Anonyme [1652], L’HOMME D’ESTAT. FAISANT VOIR PAR l’Histoire & la raison que la Reine ne doit estre plus dans le Conseil. Où les Desinteressez verront clair pour iustifier, sans erreur les Armes de l’vn ou l’autre des deux partis qui diuisent aujourd’huy cet Estat. , françaisRéférence RIM : M0_1656. Cote locale : B_4_7.
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L’HOMME
D’ESTAT.

FAISANT VOIR PAR
l’Histoire & la raison que la Reine
ne doit estre plus dans le
Conseil.

Où les Desinteressez verront clair pour iustifier,
sans erreur les Armes de l’vn ou
l’autre des deux partis qui diuisent
aujourd’huy cet Estat.

M. DC. LII.

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L’HOMME
D’ESTAT.

IE m’en vay deduire vn discours, que les Sages
qui le liront sans passion, ne iugeront
point estre remply de plus de propositions
que de veritez : & ie ne fais point de doute
d’asseurer que, l’euidence que ie donneray à
toutes mes preuues sera sans replique ; si ceux
qui les examineront, ne s’aueuglent volontaire
ment, pour les choquer : ce n’est pas que i’espere
qu’elles puissent estre reçeues auec vne
approbation generalle de tout le monde, puis
que les factionnaires roidissent tousiours leur
passion contre l’euidence mesme de l’iniustice
de leur party : mais ie ne puis refuser cét hommage
que ie dois à la verité & à la Royauté,
& les poursuites de mes ennemys ; quelques
resolus qu’il soient de me perdre, ne m’empecheront

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pas de donner encor vn pretexte à leur
iniustice par l’exposition d’vne verité, qui ne
les choquera que parce qu’ils manqueront de
raisonnement pour la conduire.

 

Ceux qui ont leu l’Histoire de France, y peuuent
auoir appris qu’auant le regne de Charles
V. dit le Sage, nos Roys n’estoient iamais declarés
Majeurs qu’a l’aage de vingt & vn an ; &
que cette ancienne coustume traduite iusqu’a
lors de pere en fils depuis Pharamond, & reçeuë
generallement comme vne des principales
Loix fondamentales de cét Estat, fut inuiolablement
respectée, iusqu’a ce que Charles V.
pour empescher les abus & les vsurpations des
regents, que la longueur d’vne tutelle faisoit
ancrer trop profondement dans le pouuoir
absolu, iugea fort prudemment qu’il falloit
abreger la Minorité, & luy prescrire des bornes
à l’aage de quartorze ans.

La Declaration de ce Sage donnée pour ce
sujet, fut executée apres sa mort, en faueur
de Charles VI. son fils ; Mais auec cette reflection,
toutefois qu’il ne feront point valoir
son authorité que par le conseil des Ducs de Berry,
d’Anjou & de Bourgogne ses Oncles qui lui
furent nommez par le Roy son pere, afin de lui
seruir de Tuteurs en effet, iusqu’à l’âge prescrit

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par les loix pour émanciper les enfans : quoy
que neantmoins ils n’en pouuoient ny porter le
nom, ny exercer le pouuoir sans se rendre coupables
d’vn attentat manifeste à l’authorité souueraine.

 

Froissard & apres lui Paul Æmile, ont remarqué
que ce choix des trois oncles de Charles
VI. pour gouuerner son Conseil, ne fut fait par
ce sage Monarque, que parce qu’il iugea fort
sainement, qu’estans interessez à soustenir l’authorité
de leur Néveu par la proximité du sang,
qui leur faisoit esperer la succession du Trosne,
si toutefois il venoit à manquer de son costé ; il
estoit obligé de leur en commettre le soin plustost
qu’à tout autre. Et par ce que la Maiorité
prescrite par luy a 14. ans, n’estoit que l’effet d’vne
reflection Politique contre les vsurpations
des Tuteurs ; il crut qu’il n’en pouuoit appeller
d’autres moins proches à son conseil iusqu’à l’âge
de 21. an, qui auoit esté le terme des minorités
precedentes, sans leur partager du moins en aparence,
l’authorité de la Regence que les bons ne
laissoient point tomber entre les mains de ceux
qui n’y seroient point appellez & par leur naissance
& par leur capacité.

