Anonyme [1652 [?]], QVATRIESME PARTIE DV POLITIQVE VNIVERSEL, OV BRIEVE ET ABSOLVE DECISION de toutes les Questions d’Estat les plus importantes. SCAVOIR EST, XVIII. Si les Tyrans du peuple & de l’Authorité Royale; auec leurs Partizans peuuent estre sauuez. XIX. Si les heritiers de ces sangsuës publiques peuuent estre sauuez, sans restituer les voleries que leurs predecesseurs leur ont laissées. XX. Si la restitution peut estre bonne, n’estant pas faire à ceux à qui la chose appartient. XXI. Si l’on doit souffrir des Partizans dans vn Estat. XXII. Si les trois Estats ont droit de se mesler des affaires du Prince. XXIII. Si les trois Estats ont droict de remedier aux desordres du Royaume. , françaisRéférence RIM : M0_2818. Cote locale : B_17_33.
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QVESTION XXII.

Sçauoir si les trois Estats ont droit de se mesler
des affaires du monde.

IL n’y a que les Loix & les Coustumes qui puissent
bien faire subsister les Royaumes ; c’est
pourquoy il est tres raisonnable de les obseruer
quand la necessité le requiert, pour mettre ordre
aux affaires de la Couronne. La France n’a iamais
esté si accablée de desordres qu’elle est à

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present, & lors qu’elle l’a esté, elle n’a iamais sceu
trouuer vn remede plus asseuré que celuy de
conuoquer les trois Estats pour se deliurer de
toute sorte de tirannies. Nos anciens Rois auoient
accoustumé de les appeler souuent à
leurs secours dans les plus importantes affaires
de ce Royaume. Et certes auec grande raison,
car puis que tous les peuples de France, grands
& petits, sont compris dans ces trois corps, &
qu’ils ont tous generallement interest en sa cause,
il est bien iuste qu’ils se meslent des affaires du
Prince, puis qu’il y va de leur bien & de leur vie.

 

Cette façon de gouuerner les affaires des anciens
François, n’est pas nouuelle parmy nous,
ny contraire à l’authorité Royale, puis qu’ils s’en
seruoient auant que iamais les Romains missent
les pieds dans leurs pais, & mesmes depuis qu’ils
ont eu des Rois iusques à present, sans beaucoup
d’intermise, puis que les Grecs la nommoient
Celtaram & Gallorum omnium conuentus aut concilium.
Les Rois ne sçauroient iamais faillir en conduisant
les affaires de l’Estat par l’aduis d’vne si celebre
assemblée, qui est ce qu’on appelloit autrefois
parlement, dont le nom en est demeuré
aux assemblées qui se font pour les Audiences
priuées & particulieres. Aussi n’a partient-il
qu’aux trois Estats, ou bien à leur deffaut, à cet
Auguste Parlement de Paris, comme estant vne

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partie de cet Illustre Assemblée, de prendre le
soing & le gouuernement des affaires de France,
puis qu’il y va de l’interest de la Couronne,
de nos biens & de nostre vie, & non pas à des
Estrangers & à des exclaues de la fortune, issus
de la lie du peuple.

 

C’est dans des assemblées comme celles-là,
où chacun ayant proposé ce qui peut seruir à la
reformation des desordres de l’Estat que le Roy
pour l’amour naturel qu’il porte, ou du moins
qu’il doit porter à ses subjets, ordonne pour se
conseruer la qualité de pere de la patrie, de toutes
les choses qui sont necessaires à ses peuples,
ne pouuant pas aller quand il le voudroit, contre
toutes les puissances de son Empire.

Quand les tyrans se sont rendus maistres des
affaires, & qu’ils se portent à surcharger les peuples
d’vn nombre infiny de subsides insupportables,
& que les peuples ne pouuans souffrir des
vexations si outrageuses, sont sur les termes de se
reuolter contre celuy qui les oppresse qui sont
ceux qui ont droict de pouuoir mieux faire l’office
de Mediateurs entre les tyrans & les tyrannisez,
que ceux qui ont toutes les forces de l’Estat
à leur deuotion, & qui ont l’authorité d’imposer
vn silence éternel, & aux vns & aux autres.
Au contraire, si le Roy est contraint par la necessité
de ses affaires de demander quelque assistance

