Anonyme [1652], L’HOMME EFFRONTÉ OV L’IMPVDENCE DE SON IMPVDENCE MAZARINE. , français, italienRéférence RIM : M0_1658. Cote locale : B_14_12.
Section précédent(e)

L’HOMME EFFRONTÉ
OV
L’IMPVDENCE
DE SON
IMPVDENCE
MAZARINE.

A PARIS,

DC. LII.

-- 2 --

-- 3 --

L’HOMME EFFRONTÉ
ou l’impudence de son impudence
Mazarinne.

Pvoter di Potta Signori, Fanfarons
(ie pensois dire François)
c’st sans raison que vous me taxez
de peu d’esprit, puis que i’en
ay eu assez pour vous couyonner
tous. Ceux d’entre vous qui auront
vn peu de iugement, verront bien que c’est
à tort que l’on me reproche d’en manquer,
ayant esté assez adroit pour vous manier à toutes
mains. De grace ne vous en faites plus à
croire, & ne vous targuez point d’vn Arrest
qui ne peut rendre vos Louys fixes ; car i’ay
trouué le secret d’vn Elixir, dont la vertu est tellement
attractiue que vos plus grands obstacles
ne pourront pas empescher son operation.
Vous sçauez aussi que pour conuaincre vne
personne d’ignorance, qu’il faut estre plus raffié
que luy. Cela seroit donc ridicule de m’en vouloir
taxer, puis que vous experimentez à vos

-- 4 --

despens, que i’ay pratique des choses que les plus
habilles, & les plus qualifiez d’entre vous n’eussent
iamais ose entreprendre.

 

Dessillez vous les yeux Messieurs les Rodomons
pacifiques, & vous defaites de l’opinion
que vous auez d’estre le superlatif des Nations ;
Autrement vous manifesterez vostre aueuglement
à tous les peuples de la Terre, qui connoistront
vostre peu de resolution à s’opposer aux
desseins d’vn fourbe Estranger, qui vous a ioüé
en toutes postures, & qui fait vanité que ses
souplesses ayent soumis vos puissances.

Auoüez donc, Messieurs les Braues, que i’ay
trouué l’Art de vous dominer absoluëment par
les charmes secrets d’vne Verge plus merueilleuse
que celle de l’Antiquité, qui ne fit jallir
que de l’eau claire, car la mienne a fait sourdre
vn Pactole, où ie me suis plongé sensuellement,
ayant remuë à mon gré les fondemens
de la France.

Certes, Messiers les Cameleons humanisez,
le titre de Courtois vous est bien deub, car vous
ne frappez point sans dire garre auparauant ;
c’est ce qui m’oblige de tympaniser en tous
lieux vostre franchise sans exemple, m’ayant
reïtere tant de fois les aduis salutaires, qui
m’ont inspiré mon salut, par vne retraicte nocturne ;

-- 5 --

si precipitée toutefois, qu’elle ne m’a
pas donné le temps de vous dire a Dieu ; Mais
pour n’en estre point ingrat, ie vous le dis à cette
heure, auec mille actions de graces. A dieu
donc, Messieurs les Courtois, qui m’auiez colloqué
souuerainement, Adieu galans hommes,
qui n’auez pas voulu consentir que i’abitasse
plus long temps vn clymast dont l’air commençoit
de m’estre funeste, & qui m’eust cause sans
doute quelques tragiques conuulsions. Ne
trouuez donc point estange, si pour m’en garentir,
ie me suis empare de vos plus nobles
pierreries, puis que leur vertu oculte peut fléchir
cette fatalité qui me voudroit faire escalader
le Ciel à reculons, pour rendre reelle, ce qui
n’a esté que figure en greue. Il me semble aussi
que la soustraction de ces brillantes merueilles,
vous doit estre indifferente, puis que leur esclat
estoit superflu pour en communique faux
Dames Françoises, qui possedent assez de charmes
naturels, sans auoir recours à l’artifice, n’y
emprunter aucun ornement Estranger.

 

Veritablement, Messieurs les [1 mot ill.] il
faut auoüer que vostre probité est bien considerable
de n’auoir point violé le droict d’Hospitalité
enuers & Empiriques, qui vous a tellement
purgez, que vostre maladie en est à l’extremité.

-- 6 --

Mais considerez aussi qu’il seroit inutile
à present d’en murmurer ; tellement que
vous deuez vous sousmettre aux loix du destin,
qui auoit determiné que vous seriez excroquez
par celuy que vous laisseriez grimper sur le
Throsne.

 

C’est icy Messieurs les Generaux, ou vous aurez
matiere d’exercer vostre courage, pour refrener
vos passions, & ou vous ferez voir vne
prudence incomparable, si vostre silence estouffe
les imprecations que la colere vous peut suggerer.

Faites esclater aussi vostre piece, en ne prophanant
point l’Autel, ou vous auez adressé
tant de vœux, & tant de soumissions d’Esclaues ;
Et de la sorte vous ne ternires point la candeur
de toutes vos actions innocentes, faisant
connoistre que vous pouuez dompter cette inconstance
qui vous est naturelle. Aussi, puisque
le Christianisme est si bien estably parmy vous,
moderés cette ardeur qui ne respire que vengeance,
& mettéz en pratique la vertu de patience
qui en est la baze, afin de meriter l’Empire
immortel, puis que vous ne sçaués pas conseruer
la vostre. Où bien si vous continués dans
le dessein du ressentiment, satisfaites vous à me

-- 7 --

coyonner de loing tant qu’il vous plaira, & ie
vous feray beau ieu, en vous tournant le derriere :
car ie suis accoustumé à l’estre de prés des
il y a long-temps. In tanto Cazzin cul alla Fortuna,
& anche al suo dispetio, & di tu[1 lettre ill.]ti li
Matti, li Becchi, li fottuti, mi chiamo Giulio
Mazarino, schernitore della brauezza Francesa.

 

Quo me Fata.

FIN.

-- 8 --

Section précédent(e)


Anonyme [1652], L’HOMME EFFRONTÉ OV L’IMPVDENCE DE SON IMPVDENCE MAZARINE. , français, italienRéférence RIM : M0_1658. Cote locale : B_14_12.