
leurs armees en Catalogne, s’y rendit dés le mois de Mars dernier,
& fut receu dans Barcelone en qualité de Vice-Roy, & Lieutenant
General pour le Roy audit pais, par tous les ordres de la ville qui sortirent
au deuãt de luy vne bonne lieuë, & auec bon nombre de Noblesse & bourgeois ;
à son entrée le canon fut tiré, & fut conduit en son logis par les
Compagnies en armes, tant à pied qu’à cheual, auec trompettes & tambours
sonnans : ce qui se fit auec vne ioye incroyable de tout le peuple, qui
luy tesmoigna l’obligation qu’ils auoient à leurs Majestez, de leur auoir
enuoyé vn Prince vaillant, courageux, & qui a l’experience & toutes les
parties d’vn Grand Capitaine, luy promettant fournir tout ce qu’il auoit
affaire, tant viures, que poudres, munitions, & toutes les necessitez requises
à la subsistance de ses trouppes.

Aprés tous ces honneurs receus à Barcelone, le Comte de Harcour alla
visiter les places de la Principauté, ausquelles il donna ordre d’y faire les
reparations & fortifications dont elles auoient besoin : & laissa en chacune
les munitions de bouche & de guerre, & le nombre de soldats qu’il iugea
estre necessaires.

Ayant receu les nouuelles forces de France, & donné les ordres de ce
qui seroit à faire, il reprit la ville de Balaguier ; choisit le Comte du Plessis
Praslin pour commander vn corps d’armee du costé de Roses (dont le siege
fut resolu) qui s’y rendit aussi tost auec le sieur de Vaubecour, le Marquis
d’Vxelle, les Marquis de la Trousse, & le sieur de Sainct Maigrin, Mareschaux

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de Camp, le Baron de Baumes, le sieur de Souuigny, Mareschal
de bataille, le Comte de Vertus, les sieurs du Saulsy, Chastellier Barlot,
Mestre de Camp, le sieur de Sainct Paul, Mareschal de bataille, auec treize
Regimens, & sept cens cheuaux.

 

Ledit Comte du Plessis Praslin commença le siege de Roses dés le
mois d’Auril, serra la place par terre, & du costé de la mer nostre armee nauale
s’y rendit, pour empescher les secours que les ennemis y pourroient
amener. Ce siege est d’autant plus considerable qu’il fut sort opiniastré :
Ceux de dedans commandez par Don Diego Caualléro de Illecas, Gouuerneur
General de la place pour sa Majesté Catholique, firent en ceste
occasion tout ce qui se pouuoit attendre de soldats courageux & vaillans,
tant aux sorties, qu’à souffrir les assauts des nostres, qui firent des merueilles,
& se signalerent en repoussans les ennemis, & soustenans nos trauaillans,
entr’autres les sieurs de Choupes, Lieutenant de l’artillerie, de
Sainct Hilaire, Villy, Saincte Claire, de Marsilly, Ayde de Camp, & Cornette
de la Compagnie de Cheuaux Legers du Mareschal de Schomberg,
& de Montagne. En fin la place puissamment attaquee, les dehors gagnez,
& les bastions sappez, les assiegez desesperez de tout secours, demanderent
à capituler : ce qui leur fut accordé Ils furent fort honnestement
traittez ; Et la Ville & Chasteau rendus audit sieur Comte du Plessis-Praslin,
le vingt-neufiesme May, apres cinquante neuf iours de siege :
par la prise de laquelle le Comté de Roussillon est asseuré au Roy.

FIN.

TABLE DES SOMMAIRES CONTENVS
en ce present Liure.

Traitté des Vsurpations des Roys d’Espagne sur là Couronne de
France, depuis Charles Huictiesme. folio 3.

Des Royaumes de Sicile, & de Naples. fol. 4.

Du Duché de Milan. fol. 10.

De la Flandre. fol. 13.

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Du Comté de Roussillon. fol. 16.

Du Royaume de Nauarre. fol. 17.

Discours sur le commencement, progrez, & declin de l’ancienne Monarchie
Françoise, droicts, & pretentions des Roys Tres-Cre-Chrestiens
sur l’Empire. fol. 20.

Sommaire des droicts des Roys de France sur le Comté de Bourgongne,
Cambresis, Hainault, Luxembourg, & Genes. fol 32.

Du Comté de Bourgongne. ibid.

De la ville de Cambray. ibid.

Du pays de Hainault. fol. 33.

Du pays de Luxembourg. ibid.

De la Seigneurie de Genes. fol. 35.

Victoires & conquestes du Roy Louys le Iuste. fol. 37.

Victoires & conquestes du Roy Louis quatorziesme, Dit Dieu donné. fol. 43.

Extraict du Priuilege de sa Maiesté.

Par grace & Priuilege du Roy, Signé, Par le Roy en son Conseil, THIBAVLT,
& seellé sur double queüe du grand sceau de cire jaulne. il est permis à Maistre
Christophle Balthazard, de faire imprimer, vendre, & debiter par tel Imprimeur & Libraire
qu’il voudra choisir, deux Traittez qu’il a composez, l’vn, Des Vsurpations des
Roys d’Espagne sur la Couronne de France : l’autre, Du commencement, progrez, & declin de
la Monarchie Françoise ; & droicts des Roys de France sur l’Empire, &c. Et ce iusques au
terme de six ans, sur les peines y portees.

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Baltasard, Christophle [1645], TRAITTÉ DES VSVRPATIONS DES ROYS D’ESPAGNE, SVR LA COVRONNE DE FRANCE, Depuis le Regne de Charles huictiesme. ENSEMBLE VN DISCOVRS SVR LE COMMENCEMENT, progrez, declin, & démembrement de la Monarchie Françoise, droicts, & pretentions des Roys Tres-Chrestiens sur l’Empire. AVGMENTÉ D’VN SOMMAIRE DES DROICTS de ceste Couronne, sur les Comtez de Bourgongne, Cambray, Haynault, de Genes & Luxembourg. ET LES VICTOIRES ET CONQVESTES DES ROYS LOVIS XIII. dit le IVSTE, & de LOVIS XIV. dit DIEV-DONNÉ, sur les Espagnols, & les Austrichiens, en Italie, Alsace, Flandres, Luxembourg, & Comté de Bourgongne, Catalogne & Roussillon. Par C. BALTASARD. , françaisRéférence RIM : Mx. Cote locale : D_1_6.