De ces veritez, qui ne peuuẽt estre contestees,
que par ceux qui sont ignorans dans l’histoire,

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les Politiques en concluẽt deux autres qui sont
comme les suites necessaires de leur euidence. La
premiere, que les Rois, quelques Maieurs qu’ils
ayent esté du depuis declarez à l’âge de 14. ans,
en suite de la Declaration de Charles V. n’ont
neantmoins point encor esté iugez auoir assez
de vigueur pour manier le timon de leur Monarchie
sans quelque secours emprunté, puis que
l’intention de ce Sage, lors qu’il donna cette declaration,
n’a iamais esté, que d’empescher que
les Regents ne fussent vn si long temps absolus,
en leur ostant vn pouuoir, qui passant en d’autres
mains sous la qualité de conseil, ne laissoit
pas d’auoir vne mesme force, quoy que sous la
dépendance d’vn Mineur veritable, & qui n’estoit
declaré Maieur que par raison d’Estat.

 

Outre que ce seroit estre aussi effrontement
que criminellement flateur, de dire contre les
sentimens des loix, concertees par les meilleurs
teste du monde, & receuës par les aprobations
& les coustumes generalles de tous les siecles ;
qu’vn enfant de quatorze ans commencez, fut
capable de porter le poids de toute vne Monarchie,
pendant neantmoins qu’il est deffendu par
les loix, de commettre la direction d’vne petite
famille à la conduite d’vn âge qui sera moindre
que de vingt ou vingt-vn an. Ne vous allarmez

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pas Messieurs les Mazarins qui pretextez si pompeusement
à tous vos desseins l’authorité Souueraine,
quoy qu’en effet vous n’ayez point de
moindres intentions que de la soustenir : Si ie
dis qu’vn Roy de quatorze ans n’a pas encor assez
de vigueur pour porter dignement son Sceptre
sans vn secours emprunté : ie le dis sans déroger
à son pouuoir absolu, que ie ne veux ny
ne puis lui nier, puis qu’il est declaré Maieur par
le consentement des loix.

 

La seconde verité que i’emprunte de la Declaration
de Charles V. sera plus surprenante, &
beaucoup encore plus infaillible Car ie soustiẽs
auec tous les Historiens & les censez, que ce sage
Monarque n’ayant prescrit l’âge de quatorze
ans pour estre le terme de la minorité des Rois,
qu’affin d’empescher les vsurpations des Regents,
que la longueur du temps faisoit insensiblement
empieter sur les droicts de l’authorité
Souueraine ; Sembla par mesme raison declarer
qu’ils seroient à mesme temps esloignees & de
la Regence & du Conseil, & qu’auec la Tutelle
des Rois mineurs ils quitteroient le maniement
de toutes les affairei d’Estat.

Cette reflection ne receura point aucune difficulté,
si ceux qui pourront y former quelque
doute, veulent prendre la peine de considerer

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que l’intention que Charles V. auoit d’empescher
les vsurpations des Regents en leur abregeant
le pouuoir, n’eut point eu d’effet, supposé
qu’ils eussent encore resté dans le Cõseil : parce
que les ieunes Maieurs ne se sentant pas assez
forts pour ne succomber point au pesant fardeau
des affaires d’Estat, n’eussent seulement
pas esté bien aisez, mais encor eussent esté contraints
de s’en delasser sur les espaules de leur
Conseil, lequel se trouuant remply des mesmes
personnes qui auroit gouuerné leur enfance, eut
par consequent esté en possession d’vn semblable
pouuoir, quoy qu’il ne l’eut point exercé
sous vn mesme titre.