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à ses subjets par quelle entremise est-ce
qu’il le peut mieux faire que par celle de ceux
qui tiennent les cœurs de tous les peuples ? Si
les François veulent faire des remonstrances
au Roy, qui soient dignement appuyées, qui
est-ce qui les peut mieux faire, & les mieux dignement
appuyer que ceux qui peuuent tout
ce qui est raisonnable de vouloir dans vn Empire ?
Si ceux qui se sont emparez de l’authorité
Royale, & qui ne se soucient pas si la bourse du
Roy est vuide, pourueu que la leur soit pleine,
desirent de tourner les forces du Roy contre
les peuples, en haine de ce qu’ils ne se sont pas
voulus absolument soubmettre à toutes leurs
tyrannies, qui est ce qui peut mieux resister à
toutes les puissances de l’Estat que ceux qui en
sont les maistres ? Si vn nombre infiny de mécontans
cherchẽt tous les iours le moyen d’alterer
la seureté de l’Estat, afin de susciter tous
les peuples à faire vne sedition generale ainsi
qu’on fait auiourd’huy, qui sont ceux qui peuuent
mieux destourner des mal-heurs si pernicieux
à l’Estat, que la conuocation des trois
Estats de cette Couronne ? S’il se trouue vn tyran
qui veüille vsurper le Royaume à sa Maiesté,
qui peut mieux destourner ce parricide
attentat, que ceux en qui consistent toutes les
forces de son Empire ? Enfin, si le Roy n’est

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pas obey, qui le peut mieux faire obeïr, que
ceux qui sont maistres de l’obeïssance.

 

C’est pourquoy pour empescher des desordres
de cette importance, il est tres-necessaire
que les Estats se meslent des affaires du
Prince, veu qu’il n’y a personne en France qui
les puisse mieux appuyer, ny qui les puisse remettre
si tost dans la bonne voye. François
II. & plusieurs autres Roys nous ont laissé des
merueilleux exemples de l’approbation qu’ils
faisoient de cette politique, & de la veneration
qu’ils auoient pour les assemblées des trois
Estats, puis qu’ils ne declaroient iamais la
guerre à qui que ce fut, & qu’ils ne traittoient
iamais d’aucune affaire importante que par
leur Ministere. C’est vne chose tres-necessaire
au Prince, de ne iamais rien entreprendre de
considerable sans l’aduis des trois Estats, parce
qu’il en est bien plus fort, mieux seruy, plus appuyez
de leurs subjets, & plus redoutables aux
ennemis de son Empire. Iamais la diuision ne
se sçauroit mettre dans vne Monarchie, quand
les trois Estats disposent des affaires, attendu
qu’en disposant des affaires, ils disposent du
cœur des peuples.

Louys XI. voulant recommencer la guerre
contre le Duc de Bourgogne, fit tenir les trois
Estats à Tours, au mois de Mars & au mois

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d’Auril de l’année mil quatre cens soixante &
dix, où il y auoit plusieurs gens de Iustice, tant
du Parlement que d’ailleurs, & là il y fut conclu
que ledit Duc seroit adiourné à comparoir
au Parlement de Paris, ce qui fut fait par vn
Huissier en la ville de Gand, comme il alloit à
la Messe Voila qui nous apprend bien que les
trois Estats & les Parlemens ont droict de se
mesler des affaires du Prince : ce qui est conforme
par l’ancien vsage du Royaume, & par
la Politique des Romains, apud quos belium de
cernere non licuit, nisi Comitis populi centuriatis, id
est, maximis, parce que, si quis pacem, vel bellum
fecerit priuatim sine publico scito, capital esté.

 

En l’an mil cinq cens vingt-six, il fut fait vn
traité dans Madrid entre Charles Quint Empereur,
& François I. Roy de France, son prisonnier,
où il estoit porté que les ostages qu’on
laisseroit en Espagne, qui estoient les deux fils
aisnez du Roy, auec quantité des plus grands
Seigneurs du Royaume demeureroient aupres
de l’Empereur, iusques à ce que le Roy eut fait
approuuer & ratifier ce traité de paix qu’ils
auoient fait ensemble aux Estats generaux de
France. Ce qui nous le fait bien voir, aussi
bien que tout ce que nous auons desia dit que
les trois Estats ont droict de se mesler des affaires
du Prince, puis que le Prince luy mesme ne

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veut pas faire ceux où il y va de son honneur &
de sa liberté, & du salut de tout l’Estat, sans
qu’ils soient approuuez des trois Estats generaux
de son Royaume.

 

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