 

Tellement que pour faire valoir la Declaratiõ
de Charles V. dãs toute son estenduë, c’est à dire
pour empescher les vsurpations des Regents en
leur ostant les Tutelles des Mineurs ; il faudroit
par mesme raisõ les éloigner du Conseil de leur
majorité ; Et c’est par ce moyen qu’on pourroit
facillement reformer les abus de leur Regence ;
au lieu qu’en leur continuant la mesme authorité
sous le titre de Conseillers, ils peuuent d’autant
plus aisément pousser les progrez de leurs
premiers vsurpations, que plus ils ont de pretexte
pour se cacher en se couurant de l’indépendance
des Majeurs.

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Si quelqu’vn s’effare de ces veritez, qu’il s’en
prene ou à la fidelité de nos historiens, ou bien
aux manes de nos plus grands Roys ; Ie m’y mets,
ny n’y adiouste rien du mien ; & c’est en cela
que ie croirois auoir donné subiet à mes ennemys
de ne poursuire auec leur animosité ordinaire,
si i’auois en rien corrompu la pureté de
l’histoire pour la prostituer à n’a passion, en faueur
du party, dont i’ay espousé la querelle auec
tant de iustice.

Il est vray que ie pretends me seruir des grãds
aduantages que ces verités me donnent ; pour
monstrer que le procedé de M. le Prince, n’est
animé que du seul dessein de faire valoir les volontez
des Roys predecesseurs de sa Majesté : &
de luy conseruer toute l’authorité que ses ancestres
luy ont transmis auec tant de gloire, sans
permettre qu’elle puisse estre aucunement alterée
par ses vsurpateurs.

Lors que le Roy fut declaré Majeur le 6. de
Septembre, sur le commencement de sa quatorziesme année ;
toute le monde voit bien qu’il
ne fut émancipé à cét âge, que par le droit de
cét ancienne façon de faire passé en coustume
depuis la declaration de Charles V. & que c’est
en suitte de ce pouuoir appuyé de l’authorité

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de tous les Roys qui ont regné depuis ce Sage,
que les renes de la Monarchie ont esté ostees
d’entre les mains de sa Regente pour estre abandonnee
a sa conduitte independemmant
de toute sorte de Tuteur. De sorte qu’on à
raison de dire sans danger d’aucune contradiction,
que n’ayant eu le droit d’estre émancipé
à cét âge de quatorze ans, qu’en suite du
pouuoir qu’il en a receu de la declaration de
Charles V. & de la coustume pratiquee de tout
temps depuis cette mesme declaration, il n’a
deu par consequent tomber entre les mains qui
l’auoient regenté, pour estre gouuerné par leur
Conseil ; puis que la premier intention de cette
declaration de Charles V. n’estoit autre, que
de rompre le cours a l’authorité des Regents ce
qui ne se pouuant faire, qu’en émancipant
leurs pupilles, il failloit donc se resoudre d’abreger
le temps de leurs Minoritez : Tellement
qu’on doit conclure par vne consequence necessaire,
en faueur du dessein de Charles V. que
cette declaration de la Majorité des Roys à
l’âge de quarorze ans, n’est qu’vn pur moyen
pour arriuer à la fin, c’est à dite pour congedier
les Regents de l’exercice de leur authorité, &
les mettre en estat de ne pouuoir point esleuer

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vn collosse de puissance qui puisse faire ombre
à celle du Roy.

 

Tout ce raisonnement, quoy qu’en puissent
dire les Mazarins, ne reçoit point de replique ;
le mesme droit, qui fait declarer les Roys, Majeurs
à 14. ans, esloigne les tuteurs de l’exercice
de leur authorité ; & ne permet pas qu’ils la retienne
mesme sous vne autre qualité, parce
que le changemẽt de titre ne suffiroit pas pour
empescher les vsurpations ; & parce qu’ils auroient
autant de moyen de s’agrandir en presidant
en leur Conseil sous vne qualité dépendante,
qu’en y commandant en Tuteurs.

Mais pour mettre ce raisonnement dans vn
si beau iour, que les opiniastres mesmes soient
contraints de le voir malgré l’aueuglement de
leur passion ; ie m’en vay le rendre visible par le
moyen de l’experience, laquelle estant infaillible
dans tout ce qu’elle tesmoigne, reduira mes
Aduersaires à vne impuissance formelle de me
pouuoir cõtredire sans luy donner le démentir.

Quand Louys XIII. de glorieuse memoire
fut declaré Majeur, la France deuoit probablement
entrer dans vne tranquillité, qui d’eut recompenser
les grãdes trauerses, dont elle auoit
esté constamment desolée pendant l’enfance

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Royalle de ce iuste : Et sans doute les belles esperances
qu’on en auoit conçeües, n’eussent
point esté frustree par les euenemens contraires
si les declarations Royalles qui dõnent pouuoir
aux pupilles d’estre declarez Majeurs à l’âge
de 14 ans, eussent esté religieusement obseruées,
c’est à dire si ceux qui auoient regenté la
Minorité de ce ieune Monarque fussent sortis
d’vn mesme pas & de la Regẽce & du Conseil,
pour n’y permettre l’ẽtrée qu’à ceux que la capacité
& la naissance y appelloient, comme nos
ancestres ont veu dans les personnes illustres
des Dues de Berry, d’Anjou & de Bourgogne,
qui furent nommez par Charles V. pour conduire
la ieune Majorité de Charles VI. leur
Nepveu iusques à l’âge de vingt-vn an. Mais
comme Marie de Medicis se conserua le pouuoir
dans le mesme authorisé qu’elle l’auoit exercé
pendant la Regence, sans le communiquer
à ceux qui les deuoit du moins partager
auec elle par les droits de la proximité du sang,
le repos de l’Estat fut constamment trauersé
iusqu’à ce que la mort du Marquis d’Ancre genereusement
resoluë par le ieune Majeur, fit chãger
de face aux affaires & renoüa le nœud des
grandes diuisions qui auoit partagé cette Monarchie.

 

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N’allons pas si auãt pour prouuer vne verité,
que le succez de la derniere Regence, & le cõmencement
de la Majorité ne nous rendẽt que
trop sensible. Et pour donner vn peu plus de
poids à toutes les reflections que nous estallerons
sur ce sujet, faisons les sortir de la bouche
de Charles V en interrogeant ses illustres Manes
touchant les resources qu’il falloit trouuer,
pour faire accorter la naissance des troubles,
qui sembloient menacer le repos de cét Estat,
en suite des grands orages de la minorité. Mais
qu’est il de besoin de troubler le repos de ses
cendres ? Son exemple & sa Declaration ne
nous instruisoient elles pas assez de tout ce
qu’il falloit faire, pour aller au deuant de toute
sorte de trouble ? Et lors qu’il nous tesmoigne
par sa Declaration, qu’il n’abrege la minorité
des Rois à autre dessein, que pour empescher
les vsurpations des Regents, ne parle t’il pas
assez clairement pour faire cõnoistre qu’il pretẽd
que les mesmes Regents ne soiẽt pas moins
esloignees de la Tutelle que du Conseil des
Rois : Comme quand il choisit les Ducs de Berry,
d’Anjou & de Bourgogne, pour en composer
tout le Conseil de Charles VI son fils & leur
Nepveu ? Ne monstre-t’il pas par cét exemple,

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qu’il en falloit faire de mesme, des plus proches
de nostre Dieu donné, & que le pouuoir
que la Reine auoit eu en qualité de Regente,
deuoit passer dans les mains de son A R. & de
Messieurs les Princes du Sang sous la qualité
de Conseil, pour acheuer ce grand ouurage de
son education Royalle, qui ne doit proprement
auoir son dernier terme qu’à l’aage de
vingt vn an.

 

Mais ces Messieurs qui sont encore mieux
connus sous le nom de proscrit, & qui se sont
tousiours efforcez de surprendre la bonté de
la Reine, par les faux artifices d’vne necessité
pretenduë, qu’ils lui ont fait conceuoir dans le
restablissement de Mazarin ; n’ont pas esté d’auis
que la declaration de Charles V. valut dans
toute son estenduë, c’est à dire que S. A. R. &
Messieurs les Princes du Sang, eussent la place
qui leur estoit destinee par leur capacité & par
leur naissance dans le Conseil du Roy. Et pour
cét effet ils lui ont conseillé malgré toutes les
loix de l’Estat, de retenir l’authorité qu’elle
auoit en qualité de Regẽte, sous le titre de chef
du Conseil ; sur l’asseurance qu’ils ont eu que la
simplicité de son sexe, donneroit infailliblement
plus de prise à leurs artifices, pour faciliter

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le retour de celui, qu’ils considerent cõme
le seul appuy de leurs fortunes particulieres, &
qu’ils seroient en estat d’oster plus facilement
les obstacles de ce pernicieux dessein.

 

Au lieu que si S. A. R. eut esté, cõme il lui appartenoit,
chef du cõseil de sa Maiesté ; & si les
Princes du Sãg y eussent eu le credit, que la Iustice,
leurs merites, leur capacité & leur naissance,
leur promettoiẽt ; il ne faut point douter
que les Mazarins n’eussent eu qu’à chercher fortune
de quelque autre costé, parce qu’on n’eut
pas manqué d’instruire sa Maiesté de la verité
de tout ce qui s’est passé pendant le Ministere
de leur Maistre, pour en faire aussi bien l’objet
de son indignatiõ, que celui de toutes les auersions
publiques : & par mesme moyen nous
eussions veu le retour de cette heureuse tranquillité,
que nous ne sçauriõs à present esperer
de plusieurs annees, si quelque Prouidence
plus particuliere ny met la main, pour nous
mettre dans la iouyssance de ces beaux iours.

Et qu’ainsi ne soit : ne sçauions nous pas par
l’experience de ce qui s’est passé depuis 4. ou 5.
mois, que la principale cause des grandes diuisions
de cét Estat n’est autre, que l’iniustice
qu’on a fait à S. A. R. & aux Princes du Sang, de

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les auoir frustrez de la participation que leur
naissance leur faisoit pretendre auec trop de
droit dans l’establissement du Conseil de sa
Maiesté. N’est-ce pas ce motif qui a ietté le
schisme dans la maison Royale & qui a partagé
ceux qui deuoit faire raisonner auec agreémẽt
dans l’Estat l’harmonie d’vne heureuse paix
par le concert de leur intelligence ?

 

Les loix & les coustumes de l’Estat appelloiẽt
son A R. à l’honneur d’estre chefs du Conseil
de sa M. & les mesmes deffendoient expressement
que la porte n’en fut ouuerte, qu’à ceux
qui pourroiẽt y entrer auec le suffrage de Messieurs
les Princes du Sang : les a t’on religieusement
obseruees ? helas tant s’en faut qu’on ait
reueré leur sainteté, que celuy mesme qui deuoient
estre le chef du Conseil, ny a seulement
pas esté apellé ; & les autres dõt la participation
estoit necessaire pour son establissement n’en
ont iamais eu le vent, que lors qu’ils se sont
veus reduits à l’impuissance de s’y pouuoir
oposer auec succez par les voyes de la douceur
C’est aussi cette seule raison qui leur a fait pressentir,
que le dessein de la Regente n’estoit autre,
que de pousser son autorité par les mesmes
voyes qu’elle auoit tenu pour en ietter les

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voyes qu’elle auoit tenu pour en ietter les premieres
fondements, c’est à dire par le restabissement
de celuy que toutes les loix auoient chassé
de l’Estat : & comme il ont iugé que cette continuation
d’vne mesme authorité, estoit contradictoiremẽt
opposée à la principale fin de la
declaration qui dõne pouuoir aux Roys pupilles
d’estre émancipés à quatorze ans ; que par consequent
il estoit à craindre, que les succés qui
en reussiroient ne fussent trop pernicieux à cette
Monarchie, au bien de la quelle ils sont obligez
de veiller par la proximité du sang ; ils on
cru que la iustice exigent du moins de le deuoir
qu’ils formassent quelque opposition au dereglement
de cette nouuelle conduite, à la quelle
ils ne pouuoient se soûmetre, à moins que d’en
estre du moins aparemment complices ; & que
pour cet effet ils fissent éclater vn mescontentement
qui peut establir les affaires en quelque
meilleure posture.

 

Ne faut il pas estre furieusement passionné
pour trouuer à redire dans cette conduite de
Messieurs les Princes, que les plus rigoureux
censeurs ne blasmeront iamais, s’ils veulent entretenir
les loix fondamentales de l’Estat dans
leur ancienne pureté, c’est à dire s’ils veulent
que l’Estat subsiste par les mesmes moyens, par

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lesquels il s’est rendu redoutable à toute l’Europe.
Et n’est il pas aisé à conclure, en suite de ce
que nous auons veu du depuis, que les malheurs
dont nous auons & serons encor probablemẽt
trauersez n’eussent point inondé dans l’Estat,
auec cét horrible deluge de calamitez, que nos
larmes ont desia commencé d’enfler ; si, comme
on a fort iustement respecté la declaration de
Charles V. en declarant le Roy majeur à quatorze
ans, ont eut pareillement respecté les intentions
qui l’auoient esmeu à la donner, & qui ne
tendoient qu’à ruiner les desseins ambitieux des
Regents, en les esloignant à mesme temps &
de la Tutelle & du Conseil.

 

Si la iustice eut eu assez de force pour placer
M. le Duc d’Orleans dans le rang que son merite
& sa naissance luy faisoit pretendre dans le
Conseil ; il eut pourueu au mescontentement de
M. le Prince, comme il auoit desia commencé si
ses sentimẽs n’eussent esté mesprisés. Ils eut mis
le bannissement du C Mazarin dans vne telle
euidence, qu’il n’eut pas seulement assez d’apparence,
pour le pouuoir pretexter auec aucune
probabilité, & par ce seul coup d’Estat, dont
toute l’Europe estoit en attente, il eut desarmé
Messieurs les Princes, il eut reüny la Maison
Royalle, il eut remis la Iustice en estat de pouuoir

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faire toutes ses fonctions auec son authorité
ordinaire, & ce que nous deuons tous souhaiter
auec passion, il eut osté le pretexte generale
qui sert de fausse couleur à tous les desreglements
publics, & qui mesme a tellement alteré
le deuoir des peuples enuers leur souuerain, que
la plus part mesme se sont imaginez que leur
ioug n’estoit plus veritable, parce qu’il leur sembloit
imposé par cét Estranger.

 

Mais tous les desordres contraires a ces belles
esperances, ont esté les funestes suites de
cette iniustice d’Estat : & le sang de tant de Noblesse
que M. le Prince a taillé depuis peu dans
sa derniere bataille, n’a fourny que pour faire
voir que le ciel s’interessoit à la vengeance de
l’iniustice qu’õ luy à fait, de ne l’auoir point appellé
a l’establissement d’vn Conseil qu’on ne
pouuoit composer sans sa participation. Ainsi
puis qu’il n’est point d’autre source de nos desordres,
que cette continuation du pouuoir que la
regente s’est conserué contre les intentions de
la declaration de Charles V. il ne faut point se
mettre en peine de chercher d’autre resource à
nos desordres, que celle dont les moindres Politiques
peuuent s’auiser, qui est oster la cause
pour oster & perdre entierement son effet.

FIN.

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